Give my regards to Black Jack tome 1 : un monde sans pitié
Il y a des titres qui parviennent à traiter de sujets compliqués avec une aisance remarquable. La personne derrière l’ouvrage va montrer tout ce dont elle est capable pour retranscrire sa vision d’une thématique précise et ça peut ainsi donner lieu à des aventures qui nous marquent profondément. Des univers dans lesquels on plonge avec joie, mais dont l’expérience peut aussi grandement nous toucher, et même jouer sur la carte du malaise pour capter encore plus notre attention. C’est exactement le cas du titre dont on va parler aujourd’hui et qui a su nous mettre une claque monumentale. On parle bien sûr ici de Give my regards to Black Jack, édité chez naBan éditions, et dont le premier tome est sorti la semaine dernière. Si l’on avait entendu de nombreux éloges sur cette série, on était curieux de voir comment allait être amené le monde médical au sein de cette lecture. Finalement, notre virée fut juste incroyable par tout ce que l’on a pu ressentir tout au long de ces pages. Un nouveau voyage qui nous aura pris aux tripes et dont la qualité fait ressortir aussi de nombreux problèmes sur le système hospitalier. On espère donc que vous êtes prêts pour assister à la triste réalité qui peut se cacher derrière la blouse blanche de certains individus.
La terrible réalité d’être médecin
Give my regards to Black Jack, imaginé par Shuho Sato, nous plonge dans un Japon contemporain où l’on fait la connaissance de Eijirô Satô. Ce jeune interne, fraîchement diplômé de l’hôpital universitaire d’Eiroku, doit à présent trouver sa voie. Il a beau avoir trimé pour arriver là où il en est, il ignore totalement la branche qui pourrait l’intéresser. Cependant, il y a bien une chose dont il est sûr. Ce garçon est prêt à se vouer corps et âme à sa nouvelle profession et surtout au bien-être de ses futurs patients. Rien que l’idée de pouvoir leur venir en aide lui donne le sourire chaque matin. Peu importe qu’il ne compte pas ses heures ou qu’il soit peu payé. Pour lui, rien n’est plus gratifiant que de secourir des vies. Malheureusement, il va très vite se rendre compte que sa vision des choses est loin de la réalité sur le terrain. Alors qu’il vogue de service en service pour trouver ce qui lui conviendrait le mieux, il va se retrouver face aux paradoxes d’un monde médical japonais qui semble avoir atteint ses limites dans un pays qui est pourtant extrêmement prospère. Son inexpérience va se confronter à l’autorité de ses supérieurs qui ont bien d’autres préoccupations que de préserver la vie. Alors qu’il pensait être avant tout là pour aider les gens, le voilà qui doit batailler pour ne serait-ce que sauver une vie. Si la maladie, les accidents et autres incidents sont l’origine de la venue de ces patients, le gros problème n’est pas forcément leur guérison.
Le simple fait de vouloir pratiquer une opération peut alors devenir un cauchemar administratif avec la hiérarchie où tout semble décidé par les plus hauts gradés. Un constat fort tragique et décevant pour Eijirô qui tente tant bien que mal d’apprendre auprès des gens qu’il rencontre. Que cela soit aux urgences, en chirurgie ou même à la maternité, chacun de ces services doit se confronter à des problèmes bien plus importants, à leurs yeux, que la survie de quelques personnes. Cette situation pourrait bien provoquer le dégoût du jeune homme pour ce métier qu’il a tant rêvé de faire. Lui qui se faisait une joie de pouvoir redonner le sourire à ces hommes et femmes qui souffrent doit maintenant baisser la tête pour quelques soucis d’argents. Mais cet interne est bien loin de baisser les bras. Peu importe qu’il soit obligé de se mettre ses supérieurs à dos si cela lui permet de donner un peu d’espoir à ceux qui n’en ont plus. Pour lui, vivre ne serait-ce que quelques jours de plus est l’objectif à atteindre peu importe l’état du patient. Voilà le début de son combat face à un système ayant perdu de vue son véritable objectif.
Give my regards to Black Jack souhaite clairement, à travers ce premier volume, nous plonger totalement dans la vie d’un interne qui va découvrir tout ce qui constitue le monde hospitalier. La curiosité et l’envie d’aider de cette jeune recrue va alors laisser place à une terrible désillusion retranscrite de main de maître par l’auteur. Au même titre que ce jeune homme, on ouvre les yeux sur la vérité sur de nombreuses zones d’ombre de ce système qui est bien loin de vouloir à tout prix sauver des vies. Alors que l’être humain devrait être au cœur des problèmes, c’est avant tout l’argent qui va régir ces hommes qui ne souhaitent plus descendre de leur piédestal.
Un combat de chaque instant
Autant le dire tout de suite, Give my regards to Black Jack nous a bluffé par la relation que l’on a pu avoir entre nous et tout ce qui nous est révélé. Alors que l’on peut aisément croire qu’un médecin se doit d’être là pour ses patients, les soulager de leurs souffrances et leur apporter réconfort, c’est un tout autre spectacle qui nous est présenté. Tout d’abord, le fait de voir ce récit à travers le regard de ce jeune homme fier de son travail et désireux d’aider les autres va permettre au lecteur de se raccrocher à sa vision. Il est l’exemple même de l’idée que l’on peut se faire d’un soignant qui va à la rencontre des gens pour pouvoir les aider. On est donc impatient de voir à quel point il va contribuer à soutenir tous ces gens qui l’entourent. C’est alors qu’arrive le coup de massue. Que ce soit lui ou nous, on va être mis devant la triste réalité de ce milieu qui n’est pas du tout comme on pouvait l’espérer. Tout est une question de chiffres, d’argent et de réduction des risques. On assiste alors à des moments particulièrement difficiles qui nous coupent le souffle tant on ne s’attendait pas à ça. Notre nouvel ami va sans cesse être confronté à la noirceur qui ronge le corps médical, et cela, peu importe le service où il va. Ainsi, on a une très forte confrontation qui se joue entre son approche pouvant sembler idéaliste, mais plus humaine et le côté tout bonnement inhumain de ces hommes qui ont du pouvoir et qui en profitent. En faisant cela, l’auteur souhaite mettre en lumière les dérives qui peuvent dénaturer tout ce système autour de la santé. Entre ceux qui préfèrent ne pas se fatiguer, les gens qui préfèrent laisser certains patients mourir plutôt que de garder des ressources pour les soigner et ceux dont la parole est absolue, il n’y a pas une once d’espoir qui se dégage de ces pages.
Un triste constat, mais qui va jouer habilement sur notre désir de continuer. En effet, il y a une incroyable transposition qui s’effectue entre nous et le héros de cette histoire. Le voir se questionner sur cette voie qui le déçoit constamment, les tentations, mais aussi le courage qui l’anime font qu’on a envie de le voir aller au bout de ses idéaux. Cela peut sembler être un combat perdu d’avance étant donné qu’il est seul face à tous, mais il fait preuve d’une telle détermination que l’on ne peut qu’être touché par cela. On a beau avoir le cœur retourné devant de telles épreuves et la détresse de certains blessés, il est impossible de s’arrêter tant on a envie de croire en ce maigre espoir représenté par ce jeune médecin. En misant là-dessus, l’auteur souhaite autant mettre en lumière les dérives qu’il peut y avoir au sein du milieu hospitalier que nous montrer l’importance de cette bienveillance qu’il faut avoir au quotidien dans ces établissements. On n’arrête pas, au sein de ce premier volume, d’aller de malheur en malheur, mais cela ne fait que renforcer cette volonté d’être là pour ces patients qui préféraient nettement être ailleurs. De simples mots à dire peuvent alors tout changer. Un message puissant qui transperce cette obscurité ambiante et nous atteint en plein cœur. Il n’y a alors qu’à voir les dernières pages pour comprendre à quel point cela est vital. Une lecture qui donne tout simplement des frissons tout au long de ce périple et qui arrive à nous faire verser une petite larme tant on est emporté par la lutte menée par notre nouveau camarade.
Give my regards to Black Jack nous délivre un premier volume d’une qualité indéniable. Une lecture qui nous aura donné la boule au ventre tant on entrevoit un autre visage à ceux qui sont censés sauver des vies. Alors que les patients s’enchaînent et qu’ils ont autant besoin de soins qu’un peu d’écoute, les gens en face d’eux semblent avoir perdu toute humanité. Une fresque pouvant sembler très dure, mais qui est aussi représentative de tout un système bien loin d’être aussi bienveillant que l’on pourrait le croire. Un milieu où l’argent est roi et où l’on se demande ce que pourra bien faire un simple médecin en formation. Une virée qui nous aura donné des frissons tout du long.
Give my regards to Black Jack nous fait pleurer
Give my regards to Black Jack a clairement répondu à toutes nos attentes, et même bien au-delà. Il y a eu un réel plaisir que de se lancer dans cette épopée qui ne nous épargne rien. Le fait de se sentir mal lors d’une lecture ne signifie pas que celle-ci est mauvaise. C’est même ici tout le contraire qui se passe, car le mangaka souhaite justement que l’on s’énerve face à tout ce système où l’argent et le pouvoir sont rois. Une retranscription sincère et forte des travers de ce milieu où il ne faudrait jamais oublier le facteur humain. C’est la priorité et voir ce jeune homme se débattre pour rester fidèle à ses principes et surtout au serment qu’il a prêté fait plaisir. Il a beau aller de revers en revers, le voir se relever constamment fait que l’on garde cette petite lumière qui nous donne de l’espoir. De même, on sent qu’il y a un gros travail de recherche qui a été fait afin que la frontière entre la fiction et le réel soit particulièrement floue. On a constamment l’impression de ne pas lire un manga, mais d’être réellement présent sur place à être témoin de tous ces malheurs. On ressort de cette lecture totalement chamboulée par ce que l’on a pu découvrir et ce titre sera même parvenu à nous faire verser une petite larme au cours de ses dernières pages. Comme si tout le combat mené jusqu’à présent avait enfin pu porter ses fruits. Une introduction diablement efficace et qui mêle à la perfection dénonciation de graves problèmes éthiques, découverte du milieu médical et aussi un conflit émouvant pour que l’homme prenne le pas sur des chiffres.
Vous l’aurez donc aisément compris en lisant ces quelques lignes, mais Give my regards to Black Jack est un immense coup de cœur de ce début d’année. On a littéralement été emporté par tout ce qui nous était montré et qui, en plus, est sublimé par la qualité des dessins. Cela donne encore plus cette impression de voir une réalité que l’on n’ose regarder qu’un manga souhaitant nous amuser. A travers ce premier contact, on sent la volonté de l’auteur d’autant divertir son public que de nous ouvrir les yeux sur un système bien loin d’être aussi vertueux qu’on pourrait l’imaginer. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché pour faire face au triste spectacle dont doit être témoin cet apprenti qui fait de son mieux pour apporter un peu de réconfort à ses patients. Si vous souhaitez une aventure littéraire qui ne prend pas de pincettes et vous montre une lutte palpitante entre un système au bord de l’implosion face à l’innocence d’un jeune homme alors vous devriez adorer cette histoire. Une lecture qui se sera profondément ancrée dans notre esprit et nous laisse avec de nombreuses interrogations pour la suite. Est-ce qu’il y a encore une chance pour ce garçon de pouvoir enfin faire ce qui lui semble juste ? Finira-t-il par être englouti par toute cette noirceur qui l’entoure ? Est-il vraiment possible de changer les mentalités de tous ces gens qui se tiennent au sommet de la pyramide ? Sauver une vie n’est-elle pas la plus belle des récompenses ? Il nous tarde d’observer la suite de ce périple qui nous parle grandement et qui a su nous procurer des frissons.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Give my regards to Black Jack. Avez-vous été ému par ce combat que mène notre jeune médecin pour ses patients ? Trouvez-vous que l’on nous dépeint ici une représentation bien froide, mais réaliste du monde hospitalier ? A votre avis, qui l’emportera entre l’empathie d’un homme et la puissance de tout un système ? Qu’avez-vous ressenti en voyant à quel point ces individus préfèrent se concentrer sur des chiffres que sur les patients eux-mêmes ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet 🙂