Décryptage de scènes cultes – la danse de Yuna
On l’avait dit, 2023 est l’année où l’on va proposer beaucoup d’articles spéciaux afin de s’attaquer à des sujets toujours plus palpitants. Il y a un sujet que l’on voulait traiter depuis longtemps et on s’est dit que c’était l’occasion ou jamais de le faire. Peu importe nos œuvres préférées, que cela soit manga, anime ou bien jeux vidéo, il y a toujours des moments qui marquent profondément le spectateur. C’est sur ces scènes cultes que va porter ce rendez-vous inédit où je vais vous donner mon décryptage et surtout ma vision de ce qui fait que ces instants sont devenus aussi mémorables. Cela pourra autant concerner une lecture particulière qu’une aventure vidéoludique ou bien une série. Il faut dire que l’on a de quoi faire au vu de tous ces plans qui nous restent en tête et s’inscrivent à jamais dans le cœur des fans. Pour inaugurer cette nouvelle saga d’articles, quoi de mieux que de s’attarder sur une licence que j’affectionne tout particulièrement. Il s’agit de Final Fantasy et plus particulièrement du dixième opus de cette franchise. Dans cet épisode, les moments grandioses sont nombreux. Pourtant, on avait envie de revenir sur ce passage qu’est la cérémonie que Yuna à Kilika suite à l’apparition de Sin. Un événement qui va symboliser un véritable changement dans notre perception de cet opus et surtout nous faire vivre un véritable ascenseur émotionnel. Il est donc grand temps d’assister une fois de plus à cette danse qui nous déchire le cœur.
Le joueur face à la mort
Pour bien cerner l’impact qu’a cette scène sur le joueur et même sur l’aventure en elle-même, il est important de remettre quelque chose en perspective. Jusqu’à l’événement tragique qui va frapper le petit village de Kilika, le joueur, ainsi que Tidus, reste assez innocent concernant ce qui se passe. Il est vrai que l’on a pu voir Sin au début de l’aventure s’en prendre à Zanarkand et faire beaucoup de dégâts. Pourtant, on a jamais été pleinement conscient de ce qui se passait. On prenait ça pour une menace assez impressionnante et où la fuite était prioritaire avant tout. A aucun moment il n’est question de se pencher sur ceux qui n’ont pas eu la chance de survivre. Un état qui va être nourri tout au long des premières heures de jeu. En se retrouvant sur Spira, on a cette incompréhension du monde tout à fait naturel étant donné que l’on est propulsé sur ces terres sans rien savoir les concernant. Dans un sens, on partage pleinement l’état dans lequel se trouve Tidus qui marche souvent dans le plat sans le savoir. Pourtant, on sent que tous les gens que l’on croise ont une sombre mine. Ils sont conscients de ce que signifie ce monstre dès lors qu’il fait son apparition quelque part. De ce fait, il y a un double dialogue qui se joue brillamment entre le joueur qui avance sans savoir ce qui l’attend et ces individus qui progressent avec un terrible poids sur les épaules. Ce n’est qu’une fois que l’on arrive à cette fameuse ville sur l’eau que le choc va avoir lieu. Le calme apparent et le côté presque balnéaire de ce lieu nous dépaysent un peu plus. Pourtant, il aura suffi de quelques minutes en direction du temple à l’extérieur de ce village pour que la chaleur ambiante se transforme en froid glacial. Une scène cinématique se déclenche et en seulement quelques secondes, Kilika devient un véritable cimetière où les corps s’entassent et les maisons tombent en ruine. Aucune lutte possible et on prend conscience du caractère cataclysmique de cette entité gigantesque.
Telle une catastrophe naturelle à laquelle il est impossible d’échapper, tout se retrouve balayé. Si ces quelques minutes de vidéo suffisent déjà à nous asséner un violent coup, c’est réellement quand on accompagne Yuna dans son devoir en tant qu ‘Invokeur que tout change. Pour la première fois, on nous parle des disparus et de tous ceux qui sont tombés face à Sin. Cette terrible leçon va nous faire comprendre que derrière la beauté que dégage Spira à travers ces paysages se cache en réalité un monde baignant dans un cycle effroyable où les morts s’enchaînent. D’ailleurs, il suffit de voir l’attitude de Tidus pour observer un changement en lui. Il a beau être un beau-parleur qui ne peut s’empêcher d’être au centre de l’attention, il se montre ici comme un spectateur silencieux et en totale contradiction avec l’image que l’on a eu de lui jusqu’à présent. En réalité, il est en partie le reflet du joueur qui va aussi subir ce contrecoup éprouvant. Un changement de ton qui va s’opérer tout au long de cette danse macabre. Une scène qui va transformer notre découverte de ces terres en une épopée beaucoup plus pesante où l’on va constamment être entouré par cette aura sinistre détonnant avec la nature resplendissante de certains paysages. Cela nous conduit finalement à ce moment qui va se graver dans l’esprit du spectateur que l’on est ainsi que de notre héros qui découvre aussi pour la première fois ce qui incombe à Yuna. Une cinématique qui aura mis fin à cette certaine légèreté que l’on pouvait avoir pour nous amener directement face aux conséquences du “péché humain”. Un moment figé dans le temps où l’on reste sans voix devant ces quelques pas qui vont tant symboliser pour le scénario, mais aussi amener encore plus de poids à cette quête que l’on entreprend en compagnie de ce groupe de gardiens.
Une cérémonie aussi sublime que tragique
Il est grand temps maintenant de s’attarder sur le cœur de notre sujet. Cette scène culte de Final Fantasy X l’est devenue par rapport à tout ce que l’on a expliqué précédemment, mais aussi par rapport à ce que l’on ressent en l’observant. Jusqu’à maintenant, Yuna était présentée comme une héroïne à protéger dans son long pèlerinage pour vaincre Sin. On ne savait pas vraiment comment ce combat allait se passer ni même la portée que pouvait avoir cette mission sur les gens que l’on allait croiser. C’est finalement à Kilika que l’on va ouvrir les yeux sur son importance qui ne se limite pas uniquement à la défaite de ce monstre. Ce court passage nous montre aussi qu’en tant qu’invokeur, son devoir est aussi d’accompagner ceux qui ont malheureusement subi le courroux de ce monstre. Ainsi, si le cadre que l’on nous présente semble au premier abord magnifique avec ce coucher de soleil et la quiétude de l’eau, on va rapidement se rendre compte de ce que cache réellement ce décor onirique. Que ce soit Tidus ou le joueur, on ignore totalement en quoi consiste ce que l’on va voir avant d’avoir des informations de la part de certains personnages. Mais c’est en voyant Yuna se mettre à marcher sur l’eau, les étranges objets en osier en dessous d’elle, et à entamer sa danse rituelle que l’on sait toute la portée de ce moment. Nul besoin de mots face à ce spectacle qui nous serre peu à peu le coeur au fur et à mesure des pas de la jeune femme. On est envoûté par chacun de ces gestes qui se fondent dans ce décor semblant irréel avant de poser les yeux sur ce qui entoure ce plan. On y voit les survivants du village qui versent toutes les larmes de leur corps face à cette demoiselle qui accompagne le souvenir de ceux qui ne sont plus là.
Au sein de cette foule en pleurs, les gardiens de Yuna restent stoïques face à ce qui se déroule devant eux, non pas par détachement de ce qui se passe. Ils ne quittent aucunement leur protégée des yeux, assurant leur fonction tout en voulant être le témoin de ce tragique rituel qui renforce leur détermination à aller jusqu’au bout de ce voyage. Sans oublier bien sûr cet incroyable Hymne des priants qui accompagne à merveille cette scène pour renforcer l’aspect sacré de ce moment. On voit alors ces âmes aux couleurs resplendissantes qui s’échappent de leur cercueil immergé. Elles entourent Yuna dans son ballet pour finalement trouver le chemin du ciel. Tout cela sous les yeux d’un Tidus incapable de détourner le regard de cette jeune femme. Si toute la symbolique de ce moment nous saute aux yeux et va montrer les importants enjeux de cette épopée, cette scène est aussi là pour transcender ce média qu’est le jeu vidéo. On nous montre ici un événement qui n’aurait pas dû avoir lieu et qui sonne comme une injustice à l’égard de ces victimes innocentes. Un triste rappel que la mort peut frapper à tout moment et laisser de terribles stigmates à ceux qui restent. Pourtant, ce passage a aussi été pensé pour qu’il y ait un fort contraste entre le tragique message que l’on nous raconte et la beauté de ce moment. Des images envoûtantes et dont on sait pourtant qu’elles sont porteuses de larmes et de profondes peines. L’élégance de cette cinématique est égale à la tristesse que l’on ressent en voyant virevolter ces sphères, derniers souvenirs des disparus, autour de Yuna. Une splendeur qui va, en réalité, amener encore plus d’impact à ce rituel. Si c’est un drame que les habitants vivent dans ces heures sombres, la danse de Yuna est aussi là pour leur amener une douceur teintée d’une profonde empathie. Avec cette cérémonie, elle apporte un peu de réconfort à ceux qui souffrent en partageant leur douleur et en leur offrant comme unique présent le salut de leurs proches. Un événement qui va faire échapper des mots très forts de la part du jeune joueur de blitzball.
La danse de Yuna nous ouvre les yeux
Pour conclure cette chronique, on avait envie de revenir un petit peu sur l’importance qu’a cette scène notamment sur le personnage de Tidus. On a déjà pu évoquer précédemment à quel point les enjeux sont différents avant et après cette scène. Cependant, ce qui a aussi rendu ce moment aussi mémorable, c’est par rapport à ce que cela entraîne dans l’évolution de notre héros qui pouvait être agaçant jusqu’ici. En étant témoin de cet accompagnement que fait Yuna aux esprits des défunts pour qu’ils puissent trouver la paix, son nouveau gardien va avoir des paroles qui résonnent dans le cœur du joueur. Suite à ça, il déclare au fond de lui qu’il ne veut plus voir sa nouvelle amie refaire une telle danse ni voir d’autres personnes mourir à cause de Sin. Une décision qu’il ne parviendra malheureusement pas à réaliser immédiatement au vu de ce qui se passera lors de l’opération des Mycorocs comme pour souligner le fait qu’il se bat face à la mort elle-même. Des mots qui vont drastiquement changer sa vision de ce monde, mais aussi sur ce qu’il compte faire ensuite. Un jeune homme totalement perdu et qui trouve finalement un objectif en voulant protéger Yuna au cours de son périple, mais aussi de son propre devoir. C’est là où se trouve toute la richesse d’écriture de ce moment. Alors que tout le monde honore et remercie l’invokeur pour ce qu’elle a fait, notre protagoniste reste distant. Il ne peut accepter le fait que ces gens se soient presque résignés à subir un tel sort et surtout qu’ils fassent peser autant de responsabilités sur les épaules de la jeune fille. Étant détaché des coutumes de Spira, il s’attarde avant tout sur l’humain plus que sur l’aspect spirituel. Il va même éprouver une peur face à ces gens qui attendent qu’une personne réussisse à leur apporter une paix provisoire.
Cela idéalise les invokeurs, mais détruit aussi ce qu’ils sont réellement à savoir des êtres humains avant tout. Conditionné à être des élus prêts à se battre pour le bonheur des autres, les habitants de Spira et même les gardiens y voient un grand honneur là où Tidus y voit un sacrifice que tout le monde encense. Que ce soit dans le symbole de cette danse, la musique, le décor et même les paroles de cet adolescent, tout est ingénieusement pensé pour nous transmettre des émotions qui vont directement impacter toute l’histoire et notre manière d’appréhender l’aventure. Une incroyable leçon d’écriture autant par la forme que par le fond de la part des développeurs et artistes ayant travaillé dessus. Dans un sens, c’est peut-être à cet instant précis que le véritable combat de Tidus a débuté dans l’espoir de sauver Yuna du destin qui l’attend. J’espère en tout cas que ce premier numéro vous aura plu et surtout qu’il aura bien cerné tout ce qui fait la richesse de cette scène. Il est vrai que j’aurais pu choisir bien d’autres moments spectaculaires, mais j’avais envie d’inaugurer ce rendez-vous en montrant qu’une scène culte n’est pas limitée à de l’action ou bien un rebondissement scénaristique incroyable. Cela peut aussi se présenter sous forme d’une cinématique qui, tout en douceur, va construire le pont qui nous fera poursuivre le voyage et surtout jouer sur nos émotions pour façonner le combat que l’on va mener. En tout cas, n’hésitez pas à partager votre ressenti concernant ce rendez-vous, mais aussi sur ce rituel qui a fait verser bien des larmes. On se retrouve très vite avec d’autres moments iconiques à décrypter !