Kengan Omega T1 à 4 : Une nouvelle légende à écrire
Il arrive souvent qu’un manga puisse continuer sous une autre appellation. Comme si une première histoire était racontée et s’enchaîne avec une toute nouvelle intrigue, mais sous un autre nom. Il ne s’agit pas donc ici de forcément être dans la continuité du même récit, mais de réussir à proposer un scénario qui puisse s’imbriquer avec brio dans l’univers déjà installé. Un pari difficile tant on peut être accroché au récit de base et que l’on peut être tatillon concernant tout ce qui peut venir s’ajouter au lore de celui-ci. Si je parle de ça, c’est que le manga dont je vais vous parler aujourd’hui est un parfait exemple de ce que doit accomplir une suite pour captiver le lecteur. Il s’agit de Kengan Omega, édité chez Meian, et qui débarque avec ses quatre premiers tomes. Vous l’aurez compris, il s’agit de la suite de Kengan Ashura qui s’était aussi terminée chez le même éditeur. Ayant énormément apprécié ce titre, j’étais impatient de voir comment allait s’en sortir cette nouvelle partie. Je dois alors dire que j’ai été agréablement surpris par la tournure que prend ce deuxième acte qui apporte pas mal d’éléments intéressants. L’heure est donc venue d’assister à de nouveaux combats kengan qui promettent du grand spectacle.
La soif de puissance
Kengan Omega, scénarisé par Sandrovich Yabako et dessiné par Daromeon, se déroule deux ans après le Tournoi d’Extermination. Ce dernier avait été l’événement le plus important organisé par l’association kengan qui regroupe les plus grandes firmes japonaises qui s’affrontent à travers leur champion dans des combats clandestins. Cette compétition avait été mise en place loin du cadre habituel de ces affrontements et dans le but de désigner qui deviendrait le prochain dirigeant du groupe. Une occasion en or pour tous ceux désirant atteindre le sommet et une aubaine pour les participants qui rêvent de démontrer leur force. C’est une compétition sanglante qui a eu lieu et où de nombreux rêves se sont effondrés. Mais cette arène a aussi été l’occasion de faire naître de multiples légendes suite à la prestation de ces artistes martiaux. Sans oublier que ce tournoi a aussi été sujet à plusieurs perturbations externes qui ont permis de faire le ménage parmi ceux désirant mettre des bâtons dans les roues de l’association. Finalement, le grand gagnant fut désigné sans amener énormément de surprises à ceux qui avaient été témoins de l’ensemble des duels. Un événement qui restera à jamais gravé dans l’esprit des spectateurs et candidats qui ont aussi fait face à une terrible nouvelle. Après tout ça, tout le monde a repris son quotidien. L’association kengan a subi des changements suite au changement de directeur et les combattants ont repris le chemin de l’entraînement pour se préparer aux futurs duels à venir.
Mais personne ne s’attendait à ce que le futur s’annonce bientôt sombre pour l’ensemble de ce groupe. Un jeune homme répondant au nom de Kôga Narushima n’a de cesse de se faire éjecter des dojos dans lequel il se rend au vu de son comportement et de la brutalité dont il fait preuve. Il semblerait qu’il désire ardemment devenir plus fort afin de se confronter à un homme qui l’aurait profondément humilié par le passé de par leur trop grande différence de puissance. Depuis ce jour, il n’a de cesse de chercher la bagarre pour défouler toute sa haine et renforcer ses capacités. C’est un de ses amis qui va alors lui parler des combats kengan et que ce serait une chance parfaite pour qu’il puisse tester ses capacités face à de véritables monstres. Pour cela, il décide de remonter jusqu’à la société Yamashita qui serait un élément important de l’organisation de ces duels clandestins. En se rendant sur place, Kôga va faire connaissance avec le PDG de cette boîte et rapidement comprendre qu’il n’est qu’une petite frappe en comparaison de ceux qui évoluent dans ce milieu. Mais c’est aussi une chance pour lui de comprendre ce qui lui manque et de s’améliorer. Cependant, il arrive peut-être au mauvais moment, car l’association se retrouve face à un obstacle de taille. Elle qui fut il n’y a pas si longtemps l’une des plus influentes entités de combats clandestins doit faire face à une concurrence de plus en plus agressive. C’est notamment le cas concernant la Rengoku, un concurrent qui n’a eu de cesse de s’étendre et de récupérer certains des plus grands duellistes du milieu. L’heure approche où les règlements de compte vont de nouveau se faire au sein d’une compétition inédite.
Il y avait beaucoup d’attentes concernant Kengan Omega après la fin d’Ashura. On était en droit de se demander ce qu’allait bien pouvoir nous raconter cette suite au vu de la conclusion de la première série. Mais c’est là justement où le manga va réussir à être brillant dans sa manière d’innover tout en nous laissant en terrain connu. Cela repose en grande partie sur le nouveau protagoniste de notre histoire qui va être diamétralement différent de ce que l’on a pu connaître avec Ohma. C’est un long combat que va mener celui-ci pour simplement avoir le droit d’être sur la ligne de départ.
Un protagoniste qui change
Il faut tout d’abord comprendre que dans Ashura, on avait l’habitude d’être en face de monstres de puissance. Même Ohma, le protagoniste de cette histoire, se montrait particulièrement féroce et ne faisait que s’améliorer durant ces affrontements avec les autres. Dans Kengan Omega, c’est un tout autre parti-pris qui est choisi et qui fonctionne à merveille justement par rapport à ce que l’on a connu juste avant dans cet univers. Kôga est un personnage qui est très loin d’égaler même le plus faible des combattants kengan. Il a beau nous paraître redoutable dans les premières pages, la vérité le rattrape avec violence. Nous ne sommes donc pas avec un protagoniste qui est impressionnant de base, mais qui doit le devenir par de multiples efforts. En faisant ce choix, les auteurs vont ainsi bousculer nos habitudes dans cet univers où normalement tout se règle directement à la force des poings. Ici, on va assister à tout l’entraînement, mais aussi à la potentielle naissance d’une nouvelle légende. Cela en devient grisant, car nous n’avons pas l’habitude de voir une figure centrale qui se montre bien plus faible que les autres personnages de cet univers. En plus de ça, tout est justement fait pour comparer Ohma et Kôga au vu de leur petite histoire commune ainsi que la présence d’une autre figure importante introduite dans cette suite. Cela va avoir pour effet de donner un rythme un peu plus lent pour cette suite qui va prendre le temps de perfectionner le style de Kôga.
Et c’est là que repose une des grandes forces de cette partie. Dans Ashura, on était rapidement envoyé dans la fosse aux lions pour s’imprégner rapidement de toute la brutalité de ce milieu et voir comment de tels guerriers pouvaient s’en sortir. Cette fois, nous connaissons déjà très bien cet univers et le fait d’y introduire un individu qui est loin d’y avoir sa place est intelligent. Cela nous donne le sentiment d’assister non pas à l’avènement d’un monstre, mais à l’ascension d’un nouveau concurrent qui doit déjà se surpasser avant même d’être intégré à ces confrontations. Ainsi, toute cette première partie de Omega va autant mettre en place les enjeux à venir que se focaliser sur le long chemin à parcourir pour notre protagoniste dans l’espoir d’être enfin intégré à ces affrontements clandestins. C’est en le suivant dans son quotidien, que l’on va aussi rapidement comprendre que l’on n’a pas uniquement en face de nous un homme qui veut en découdre. Il a une personnalité bien différente d’Ohma et va finalement construire sa propre route à force de nombreux efforts. Nous ne sommes donc pas tant dans la perfection d’un art que dans l’apprentissage de ce qui fait réellement la force d’un combattant kengan. C’est formidable d’avoir pensé ce nouveau point de vue de cette manière, car cela accentue encore plus l’aura gigantesque de ceux qui ont dédié leur existence à cette voie. Le récit d’une petite frappe qui est décidé à se confronter à des géants.
Il est évident que le fait d’avoir un personnage principal qui part quasiment de zéro est une excellente idée. Cela amène justement un fort contraste entre Ashura et Kengan Omega dans la manière d’écrire autour de l’action. Mais cette nouvelle partie est aussi l’occasion d’amener de nouveaux défis pour l’association et surtout d’enrichir le lore autour de ces fameux combats. Cette fois, notre attention n’est pas uniquement concentrée sur une seule organisation, mais bel et bien sur une scène beaucoup plus grande regroupant bien plus d’acteurs et de problèmes à régler.
Des enjeux bien plus grands
Il était clair que le fait d’avoir une suite signifie proposer une aventure qui change de ce que l’on a pu voir avant. Et là encore, Kengan Omega parvient à nous offrir un sentiment d’escalade dans ses enjeux par rapport à Ashura. En effet, dans ce dernier on se focalisait surtout sur l’association kengan, ses combats et les tensions qu’il pouvait y avoir en son sein. Ici, le récit prend une toute autre dimension. Si l’on a toujours le droit à une organisation qui doit réussir à faire face à des problèmes internes, le danger est aussi ailleurs avec l’apparition des autres groupes qui se partagent le marché. Nous ne sommes donc plus sur le renforcement de l’association, mais sur sa lutte face à ses concurrents directs et notamment la Rengoku. C’est finalement une direction que l’on pouvait tout à fait espérer et qui est bien amenée dans cette suite, car elle va grandement venir enrichir le lore de cette saga. Notre regard ne se pose plus uniquement sur le Japon, mais sur une bonne partie du monde. Cela signifie donc autant de nouvelles possibilités, mais surtout des adversaires inédits pouvant faire trembler même nos combattants les plus aguerris. On redistribue les cartes et cela appuie aussi le fait que nous ne sommes pas uniquement dans une aventure centrée sur l’action. La licence Kengan est aussi la représentation de ces confrontations entre multinationales et grandes richesses qui veulent se hisser au sommet du monde.
Et pour cela, ils ne peuvent régler leurs différends que par ces champions qui se battent sous leur nom. On va donc conserver le noyau dur du manga de base, mais en repoussant les frontières et en y amenant toujours plus d’acteurs qui ont leur place sur cette scène. D’ailleurs, même le gros événement qui se profile à l’horizon a de quoi éveiller notre intérêt, car cela nous annonce quelque chose d’encore plus grand que ce que l’on a pu connaître par le passé. De plus, cela amène aussi une composante très intéressante et qui n’était finalement que peu présente dans Ashura. Il s’agit d’une forme de collaboration et d’entraide entre les champions pour se préparer au conflit à venir. Les rivalités ont beau être toujours présentes, elles sont utilisées pour pousser tous ces gens à se surpasser afin de permettre à leur camp d’avancer. A cela vient aussi s’ajouter d’autres éléments extérieurs qui peuvent totalement venir perturber le futur de cette histoire. Avec ces quatre volumes, le lecteur se retrouve dans une phase de construction et de préparation à ce qui sera sûrement l’arc majeur de cette seconde partie. Et cela apporte une expérience assez unique par rapport à précédemment afin que l’on soit réellement impliqué dans ce qui se façonne autour de cette intrigue. Un excellent compromis entre une identité gardée, un défi nous laissant penser à une affiche de rêve et une nouvelle manière d’aborder les arts martiaux et ce monde particulièrement sanglant.
Kengan Omega est clairement une suite réussie, car elle ne se contente pas de surfer sur ce qui fut fait dans Ashura. Au contraire, elle arrive autant à garder l’adn du manga initial tout en nous amenant vers d’autres sentiers. C’est justement ce que j’apprécie dans l’évolution des enjeux proposés, mais aussi dans l’écriture de notre protagoniste. Il n’est pas question ici de confronter des monstres déjà remarquables, mais de créer un guerrier en partant de quasiment zéro. Cela donne une toute autre dimension à cette nouvelle saga qui risque encore de nous surprendre !
Kengan Omega expose ses muscles
Comme dit en introduction, j’attendais énormément de Kengan Omega. Après tout, Ashura avait été une formidable surprise dans le sens où le récit arrivait parfaitement à assumer son côté brutal et violent tout en faisant de chaque combat une scène pour exprimer toute l’histoire de ses combattants. Avec cette suite, on prend une toute autre direction. Même s’il est sûr que l’on va avoir notre dose d’affrontements dantesques, cette première partie n’est pas tant axée sur ça. On est bien plus dans l’entraînement et surtout la progression de Kôga en plus des divers mystères qui vont graviter autour de l’intrigue. Et il y a réellement un côté grisant et puissant qui se dégage de cette ascension. Là où on était plongé directement dans le haut du panier, cette fois on démarre quasiment de tout en bas. Le fait de suivre un protagoniste qui comprend qu’il est à des années-lumière de ses rivaux est prenant, car on a envie de voir comment il va réussir à atteindre son but. En plus de ça, il y a un formidable travail qui est fait autour de son évolution autant physique que psychologique. Le bagarreur des premières pages se transforme progressivement en un véritable combattant et qui fait preuve d’une faculté d’adaptation remarquable. On termine alors cette lecture en ayant envie de voir si oui ou non il va être capable de se hisser au niveau de ses comparses et s’il deviendra un atout pour l’association.
C’est donc un gros coup de cœur que j’ai eu pour Kengan Omega qui n’est pas qu’une suite jouant sur les points forts de son prédécesseur. Au contraire, c’est une autre aventure qui se dessine devant nous et où l’on retrouve des visages familiers, mais qui va surtout être le terrain de jeu de nouveaux acteurs. Une épopée toujours aussi impressionnante dans son action et qui montre aussi qu’elle ne tire pas uniquement sa force de ça. Il peut y avoir aussi un incroyable travail de fait autour de la construction d’un protagoniste, de sa manière d’assimiler tout ce qu’on lui apprend et surtout de son regard qui change au fur et à mesure qu’il rencontre tous ces gladiateurs des temps modernes. Une évolution pertinente de la licence et qui vaut le coup d’œil tant dans son enrichissement de cet univers que dans l’expérience proposée. Si vous avez été fan d’Ashura alors vous devriez largement être convaincu par Kengan Omega ainsi que tous ceux qui veulent une histoire qui a parfaitement saisi l’importance de l’action comme outil scénaristique. Et bien évidemment, je ne peux terminer cette chronique sans les questions que l’on peut se poser suite à cette introduction. Est-ce que Kôga parviendra-t-il à devenir un guerrier digne des combats kengan ? Que donnera la confrontation entre les deux structures ? Qui seront ceux qui participeront à cette compétition légendaire ? Est-ce que le destin de l’association s’annonce sombre ? Hâte de voir nos combattants fouler une fois de plus le sol de l’arène.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces quatre premiers volumes de Kengan Omega. Trouvez-vous que cette suite parvient à proposer une expérience à la fois dans la continuité de la précédente et différente dans son fond ? Appréciez-vous l’ensemble des nouveaux personnages qui font leur apparition au sein de cette seconde série ? Etes-vous curieux de voir ce que pourront donner les grandes confrontations entre nos divers combattants ? Attendez-vous impatiemment d’être au coeur de l’intrigue à venir ? Qu’espérez-vous pour la suite de cette histoire ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2019 Daromeon / Sandrovich Yabako, Shogakukan