La-solitude-de-Djidane

La solitude de Djidane

Après avoir pris un moment pour parler de Sephiroth et de tout ce qui a façonné cette légende, je me suis dit que ce serait dommage de s’arrêter après ça. Etant un passionné de la saga Final Fantasy qui déborde de thèmes, de scènes et de personnages à étudier, j’avais déjà une idée bien précise de ce que je souhaitais parler. En plus de ça, cela tombe bien étant donné que je suis justement en train de refaire l’opus dont il sera question dans cette chronique. Vous l’aurez compris, on va partir sur FF9 et plus particulièrement sur un passage bien précis de l’intrigue. La licence de Square Enix a toujours su nous offrir des moments forts et ce neuvième épisode ne déroge pas à la règle. Mais il y en a une qui n’est finalement pas trop abordée alors qu’elle contribue énormément au développement d’un personnage. Il s’agit de Djidane au moment où il décide de baisser les bras. Une scène qui arrive finalement assez tard dans le jeu, mais qui découle justement d’une très grosse révélation que l’on a pu avoir juste avant. L’heure est donc venue de revivre un moment inoubliable et fort de cette grande épopée.

La détresse du joyeux luron

Avant toute chose, il est important de souligner que Djidane, le protagoniste initial de l’aventure, a toujours été présenté comme un voleur au grand cœur. Depuis le début de l’aventure, il n’a eu de cesse de se montrer sous un visage de petit farceur et coureur de jupons ayant constamment une forme de joie de vivre communicative. Il est alors intéressant de voir le parallèle qui est fait entre lui et ses amis. Avant que l’on arrive au moment qui nous concerne aujourd’hui, ce brigand a souvent été la petite lueur d’espoir au sein de l’équipe. Là où tous les autres se retrouvent progressivement confrontés à leurs doutes, à leurs peines, mais aussi à leur passé, il est celui dont on ignore tout. Un héros dont la seule chose que l’on sait est son appartenance aux Tantalas aux prémices de cette histoire. Cela est très bien pensé d’avoir fait de cette figure centrale un protagoniste à la fois très présent sur le devant de la scène pourtant si mystérieux. D’ailleurs, il est très important de noter aussi pour la suite que Djidane est celui qui vient souvent en aide aux autres. Toujours prêt à sauver ses amis, il va être celui qui initie beaucoup de plans ou qui se retrouve au milieu du conflit tout simplement pour accompagner ses camarades. De même, ses mots ont plus d’une fois été présentés comme une bouée pour eux au milieu d’un océan d’incertitudes. On peut donc aisément se dire qu’il est un leader naturel et surtout un compagnon fidèle qui est avant tout guidé par son cœur et qui arrive aussi à être l’auteur de paroles fortes. Ainsi, pour le joueur, cet adolescent à la queue de singe se présente comme un soleil où les autres personnages gravitent. Même face à la défaite, il continue de se relever et de pousser les autres vers l’avant.

Et pourtant, cette image va finir par voler en éclats vers la toute fin du jeu. Alors que l’on entame la dernière partie du disque 3, on découvre Terra, une autre planète habitée par des individus ressemblant étrangement à notre héros. Si tout le monde se pose d’étranges questions sur les similitudes entre le chef du groupe et ces personnes, le principal concerné semble ne pas y prêter attention. On sent cette envie de rester le même quitte à se voiler la face sur la vérité qui pourrait détruire tout ce qu’il pensait connaître. C’est finalement suite à la rencontre avec Garland que la lumière est faite sur l’origine de Djidane. Il est un être créé artificiellement et fait donc partie des génomes au même titre que Kuja. En quelques instants, son monde s’écroule en comprenant la réalité derrière son existence. Il n’y a ni amour ni sentiments derrière sa naissance. Juste un clone chargé de prendre la place qui lui revient sur ce monde qui semble en perdition. Ce n’est qu’à cause de la jalousie de celui qui est maintenant son frère qu’il a fini sur Héra. Une terrible nouvelle pour le voleur espiègle qui perd pied et ne sait plus ce qui est vrai ou non. Avec ces quelques mots, le chef suprême de ce lieu plonge ce dernier dans un abîme sans fond sans rien pouvoir faire. La détresse de ce jeune homme apparaît alors pour la première fois de toute cette aventure. Une étape terrible, mais nécessaire dans la construction de ce personnage au même titre que le reste du casting. C’est à lui de connaître l’enfer pour finalement s’en extirper et comprendre le sens de sa propre existence. Un passage qui, finalement, va durer que peu de temps dans le jeu et qui pourtant va profondément marquer le joueur et l’ensemble du groupe. Pour la première fois, ce protagoniste n’affiche plus le moindre sourire.

Djidane - éveil

Un être refusant toute aide

C’est au moment d’être plongé dans Pandémonium que l’on retrouve un Djidane diamétralement différent de celui que l’on a pu connaître. La joie et les idioties de cet ado ont volé en éclats pour ne laisser place qu’à un profond désir de se retirer dans une effroyable solitude. Rien que la scène de son éveil entre ces murs est forte dans ce qu’elle représente. On y voit notre héros assis sur une forme de trône comme s’il avait déjà accepté le destin qui lui avait été choisi dès sa création. Ses yeux s’ouvrent sur Eiko et Bibi qui font tout pour le réveiller afin qu’il reparte avec eux. Si le joueur est vraiment heureux de retrouver ces deux complices, la réaction du protagoniste est totalement différente de ce que l’on pouvait attendre. Il n’hésite aucunement à envoyer paître ses anciens amis comme si tout ce qu’ils avaient vécu jusqu’ici ne signifiaient rien. D’ailleurs, le fait que Bibi fasse partie des premiers à tenter de le raisonner est aussi hautement symbolique. Après tout, les génomes et les mages noirs se ressemblent bien plus qu’il n’y paraît. Les deux groupes ont été créés artificiellement afin de répondre à un but précis sans la moindre possibilité de libre-arbitre. Faisant office d’exception de par ce qu’ils ont vécu et le cours des événements, Djidane fut celui qui donna le courage à Bibi d’accepter l’origine de son existence et d’aller outre celle-ci. Il est parvenu à lui insuffler cette force nécessaire pour que Bibi crie ardemment son existence au monde. C’est l’inverse qui se passe à présent avec ce dernier qui veut être là pour aider son ami et lui montrer qu’il n’est pas qu’une poupée sans vie obligée d’obéir à l’ordre d’un homme. 

Mais là où Bibi a toujours su accepter et prendre en considération tout ce qu’on lui disait, Djidane se montre totalement hermétique à ses paroles. Si l’on pensait que la présence de son ami aurait suffi, le joueur s’en mord les doigts et constate avec tristesse que notre jeune brigand continue sa route sans se retourner le moins du monde. Dès cet instant, on va accompagner Djidane dans sa démarche boiteuse jusqu’à un objectif flou et où chaque nouvelle salle va être l’occasion de retrouver d’autres membres de l’équipe. On a le droit à une représentation incroyable d’un chemin de croix où notre héros reçoit les encouragements de tous ceux qu’il a aidés par le passé, mais où il préfère rester sourd. Une longue marche jusqu’à des ténèbres dont il ne pourra plus revenir s’il n’est pas stoppé. Si l’on partage pleinement cette peine qui a ravagé le cœur de notre compagnon de route, la douleur est encore plus violente quand on le voit faire fi des autres qui restent sans voix devant l’attitude de celui-ci. Pour la première fois, il se rend compte que Djidane est aussi un être fragile qui a besoin qu’on lui tende la main. Un rapport qui va constamment s’inverser et même dans les combats scriptés que l’on nous propose. Totalement épuisé et continuant pourtant sa route, notre voleur abat ses ennemis sans même y faire attention. Tout ce qui l’importe maintenant est ce rôle que lui a confié son créateur. Même quand Grenat fait son apparition, Djidane ne veut entendre ce qu’elle a sur le cœur. Ce n’est qu’après un combat pouvant être assez difficile qu’arrive le moment pour le protagoniste de faire le choix qui décidera à jamais de son futur. La princesse est la seule à réussir à lui faire arrêter son chemin afin qu’il écoute ce qu’elle souhaite lui dire. Mais en réalité, c’est tout ce trajet que l’on a fait et les membres de l’équipe que l’on a rencontrés qui ont permis de stopper leur ami dans sa funeste démarche.

You’re not alone

Pour parler de l’impact que les autres personnages ont, il est important de reprendre au début de ce passage. Comme on l’a dit plus haut, Djidane se présente comme un fantôme dont les paroles de ses compagnons d’armes n’arrivent pas à l’atteindre. Le fait de voir une amitié qui s’est forgée au fil de si nombreuses épreuves être presque réduite à néant engendre forcément une éprouvante détresse chez le joueur. A aucun moment il n’était paré à ce que celui qui semblait servir de chef finisse par tourner le dos à ceux qui l’ont accompagné jusqu’ici. Pourtant, c’est justement parce que l’on enchaîne les rencontres et séparations dans cette scène que notre héros va peu à peu ouvrir les yeux. Tous ces mots, qui lui sont adressés, résonnent en nous, mais aussi en lui sans qu’il s’en rende compte. Si une seule voix ne suffit pas, c’est l’effort combiné de tous qui va permettre de le tirer de cette solitude. Chacun montre ce que Djidane lui a apporté et le fait que c’est maintenant à lui d’accepter d’être soutenu par les autres. Il est vrai que l’on pourrait croire que Grenat est celle qui est le plus proche de Djidane et qui parvient donc à toucher son cœur. Mais en réalité, chaque compagnon va fissurer peu à peu cette bulle dans laquelle il s’est retranché pour finalement laisser le coup final à cette princesse qui a tant appris à ses côtés. Une symbolique forte autant dès le départ par la présence de Bibi que par cette conclusion apportée par cette nouvelle reine qui est devenue ce qu’elle est grâce à celui qui devait l’enlever au départ. Si ce moment s’est inscrit à jamais dans l’esprit des fans de la licence, c’est autant par l’écriture de celle-ci que par sa mise en scène. 

Le changement de ton, le fait de s’attaquer à celui qui représentait un peu la lumière au sein du groupe et la distance qui s’opère entre lui et ses amis finissent de nous marquer à vie. Lui qui voulait qu’on le laisse seul, car personne ne pourrait comprendre son fardeau a finalement compris que jamais il ne le serait. Il aura toujours derrière lui ses camarades pour le soutenir quand il se perd au cœur de l’obscurité. C’est là qu’entre aussi un autre élément à prendre en considération et qui joue énormément sur notre appréciation de ce chapitre de FF9. Il s’agit tout simplement de la musique qui porte très bien son nom : You’re not alone. Nobuo Uematsu a parfaitement su retranscrire, à travers sa composition, la détresse de cette situation, mais aussi le soutien sans faille amené par ces intervenants tout au long de l’errance de Djidane. Une musique qui ne cherche même pas à être dynamique durant les affrontements, car l’objectif ici n’est pas l’action, mais ce qu’il se passe autour. Accompagnant parfaitement chaque pas tremblant de l’individu simiesque, on nous communique à travers ces notes tout le désespoir de ce dernier. On tremble à l’idée qu’il ne puisse plus redevenir celui que l’on a connu et pourtant quelque chose nous fait dire que l’on peut encore croire en lui. Cela se renforce par ce changement de ton qui s’opère tout au long de la composition qui résonne comme les paroles de ces personnages qui témoignent de l’impact de Djidane sur leur vie. Même quand il se retrouve face à un ennemi gigantesque, ses compagnons viennent à sa rescousse alors qu’il n’a rien demandé. Un mélange de noirceur et de lumière se forme tout au long de cette composition à l’image de ce que l’on vit à l’écran. En pensant se diriger vers la fin de son périple, Djidane a finalement croisé la route de sept lumières qui ont guidé sa route pour retrouver cette vie qu’il s’est lui-même façonné.

Combat - Djidane

Djidane retrouve sa raison de vivre

FF9 est un opus qui est bien plus profond que l’on peut le croire de prime abord. Un opus qui a voulu renouer avec l’origine de la série, mais aussi qui se présente comme l’un des plus prenants en matière de thématiques. A la fois psychologique, philosophique et aussi existentielle, l’histoire de tous ces personnages finit toujours par nous marquer. S’il y a bien sûr des protagonistes qui trouvent rapidement leur place dans le cœur des joueurs, on ne peut qu’être admiratif devant le formidable travail d’écriture du studio à la création de cette aventure. Ce passage, mettant en scène le désespoir de Djidane et l’importance que revêt son groupe, est une scène légendaire qui symbolise parfaitement le développement réussi de ce héros, mais représente aussi une petite partie de cette incroyable fresque humaine qui se construit devant nous. Alors que tous les personnages qui nous rejoignent font directement face à leurs problèmes et leurs démons, Djidane prend le chemin inverse. Un jeune homme insouciant et qui tirait sa force de celle-ci afin de venir en aide aux autres. Ce n’est qu’à l’approche du dénouement de cette épopée qu’il fait face aux fantômes de son passé. Une origine dont il ignorait totalement l’existence et qui va être une terrible descente aux enfers pour lui. Acceptant tristement son sort et se résignant à n’être plus qu’un outil, il ne doit son salut qu’à ceux qui ont partagé son quotidien pendant tout ce temps. 

Cette solitude qu’il désirait n’était en réalité qu’un cri du cœur pour que l’on vienne à son secours. Un appel auquel ont répondu ses sept camarades. Cet acte du jeu va nous faire passer par une myriade d’émotions. Le soulagement que l’on a en voyant Bibi et Eiko au début est remplacé par une incompréhension et une colère en voyant la réaction de Djidane. Des sentiments qui finissent par s’estomper tandis que l’on partage la détresse de ce cambrioleur. Un poids qui nous étouffe à chaque nouveau pas qu’il fait jusqu’à cet instant où l’on est finalement libéré de celui-ci. Même après des heures de construction, cet épisode nous montre qu’il peut encore nous surprendre et surtout enrichir un héros loin d’être purement manichéen. Ce qui rend aussi ce moment aussi inoubliable, c’est parce qu’il a une réaction tout à fait humaine et compréhensible. Le désespoir peut être un terrible poison dont il a su s’en défaire, même si beaucoup n’y arrivent pas forcément. Une simple main tendue peut sauver une vie et c’est ce qui s’est passé pour lui jusqu’à le pousser à en faire de même à l’égard de ce frère qui a voulu tant de fois l’éliminer. J’espère que cette chronique vous aura plu et qu’elle aura su souligner toute l’importance et la beauté de cette scène vidéoludique. Le jeu vidéo regorge de ces moments où tout bascule et qui donne naissance à des souvenirs impérissables. Bien d’autres rendez-vous arrivent autour de toutes ces expériences que l’on peut vivre avec une manette à la main.

5 Comments

  • Nana Coubo dit :

    Etant fan de FF9, cet article me fait ultra plaisir. Djidane est un personnage que j’aime énormément, mon préféré de la saga même (et de la fiction). En jouant pour la première fois à FF9, ça m’a fait du bien de connaitre un prota hyper positif, drôle mais également responsable (du moins, il se sens responsable). Assister à cette scène dans le jeu m’a foutu une belle claque et voir Djidane désespéré et dégoûté de ses origines m’a brisée le coeur. Il y a de quoi péter les plombs, non ?

    Merci encore pour cet article et d’avoir permis à Djidane d’avoir été mis en lumière (et oui, c’est rare que je lise des articles détaillés le concernant)

    • EspritOtaku dit :

      Merci Nana Coubo pour tes mots et vraiment heureux d’avoir su capté tout ce qui fait la force de ce héros qui est bien plus intéressant qu’on peut le croire au premier abord. Cette scène joue un énorme rôle dans son développement et permet de voir ce qu’il y a en dehors de son côté joyeux et drôle.

  • Climhazzard_IX dit :

    Article exceptionnel qui m’a touché en plein coeur. Les mots employés émotionnent mon âme passionnée par FFIX. Djidane est un protagoniste que j’apprécie beaucoup. Je suis vraiment heureux de lire un article qui s’y attarde et qui développe ce personnage que je trouve fantastique et travaillé !

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