Pourquoi j’aime #42 : Dead Mount Death Play
En ce mois d’octobre, je me suis dit que j’allais vous proposer un nouveau numéro spécial de “Pourquoi j’aime” dédié à une œuvre qui me tient à cœur et qui est parfaite pour cette période. Il s’agit tout bonnement de Dead Mount Death Play, série de chez Ki-oon. Ce titre n’est pas forcément le plus connu même s’il a eu le droit à une adaptation anime. Pourtant, ce manga a énormément de qualités à faire valoir et il est grand temps de vous en parler. Il faut dire que nous sommes face à l’un, selon moi, des meilleurs représentants du genre du reverse isekai. Un type de récit qui a beaucoup à offrir et qui est finalement assez peu présent dans le paysage manga. C’est pourquoi je trouvais très intéressant de prendre le temps de vous en parler, car en plus d’être original, ce récit a aussi énormément de choses qui sortent de l’ordinaire même parmi ses pairs. Une série qui nous amène en compagnie d’un nécromancien redoutable qui se retrouve, du jour au lendemain, dans un monde qui pourrait totalement être le nôtre. Je vous invite donc à faire la connaissance d’un être qui va faire beaucoup de vagues malgré lui.
Concept original
Dead Mount Death Play se distingue par son approche rafraîchissante du genre isekai, en inversant les tropes classiques. Au lieu d’un héros lambda transporté dans un monde fantastique, c’est un nécromancien tout-puissant, le Maître des corps, qui est invoqué dans notre monde moderne, et plus précisément dans un Tokyo contemporain, via une réincarnation accidentelle dans le corps d’un adolescent assassiné, Polka Shinoyama. Ce twist transforme l’histoire en une exploration d’un anti-héros cherchant désespérément la paix après des siècles de batailles, tout en étant traqué par des forces surnaturelles et mafieuses. Le mélange de magie médiévale (nécromancie, invocations) avec des éléments urbains réalistes – gangs, police, technologie – crée un univers hybride captivant et imprévisible. Narita, connu pour Baccano!, excelle à subvertir les attentes, rendant chaque chapitre une surprise narrative. Cette originalité évite les clichés habituels du genre ou de tomber dans la surpuissance gratuite, en focalisant sur les conséquences psychologiques de la réincarnation. Le rythme alterne entre introspection calme et explosions chaotiques, maintenant l’intérêt sans lassitude. Les thèmes de l’identité et de l’adaptation culturelle ajoutent de la profondeur, questionnant ce que signifie « vivre » dans un corps étranger. Globalement, ce concept audacieux fait de l’œuvre un ovni pour les fans d’isekai qui affiche un envoûtement indéniable. Et je trouve que ce principe d’inverser les rôles en la matière est déjà une excellente idée pour surprendre, mais l’auteur ne se contente pas de ça. En insufflant de la fantasy à un univers contemporain, il parvient à créer une alchimie inédite donnant lieu à un lore unique et fascinant.
Personnages complexes et mémorables
Les personnages sont l’un des atouts majeurs de Dead Mount Death Play, avec une galerie variée et nuancée qui transcende les archétypes. Le Maître des corps, principal protagoniste, est un nécromancien ancien et sage, mais maladroit dans le monde moderne, ce qui génère un humour subtil et des dilemmes moraux profonds. Polka, l’hôte réincarné, apporte une couche de mystère via son passé trouble lié à une famille mafieuse. Misaki, l’assassin zombifiée, est une anti-héroïne charismatique, loyale mais instable, tandis que des figures comme Lemmings ou les inspecteurs apparaissant ensuite ajoutent du piquant avec leurs excentricités. Narita brille par sa capacité à créer des ensembles interconnectés, où chaque individu a un arc personnel influençant l’intrigue globale, comme dans Durarara!!. Les dialogues vifs et philosophiques sur la vie, la mort et l’éthique de la magie rendent les interactions vivantes et engageantes. Pas de personnages plats ici : même les antagonistes, peu importe leur groupe, ont des motivations grises, évitant le manichéisme. Cette richesse humaine permet une identification forte, rendant l’histoire addictive au-delà de l’action. Ce qui fait aussi que chaque personnage arrive à se démarquer des autres à tel point qu’ils font partie intégrante du tableau. A chaque nouveau tome, on ne se demande pas seulement ce que notre nécromancien va faire. On a aussi envie de savoir comment tout ce beau monde va réagir par rapport aux événements. Ainsi, nous ne suivons pas ce récit pour un ou deux personnages, mais pour toute cette galerie absolument grandiose. Des personnalités rares qui font aussi tout le sel de cette histoire et où chacun peut amener sa pierre à l’édifice. Et c’est une grande force du manga que de réussir à faire que chaque figure du récit puisse autant briller dans un casting déjà très riche.
Une intrigue aux mille visages
L’intrigue de Dead Mount Death Play est un tourbillon de mystères et de rebondissements, mêlant enquête policière, combats surnaturels et drames familiaux. Partant d’une réincarnation ratée, l’histoire suit le Maître des corps naviguant dans les bas-fonds de Shinjuku, traqué par des assassins et des cultes interdimensionnels, tout en cherchant à comprendre ce qui se cache derrière l’assassinat de Polka. Narita structure le récit en arcs interconnectés, avec des cliffhangers maîtrisés qui relancent constamment l’intérêt, comme la révélation progressive des liens entre mondes. Le rythme est impeccable : moments de calme introspectif contrastent avec des séquences d’action frénétique, où la nécromancie se déploie de manière inventive. Sans temps mort, l’intrigue avance via des mystères imbriqués – qui veut vraiment la mort de Polka ? Quel est l’objectif de certaines organisations ? – créant une tension palpable. Les éléments de thriller urbain, inspirés des œuvres de Narita, ajoutent une couche de réalisme plus que bienvenu. Malgré une densité parfois élevée, le tout reste cohérent, récompensant les lecteurs attentifs. Cette dynamique narrative fait que l’on ne s’ennuie jamais et surtout que l’on conserve ce sentiment d’avoir quelque chose devant nous que l’on a rarement vu ailleurs. On sent à quel point le mangaka s’éclate à créer une histoire sortant des sentiers battus et qui mêle habilement fantastique et univers contemporain. Et même après 13 tomes, on a encore tellement de questions en suspens. Car à chaque fois que l’on obtient une réponse, deux interrogations font leur apparition. Et c’est juste grisant de suivre ce fil rouge où s’entremêlent tellement de nœuds et de fibres différentes.
L’utilisation de la nécromancie
La nécromancie dans Dead Mount Death Play est une force majeure, particulièrement quand elle est utilisée avec nuance et originalité. Contrairement aux magies génériques, ici la nécromancie n’est pas intrinsèquement maléfique : le Maître des corps invoque des âmes consentantes, les aidant à trouver la paix, via des rituels complexes impliquant des contrats éthiques. Ce cadre philosophique explore les zones grises du pouvoir, questionnant la moralité de ce pouvoir tout en venant bousculer les codes que l’on a l’habitude de voir concernant ce type de magie. Les sorts sont visuellement spectaculaires, avec des invocations de zombies intelligents ou de monstres hybrides, intégrés logiquement au monde moderne. L’auteur illustre ces mécaniques avec précision, rendant les batailles stratégiques plutôt que purement physiques. L’équilibre entre magie de « l’autre monde » et technologie terrestre crée des confrontations uniques, comme des duels entre notre protagoniste et des tireurs d’élite. Cette cohérence interne évite que l’on se sente exclu du récit et permet à la diégèse de ne jamais faillir à ce qu’elle met en place, enrichissant l’univers sans alourdir l’intrigue. Pour les fans de world-building, c’est un régal : chaque sort a un coût, un backstory, renforçant l’immersion et la tension dramatique. Et de même, je trouve que l’utilisation de tels sorts ne se limite pas uniquement au domaine du combat. Au contraire, elle va s’insinuer dans chaque facette de ce récit pour amener justement cette touche personnelle propre à notre protagoniste. Et c’est génial de voir à quel point le mangaka fait preuve d’une créativité incroyable pour que tout ça ne se limite pas à ce que l’on peut voir ailleurs. Il y a un vrai travail de réflexion pour amener d’autres sujets autour de cette faculté à contrôler et réveiller les morts. Par exemple, cela trouve parfaitement sa place dans tout ce qui touche au côté enquête du manga, car notre nécromancien peut mener ses propres investigations pendant que les forces de l’ordre piétinent.
Un trait à réveiller les morts
Les dessins de Shinta Fujimoto sont un pilier du manga, alliant dynamisme et détail pour sublimer l’action et l’ambiance. Influencé par son travail sur Baccano!, Fujimoto excelle dans les planches fluides, où les combats nécromantiques explosent en doubles pages épiques, avec des effets de lumière et d’ombres rendant la magie tangible. Les décors de Tokyo moderne – ruelles sombres, gratte-ciels – contrastent brillamment avec les éléments fantastiques, créant une atmosphère aussi sombre qu’envoûtante tout en étant immersive. Les expressions faciales capturent la dualité des personnages : le calme stoïque du Maître des corps masquant son chaos intérieur. Ce style graphique mature, gère bien la violence sans jamais tomber dans l’excès, et les designs excentriques de certaines personnages ajoutent du charisme visuel à l’ensemble du manga. Fujimoto équilibre détail et lisibilité, offrant à chaque chapitre un plaisir esthétique, et contribuant à l’immersion du lecteur. C’est un dessin qui sert l’histoire sans la dominer, mais qui élève l’ensemble un peu plus haut à chaque page que l’on découvre. Je me souviens encore très bien à quel point j’ai été surpris par la qualité graphique de ce récit la première fois que je me suis plongé dans ce titre. Un style qui colle parfaitement à ce qui est raconté et qui permet d’apprécier pleinement tout ce qui se passe, que ce soient les moments d’accalmie où les phases d’affrontements beaucoup plus intenses. Tout ça donne aussi une grande lisibilité à l’ensemble de l’histoire, car même si on fait face à des tomes conséquents, on enchaîne sans aucun problème les pages. Une œuvre qui regorge de qualités et qui a su tirer son épingle du jeu pour créer une aventure qui se joue de tous les tropes connus. On remarque encore une fois à quel point le scénariste aime donner vie à des intrigues qui vont surprendre et surtout bousculer les habitudes des lecteurs. Un énorme coup de cœur pour cet univers au potentiel grandiose.