Les Enfants de Gorre

Les Enfants de Gorre tome 1 : difficile voie que celle de la chevalerie

Il n’y a pas à dire, on a vraiment le droit à une très grande variété d’œuvres nous permettant de nous évader et de vivre de formidables épopées. Cela ne touche pas uniquement le manga, les animes ou bien le jeu vidéo, mais aussi le light novel. Vous l’aurez donc compris, aujourd’hui on va parler d’un titre de cette dernière catégorie. Ayant déjà eu l’occasion par le passé de pouvoir traiter l’un d’entre eux, on avait beaucoup apprécié l’expérience et c’est donc grâce à Mahô éditions que l’on a pu découvrir une nouvelle licence. Cette toute jeune maison d’éditions a décidé de proposer comme première oeuvre dans ce catalogue l’un de ces romans intitulé Les Enfants de Gorre. Il s’agit d’une oeuvre entièrement d’origine française et qui avait su titiller notre curiosité lors de son annonce. Après maintenant plusieurs semaines à prendre le temps de décortiquer l’ensemble de ce premier ouvrage, on a pu voir à quel point cette saga avait toutes les qualités pour devenir une grande histoire. C’est un voyage dépaysant que nous offre l’auteur qui pose habilement les fondations de son récit. Le temps est donc venu de rejoindre une terre où se démène une famille pour briser les chaînes du passé.

Le retour au pays

Les Enfants de Gorre, imaginé par Sylvain Ferrieu et dont les illustrations sont de Navigavi, nous plonge en plein coeur de la mythologie arthurienne. On fait la connaissance de Wilfrid, fils aîné du seigneur forestier de Gorre. Ce dernier revient dans son foyer après avoir parfait sa formation de chevalier pendant plusieurs années plus loin dans le sud. Pressé de retrouver les siens et de pouvoir prétendre au rang qui est le sien en tant qu’héritier légitime de ce petit bout de terre, le jeune garçon ne peut s’empêcher aussi de ressentir une profonde inquiétude. Au fil de ses souvenirs, il ne garde que très peu de bons moments de son enfance au sein de ce château où vit une légende ayant terrorisé une bonne partie de la population et des adversaires qui cherchaient à envahir cette contrée. Il se demande bien comment il va pouvoir appliquer ce qui lui fut enseigné dans une région du monde où les croyances se bousculent et où chacun a sa propre vision de ce qui fait un véritable guerrier. Malgré tout cela, il est plus que déterminé à apporter de nombreux changements et surtout à rester fidèle au code qu’il reçut de son mentor. Il sait qu’il pourra au moins compter sur les retrouvailles du reste de sa fratrie pour embellir son retour à la maison.

Cependant, son retour est bien loin d’être comme il l’imaginait. Au sein de ce lieu fantomatique où tout semble avoir perdu de son éclat, il retrouve une belle-mère régente ayant du mal à l’accepter comme successeur et prêchant une religion qui n’a pas cours ici. Quant à ses frères et sa soeur, cela n’est guère mieux. Gunnolf et Fannegan, les deux jumeaux, sont aussi différents que le feu et l’eau. L’un ne pense qu’à se battre et à prouver ses exploits une arme à la main tandis que l’autre passe son temps à se cacher dans la nature et à être considéré comme un fou. Sa jeune soeur, pour sa part, n’hésite pas une seule seconde à quitter l’enceinte du château pour aller batifoler avec les nombreux hommes du village qui lui tourne autour. Quant au petit dernier, celui-ci reste un enfant accroché aux jupons de sa mère et ne faisant rien qui pourrait venir bafouer son autorité. C’est au sein de ce domaine que Wilfrid va devoir prouver sa valeur et montrer qu’il est digne de gouverner les terres de son père. Un objectif qui passe aussi par la reconnaissance des autres seigneurs qui sont loin d’avoir une image reluisante du clan Fenrys. La tâche s’annonce déjà bien difficile pour ce blondinet qui ne sait même pas par où commencer. Cependant, un terrible bouleversement pourrait bien être en marche et redistribuer les cartes du pouvoir entre les divers hauts dignitaires du royaume.

Les Enfants de Gorre, en plus de nous conter un récit haletant au coeur de ce folklore bien connu, nous a grandement surpris de par les thèmes qu’il aborde. Un premier tome qui nous délivre une intense réflexion sur ce qu’est vraiment un chevalier et surtout si l’honneur a vraiment sa place dans un monde aussi enclin à la violence. On est alors subjugué par le conflit qui prend vie devant nous et qui va apporter un développement captivant de ces jeunes loups désireux de faire leur preuve. L’imagerie et les rêves de ces derniers vont se confronter alors à une réalité bien moins reluisante.

Les Enfants de Gorre-combat

Une réflexion captivante sur la noblesse d’âme

Outre le fait d’avoir un scénario bien ficelé et intéressant sur toute la longueur, ce premier volume des Enfants de Gorre va surtout être l’occasion de mettre en avant un sujet très pertinent de par la thématique de l’oeuvre et les questions que se posent nos héros. En effet, les diverses péripéties que l’on va pouvoir vivre au côté des trois plus grands garçons du clan Fenrys vont toujours être amenées de sorte à ce que la question de la chevalerie et toutes ses valeurs soient mises sur la table. Il n’y a pas un seul instant où Wilfrid s’interroge sur ce qu’il doit faire en conformité de l’enseignement qu’on lui a inculqué. Pour Gunnolf, obtenir un tel statut doit avant tout passer par des faits d’armes et un certain respect de l’adversaire. Quant à Fannegan, celui-ci va surtout se questionner sur ses capacités et le fait qu’être chevalier est un rêve bien trop éloigné pour lui. A eux trois, ils ont chacun une vision différente de ce que c’est que d’être noble au combat ainsi qu’avec leurs congénères. Pourtant, aucun n’a réellement tort dans son approche, car ils ont tous une version qui correspond juste à une partie du devoir et du comportement d’un preux chevalier. L’auteur a vraiment voulu que cette recherche de l’honneur, mais aussi de ce statut soit au coeur même des préoccupations de ces jeunes gens. Une quête personnelle à chacun d’entre eux et qui va les pousser à comprendre qu’il y a un immense fossé entre ce qu’ils pensaient pouvoir devenir et la réalité propre à leur existence.

C’est le cas pendant une bonne partie du récit où nos nouveaux compagnons de route vont sans cesse se demander la bonne marche à suivre pour respecter ce code qui n’a pas vraiment cours en ces contrées. Tel l’enfant rêvant de grandeur, de respect et surtout d’exploits grandioses, ils finissent par se frotter à un mur considérable qui représente simplement le monde qui les entoure. Ce parallèle est ce qui fait l’une des grandes forces de ce conte et qui nous permet d’avoir énormément d’empathie pour ces personnages. On partage leur peine en voyant que le chemin les guidant à leur but est bien plus obscur qu’il n’y paraît. Le lecteur partage ainsi chaque hésitation, énervement, mais aussi la tristesse pouvant s’emparer d’eux. Les Enfants de Gorre réussit ainsi, en seulement un volume, à nous montrer l’évolution de ce trio qui passe de l’innocence à une véritable et tragique compréhension de leur environnement. Tout ce qui pouvait sembler beau de prime abord est piétiner sans la moindre vergogne pour provoquer le choc du spectateur, mais aussi l’apprentissage de ces héros. Une introduction redoutable dans son fond et qui se sert habilement de cette écriture soignée pour grandement développer l’écriture de ces acteurs qui débutent tout juste leur interprétation.

L’autre gros point fort des Enfants de Gorre repose sur toute l’histoire entourant les héritiers Fenrys. En effet, si l’on prend plaisir à découvrir le monde qui les entoure, on est avant tout captivé par tout ce que l’on apprend à leur sujet. Que cela soit leur personnalité distincte au passé de leur clan en s’arrêtant aussi sur ce qu’ils doivent subir comme épreuves, ces adolescents nous sont montrés sous un angle à la fois surprenant et pertinent. On y voit avant tout des jeunes garçons désireux d’accomplir leur rêve, mais forcé aussi de se confronter à une renommée dont ils se seraient bien passés.

Un héritage maudit

L’autre facette que l’on a grandement appréciée durant toute cette expérience littéraire fut toute l’histoire qui englobe le clan Fenrys. On ne va pas s’attarder sur ce qui pourrait dévoiler une partie du scénario, mais on tient tout de même à s’arrêter quelques instants sur tout ce que cela apporte en matière de construction narrative et d’approfondissement des personnages. On a déjà pu évoquer un peu plus haut que le concept de chevalerie était l’une des grandes préoccupations de nos amis. Cependant, il y a aussi autre chose qui guide leur envie de vivre de folles aventures. Cela concerne tout simplement le lieu où ils sont nés et ont grandit. Un endroit lugubre pour tous ceux qui y sont invités et qui semblent totalement dénués de vies. Très tôt, on se rend compte que cet environnement est tel une cage retenant depuis bien trop longtemps les enfants qui n’ont pu quitter les frontières de ces terres. Une contrée pouvant presque paraître barbare et qui va être à l’image de la légende concernant celui qui a régné sur ces terres. On va alors prendre conscience que cette ambiance lugubre qui s’installe autour de Wilfrid et sa fratrie est en grande partie dû à l’héritage que leur a légué leur père dont les prouesses et surtout la crainte qu’il insufflait résonne encore sur l’ensemble du pays.

Pour eux, rien n’est plus effroyable que de devoir succéder à toute cette haine et ces mythes entourant leur géniteur. Il y a donc ainsi une autre lutte qui se dessine autre que celle de concrétiser ces rêves. L’autre objectif de l’ensemble de cette famille est de pouvoir s’émanciper de ce monde en ruine qui leur est offert et essayer de trouver leur propre voie vers le bonheur. Cela s’exprime, encore une fois, de manière totalement différente concernant le membre que l’on suit. Ce qui peut donc sembler n’être, au départ, qu’un désir infantile d’aller à l’encontre des devoirs familiaux va très vite se transformer en une crainte perceptible d’être à nouveau le prisonnier d’un édifice où seul le piaillement des oiseaux brisent le silence morbide régnant dans ces couloirs. C’est donc là que le roman va prendre une toute autre tournure en conservant l’attrait de côté mystique pour en faire non pas un élément captivant, mais rebutant. C’est cette peur des forces invisibles qui entourent ces loups qui va déteindre sur nous et nous donner encore plus envie de les voir chasser cette obscurité de par leur propre lumière. Un combat bien éprouvant et qui va sans cesse nous réserver des surprises. Un parfait équilibre entre questions existentielles, le devoir d’un chevalier et la corruption que peut engendrer un trop grand pouvoir. Une véritable malédiction qui enrichit grandement cet univers déjà fascinant.

En nous lançant dans ce premier tome des Enfants de Gorre, on ne s’attendait pas du tout à être autant emporté par l’épopée de ces personnages. Ce qui est avant tout remarquable, c’est à quel point l’auteur a su utiliser les légendes Arthuriennes pour, non pas attirer notre regard, mais pour développer sa propre histoire. Ainsi, toute la mythologie propre à cette culture vient s’implanter parfaitement dans le parcours de ces protagonistes qui sont avant tout dans une phase d’apprentissage. Un récit qui s’amuse autant avec ses acteurs que le lecteur qui ne perd pas une miette de ce qu’il se passe.

Les Enfants de Gorre-ours

Les Enfants de Gorre débute sa légende

Les Enfants de Gorre ne prend pas du tout le chemin que l’on pouvait penser en voyant son annonce. En effet, en entendant parler de légendes arthuriennes, on était curieux de voir comment tout cela allait être amené. Au final, tous les noms que l’on connaît ne sont ici présents que pour mettre en avant ce clan que l’on apprend à connaître. Un choix qui fait parfaitement son effet étant donné que l’on découvre alors entre ces pages une histoire totalement unique. Un récit qui s’empare de ces mythes qui ont pu nous faire rêver afin de créer sa propre légende. Une très belle manière de mettre en scène le combat de cette famille dont les inspirations de chacun sont aussi intrigants que captivants à suivre. On s’est vraiment pris de sympathie pour cette fratrie qui, malgré les défauts de chacun de ces enfants, a su nous montrer qu’ils souhaitaient avant tout échapper au destin qui est le leur. Un combat qui peut être apprécié de tous et qui peut aussi résonner dans l’esprit de chacun tant celui-ci est sincère. Être le véritable maître de son destin et ainsi forger son propre avenir ne sont pas uniquement propres à la fiction et cela se répercute avec efficacité sur le lecteur que l’on est.

C’est donc un immense oui pour ce récit dont on ne sent qu’il n’en est encore qu’à ses balbutiements. Une construction bien pensée et qui allie parfaitement mysticisme et recherche de la véritable chevalerie. Si vous aimez les romans médiévaux où la magie fait aussi son apparition et qui cherche à aborder des thèmes pertinents alors Les Enfants de Gorre devrait largement vous convenir. L’auteur nous a franchement bluffé de par sa maîtrise de ses divers sujets et surtout l’empathie que l’on peut avoir pour ces personnages qui luttent tous, à leur manière, contre un futur qui n’est pas le leur. De plus, cette lecture véhicule aussi des notions importantes telles que la famille, la noblesse de coeur, l’honneur et surtout l’entraide qui ne font que renforcer l’impact de cette épopée sur nous. Outre cela, on tient aussi à souligner que les illustrations accompagnant notre voyage littéraire sont aussi de grandes qualités et parviennent à mélanger un dessin très tiré vers le manga à cette ambiance médiévale ne faisant que renforcer notre immersion. Un excellent travail de la part du dessinateur qui nourrit, à sa manière, un conte déjà saisissant. A présent, notre esprit est empli de nombreuses questions qui nourrissent notre envie de découvrir la suite. Nos trois frères seront-ils capables de trouver une issue favorable à leur situation ? Qu’est-ce qui va advenir de leur foyer ? Quel va être le rôle des autres membres de cette famille ? On a hâte de voir la réponse à tout cela.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume des Enfants de Gorre. Avez-vous apprécié la manière dont sont traités les trois principaux protagonistes ? Pensez-vous que l’on pourra voir ces jeunes gens s’émanciper de leur héritage maudit ? Croyez-vous que la suite de leur aventure leur amènera un peu de quiétude et de bonheur ? Selon vous, la chevalerie peut-elle exister sur ces terres en proie à de nombreuses querelles ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet. 🙂

© 2020 Sylvain Ferrieu

3 Comments

  • Sylvain dit :

    « Difficile voie que celle de la chevalerie »… Est-ce une citation du livre ou une création personnelle. Parce que j’aime bien, franchement.
    Merci pour cette critique qui me va droit au coeur!

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