Branet

La Reine Branet : une souveraine aveuglée par le pouvoir

Et oui, la nouvelle vague gaming est déjà de retour et l’on reste dans l’univers de Final Fantasy IX pour celle-ci. Si elle sera moins conséquente du fait qu’il y a moins de sujets à traiter, cela ne veut pas dire qu’elle en sera moins intéressante. Au contraire, cette nouvelle sélection d’articles va être l’occasion d’aborder un thème que j’apprécie tout particulièrement dans la fiction et encore plus dans la licence de Square Enix. Il s’agit tout bonnement des antagonistes qui vont venir mettre des bâtons dans les roues du joueur et des protagonistes. Ce qui est bien avec ces entités considérées comme néfastes, c’est qu’elles sont très loin d’être purement manichéennes. Quand on s’attarde un peu sur leur écriture, on peut déceler une richesse incroyable et surtout une histoire qui peut nous faire connaître des émotions encore plus fortes que la simple haine. Pour lancer cette nouvelle vague, je ne voulais pas commencer par celui qui est considéré comme le principal adversaire de nos héros. Finalement, je me suis reporté sur celle qui est sûrement la première grande ennemie à venir entraver le bon déroulement de notre aventure. Il s’agit tout bonnement de la Reine Branet. Un personnage qui peut donner à sourire au début, mais qui, comme pour beaucoup de personnages de cet opus, a énormément souffert. L’heure est donc venue d’observer le règne d’une souveraine aveuglée par ses désirs.

Une mère qui avait tout

Quand on parle de la Reine Branet, il est clair que pour la majorité des joueurs qu’elle est avant tout une souveraine au physique aussi singulier qu’au caractère bien trempé. En fait, il est très important de voir comment ce premier contact avec elle va avoir une certaine influence sur notre manière de la percevoir et de tromper un peu qui elle est vraiment. Il ne faut pas longtemps pour que l’on découvre cet être à la carrure imposante qui peut donner à rire de prime abord au vu de sa stature. Ce point est encore plus appuyé quand on voit la différence entre Grenat et sa mère étant donné que l’on ignore encore totalement qu’il n’y a pas de réels liens de sang entre les deux. Ainsi, tout le passage de la représentation des Tantalas va être l’occasion de découvrir une dirigeante très portée par ses émotions. Pouvant faire preuve d’une tristesse déroutante et presque enfantine suite à la prestation durant cette pièce, elle montre rapidement les crocs dès lors qu’elle comprend le cirque de la bande de voleurs. Colérique et prête à tout pour que personne ne contredise son autorité, elle n’hésite même pas à faire appel à un Bombo en plein milieu de la ville pour se débarrasser des gêneurs. Des méthodes extrêmes, mais qui sont caractéristiques de son tempérament. Cela nous donne une image très néfaste de Branet qui nous paraît être presque comme une gamine capricieuse qui s’emporte rapidement et qui ne peut accepter qu’on aille contre son sens. D’ailleurs, elle va aussi rapidement se montrer comme une mère aussi peu attentionnée étant donné qu’elle est déterminée à ramener sa fille au château par tous les moyens possibles. Cela peut sembler caché un lien maternel fort de crainte de voir son héritière entre les mains de ses kidnappeurs, mais la véritable raison est bien plus tragique et égoïste. 

Avant même que Kuja ne fasse son apparition, la Reine Branet devient le principal antagoniste de l’aventure. C’est elle qui va donner l’ordre à Pile et Face de poursuivre les héros et de faire appel aux Valseurs. C’est aussi elle qui a engagé Tarask et Lamie pour pourchasser sa fille et ses compagnons de route. Ainsi, elle prend la place de grande organisatrice des diverses menaces que l’on croise sans pour autant se mouiller personnellement. Cela ne fait qu’accentuer la forme de dégoût que l’on peut avoir à son égard. Après tout, elle est la reine d’une des plus grandes puissances de ce monde et l’on sent que ce pouvoir la ronge de plus en plus. Derrière son faciès presque clownesque et son attitude parfois comique et énervant se cache en réalité une femme dévorée par ses propres ambitions. Branet a beau avoir déjà énormément de richesses et de puissance sous la main, on sent que cela ne lui suffit pas. Son regard se porte en dehors de ses frontières et c’est là qu’on entre progressivement dans ce qui fait toute la pertinence de ce personnage. Le décalage entre ce qu’elle nous montre et ce qu’elle raconte va justement accentuer la force de son écriture et la rendre bien plus intéressante. D’ailleurs, le fait d’en faire une antagoniste sans pour autant qu’on ne se confronte jamais à elle directement est un excellent parti-pris. Cela ne fait que renforcer le fait qu’elle est une dirigeante qui préfère utiliser les autres pour ses sales besognes plutôt que de salir personnellement les mains. Se pavanant du haut de son balcon ou bien débarquant après la bataille, elle nous montre le progressivement le visage d’une conquérante dont l’orgueil n’a d’égale que son détachement de toutes les horreurs qu’elle réalise sous couverts de ses troupes et des armes que va lui prodiguer un certain homme.

Branet - Bloumécia

L’appel d’un marchand d’armes

Comme j’ai pu le dire un peu plus haut, il ne faut pas minimiser l’importance de la Reine Branet en tant qu’antagoniste. On peut avoir le sentiment qu’elle joue un rôle moindre que Kuja, car il n’y a jamais de combat contre elle. Pourtant, c’est par ses actes que notre épopée va réellement débuter. C’est en voyant le changement dans son comportement que Grenat décide de fuir Alexandrie pour trouver refuge chez Cid. Ses décisions vont avoir un impact durable sur l’ensemble de ce monde et sur les habitants qui y vivent. Mais si elle passe à l’acte, c’est justement parce qu’un homme va venir à sa rencontre en lui faisant miroiter l’outil qui lui permettra d’assouvir ses rêves de conquête. Il s’agit bien sûr de Kuja qui se présente un peu comme un marchand d’armes et qui va être celui qui va lui offrir la technologie pour créer les mages noirs. C’est en ayant entre ses mains ce pouvoir de création de toute une armée de pantins que Branet va finalement se dire que le moment est venu pour elle de briser la paix. La reine rigolote de par son allure cartoonesque du début laisse place à une régente qui n’hésitera pas une seule seconde à rayer de la carte des villes entières. Quand on y pense, ses crimes sont effroyables et impardonnables étant donné qu’elle va donner l’ordre de massacrer des peuples entiers dans l’unique but d’assouvir son ambition. Pour le joueur, cela s’exprime en premier lieu quand il croise la route des Valseurs qui vont être de redoutables ennemis. Mais c’est réellement en se dirigeant vers Bloumécia que l’on prend conscience de l’horreur qui est en train de se passer. Si l’on a un échantillon de la fureur de la reine au sein de la Caverne de Guismar, elle n’est pas explicitement citée et ce sont Pile et Face qui font office de bouc émissaire à la fureur de nos héros et du joueur.

Encore un très bon exemple de ce travail apporté par les développeurs pour qu’elle soit toujours présente en coulisses en évitant de faire directement face à la colère des personnages. Le véritable moment où tout bascule, c’est bel et bien dans la dernière partie de notre exploration de Bloumécia. Alors que l’on a assisté au massacre commis par cette armée dénuée de toutes émotions, on arrive sur cette fameuse place où la pluie redouble d’intensité. Trois êtres font face à notre groupe. D’un côté, nous avons Kuja, un homme dont on ignore encore à ce moment précis l’importance de son rôle ainsi que l’étendue de son implication. Beate, la capitaine qui suit avant tout les ordres et va autant susciter la peur que l’admiration au cours d’une confrontation remarquable. Et puis il y a Branet. Une personne dont une fois encore la carrure va la faire ressortir du lot. A ce moment précis, toute la rage accumulée jusqu’ici va être dirigée vers elle. Pour ne rien arranger, on est témoin de ses propos ignobles à l’égard du peuple de Bloumécia qu’elle ne considère pas plus haut que de la vermine. Des mots qui vont être le déclencheur de tout un tas d’émotions chez le joueur qui veut vraiment en découdre avec elle et faire capoter ses plans. A ce niveau-là, on se rend compte qu’il n’y a rien à sauver de cette dirigeante qui se repaît de ce sinistre spectacle qui nous fait verser une larme. La grande méchante de cette histoire prend définitivement sa place dans le cœur des joueurs en tant qu’ennemi à abattre. Un sentiment qui va être encore plus appuyé par la suite avec la destruction de Clayra et de Lindblum. C’est justement remarquable d’avoir fait une telle adversaire dont la progression de sa conquête semble impossible à stopper et qui ne va connaître une fin que par la main d’un autre antagoniste. 

La déchéance d’une dirigeante

La dernière phrase que l’on a écrite dans le paragraphe précédent est très importante. Quand on y pense, le joueur et son groupe de héros ne vont jamais réussir à mettre un terme aux ambitions de Branet. Cela peut sembler étonnant, mais c’est ce qui rend en partie ce personnage aussi captivant. Devant toute la puissance de son armée et l’utilisation des chimères, notre équipe n’est finalement qu’un grain de poussière face à elle. On arrive à limiter les dégâts comme lorsque l’on sauve une partie de la population à Clayra ou que l’on vient en aide aux quelques rescapés de Bloumécia. Mais jamais nous ne parvenons à arrêter l’une de ses attaques. Cela offre une fatalité terrible aux héros qui ont le sentiment d’être impuissants face à tant de violence. Ainsi, plus on observe nos efforts être réduits à néant et plus Branet se présente comme une menace dévorant tout sur son passage. Un véritable tyran dont l’emprise s’étend sur tout le continent de la Brume avant de porter son regard vers les autres parcelles de terre constituant ce monde. Si elle nous présente le visage d’une conquérante n’ayant que faire de la vie des autres, on aurait pu espérer que le lien qui l’unit à Grenat puisse arranger les choses. Pourtant, la déchéance de la reine continue quand on voit qu’elle n’a pas le moindre scrupule à utiliser sa fille pour obtenir encore plus de pouvoir. N’ayant aucune peine à l’idée de lui arracher la vie en récupérant les chimères présentes en elle, tout espoir de rédemption se brise. Et pourtant, même après tout ça, Grenat veut se confronter à Branet pour tenter de lui faire entendre raison. Des paroles qui restent sourdes aux yeux de sa mère adoptive qui a déjà prévu de s’attaquer à un autre ennemi de taille. 

En effet, alors que nos pas nous mènent sur l’autre continent et que l’on se dirige vers l’Ifa, c’est là que l’on retrouve la souveraine aveuglée par sa soif de conquête et ici de vengeance. On observe toute la flotte d’Alexandrie se réunir aux abords des côtes entourant l’arbre géant dans l’unique but de faire payer la traîtrise de Kuja. Cette scène, qui sera malheureusement la dernière de la Reine Branet, est très représentative de la chute de cette dernière. Face à son ancien collaborateur, elle est mue autant par la colère que par l’assurance de sa réussite au vu de tout son arsenal. Une armée entière contre un seul homme et tout nous laisse à penser qu’elle parviendra encore une fois à son but. Cependant, son orgueil va finalement se retourner contre elle en pensant que personne ne pouvait être au-dessus d’elle. Faisant appel à Bahamut, symbole d’une puissance divine, son sourire de satisfaction se transforme rapidement en une peur indescriptible en voyant que la chimère se retourne contre elle. On observe toute la bataille du haut des branches de l’Ifa en étant déchiré à la vue de Grenat cherchant un moyen d’empêcher que le pire arrive. Malheureusement, une fois encore, les protagonistes sont cantonnés au rôle de témoins. Ils assistent à la mort de Branet qui nous montre ici toute l’étendue de son écriture. Tout ce qui a été fait en amont était pour donner encore plus d’impact à ce moment. Si le début de notre voyage nous montrait une Branet à la fois drôle et colérique, tout ce qui suivit ensuite a nourri l’ego de cette femme. Plus ses victoires se multipliaient et plus elle avait le sentiment d’être intouchable. Finalement, elle doit se rendre à l’évidence qu’elle n’était qu’un pantin depuis le début entre les mains d’un homme dépassant tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Une marionnette tout comme les mages noirs qui était même persuadée d’être la véritable tête pensante de ce chaos. Le rêve de grandeur de Branet vole en éclats pour s’échouer sur une plage bien loin de sa nation et de ce qu’elle souhaitait initialement.

Branet - fin

Les remords de la Reine Branet

On ne peut bien sûr pas arrêter cette chronique à l’image purement négative de la Reine Branet, car ce n’est pas uniquement ce qu’elle est. En réalité, la dernière scène de notre antagoniste va être lourde de sens même si elle ne pardonne rien de ce qui s’est passé. Pour remettre dans le contexte, on assiste aux derniers instants de la dirigeante d’Alexandrie qui est inerte sur cette plage. Grenat a alors le droit à un dernier échange qui montre que derrière tous ces actes ignobles se cachait une mère qui avait profondément aimé cette petite fille qui s’était échouée dans ce royaume. En compagnie de son mari, elle a recueilli cette orpheline qui venait de perdre sa seule famille et l’on peut alors imaginer qu’il y a réellement eu des moments de bonheur. La disparition de l’époux de Branet a peut être été le moment qui a fait vriller cette femme. Autrefois présentée comme une reine appréciée et à l’écoute des autres, elle était devenue tout le contraire de ce à quoi elle aspirait. Si Kuja a une part de responsabilité dans cette transformation, il n’est pas à l’origine de celle-ci. Il n’a fait que faire miroiter les outils nécessaires pour faire ressortir ce qu’il pouvait y avoir de pire en elle. Perdue, portée par d’imposantes responsabilités et devant s’occuper de cette jeune princesse, elle a finalement pensé que la protection de son monde passait par la conquête totale des autres nations. Un objectif qui la perdra et l’amènera à cet ultime discours empli de tristesse et de peine de n’avoir pu être la mère qu’elle aurait dû pour Grenat.

En fin de compte, la Reine Branet est autant parvenue à être une adversaire redoutable et exécrable qu’une certaine victime des flammes de la guerre. C’est ce qui est captivant avec FFIX, car il n’y a jamais de bon ou de méchant au sens littéral du terme. Chaque personnage est porté par ses souffrances, ses peurs, mais aussi ses failles et ses faiblesses. La souveraine d’Alexandrie en est le parfait exemple et l’on peut très bien penser qu’elle aurait pu prendre une toute autre voie si la brutalité de ce monde n’avait pas frappé à sa porte. La crainte de mourir et de voir les gens qui lui sont chers disparaîtrent a peu à peu fait basculer cette grande dame vers les tréfonds de son âme. Une figure importante de ce que souhaite nous raconter l’histoire de ce neuvième opus. La saga Final Fantasy regorge de thèmes forts symbolisés par des personnages qui naissent d’une écriture d’une richesse incroyable. Même les pires ennemis peuvent nous offrir des aventures inoubliables qui vont profondément marquer notre vie de joueur. Sans même que l’on s’en rende compte, Branet en fait partie autant par tout ce qu’elle déclenche que par la triste fatalité de ce sort qui lui est réservé. Un adversaire que l’on n’aura jamais stoppé et dont la fin n’a pas été causée par l’extérieur, mais par une personne qui était à ses côtés. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et qu’elle vous aura donné un autre regard sur ce personnage. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous avez bien pu penser de Branet. On se retrouve très vite pour la suite de cette seconde vague gaming.

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