Starving Anonymous tome 1 : fuir ou être dévoré
Après quelques jours de vacances, on est revenu avec tout un tas de nouvelles lectures à vous partager. Parmi ces nombreux titres se cachait un manga qui nous a particulièrement marqués. Il s’agit de Starving Anonymous, édité chez Pika, dont le premier tome est sorti il y a peu. On tient à prévenir tout de suite, cette oeuvre n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Une lecture horrifique et sanglante qui est avant tout réservé à un public averti. Même en connaissant le synopsis de base, on n’était pas du tout préparé à ce qui allait suivre. Cependant, l’effroi qui nous assaille à chaque page fait partie intégrante de l’identité de ce seinen qui parvient à nous faire éprouver un certain malaise tout en attisant notre curiosité. C’est une virée dans un enfer sans nom que l’on va vous partager aujourd’hui. On espère donc que vous êtes prêts, car la prudence est de mise dans ce récit où chaque pas peut être le dernier.
Le début du cauchemar
Starving Anonymous, scénarisé par Yuu Kuraishi et dessiné par Kazu Inabe, nous propulse dans un Japon contemporain. On y suit un lycéen passionné de dessin du nom d’Iye accompagné de son ami Kazu en train de profiter d’un repas dans un fast-food. Ils se mettent à parler de l’état de la Terre ainsi que des conséquences futures de tout ce qui se produit sur cette planète. Il faut dire que l’archipel nippone n’est pas épargné. Alors qu’ils sont en plein mois de mars, le pays se retrouve frappé d’une impressionnante et inexplicable vague de chaleur. Malgré cela, ils continuent de vivre comme si de rien n’était. Malheureusement, tout va basculer alors qu’ils prennent le bus. Sans savoir pourquoi, tous les passagers vont s’évanouir un à un. Notre héros aura juste le temps de croiser le regard du chauffeur portant un masque à gaz avant de sombrer dans l’inconscience. Il ne se réveillera que bien plus tard et va se retrouver nez à nez devant un cadre invraisemblable.
Se trouvant dans un camion, il se rend très vite compter qu’il est entouré d’autres personnes ayant perdu connaissance. Étant le seul réveillé et complètement déboussolé, il se met à regarder autour de lui et va découvrir avec stupeur des centaines de corps congelés. Il observe alors les raisons de leur état. D’autres individus en combinaisons sont présents et se servent des gens kidnappés pour les transformer en simple sac de viandes. C’est une véritable chaîne de montage qui se dresse devant lui où l’on conditionne l’homme à n’être que du bétail. Le dégoût s’empare de lui, mais il ne sait pas encore que le cauchemar ne fait que commencer. L’adolescent va alors être expédié dans une salle obscure où d’autre gens se trouvent complètement hagards et obèses. C’est alors qu’il comprend que s’il ne sort pas d’ici rapidement, il subira le même sort que tous ceux présents ici. Ainsi débute une course contre la montre pour celui-ci afin d’espérer échapper à une fin atroce. Cependant, sa cavale pourrait bien le guider devant des secrets insoutenables.
Il ne faut pas longtemps pour comprendre que Starving Anonymous est un récit d’horreur. Une grande partie de sa force vient de son atmosphère et de tout ce qui nous est décrit. Chaque nouvelle case est l’occasion d’être un peu plus dégoûté et effrayé par le spectacle qui nous est offert. Un seinen qui parvient totalement à retranscrire l’horreur de la situation.
Une ambiance oppressante et horrifique
Lorsque l’on commence à découvrir le début de cette oeuvre, tout semble être banal. Après tout, on suit deux étudiants qui semblent vivre un quotidien classique dans un monde très proche du nôtre. Pourtant, il suffit de quelques cases pour que cette vie paisible s’effondre à tout jamais. À partir du moment où Iye se retrouve embarqué vers cet abattoir, on bascule dans l’angoisse la plus totale. C’est à cet instant précis que l’atmosphère se met peu à peu à s’alourdir pour finalement nous écraser de tout son poids. Cela n’est pas qu’une question de situations même si le processus dont on est témoin est tout bonnement rebutant. Il y a aussi cette peur de ce qui peut bien se cacher dans l’ombre. En fait, cette lecture possède plusieurs niveaux de frayeur qui sont tous différents et qui rendent cette immersion particulièrement efficace. On peut tout d’abord citer la pression que l’on ressent au vu de la tournure que prennent les évènements. Notre ignorance est égale à celle de ce jeune homme qui, du jour au lendemain, est entouré de cadavres. L’incompréhension est là et joue un rôle primordial dans notre appréhension et notre ressenti de tout ce qui arrivera par la suite.
Peu importe où notre regard se pose, on ne voit que souffrances, abominations et la mort. La peur de l’inconnu rejoint alors l’horreur qui s’empare de nous au vu de ce qui se passe entre ces murs. On assiste impuissant à des scènes où l’humain n’est plus que du bétail. Entre le gavage, l’esclavagisme et les exécutions, tout est traité d’une manière si forte que l’on ne peut rester impassible. L’homme n’est plus qu’un gibier qui est condamné à un destin funeste. Devant toutes ces images, notre sentiment de dégoût se combine à cette oppression qui nous assaille. C’est à ce moment que vient le dernier facteur qui va être la cerise sur le gâteau. Celui-ci est représenté par ceux pour qui toute cette industrie est mise en place. Le fantastique vient alors se mêler à la réalité pour ajouter encore plus d’impact à cette ambiance déjà bien glauque. On monte les échelons de la terreur et du malaise tout au long de cette lecture qui réussit avec une habileté redoutable à retranscrire toute la monstruosité de cet endroit. Une incroyable leçon de mise en scène qui réussit, en un claquement de doigts, à nous faire froid dans le dos.
En plus de nous faire totalement ressentir la tension des personnages, Starving Anonymous a un autre atout. Celui-ci prend la forme d’une peur viscérale qui s’empare peu à peu du lecteur. Fuir est la seule porte de sortie, mais cela signifie aussi s’engouffrer un peu plus dans ce lieu inconnu où l’espoir s’éteint peu à peu pour laisser place à une terrible détresse.
La crainte d’avancer
C’est un long et périlleux trajet qui attend Iye pour regagner sa liberté. Ce premier volume est donc là pour nous conter les prémices de ce périple et surtout poser les bases de l’intrigue. Malgré tout, il y a un point qui nous frappe au cours des divers chapitres. Celui-ci est l’immersion avec laquelle on se retrouve happé par cette histoire. En vrai, on arrive facilement à se transposer à la place de cet étudiant qui n’a rien demandé. N’importe qui aurait pu se trouver à sa place. On voit donc chaque passage sous un tout nouvel angle comme si on réfléchissait à comment on agirait dans une telle position. Cet aspect accentue encore plus l’implication du lecteur ainsi que ce sentiment d’effroi qui ne nous lâche à aucun moment. On tourne alors les pages très lentement de peur de ce qui pourrait arriver à l’avenir. Cette décision était-elle la bonne ? Fallait-il agir ainsi ou prendre une autre voie ? Voilà le genre d’interrogations qui hante notre esprit au fur et à mesure que l’on parcourt ces longs couloirs.
C’est là aussi où l’auteur fait un travail remarquable, car il arrive à allier l’épouvante qui règne dans cette place à une curiosité morbide. On a beau savoir qu’il ne fait pas bon d’être ici, on a tout de même envie de comprendre pourquoi tout cela existe. C’est ce qui arrive aux protagonistes de ce récit qui vont dévoiler des vérités atroces et éprouvantes. L’angoisse et notre désir de faire la lumière sur tout cela s’opposent alors pour notre plus grand plaisir. Cela ne fait qu’ajouter toujours plus de profondeur et d’impact à ce manga qui nous attire autant qu’il nous repousse. Il y a aussi un excellent travail qui est fait au niveau des compagnons qui suivent Iye. On ne va pas en dévoiler plus afin de conserver la surprise, mais il faut savoir qu’il pousse autant le jeune homme que nous à vouloir aller toujours plus loin. Ce seinen s’empare de nous dès la première minute et ne relâche son emprise qu’une fois que l’on a atteint la conclusion de cette partie. Une expérience saisissante et d’une efficacité déroutante.
Au final, Starving Anonymous réussit parfaitement à instaurer la peur en chacun de nous. Le dégoût de ce que l’on observe n’est d’égale qu’aux frissons que l’on éprouve à chaque nouvelle salle découverte. Une grande réussite pour ce titre qui arrive à implanter de multiples situations alarmantes tout en conservant notre intérêt pour la suite.
Starving Anonymous sait comment nous faire flipper
C’est avec autant d’effroi et de plaisir que l’on a savouré ce premier tome de Starving Anonymous. Toute la force de cette oeuvre repose sur cette aura sinistre qui se dégage de cette quête pour survivre. Yuu Kuraishi et Kazu Inabe ont parfaitement su mettre en place une atmosphère angoissante à souhait. Cela se ressent autant dans l’écriture des personnages, des scènes, mais aussi dans les dessins. On passe de chapitre en chapitre avec une puissante boule au ventre qui n’a de cesse de grandir au fil de l’histoire. Alors que l’on est figé devant ce que l’on voit et le sort qui est réservé à toutes ces pauvres victimes. Sans oublier que tout est orchestré pour que, malgré toute cette violence, l’ensemble du manga réussisse à donner une intrigue qui titille notre curiosité. Tout comme Iye, on progresse avec la seule idée de s’enfuir de cet endroit. Cependant, au-delà de toute cette crainte se cache une envie irrépressible de connaître le fin mot de tout ceci. Un prologue qui arrive à jongler habilement entre son aspect écœurant et cette volonté de pousser le lecteur jusqu’au bout de ce chemin tortueux.
On a réellement été conquis par cette aventure littéraire qui change radicalement de ce que l’on a pu lire par le passé. Jamais une oeuvre ne nous avait autant filer les chocottes. On tient d’ailleurs à le redire, il s’agit d’une série qui est destiné à un public averti. Il faut dire que rien ne nous est épargné au sein de ces pages. Si vous souhaitez découvrir un récit terrifiant et néanmoins prenant, alors Starving Anonymous est fait pour vous. On finit ce volume sur un suspense incroyable qui fait que de nombreuses questions se bousculent dans notre esprit. Quelle est donc la raison de tout cet élevage humain ? D’où proviennent ces monstres qui se repaissent de ces pauvres victimes ? Qui est derrière tout ça ? Il est évident que les réponses mettront du temps à arriver. Mais c’est ça qui fait que l’on est séduit par ce titre qui nous emprisonne dans un jeu de fuite à couper le souffle. Même si on est inquiet de voir les autres secrets de cette bâtisse, on sera bien sûr au rendez-vous pour que notre curiosité soit rassasiée.
Et vous, avez-vous été conquis par ce premier tome de Starving Anonymous ? Avez-vous éprouvé une véritable angoisse au fur et à mesure que notre héros avance ? Partager nous votre ressenti ainsi que vos attentes pour la suite dans les commentaires. 🙂
© Kuraishi Yu & Inabe Kazu / Kodansha