Odr T1
Il est assez rare, malheureusement pour moi, que je me lance dans la découverte de mangas créés en dehors du Japon. Pourtant, il y a d’excellentes surprises en la matière que ce soit en France ou en Europe tout bonnement. C’est un manque que je tente de combler progressivement et c’est pour ça qu’à l’annonce de Odr, j’étais très curieux de voir ce que donnerait cette histoire qui nous plonge dans un récit où mythologie nordique, drame et action se mélangent. Disponible chez Kana, cette nouvelle série, imaginée par deux artistes français, avait de quoi retenir mon attention par son pitch de départ et son style graphique. Je n’ai donc pas hésité à me plonger dans cette nouvelle aventure où le froid mordant nous frappe d’entrée de jeu. Et je dois dire que j’ai été agréablement surpris par ce que j’ai pu suivre au sein de ces pages et surtout le dessin de ce fameux géant dont le cœur est profondément meurtri. Une œuvre qui se présente comme étant à la croisée des chemins de plusieurs styles et qui peut donner lieu à une belle petite aventure en deux tomes. Préparez-vous à plonger avec moi dans ce monde gelé où la loi du plus fort règne.
Un mythe bien réel

Synopsis
Au 9e siècle après Jésus-Christ, dans les terres froides et reculées du nord de la Germanie, un illustre guerrier scandinave s’est retiré loin des conquêtes et des batailles sanglantes.
Mais un drame impliquant une jeune fille du village voisin va le sortir de sa retraite, et réveiller ses fantômes. La quiétude de la forêt va alors laisser place au bruit et à la fureur.
Mangaka : Maxime Truc & Locass
Ce qui est très intéressant avec le résumé de Odr est qu’il nous place facilement le contexte dans lequel on va évoluer. Un récit qui se joue dans une période historique particulièrement brutale et où nos deux artistes vont insuffler nombre d’éléments propres à la culture scandinave, nordique et certaines légendes. Tout ça va être agrémenté d’un trait donnant parfaitement le ton de cette histoire où l’espoir n’existe pas et où le sang et les larmes coulent à flots. On va alors découvrir le quotidien d’un village où, à tout instant, le destin des habitants peut s’arrêter précipitamment.
Le géant des neiges
En premier lieu, la chose qui m’a frappé en lisant ce premier volume de Odr est le style graphique. Un type de dessin qui m’a vraiment scotché et qui colle parfaitement à la rudesse de cette époque proposée et de ce froid hivernal qui frappe nos protagonistes. Tout au long de cette lecture, on voit à quel point le visuel a une place importante dans la narration, car sans même le moindre mot, on reste sans voix devant cet homme imposant qui vit reclu dans les bois. Pareil pour tout ce qui touche au village où l’on va enchaîner les scènes mettant en scène cette demoiselle qui va être constamment humiliée, désignée comme coupable et la source de tous les maux. Et c’est quelque chose que je tiens aussi à souligner. Ce titre ne prend clairement pas de pincettes avec nous, que ce soit dans la brutalité des affrontements proposés que dans certaines scènes effroyables. Sans jamais trop partir dans l’explicite, ce manga en montre suffisamment pour que l’on soit conscient des horreurs qui se passent et surtout de l’inaction de certains même quand il s’agit de leur propre chair. Voilà aussi un élément que je tiens à mettre à l’honneur concernant cette œuvre. Notre duo d’artistes réussit parfaitement à représenter la noirceur qui repose en chacun surtout dans une époque aussi incertaine.
Entre les seigneurs de guerre qui s’autorisent à réquisitionner les ressources de tout un village en ayant que faire du destin des habitants, ces derniers qui n’hésitent pas à pointer du doigt un bouc émissaire plutôt que de faire front en étant guidés avant tout par la peur, et les soldats qui ne pensent qu’à satisfaire leurs pulsions les plus sauvages. C’est un tableau bien sombre qui nous est dépeint et cela rend d’autant plus efficace le traitement qui va être apporté aux deux principaux protagonistes du récit. En effet, on commence d’abord à entrevoir ce récit à travers les yeux de cette jeune fille qui ne peut parler et qui est considérée comme source de problème par bon nombre de gens du village y compris sa propre mère. Et pourtant, elle pose un regard tout de même bienveillant sur ce qui l’entoure et symbolise surtout l’envie d’aller plus loin et de ne pas s’arrêter à seulement des aprioris et autres rumeurs. Au contraire, elle se montre curieuse et va même aller au contact de ce géant dont la simple ombre suffit à terrifier tous ceux qui l’ont croisée de loin. Elle symbolise l’acceptation de l’autre et l’envie de se battre pour ses convictions là où tout le monde préfère ne pas faire de vagues et subir en silence. Pour ce qui est de notre autre protagoniste, ce n’est vraiment que dans la seconde partie du récit qu’on en apprend plus sur lui. On le dépeint comme une montagne de muscles et presque comme un être légendaire dont il ne vaut mieux pas croiser sa route. Mais quand on prend le temps de voir ce qu’il y a derrière cette apparence, on voit surtout un homme épuisé, détruit et vivant avec les fantômes de son passé qui trouve possiblement un réconfort dans sa rencontre avec cette demoiselle. Et l’utilisation de ce qui touche à la mythologie nordique est bien pensée afin de donner un aspect tragédie qui nous vise en plein cœur et surtout l’envie de voir ces deux êtres détruits par la vie trouver un peu de paix. Alors que le monde se veut sombre, angoissant et sanglant, ces deux personnages ont potentiellement une chance d’apporter un peu de joie dans la vie l’un de l’autre.
Odr est une œuvre que j’ai trouvé à la fois brutale, poétique et déchirante rien que dans ce premier volume. On ressent pleinement la détresse des divers personnages que l’on rencontre. Et cela ne concerne pas uniquement notre armoire à glace. Même les villageois sont montrés comme prisonniers de leur statut où ils doivent s’agenouiller devant les puissants sans rien dire sous peine de mourir. On ressent toute la détresse de nos protagonistes, chacun pour des raisons différentes, et surtout à quel point une main tendue dans ce blizzard peut être la lueur d’espoir que certains attendent.
Odr allume un brasier
Comme je l’ai dit un peu plus haut, Odr est à la croisée des chemins entre la bande dessinée européenne dans son style graphique et une narration efficace propre au manga. Et même si on sait que la série ne fera que deux volumes, on a le droit ici à une introduction particulièrement riche et dense. Cela permet de poser efficacement les bases du récit et surtout de comprendre que l’on va surtout se focaliser sur une sorte de rédemption de la part de notre géant passant par le regard qu’il porte sur cette demoiselle. Et ce qui est vraiment fort, c’est que dans un contexte où chacun cherche à rejeter la faute sur les autres, à s’attaquer aux plus faibles ou bien à survivre coûte que coûte, on nous montre possiblement une lueur d’espoir reposant entre les mains de ces deux personnages. On a envie de croire en ce qui pourrait bien être un baroud d’honneur pour cet ancien guerrier qui risque de trouver un nouveau sens à sa vie. Tout cela est couplé à un trait magnifique et surtout une écriture teintée d’une profonde tristesse qui nous touche en plein cœur. On ne peut s’empêcher d’avoir de l’empathie pour nos protagonistes tout en ayant une profonde colère pour ceux qui pointent du doigt les autres sans se regarder une seule fois dans le miroir. Un récit profondément humain et qui utilise avec brio tous ses éléments tirés de la mythologie nordique pour souligner surtout la détresse d’un guerrier solitaire qui ne cherche qu’à en finir pour enfin être libéré de ses tourments.
Ce n’est pas parce qu’une œuvre est pensée directement en deux tomes que celle-ci s’annonce bâclée ou bien peu développée. Au contraire, cela peut créer une histoire intense, efficace et qui sait très bien où elle va dès le départ. C’est exactement ce que l’on peut ressentir à travers ce premier volume de Odr. Une très belle découverte qui peut devenir un joli coup de cœur par rapport à comment la suite viendra conclure cette histoire. Je me suis surpris à être totalement immergé dans ce climat glacial au sein de ce village où le malheur va frapper à plusieurs reprises. On a alors juste envie de voir les quelques personnages qui sortent du lot réussir à trouver une paix qui ne semble pas possible sans se battre. Si vous aimez les courtes épopées mêlant action, drame et réflexion sur l’être humain alors vous serez sûrement convaincu par cette nouvelle histoire. Je suis suffisamment curieux pour avoir plusieurs questions concernant le prochain tome. Est-ce que nos deux protagonistes vont continuer à se rapprocher ? Peuvent-ils espérer trouver un peu de bonheur dans cette vie si rude ? Vont-ils connaître un destin funeste au vu de ce qui se profile au loin ? Notre géant va-t-il entièrement se dédier à la protection de cette demoiselle ? Va-t-on en apprendre plus sur ce qui a bien pu se dérouler dans son passé ? Je serai au rendez-vous pour découvrir la conclusion de leurs aventures.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Odr. Trouvez-vous que le titre peut donner une épopée sympathique en deux volumes ? Avez-vous ressenti de l’empathie pour nos deux personnages ? Pensez-vous que l’on aura le droit à une fin heureuse pour nos protagonistes ou bien finiront-ils par être emportés par ce tourbillon de haine et de sang ? Trouvez-vous que nos deux principaux personnages ont une écriture intéressante à travers ce lien qui semble se tisser entre eux ? Qu’attendez-vous pour la conclusion de cette série ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

