Le Quotidien d’une épée maudite T1 : Mais qu’est-ce que c’est que cette épée ?!
Je ne le dirais jamais assez, mais les récits s’axant quasiment que sur l’humour et les gags sont parmi les plus complexes à réaliser. En plus de devoir se renouveler constamment dans ses blagues, une telle œuvre doit aussi accrocher le lecteur à ce décalage prévu pour le faire rire. Une épreuve redoutable tant on est tous sensible à des niveaux et genres différents d’humour. Si je parle de ça, c’est parce que j’ai pu découvrir récemment un manga qui a fait ce pari et qui s’en sort bien pour son premier volume. Il s’agit de “Le Quotidien d’une épée maudite” disponible dès aujourd’hui chez Mana Books. Dans la droite lignée de ce que l’on a pu avoir avec le titre Elden Ring, l’éditeur nous propose une série qui veut s’amuser des codes de la fantasy afin de donner vie à une histoire volontairement absurde. Curieux de voir ce que cela pourrait donner, je me suis lancé dans cette nouvelle épopée. J’ai alors pu découvrir un récit qui arrive non seulement à se moquer efficacement d’une partie de la culture pop, mais qui parvient aussi à appuyer cet écart par divers éléments pertinents. C’est l’heure de rendre visite à une épée unique en son genre et qui cause bien des tracas.
Le calvaire d’un grand frère
Le Quotidien d’une épée maudite, imaginé par Nikiichi Tobita, nous plonge dans l’impressionnant monde de Fantasia. Sur ces terres, tout semble possible tandis que monstres, héros et démons se côtoient et s’affrontent. Un véritable conte de fées où la magie existe et où les gens doivent vivre tout en craignant que le seigneur des démons ne finisse par mettre la main sur ce monde. Tout repose entre les mains de ces élus qui luttent constamment contre les forces du mal. Mais tout ça, c’était avant qu’un changement de taille ne bouleverse tout ce paysage. Il s’agit de l’arrivée de la technologie qui a radicalement bousculé le quotidien de tous ces êtres surnaturels. Faisant constamment des progrès fulgurants, cette société médiévale n’a plus que quelques vestiges de cette ancienne époque. Aujourd’hui, tout le monde a un smartphone, les sites internet abondent et la majorité des monstres se sont reconvertis dans le divertissement ou les parcs à thèmes. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes avec ces avancées technologiques ayant amené un semblant de paix à l’ensemble de ces êtres. Malheureusement, c’est loin d’être aussi facile pour certaines personnes qui ont du mal à joindre les deux bouts. C’est notamment le cas pour Lucas Hopes et sa petite sœur Monica. Si cette dernière n’est âgée que de huit ans et cherche à profiter pleinement de la vie, son grand frère doit se démener pour travailler afin de nourrir la seule famille qui lui reste.
Un défi quotidien étant donné que son emploi actuel est loin d’être lucratif et qu’il n’a pas tant de compétences pour aller voir ailleurs. Voilà pourquoi ils vivent aussi en dehors de la ville dans une petite maison qui ne paie pas de mine. Malgré cela, Lucas se donne à fond pour que tout se passe au mieux. Cependant, Monica n’est pas là pour l’aider tant elle n’en fait qu’à sa tête. Mais son frère n’aurait jamais imaginé que sa dernière trouvaille puisse autant transformer sa vie déjà éprouvante en un enfer totalement imprévisible. En effet, il découvre un beau jour qu’elle cache quelque chose dans la grange familiale. S’attendant encore à un animal errant, il lui dit une fois de plus qu’ils ne peuvent pas le garder. Mais Monica assure qu’il ne s’agit pas d’un animal cette fois. La surprise est alors à son maximum pour Lucas quand il découvre qu’il s’agit d’une épée absolument effroyable. Avec son allure macabre, le fait qu’elle est capable de dévorer une âme et d’aspirer la vie autour d’elle ainsi que d’autres caractéristiques incompréhensibles, le chef de famille sait qu’il ne s’agit pas d’une arme ordinaire. A présent, il doit absolument se débarrasser de celle-ci avant que les ennuis n’arrivent. Mais entre l’insistance de sa sœur et le fait qu’il est peut-être déjà trop tard, Lucas s’apprête à faire face à bon nombre de nouveaux défis. Entre situations totalement improbables et des répercussions folles sur leur mode de vie, la famille Hopes n’est pas prête de s’ennuyer avec ce nouveau colocataire.
Il est vrai que rien qu’à son synopsis, Le Quotidien d’une épée maudite nous fait clairement comprendre où il veut nous emmener. Un défi plus que difficile à relever tant la comédie totalement burlesque et jouant sur les codes d’un genre peut rapidement devenir redondante. Il est alors intéressant de se pencher sur comment l’auteur s’accapare les stéréotypes de la fantasy pour les tordre et donner vie à une aventure qui a tout d’un délire totalement WTF. On va alors découvrir une grande créativité de la part du mangaka dans la manière de donner vie à toutes ses idées farfelues.
Une parodie efficace de la fantasy
Comme j’ai pu le dire un peu plus haut, Le Quotidien d’une épée maudite est un titre qui se veut totalement parodique et totalement tourné vers l’enchaînement de gags et de situations cocasses. Mais s’il est plaisant de voir cet humour en action, il est encore plus intéressant de voir comment l’auteur met tout ça en place. Tout d’abord, le décalage qui va se former au sein de cette série ne vient pas de l’apparition de cette épée. Au contraire, on s’attarde d’abord sur ce monde qui nous est présenté comme ressemblant à n’importe quelle oeuvre de fantasy. On y retrouve des monstres, des démons et des héros avec d’autres éléments classiques du genre. Mais il ne faut que quelques cases pour que tout soit balayé d’un revers de la main par l’auteur qui ajoute juste un ingrédient en plus. Il s’agit de la technologie. S’il est vrai que l’on peut avoir le droit à certaines sagas qui insufflent aussi cela, c’est souvent dans le but de s’inscrire dans l’identité de ce monde. Mais ici, c’est tout bonnement le monde réel qui vient s’incruster dans la fiction en permettant au roi démon d’avoir son petit smartphone ou bien à une vendeuse d’artefacts de mettre en place un site e-commerce. Cela a bien sûr pour effet de provoquer le rire en voyant ce contraste qui vient briser ces frontières que l’on a souvent connu et imaginé de nous même au fil de nos expériences. En fait, cela donne presque le sentiment d’être dans un univers proche du notre, mais avec un décor sortant tout droit d’une grande fresque fantastique.
En faisant ça, le mangaka s’assure que le lecteur comprend rapidement que ce qu’il va vivre dans son titre est totalement loufoque. Un délire qui va venir s’accentuer avec cette famille qui, en quelque sorte, a du mal à s’adapter à cette nouvelle société. Le grand frère fait de son mieux pour nourrir sa famille et a encore un téléphone à clapet tandis que le reste de son entourage est à la pointe de la technologie. Une séparation des richesses qui est à la fois intelligente dans ce qu’elle raconte et propice à multiplier les situations improbables. L’apparition de l’épée maudite va être l’occasion d’accentuer encore plus cet écart entre fantasy et innovations. Cet artefact dont on ne sait rien est surtout constamment capable de nous surprendre. Se présentant comme un vestige d’une époque fantasy qui semble révolue à présent, elle peut rapidement se montrer beaucoup plus ancrée dans cette période d’évolution qu’on pourrait le croire. Une entité qui n’est jamais en reste pour étonner Lucas et, à travers lui, le spectateur dont la réflexion se rapproche justement bien plus du grand frère. On enchaîne les événements absurdes et même caricaturaux à tel point que l’on finit par accepter avec joie ce parti-pris d’être dans un monde où finalement tout peut arriver. Cela fonctionne à merveille notamment par la présence de Lucas qui est le rare personnage à se rapprocher de nous dans sa logique en voyant que cette épée n’a autant pas sa place dans un monde de fantasy que dans un environnement où la technologie se développe à vitesse grand V.
Il faut vraiment prendre Le Quotidien d’une épée maudite comme ce qu’elle se présente, à savoir une comédie déjantée qui se joue pleinement des codes de la fantasy. Que ce soit par son postulat initial ou bien tout ce qui va se passer autour de cette famille, tout est pensé pour faire rire. Il n’y a pas d’objectif à proprement parler mise à part connaître le secret derrière cette fameuse épée. Un excellent prétexte pour multiplier les situations absurdes qui vont nous faire décrocher bien des rires et des sourires. On se laisse alors emporter par ce quotidien fou où chaque journée réserve son lot d’événements idiots.
Le Quotidien d’une épée maudite fait des dégâts
Le Quotidien d’une épée maudite nous délivre ce à quoi on pouvait s’attendre dès le départ avec ce pitch farfelu. Une aventure totalement décomplexée et qui joue à fond la carte de la dérision de tous ces standards que l’on peut connaître dans le monde de la fantasy. Ce qui est bien, c’est que l’auteur ne se limite pas uniquement à jouer sur la présence de cette épée pour éveiller l’hilarité chez nous. Tout est construit en amont avec cet écart entre médiéval-fantasy et évolution technologique. Le simple fait de voir une armurerie se mettre à faire de la restauration rapide parce que son activité principale n’est plus rentable amène ce petit élément décalé qui nous fait rire. De même, je trouve le personnage de Lucas très intéressant, car c’est un protagoniste auquel on peut facilement s’identifier étant donné qu’il semble être l’unique personne normale au sein de ce casting fou. Un gars ordinaire désirant tout simplement pouvoir vivre de son travail et qui va constamment être emporté par les bêtises de sa sœur et du reste de son entourage. En fait, tout le récit veut nous le présenter comme l’être à part et qui ne comprend rien à ce monde alors que c’est celui avec lequel on a le plus de points communs. On est donc face à un pur récit comique, mais qui arrive à proposer des subtilités intéressantes au niveau de son écriture et des différents contrastes présentés. Cela permet à ce premier acte de se démarquer tout en posant des bases solides pour la suite de cette aventure.
Il est clair que Le Quotidien d’une épée maudite est une œuvre qui pourra autant convaincre que déplaire en fonction de si vous adhérez à l’humour et au délire de cette série. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié cette manière qu’a l’auteur de détruire les codes du genre pour y insuffler toutes ses idées farfelues et qui trouvent justement leur place au sein de ce nouvel univers loufoque. Il faut prendre ce titre comme un pur divertissement dont l’objectif est de nous délivrer des moments totalement irréalistes même dans un univers où tout semble pourtant possible. De plus, on finit par s’attacher à ce petit chaos qui accompagne cette famille dans son quotidien. On en vient même à se demander ce que nous réserve l’auteur comme surprises à l’égard de ses personnages. Un titre qui plaira donc à tous ceux qui veulent se changer les idées ou bien une aventure qui s’axe avant tout sur l’humour et la parodie. Même si les rires sont le but principal de cette découverte, cela ne m’empêche pas d’avoir quelques questions pour la suite de la série. Est-ce que l’on va en apprendre plus sur cette étrange et singulière épée ? Quelles autres folies vont sortir de l’esprit de cette jeune fille et de son nouveau camarade ? Est-ce que Lucas va enfin profiter d’instants de répit après tous ces problèmes ? Quelles autres rencontres vont ponctuer les prochains jours de cette famille ? En tout cas, la suite promet d’être toujours hilarante.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de “Le Quotidien d’une épée maudite”. Trouvez-vous que l’on fait face à une série qui assume bien son délire et joue à fond la carte de la parodie ? Est-ce que vous appréciez le style de l’auteur en appuyant justement sur ce contraste entre ce trait soigné des personnages et leurs réactions cartoonesques ? Avez-vous passé un bon moment au contact de ces individus loufoques et totalement barrés ? Pensez-vous que cela puisse tenir sur plusieurs tomes ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ces sujets.
© 2018 Tobita Nikiichi, Shogakukan