Kanki et Riboku : un duel au sommet
C’est en lisant les tomes 65 et 66 de Kingdom, édité chez Meian, que j’ai eu une idée de chroniques. En effet, la série a toujours été propice à nous délivrer des personnages exceptionnels et surtout des confrontations extraordinaires. En s’attardant sur ces oppositions, on peut voir diverses thématiques traitées et ainsi nous faire réfléchir sur le futur de ces officiers et qui réussira à s’en sortir. Dans l’impressionnant casting de la série, il y a deux individus qui ont vraiment su se démarquer ces derniers temps. D’un côté, on a Riboku qui a fait son grand retour et dont la vivacité d’esprit est un véritable cauchemar pour ses ennemis. De l’autre, on a Kanki, l’ancien bandit qui a profondément laissé son empreinte dans le cœur de ses ennemis. Deux êtres diamétralement différents, mais dont la confrontation est loin de s’arrêter à l’affrontement entre deux armées. Avec ces deux tomes, on va surtout découvrir une opposition qui va faire écho à tout ce que l’on a vécu jusqu’ici et un vent de changement pouvant même troubler celui qui a pourtant une large vision du monde qui l’entoure. Il est donc grand temps de voir ce qui peut être analysé via cette affiche entre deux grands généraux qui ont suivi des voies diamétralement différentes.
Le génie manipulant l’information
Avant toute chose, on va s’arrêter quelques instants sur le personnage de Riboku. Depuis le début de Kingdom, il est sûrement l’adversaire le plus redoutable que Qin a dû affronter. Un homme étant parvenu à vaincre Ouki, Duke Hyou et à quasiment mettre à mal tout le royaume. Rien qu’avec ces quelques exploits, cet homme a su se hisser parmi les plus grands génies de cette époque et devenir le cauchemar de ses voisins, mais aussi une menace pour l’ensemble de la Chine. Il est le représentant parfait de cet art de la guerre où la stratégie prime sur tout le reste. Avec lui, ce n’est pas une fois la mêlée qu’il est dangereux. En réalité, il planifie toujours à l’avance et même des mois avant pour que ses adversaires se retrouvent là où il voulait. Un véritable manipulateur qui montre l’importance de contrôler l’information afin que personne ne puisse se douter de ses agissements. Faire face à un tel ennemi, c’est être sûr d’avoir plusieurs coups de retard sur lui. C’est ce qui est fascinant avec Riboku, car son regard ne se porte pas sur ce qu’il a devant lui, mais au-delà de l’horizon. Son esprit ne vise jamais le court terme, mais une tactique qui s’étend sur bien plus loin. Mais ce qui est aussi important à noter, c’est à quel point il représente une évolution dans la manière de combattre. S’il reste très cartésien dans sa façon d’aborder les obstacles devant lui, il amène dans cette période de chaos de nouvelles possibilités en matière de stratégie.
C’est justement en provoquant ça qu’il a su mettre autant à mal Qin et ses troupes. Un homme dont la mainmise sur l’information est sa plus grande arme et décide totalement des éléments dont ses opposants auront connaissance afin qu’ils dansent dans le creux de sa main. Pourtant, s’il semble quasiment sûr de lui et en capacité de prévoir chaque stratégie adverse, Riboku reste un homme et connaît aussi des moments de faiblesse. On peut citer par exemple son exil suite à son plus gros échec et qui ne sera finalement brisé qu’une fois que Zhao sera réellement en danger. De même, s’il est toujours pointilleux concernant ses plans, on a pu voir qu’il avait beaucoup de mal avec des adversaires qui se basent avant tout sur l’instinct. Ce fut le cas avec Duke Hyou et même Shin qui commence à se présenter à lui comme un ennemi capable de faire trembler certains de ses stratagèmes. Malgré tout ça, il reste cependant la première menace pour Ei Sei et son pays dans leur rêve d’unification de la Chine. Mais pourtant, on peut déceler dans les derniers tomes en date que Riboku risque d’avoir fort à faire face à un nouvel opposant. Un officier qu’il pensait avoir cerné, mais qui se montre toujours plus imprévisible dans sa manière de mener une guerre. Il s’agit bien sûr de Kanki, celui qui est devenu, en l’espace d’une bataille, l’homme à abattre du côté de Zhao. Se pourrait-il que l’homme capable d’anticiper chaque action se retrouve démuni face à celui qui n’a jamais montré la moindre peur au combat ? Pour cela, il faut s’attarder un peu sur celui qui se trouve en face du grand général de Zhao.
Le brigand qui innove constamment
En ce qui concerne Kanki, il faut reconnaître qu’il a parcouru un long chemin depuis sa première apparition. Comme on nous le décrit fréquemment, lui et ses hommes sont d’anciens bandits qui ont finalement été recrutés au sein de l’armée de Qin. Dès le départ, on remarque qu’ils ne sont pas comme les soldats disciplinés que l’on peut connaître ailleurs. Au contraire, Kanki et ses hommes se démarquent par le fait qu’ils semblent totalement hors de contrôle en dehors du fait qu’ils obéissent à l’autorité du royaume. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont désorganisés et incapables de la moindre action de grande envergure. C’est même tout le contraire qui se passe étant donné que ces brigands apportent avec eux leur manière si spécifique de se battre sur le champ de bataille. C’est justement en arrivant à se détacher des tactiques conventionnelles que Kanki va réussir à enchaîner les exploits et décrocher des victoires faisant de lui l’un des principaux atouts de Qin. Une succession de réussites qui va l’amener au rang de Grand Général du pays et lui donner les pleins pouvoirs dans sa manière de mener les futurs conflits. Un choix risqué étant donné qu’il est aussi un homme capable d’une très grande cruauté. En effet, plus le temps passe et plus on est témoin de sa capacité à provoquer l’ennemi en impliquant des innocents dans ses actions. Cela donne lieu à des scènes effroyables faisant de Kanki un véritable démon aux yeux de ses ennemis sans qu’il n’ait le moindre remord à effectuer de telles horreurs.
C’est justement l’une des choses qui caractérise énormément cet homme. A aucun moment il ne montre de signe de peur, d’angoisse ou même d’étonnement dans le déroulé d’une bataille. Au contraire, il reste toujours aussi stoïque, affichant son petit sourire comme si rien ne pouvait le surprendre. Il nous est présenté comme une figure que rien ne peut ébranler même quand tout semble partir en éclats autour de lui. Cela donne une image très spécifique à Kanki qui est un être inhumain autant dans ses actes que dans sa personnalité. Une coquille vide qui semble simplement se satisfaire quand il écrase ses opposants. Cela fait de lui un tacticien hors pair, mais pas de la même manière que Riboku. C’est justement dans les tomes 65 et 66 de Kingdom que l’on ouvre les yeux sur ce qui fait la grosse différence entre les deux. Alors que le stratège de Zhao a tout bien planifié et nous délivre un champ de bataille où la victoire semble déjà certaine d’entrée de jeu, le général de Qin ne frémit pas le moins du monde. Il observe silencieusement ces milliers d’hommes devant lui et garde la même attitude que face à chacun de ses opposants précédents. Avec un tel adversaire, on pourrait croire qu’il se mettrait à agir différemment et pourtant c’est tout le contraire qui se passe. En fait, il se pourrait bien que celui qui a mal jaugé son adversaire ne soit pas Qin, mais bel et bien Riboku. Ce dernier nous délivre toute une explication comme quoi il a observé et analysé la manière de combattre de ce commandant afin de mettre en place la meilleure tactique possible. On a presque le sentiment à ses yeux que tout est déjà joué jusqu’à cette dernière page qui va totalement chambouler la vision globale autour de cette bataille. Un revirement de situation qui pourrait bien redistribuer les cartes.
Kanki et Riboku ignorent qui l’emportera
Bien évidemment, il est impossible de dire, à l’heure actuelle, qui réussira à l’emporter dans ce duel de géants. Cependant, il est très intéressant de voir à quel point cette opposition joue à merveille sur les divers contrastes entre les personnages. Riboku est un personnage qui a rapidement écrit sa légende dans Kingdom, mais aussi dans l’esprit des lecteurs. Un stratège capable de concevoir des plans sur du long terme sans que jamais personne ne se rende compte de quoi que ce soit. Même s’il a du mal avec tous les guerriers qui centrent leurs tactiques sur un instinct aiguisé, il a su faire avec. En fait, il représente l’évolution naturelle de la stratégie de cette époque et surtout une capacité à anticiper tout ce que l’adversaire peut faire en concordance avec sa vision de l’art de la guerre. Mais c’est justement là qu’est sûrement sa plus grande faiblesse, car il se cantonne à imaginer des ennemis qui se concentrent uniquement sur des ruses qui semblent logiques dans chaque situation. Avec Kanki, il fait face à un homme qui détruit ses pronostics et surtout sa vision globale du champ de bataille en apportant des plans qui sortent du carcan habituel de la stratégie militaire. Cela peut autant passer par l’utilisation de ses troupes que les formations que ses hommes appliquent et que personne n’a connu jusqu’ici. Il apporte sur ce champ de bataille que Riboku pensait contrôler de A à Z une nouvelle forme de combat qui lui est propre et qu’il est donc impossible d’anticiper. Là où le grand général de Zhao représente la rigueur et la logique, le commandant de Qin se base avant tout sur son inventivité et une imprévisibilité le rendant mortel pour un tel adversaire.
Voilà pourquoi j’ai adoré la manière dont ces deux volumes de Kingdom ont su mettre en place cette nouvelle rivalité qui vient de voir le jour. C’est bien la première fois que les deux officiers sont l’un contre l’autre directement et on ressent le fait que cette confrontation peut radicalement changer le cours des événements. Alors même que l’on pensait Riboku quasi sûr de l’emporter, il aura suffi de quelques cases pour que Kanki nous donne un sentiment d’incertitude concernant l’issue de cette confrontation. Une bataille qui est à l’image de ces deux hommes qui ont, quoi qu’il arrive, marqué l’histoire de ce pays par leurs actes. Ce manga recèle de ce genre de dualité qui dépasse le simple cadre de l’affrontement pour opposer deux visions diamétralement différentes. Cela sert pleinement à l’écriture de ces personnages qui se présentent comme des acteurs majeurs de l’avenir de ces royaumes. Qu’ils soient redoutables, impitoyables, loyaux, rusés ou charismatiques, ils arrivent tous à laisser leur empreinte. Voilà pourquoi Kingdom n’est pas le récit d’un seul protagoniste, mais celui d’une ribambelle de soldats qui font de leur mieux pour survivre et atteindre leurs idéaux. Il va être captivant de voir comment va se développer la suite de cet arc au vu de ce que laisse imaginer cette fin de tome. Il est cependant sûr que le combat est loin d’être terminé et que Riboku pourrait bien avoir plus de mal que prévu à faire face à un être qui n’a jamais plié devant personne. J’espère en tout cas que cette chronique vous a plu et qu’elle vous aura donné envie de découvrir Kingdom, mais aussi de vous pencher sur l’écriture de ces personnages fascinants. D’autres articles de ce style seront à venir prochainement et n’hésitez pas à me dire en commentaires ce que vous pensez de cette dualité.