Failure Frame

Failure Frame tome 1 et 2 : la naissance d’un monstre vengeur

On le sait, il y a des mots dans le monde du manga qui peuvent en lasser certains. En tête de liste, le terme isekai qui n’a eu de cesse de proliférer au fil des années. Un genre très répandu au Japon et qui fait aussi son entrée dans nos librairies. Cependant, ce n’est pas parce qu’un titre est estampillé comme tel qu’il va forcément prendre un chemin convenu. De plus, l’originalité n’est pas forcément signe de qualité et on peut donc tomber sur des épopées classiques et pourtant fantastiques. C’est justement ce que l’on va voir aujourd’hui avec la toute dernière licence en date de chez Meian. Répondant au nom de Failure Frame, les deux premiers volumes viennent tout juste de faire leur apparition. A son annonce et l’arrivée de son extrait, cette licence avait éveillé notre curiosité par rapport à ce protagoniste prenant le chemin inverse d’un héros. Un personnage abandonné par les siens et qui décident de survivre pour réclamer vengeance. Après cette lecture, on a pu déceler pas mal de petites choses nous donnant beaucoup d’attentes pour la suite. L’heure est donc venue d’accompagner ce jeune homme dans sa vendetta.

Une invocation qui tourne mal

Failure Frame - rebutFailure Frame, d’après l’histoire originale de Kaoru Shinozaki et dessiné par Shô Uyoshi, nous fait suivre le jeune Tôka Mimori. Ce lycéen tout à fait ordinaire s’avère être particulièrement discret au sein de sa classe. Personne ne semble faire attention à lui et il fait partie des meubles. Certains vont même le comparer à un “PNJ appartenant au décor” tant il semble être transparent. Ce quotidien perdure jusqu’au jour où lui et ses camarades se retrouvent invoqués dans un autre monde afin de devenir des héros. Choisis expressément par la déesse du royaume, tous sont dotés de capacités extraordinaires en fonction de leur rang. Ceux qui sont classés en tant que héros de rang S ou A font partie de l’élite tandis que les autres doivent à tout prix apprendre au mieux à se servir de leurs compétences en groupes. Tôka se dit que ce serait l’occasion idéale pour lui de briller, mais le sort semble s’acharner sur lui. Il obtient le pire classement qui soit et est considéré comme un combattant de rang E. Ne possédant que des compétences permettant d’infliger des altérations d’états, ses possibilités sont plus que limitées. Tout le monde le regarde alors d’un œil dépité et moqueur en voyant que peu importe le monde dans lequel ils sont, certaines choses ne changent jamais. La divinité qui a appelé ces élèves décide qu’il n’est bon à rien et qu’il vaut mieux se débarrasser de lui sans délai. Cherchant désespérément un soutien, Tôka se rend rapidement compte que tout le monde se moque de son sort mise à part une personne.

Malheureusement, cette dernière est rapidement écartée et le jeune garçon effacé doit subir le courroux qu’on lui a désigné. Ne pouvant plus faire marche arrière ou même s’enfuir, il regarde droit dans les yeux cette entité qui semble se complaire dans sa souffrance. Alors qu’il s’apprête à être expédié au cœur d’un donjon dont personne n’est revenu vivant, il lance des derniers mots qui vont être lourds de sens. A ses yeux, il n’existe plus que la vengeance et il jure qu’un jour, il mettra à terre cette prétendue déesse. Un défi de taille et qui risque fort de s’arrêter bien vite quand Mimori se réveille dans un lieu inconnu. Il comprend rapidement qu’il est dans cette prison où on espère le voir périr. Ne pouvant maintenant compter que sur lui-même, il va rapidement faire face à un premier obstacle de taille en la présence d’un redoutable minotaure. Pas le temps de souffler pour le lycéen qui tente le tout pour le tout en utilisant ses compétences dites “inutiles”. Il va ouvrir les yeux sur le fait que même un faible pouvoir peut devenir redoutable dès l’instant où l’on comprend comment l’utiliser. Celui que l’on cataloguait déjà comme un rebut pourrait bien s’élever pour devenir un véritable maître des altérations d’états. A présent, un espoir renaît dans les yeux de cet adolescent qui doit apprendre à utiliser au mieux ses capacités pour espérer atteindre son objectif. La haine peut donner des ailes à celui qui se retrouve dos au mur. En le balançant dans cet enfer, la déesse vient de donner naissance à un démon.

Il est vrai que l’on peut facilement se dire que l’on a déjà vu ce type de récit auparavant. Cependant, Failure Frame est l’exemple d’isekai qui peut sembler classique au premier abord, mais qui va ensuite nous amener sur des sentiers prometteurs pour le développement de son histoire. Reposant beaucoup sur son protagoniste, la série va se permettre d’explorer des zones alléchantes en matière d’obstacles à abattre, et même de préparation pour le futur de la licence. On est donc interloqué par la manière dont le récit s’approprie les codes de la fantasy pour ensuite les utiliser à sa manière.

Un récit de fantasy à la fois classique et intéressant

Quand on s’attarde sur les débuts de Failure Frame, on peut facilement faire la comparaison avec d’autres mangas du même genre. Malgré tout, plus on avance et plus on se rend compte de plusieurs éléments qui viennent ajouter pas mal de piments à cette recette. On est avant tout dans un monde de fantasy qui suit des règles bien connues, mais qui va rapidement montrer un terrain de jeu immense et propice à de multiples histoires. C’est ça qui séduit dans un premier temps, car on sent qu’il y a un lore derrière toute cette intrigue. Notre envie d’explorer ces divers paysages se fait alors plus forte au fur et à mesure des cases. D’ailleurs, un détail qui va avoir son importance est le fait que le conflit opposant notre protagoniste à cette déesse ne se limite qu’à une petite région. On nous laisse miroiter bien d’autres contrées qui peuvent servir de décor à d’autres épopées par la suite. On est donc dans une œuvre qui veut rapidement nous plonger dans l’action avec un enjeu considérable, mais sans pour autant se fixer à une route bien précise. On avance le long de cette voie tout en contemplant ce qui se cache à gauche et à droite dans l’espoir que cela puisse devenir une partie de cette épopée que l’on est en train de vivre. Ainsi, l’environnement en lui-même se développe petit à petit tout au long de notre progression. La moindre information devient une source d’imagination concernant les récits qui peuvent en découler. C’est une partie essentielle et importante quand on aborde un monde qui se veut aussi vaste.

Le fait de se concentrer sur une ligne directrice n’empêche pas le lecteur de rêver à ce qui pourrait arriver par la suite. Un autre point qui a son importance provient des capacités de notre protagoniste. Quand on est dans une œuvre s’inspirant beaucoup de l’univers vidéoludique, il n’est pas rare d’avoir des éléments qui découlent directement des mécaniques propres aux RPG. Cependant, ce qui est génial dans Failure Frame est de nous mettre en contact avec un individu dont la spécialisation se concentre uniquement autour des altérations d’états. On n’est donc pas dans l’optique de combats qui brillent par leur côté spectaculaire. Tout ici est une question de stratégie, mais aussi de tentatives afin de cerner toutes les possibilités propres aux trois compétences de bases de Tôka. Avoir réussi à rendre des sorts qui sont, dans l’imaginaire collectif, uniquement centrés sur le soutien en une force de frappe est grisant. On se demande constamment comment il va réussir à optimiser au mieux ses chances de victoire face à tel adversaire. Il n’est donc pas question ici de tout exploser dans un déluge de capacités extraordinaires. Survivre est ici une question de ruse et même de comédie. Un art qu’il semble maîtriser à la perfection tout au long de cette lecture. Une facette importante contribuant à l’identité unique de cette saga et donnant une autre approche de ce que peut être un héros. Une preuve suffisante que le décor peut sembler convenu, cela ne veut pas dire que le reste sera forcément classique dans chaque aspect.

En dehors de tout ce qui touche à la fantasy, Failure Frame va aussi avoir un atout de taille pour nous faire vivre une aventure alléchante. Il s’agit tout bonnement du personnage principal de son intrigue. Le ton est rapidement donné concernant la route qu’entreprend ce jeune garçon abandonné par ses anciens camarades. Un individu qui ne vit maintenant que pour la vengeance et va donc progresser petit à petit vers un but qui le changera à jamais. Un scénario qui commence très fort et va construire une figure particulièrement marquante en la personne de ce lycéen dont la vie est maintenant détruite.

Un anti-héros déterminé

Failure Frame - minotaureS’il y a un élément qui joue énormément sur notre appréciation de Failure Frame, c’est bel et bien son personnage principal. Tôka est à la base un protagoniste qui ne semble pas avoir grand chose de spécial. Il est un être humain lambda qui se montre totalement effacé et n’a donc jamais l’occasion de briller devant les autres. Un être de l’ombre dont le destin au sein de ce monde de fantasy va être grandement bouleversé. A travers lui, le manga nous montre à quel point être mis à l’écart des autres peut être douloureux. Ayant toujours fait partie des meubles, il ne sent à aucun moment le moindre soutien de la part des autres alors qu’il est sur le point d’être conduit à une mort presque certaine. Cet adolescent se confronte à la noirceur de l’âme humaine et cela ne fait que renforcer notre acceptation de son désir de leur faire payer. L’auteur désire justement créer ce postulat de base où notre jeune héros est seul contre tous. Alors qu’il aurait très bien pu devenir une figure d’espoir, c’est suite à cet événement qu’il va prendre une direction bien plus obscure et intéressante. Il n’est pas forcément un être doté de grands pouvoirs, mais il est suffisamment rusé pour comprendre l’efficacité de ses sorts. Son plus grand atout est de savoir s’adapter et de transformer une arme semblant inutile en une redoutable puissance que seul lui peut manipuler. Toute la première partie du manga va ainsi se concentrer sur cet apprentissage de ses facultés et du champ de possibilités que cela lui donne.

Un enseignement autodidacte qui se fait aussi dans la douleur étant donné que le couperet peut tomber à tout instant. C’est justement captivant de le voir progresser sans pour autant que ce soit à vitesse grand V. Un protagoniste qui avance petit à petit, mais qui va aussi amener une réflexion intéressante autour de sa quête. Après tout, il n’est qu’un lycéen ordinaire conduit par des règles morales et des principes qui lui sont propres. Il ne devient pas démoniaque du jour au lendemain et va se poser sans cesse de nombreuses questions tout au long de ces deux volumes. Sa haine a beau être bien ancrée en lui, il ne peut s’empêcher de retenir sa fureur pour ne pas exploser. Failure Frame, en dehors de son aspect fantastique, nous conte avec brio le conflit de ce personnage qui a un sens de la justice en conformité avec ce qu’il pense être louable et une envie irrépressible et compréhensible de s’attaquer à cette figure divine. On est donc témoin de cette lutte entre les deux facettes de sa personnalité et cela ne fait que rendre l’écriture de Tôka encore plus palpitante. On a cette envie de savoir s’il succombera totalement à sa rage ou bien s’il continuera d’être guidé par sa vision des choses. Un être qui a connu l’isolement et l’abandon, mais qui garde encore une bonté en lui. C’est une excellente décision de ne pas avoir fait un protagoniste qui bascule totalement dans les ténèbres. Cela ne fait qu’ajouter encore plus de nuances à ce dernier et à attirer notre regard concernant chacun de ses actes. Il n’est qu’au prélude de son épopée, mais il fait déjà preuve d’une immense richesse d’écriture.

Failure Frame parvient aisément à nous donner un divertissement à la fois efficace et immédiat. L’idée de suivre la quête de ce personnage désireux de mettre son poing dans la face de cette déesse apporte un sentiment grisant. On prend un contexte de base pour le retourner et nous montrer un individu qui ne va pas se conformer au rôle de héros. Il trace lui-même sa route en dépit de ce que l’on peut penser de lui quitte à faire des victimes. Voilà un personnage qui flirte entre deux frontières par rapport à sa soif de vengeance et à sa propre boussole morale. Tout est alors encore possible.

Failure Frame lance ses représailles

Avec Failure Frame, on nage en eaux connues au premier abord. Une introduction efficace et qui reprend des codes bien connus des lecteurs du genre. Cependant, cela n’est pas ce qui caractérise totalement cette lecture. Bien au contraire, le manga utilise ces fondations classiques pour rapidement nous emmener dans une direction qu’il a lui-même créé. Un chemin qui s’inspire d’autres titres, mais qui va aussi distiller sa propre identité pour un résultat largement divertissant. On prend énormément de plaisir à suivre le parcours de ce jeune homme pour mettre un terme au sourire narquois de cette déesse. Un parti-pris qui fonctionne très bien et va permettre d’aborder des sujets attrayants et prometteurs tout au long de l’aventure. Il suffit de voir ces deux premiers volumes pour sentir des interrogations qui ne font qu’enrichir l’écriture de notre protagoniste. De même, le principe d’avoir un personnage qui ne peut se battre qu’à coup d’altérations d’états est aussi ingénieux. Cela va créer un sentiment d’inédit là où d’habitude ce genre de techniques est utilisé de manière sporadique dans d’autres histoires. On est donc devant un périple qui affiche de nombreuses promesses, que cela soit au niveau du lore que de l’évolution de Tôka, et cela attise grandement notre curiosité pour la suite. En plus de ça, le spectacle est au rendez-vous avec des combats fort sympathiques où la stratégie prime souvent bien plus que la force brute. On assiste alors à des duels où cet adolescent montre toute son ingéniosité.

Failure Frame fait partie de ces titres qui arrivent à nous séduire très rapidement. La formule est efficace et l’on est rapidement plongé dans cet univers qui peut aller bien au-delà de notre intrigue principale. Tout cela combiné au conflit interne de notre nouvel ami donne lieu à une épopée qui ne nous laisse jamais le temps de nous ennuyer. On a cette envie de le voir accomplir sa vengeance que de rester fidèle à ce qu’il croit juste. Un anti-héros qui peut basculer à tout moment dans l’infamie et se questionne même déjà sur ce qu’il est en train d’accomplir. Voilà une saga qui pourra plaire aux passionnés d’isekai, mais aussi à ceux qui désirent une aventure où l’on assiste à la naissance d’un vrai démon capable de faire s’abattre son courroux sur ceux qui osent croiser sa route. Des premiers pas qui donnent envie de connaître la suite et qui nous laissent présager de nombreuses surprises concernant le destin de ce garçon. A présent, il est temps d’évoquer les questions que l’on a en tête après la lecture de ces deux volumes. Est-ce que Tôka va totalement succomber à cette noirceur qui s’installe dans son cœur ? Va-t-il faire des rencontres qui vont changer sa vision des choses ? Ce monde peut-il être une bonne occasion pour lui de devenir une autre personne ? Sera-t-il capable de coller une raclée à cette déesse qui prend tout le monde de haut ? Il faudra attendre un tout petit peu pour connaître les prochaines épreuves que devra surmonter ce pro des altérations d’états.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Failure Frame. Avez-vous apprécié le fait de suivre un protagoniste dont l’objectif n’est pas la sauvegarde du monde, mais la vengeance ? Trouvez-vous que cela peut amener des choses intéressantes pour la suite de son périple ? Est-ce que vous trouvez la particularité de ses compétences ingénieuse ? Cela vous donne-t-il envie de voir jusqu’où il pourra amener son pouvoir ? Pensez-vous que l’on aura le droit à une évolution intéressante de ce personnage et de son environnement ? Qu’attendez-vous pour la suite ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2018 Uyoshi Sho / Shinozaki Kaoru, OVERLAP

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