La loyauté aveuglante de Steiner
Avant d’attaquer le cœur de notre article, je tenais tout d’abord à vous remercier de l’accueil que vous avez fait à la chronique portant sur Djidane. Final Fantasy est une saga qui compte énormément et voir que vous avez été beaucoup à réagir me donne encore plus envie de continuer. C’est comme ça qu’est venu l’article du jour qui était prévu un peu plus loin dans le temps à la base. Mais étant en train de refaire le neuvième opus et suite à votre engouement, je me suis dit pourquoi ne pas le faire tout de suite. Voilà pourquoi je vous propose en ce samedi de nous attarder sur un tout autre personnage de l’univers de FFIX. Cet opus regorge de sujets à traiter et cette fois on va s’attarder sur le cas de la loyauté de Steiner. Il est vrai que quand on pense à ce membre de l’équipe, la première chose qui nous vient à l’esprit est son côté agaçant. Cependant, c’est peut-être justement parce qu’il est autant énervant dans un premier temps qu’il est aussi remarquable dans son évolution. Le capitaine des Brutos de la reine Branet va connaître un incroyable développement le rendant absolument captivant à suivre. L’heure est donc venue de revenir sur son parcours.
Un homme dédié à son devoir
Avant de s’attaquer aux changements qui vont s’opérer chez Steiner tout au long de l’aventure, il est important de voir notre premier rapport à ce dernier. Ce chevalier est présenté comme un allié fidèle de la reine Branet et surtout le protecteur de la princesse Grenat. Malheureusement, il est très vite présenté comme une sorte d’idiot, lui et son groupe, face à Beate et ses amazones. Malgré tout, il est entièrement dévoué à son rôle et va ainsi être, dans un premier temps, un adversaire de Djidane et ses amis. On nous le présente donc comme un ennemi assez stupide dont on va enchaîner les confrontations rapidement avant que n’arrive le moment où tout s’emballe. En effet, il se retrouve malgré lui emporté dans la chute de l’aérothéâtre. Se considérant comme l’unique gardien de la princesse enlevée, il va tout faire pour être à ses côtés même si cela implique de devoir côtoyer les Tantalas. Un personnage qui est là contre son gré et qui n’est retenu au groupe que par son souhait de veiller sur celle qui est l’héritière du royaume. D’ailleurs, même en faisant partie de l’équipe assez rapidement, Steiner est un protagoniste qui n’a de cesse de vouloir mettre des bâtons dans les roues du joueur. C’est ainsi qu’il n’hésite pas à s’engueuler avec Djidane, à tenter de convaincre Grenat de faire demi-tour, et même de mentir sur la destination d’un cargo. De ce fait, il est vrai que l’on peut le considérer comme une épine dans le pied très vite. Cependant, ce qui découle véritablement de ces premières heures que l’on passe en sa compagnie est cette loyauté sans faille qui l’anime. Dans un sens, il semble tout à fait dans son bon droit de vouloir ramener la princesse auprès des siens. Après tout, on joue ceux qui enlèvent cette dernière, et même si elle avait ce désir de partir, on ne peut réellement être contre la mission du chevalier.
Même si la reine Branet n’est pas un personnage que l’on apprécie de prime abord et qui va progressivement montrer ses ambitions folles, Steiner reste ancré dans son rôle. Un statut qui lui impose un devoir envers cette famille royale qu’il prend très à cœur. C’est là que l’on touche la subtilité qui fait que Steiner nous est présenté comme un ennemi buté. Il a une totale confiance en sa souveraine même en découvrant toujours plus de secrets autour d’elle. Ainsi, la première rencontre avec les mages noirs n’éveille aucune suspicion de sa part mise à part le fait qu’il devrait se renseigner un tant soit peu à son retour. Il n’envisage pas une seule seconde que tout ça puisse faire partie d’un plan terrible visant à apporter la ruine sur le continent. De plus, il a beaucoup de mal à accepter le souhait de la princesse Grenat de vouloir quitter Alexandrie. Ne réfléchissant nullement à ce qu’elle peut ressentir, il est avant tout guidé par son sens du devoir qui l’oblige à rester auprès d’elle, mais aussi à accomplir sa mission de la ramener auprès de sa mère. C’est donc un véritable mur que l’on a devant nous et qui est imperméable à la moindre discussion pouvant le pousser à réfléchir sur les actions de sa dirigeante et sur ce qu’il pourrait commettre en allant à l’encontre de l’héritière du trône. Cela se ressent pleinement dans les échanges houleux qu’il peut avoir avec Djidane. Alors que le chef de la bande ne cesse de montrer sa très grande liberté dans ses décisions, Steiner reste cloîtré dans cette armure de fer qu’il revêt. Une protection qui se présente aussi comme une cage pour le faire voir au-delà de son épée. Rien qu’en mettant en place tout ça, on commence à voir se dessiner un personnage loin d’être aussi inintéressant qu’on pourrait l’imaginer au premier contact. C’est là qu’entre en jeu la notion d’agacement qu’il va amener chez le joueur.
Le personnage brillamment agaçant
Il est assez connu que le personnage de Steiner fait partie de ceux qui peuvent rapidement être considérés comme énervants pendant une bonne partie de l’aventure. Même quand on prend conscience de tout le travail d’écriture qu’il y a derrière lui, on ne peut s’empêcher d’avoir cet agacement à son égard durant notre long voyage. Pourtant, n’est-ce pas le but recherché ? Pour expliquer cela, il faut revenir un peu sur la personnalité du chevalier. Comme dit un peu plus haut, il est un guerrier tellement borné qu’il montre une forme de stupidité créant à la fois des scènes hilarantes et des moments qui nourrissent notre amertume à son égard. On est témoin de sa remarquable puissance qui en fait un atout de poids dans l’équipe, mais en dehors de ça, on ne peut pas dire qu’on l’apprécie plus que ça. C’est un sentiment que beaucoup de gens partagent et il est évident que c’est le but recherché. On joue en premier lieu un voleur qui n’hésite pas à quitter sa bande pour ce qu’il croit juste. De l’autre, on a un capitaine entêté qui passe le plus clair de son temps à se plaindre et à vouloir que l’on fasse demi-tour. On peut même dire qu’il est l’un des principaux obstacles qui se dressent entre nous et notre objectif malgré la force qu’il met à notre disposition. Mais ce qui va être le plus terrible dans ce personnage, c’est sa vision étriquée du monde. Cette dernière se limite uniquement aux ordres qu’on lui donne sans qu’il ne réfléchisse jamais par lui-même. En réalité, Steiner est loin d’être un idiot fini. Il est juste la victime de son propre rôle qui consiste à veiller sur la royauté d’Alexandrie. Des années de bons et loyaux services ont fini par lui faire croire que sa voie était la bonne et que tout ce qui est en dehors n’est que distraction.
Alors que le joueur a un regard extérieur sur les événements qui se passent, Steiner ne veut rien entendre et se contente de rester dans cette enveloppe du soldat obéissant. En réalité, ce qui nous agace tellement, c’est ce voile qu’il garde devant les yeux alors que tout indique que quelque chose de terrible est en train de se tramer. On a envie de le secouer afin qu’il réfléchisse par sa propre volonté et non par le prisme d’une autorité supérieure. C’est pour ça que lui et Djidane sont vraiment les deux faces d’une même pièce au début de l’épopée. La liberté d’un côté et la loyauté aveugle de l’autre. La fameuse phrase qui accompagne ce personnage va alors progressivement prendre tout son sens. “Est-ce vivre que de consacrer ma vie à autrui ? Qui m’apportera la réponse… ? ». Voilà une citation qui caractérise très bien Steiner et sa personnalité. En réalité, il craint de voir s’effondrer toutes ces années au service de la reine s’il se met à douter de ses ordres. Il a dédié sa vie aux autres et de ce fait s’est totalement bloqué en ce qui concerne la voix de son propre cœur. Ce qui le rassure est ce mode de vie qui est l’unique chose qu’il connaît. L’arrivée des Tantalas et tout ce qui s’ensuit vient mettre un coup de massue à ce cocon qu’il s’était forgé depuis si longtemps. C’est justement en le forçant à s’éloigner de l’influence de Branet que le changement va peu à peu s’opérer. Une évolution qui prend son temps, mais qui brille justement par ce combat interne qui se joue en lui. Steiner est un homme qui est tiraillé entre le futur incertain caractérisé par la princesse et ses nouveaux amis et la sécurité du chevalier qui obéit aveuglément à sa souveraine. Quand on y pense, il est l’un des protagonistes dont la lutte est la plus longue et éprouvante. L’intérêt et l’attachement qui naissent ensuite sont proportionnels à cette colère que l’on avait à son égard. Une rage non pas contre lui, mais contre sa vision du monde.
L’importance du libre-arbitre
On va maintenant aborder l’évolution progressive de Steiner tout au long de l’aventure. Cela peut paraître paradoxal, mais ce personnage que l’on a aimé détester est finalement devenu l’un de nos protagonistes préférés. Il y a bien sûr tout ce que j’ai cité auparavant, mais ce n’est qu’une toute petite partie de la construction de ce dernier. C’est justement parce qu’il est aussi aveugle de ce qui l’entoure que le moment où tout bascule va être aussi marquant à ses yeux. En fait, s’il commence à montrer des signes de réflexion sur les événements qui gravitent autour des mages noirs et d’Alexandrie, c’est réellement en revenant dans ce royaume que tout va se briser. Suite au passage à Tréno et à la route de la Gorgone, le chevalier finit par accomplir son rôle en ramenant la princesse chez elle. Il devrait donc être comblé d’avoir réussi cet exploit. Pourtant, son emprisonnement et le rituel qui s’organise autour de Grenat vont être comme un coup de poignard dans le dos du chevalier. Il prend conscience que tout ce qui intéresse la reine est le pouvoir de cette demoiselle qui peut invoquer toutes ces créatures redoutables. Le coup est encore plus violent quand il comprend que cette extraction risque bien de mettre un terme à la vie de la princesse. En réussissant sa mission, Steiner a condamné celle qu’il s’était juré de protéger. Un effroyable dilemme qui va le ronger petit à petit même après le sauvetage de la princesse. C’est la première fois qu’on le voit aussi troublé. Un événement tout à fait normal aux yeux du joueur qui avait compris depuis un moment ce qui se tramait. Mais pour notre épéiste, son aveuglement a fait que tout ça fut soudain et il ne peut plus se voiler la face. Même Beate finit par prendre le parti de Grenat et de ses amis.
Le petit monde de Steiner se brise et il aura fallu passer par cette étape douloureuse pour qu’il puisse enfin comprendre ce qui est important pour lui. S’il est là en tant que chevalier de la reine, cela ne doit pas pour autant embrumer son propre jugement. Il doit être conscient quand quelque chose va à l’encontre de son serment, mais aussi de ses principes. Une leçon qu’il va apprendre de façon très brutale, mais qui est nécessaire pour qu’il puisse s’extirper petit à petit de cet abîme dans lequel il s’était perdu depuis trop longtemps. Même s’il reste enclin à s’opposer à Djidane par rapport à son statut de voleur, il prend conscience de ce qu’il voulait lui dire depuis le début. C’est d’ailleurs bien pour ça qu’il va jusqu’à confier le sort de Grenat à celui qui était jusque-là son pire ennemi. A partir de cet instant, le regard du joueur se transforme petit à petit afin d’exprimer une forme d’admiration naissante pour cet homme. Il est bien conscient de toutes les erreurs qu’il a pu commettre et il va entamer une longue quête de rédemption afin de devenir un véritable chevalier. S’il est au service de la famille royale, son devoir avant tout est de protéger les citoyens d’Alexandrie. Il n’est plus le protecteur d’une personne, mais de toute une nation en compagnie des autres soldats qui le suivent. S’il reste le guerrier bourru qui reste cantonné sur ses positions, on constate son ouverture aux autres et aussi les très bons conseils qu’il peut donner à ses camarades. Cette aventure est l’occasion pour lui de se transformer pour enfin comprendre ce que c’est que de dédier sa vie aux autres. Une voie qui n’oblige nullement à se couper de toute forme de raison. Voilà un personnage qui reste ancré dans les mémoires non pas d’entrée de jeu, mais bel et bien par son envie de mieux faire.
Steiner devient un chevalier digne de ce nom
Décidément, FFIX a le chic pour nous proposer des protagonistes captivants à suivre. Des individus qui ne restent pas dans un moule prédéfini et qui ne cessent d’évoluer au fur et à mesure de l’histoire. Steiner en est le parfait exemple et représente sûrement l’une des plus belles progressions que l’on a pu voir dans la saga. Un homme que l’on ne pouvait supporter plus jeune et qui a fini par dévoiler toute la subtilité et la profondeur de son écriture bien des années après. A présent, on vibre en voyant ce protagoniste se jeter à corps perdu dans la protection de ce royaume qui lui tient tant à cœur. Rien que durant l’attaque d’Alexandrie par Kuja nous permet d’admirer le nouveau chevalier qu’il est devenu. Se battant bec et ongles en compagnie de Beate, il se montre à la hauteur de cette dernière jusqu’à finalement dévoiler une partie de ses sentiments à son égard. Un grand gaillard en armure derrière lequel se cache un très grand cœur. D’ailleurs, on ne peut qu’être heureux en voyant le destin qui l’attend et qui est sûrement la plus belle récompense à ses yeux. L’amour de celle qu’il aime, mais aussi la paix qui règne à présent sur ce foyer qui est le sien. En plus de ça, pour faire écho à ma précédente chronique sur Djidane, il est juste fantastique de voir que ce combattant, qui a tant détesté notre héros, finit lui aussi par tendre la main pour le sauver. Un ami précieux qui comprend que derrière un voleur, un mage, un mercenaire et bien d’autres se trouve une famille qui a bien plus de valeur que sa propre existence.
C’est pour remettre un peu la lumière sur cet individu souvent mal-aimé que j’avais envie d’écrire cette chronique. A l’image de l’ensemble du casting de FFIX, Steiner est une personne qui semble ancrée dans un rôle pour mieux le détruire par la suite. Quand on y réfléchit, cet opus est celui qui veut imposer des cases au départ afin de mieux les briser et ainsi donner encore plus de poids à tout ce qui est véhiculé. Il est encore une fois fabuleux de remarquer que derrière cette DA qui peut paraître enfantine pour certains se dissimule sûrement l’un des épisodes les plus fournis en matière de réflexion et de travail sur les acteurs de cette aventure. Une épopée qui a déjà plus de vingt ans, mais dont la magie n’a pas perdu de sa superbe. Pour répondre à la fameuse question que Steiner se pose, il est tout à fait possible de dédier sa vie aux autres, mais sans pour autant en oublier sa propre existence. La loyauté est une valeur remarquable, mais comme beaucoup de qualités, elle peut aussi se transformer en défaut quand elle est poussée à l’extrême. Un gardien qui a maintenant pris le recul nécessaire pour accomplir pleinement la mission qui est la sienne. J’espère en tout cas que cet article vous aura plu et qu’il vous aura donné une autre opinion sur ce guerrier au final très touchant. N’hésitez pas à me dire en commentaires ce que vous avez pensé de ce dernier. Bien d’autres chroniques arriveront sur ces mondes fabuleux que sont les Final Fantasy.
Merci, mille mercis pour cet article absolument remarquable !
Je suis vraiment content d’avoir lu cette analyse de Steiner. Très complète, elle met la lumière sur la grandeur de ce personnage.
Steiner est un personnage que j’apprécie énormément (comme tout le casting de FFIX XD) et au-delà de son air grognon et de son aversion première pour Djidane, son évolution est vraiment incroyable, comme tu le soulignes si bien.
Quant on joue une première fois à FFIX, on ne peut pas être indifférent au rôle de Steiner tout le long ! Garant de la vie de la princesse, sa réplique « Je donnerais ma vie pour ma chère, très chère princesse » me donne encore des frissons. Pareil, son soutien continuel et son respect pour Bibi font qu’une solide amitié/camaraderie se noue entre eux. Et sans oublier son soutien à Djidane lors de la remontée du Pandémonium !
Au final, Steiner aura conquis nos coeurs !
Un immense merci à toi pour ton commentaire et tes mots !
J’ai vraiment voulu aborder tout ce qui fait la force de ce personnage et surtout toute la richesse de son écriture.
Un personnage qui est bien loin d’être aussi manichéen qu’on pourrait le croire 🙂
Il y a deux ans, j’ai voulu faire un article sur ce personnage afin de le mettre un peu plus en avant (et ça change des personnage qu’on parle des mêmes).
Et oui, je fais partie des personnes qui était un peu agacées par Steiner au début du jeu (comme avec Barret) mais sa remarquable évolution m’a poussée à l’aimer et j’ai même fini par trouver son côté agaçant drôle.
Steiner est un chevalier dont on ne peut lui reprocher sa loyauté et il le fait jusqu’à la fin du jeu même s’il finira par penser enfin par lui-même. Et que dire de sa déclaration (subtile) à Beate lors de l’attaque d’Alexandrie et à la fin ? Ca me rendra toujours gaga !
Encore une fois un excellent article et j’attends avec impatience le prochain personnage qui sera la star de la semaine !