Centaures

Centaures tome 1 et 2 : une ruade pour la liberté

Il y a des œuvres de la culture otaku qui nous charme de par la profondeur de leur récit. On a déjà pu évoquer de nombreux titres de ce genre. Pourtant, il y a toujours des mangas pour nous surprendre et ce fut le cas de celui dont on va vous parler. Il s’agit de Centaures, édité chez Glénat, qui en est à son deuxième tome. Comme son nom l’indique, on plonge dans un monde où ces créatures mythologiques existent. Plutôt que de s’attaquer au côté légendaire de ces êtres, la série en fait des victimes de l’homme. Si le premier tome posait les bases de l’horreur vécue par nos protagonistes, le second volume sert d’apothéose émotionnel pour le lecteur. Une histoire aux multiples atouts qui a su marquer notre esprit. Il est donc temps de se pencher sur ce seinen qui a tout ce qu’il faut pour devenir un futur chef-d’œuvre. En route pour une chevauchée sauvage dans ces contrées en proie à la guerre.

Le combat de Matsukaze

Centaures-souffrance

Matsukaze compte bien se battre !

Centaures, imaginée par Sumiyoshi Ryo, prend place dans un univers fantastique. On y découvre que deux peuples vivent en ces lieux. D’un côté se trouve les hommes, des êtres tout ce qu’il y a de plus ordinaires. À leur côté coexiste des créatures divines et majestueuses, les centaures. Pendant longtemps, ces deux peuples ont su s’ignorer, les seuls contacts entre eux étant quelques échanges et coups de main. Malheureusement, le conflit et l’avidité ont toujours fini par ronger le cœur de l’être humain. Les guerres commencèrent à se faire de plus en plus nombreuses et c’est alors que l’humanité tourna son regard vers ses voisins quadrupèdes. Les hommes voyaient en ces bêtes un formidable outil de guerre qui se trouvait juste à leur portée. C’est alors que débuta la chasse et la capture de ces créatures légendaires afin de les réduire en esclavage.

C’est dans ce contexte que l’on suit Matsukaze, l’un des plus puissants et des plus sages centaures. Afin de sauver la vie de son fils et de lui permettre de s’enfuir, ce grand guerrier se laisse capturer. Bien décidé à ne pas se soumettre, il compte résister à ses kidnappeurs même si cela doit lui coûter la vie. C’est alors qu’apparaît Kohibari, un autre membre de son espèce qui fut apprivoisé par l’Homme. Ayant perdu ses bras de la main de ses maîtres, il fut forcé d’obéir à leurs ordres. Cela ne l’a pas empêché d’éprouver une profonde rancœur envers eux et d’espérer un jour obtenir sa liberté. En voyant Matsukaze, il comprit qu’il était celui dont il avait besoin pour fuir de ce lieu maudit. Ensemble, ils comptent bien s’échapper pour retrouver les leurs. Arriveront-ils à trouver un havre de paix loin de la suprématie humaine ?

Rien que par le synopsis, on comprend que l’on va devoir faire face à une épopée rude où nos protagonistes subiront les pires souffrances. Malgré tout, leur volonté de survivre et de vivre apporte un peu de réconfort dans un monde ravagé par la main de l’Homme.

Une question de survie

La majorité de l’histoire de Centaures repose sur cette unique interrogation. Comment réussir à préserver leur mode de vie alors qu’ils sont chassés en permanence ? Durant les deux tomes, on peut constater plusieurs chemins qu’empruntent nos protagonistes pour espérer s’en sortir. Il y a ceux comme Matsukaze qui ont bien décidé à se battre pour leur liberté. D’autre en revanche, cherche plus à fuir face à la terrible menace que représente l’Homme. Pour finir, certains décident de capituler et d’obéir car ce fut l’unique solution qui s’offrait à eux pour continuer de vivre. Pourtant, à travers toutes ces voies dans lesquelles s’engage ces créatures mythiques, il y en a une qui surpasse toutes les autres. Il s’agit de celle de notre guerrier à la chevelure de feu. À ses yeux, fuir et se soumettre permet, en effet, de survivre mais risque bien de détruire tout ce que son peuple à tenter de bâtir.

Il montre, de par ses actes et sa volonté, qu’il y a des raisons de se battre. Leur quotidien paisible a beau avoir été ravagé, il garde en lui l’espoir d’un avenir meilleur. Il y a donc, tout au long de la lecture, une dualité qui s’oppose entre Matsukaze et Kohibari. Le premier représente l’expérience et la sagesse que le second n’a pas forcément, du fait de son jeune âge et des expériences qu’il a vécu. Centaures nous dévoile alors le parcours initiatique de notre jeune protagoniste qui découvre ce que c’est que de parcourir ces terres en être libre. C’est donc à travers le regard de ces deux protagonistes que le lecteur voit l’évolution que prend le récit. Ils passent de l’enfer des enclos humains à un combat pour exister pleinement et échapper au destin qu’on leur réserve. C’est un voyage pour enfin trouver un havre de paix que l’on effectue aux côtés de ces deux créatures mythologiques qui ne cessent de grandir au contact de l’autre.

L’effroyable toile de fond qui se dessine dans ce manga sert autant le sujet de celui-ci que l’émotion qu’il nous fait ressentir. On parcourt ses pages la gorge nouée tandis que l’on contemple la dure réalité de cet univers.

Une œuvre bouleversante

Centaures-guerre

La violence appelle la violence

S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas retirer à Centaures, c’est la charge émotionnelle dont il fait preuve. Le premier tome plantait déjà un décor terrible où l’humain est un monstre qui transforme ces êtres majestueux en esclaves. Ces derniers se transformant en simples outils de guerres, et même objets sexuels. Le sadisme de leur maître pouvait aller jusqu’à trancher les bras d’un centaure s’il s’avérait trop menaçant. On était témoin de toute la violence que l’Homme était capable de faire pour son simple profit. Notre regard se portait alors vers nos deux héros que l’on espérait voir s’en sortir. D’ailleurs, on éprouvait une grande satisfaction lors de leur fuite, mais celle-ci était accompagnée aussi d’une grande appréhension. On n’osait pas imaginer ce qu’il adviendrait d’eux s’ils retombaient aux mains de leurs geôliers. L’incertitude et la peur nous hantaient tout au long de cette première excursion.

C’est alors que le second tome vient nous infliger le coup de grâce. Tout d’abord, ses chapitres permettent de voir toute l’étendue du talent de l’auteur en ce qui concerne l’écriture de ses personnages. On s’attache profondément à chacun de ces êtres légendaires et l’on affiche un air réjoui quand enfin, il trouve un lieu de quiétude. Malgré tout, la mangaka place, en seulement quelques cases, un événement qui risque de tout chambouler. Pourtant, la suite du récit nous fait suivre nos centaures alors qu’ils tentent de retrouver une vie paisible. On se retrouve tellement immergé dans ces moments de bonheur que l’on oublie presque le danger qui guette. Les relations entre nos différents protagonistes évoluent et les rendent encore plus touchants et captivants. C’est alors qu’arrive la conclusion de ce volume qui bouleverse totalement la joie que l’on ressentait. C’est une fin chargée d’une profonde tristesse qui s’abat sur le lecteur et nos héros. Cependant, derrière la terrible douleur de la situation se transmet un message d’espoir entre l’ancienne et la nouvelle génération.

Au final, on se retrouve totalement démuni et simple témoin d’une histoire qui nous prend aux tripes. Une œuvre sombre, mais où il y a quand même de la place pour l’amour, la camaraderie et la vie elle-même.

Centaures envoûte notre regard

En conclusion, Centaures est une merveilleuse surprise. En seulement deux tomes, on se retrouve immergé dans un conte qui marque profondément notre esprit. Que cela soit par la violence de l’univers établit, l’attachement que l’on ressent envers ces créatures mythologiques ou bien le raz-de-marée émotionnel éprouvé, tout est réalisé avec une extrême minutie. On ressent vraiment de l’empathie pour ces êtres dont leur seul désir a toujours été de vivre comme ils l’ont toujours voulu. La narration et le rythme de l’histoire sont parfaitement maîtrisés afin d’alterner entre situations tendues et quelques instants de répits. Le tout respire d’une certaine poésie où les monstres prennent forme humaine tandis que l’entraide et le soutien vient de ce peuple légendaire.

Vous l’aurez compris, on vous recommande totalement Centaures qui saura vous toucher avec une aisance déconcertante. Cette série est capable de viser un très large lectorat, car derrière son aspect fantastique se cache un récit centré sur ses personnages et ce qu’ils éprouvent. La seule petite question que l’on peut se poser, après avoir lu ces deux tomes, est de voir quel tournant va prendre l’intrigue. On pourrait presque s’imaginer, en terminant le second volume, que l’histoire s’arrêterait là. Comment va réagir la jeune génération de centaures après les profondes cicatrices qui ont marqué leurs semblables ? Ce qui est sûr, c’est que l’on va attendre impatiemment la suite de ce titre qui a su nous en mettre plein les yeux. Une petite pépite qui mérite de trôner dans n’importe quelle bibliothèque !

Et vous, qu’avez-vous pensé de l’aventure proposée par Centaures ? Avez-vous été totalement séduit par l’épopée dépeinte dans ce seinen ? 🙂

© Sumiyoshi Ryo /East Press