Décryptage de scènes cultes : la monstruosité de Luca Blight
Après avoir déjà abordé deux scènes cultes dans de précédents billets, l’heure est venue de se poser une fois de plus pour traiter d’un moment précis dans l’univers vidéoludique. Vous n’êtes pas sans savoir que je suis un très grand fan de JRPG et qu’il y a énormément de titres qui ont ponctué la vie de nombreux joueurs et ont profondément marqué ces derniers. Aujourd’hui, je vais m’attaquer à un jeu qui va faire prochainement son grand retour et qui n’est autre que Suikoden II. Un opus absolument fantastique et qui fait partie de mes jeux vidéo préférés. Cependant, si cette aventure affiche de multiples qualités, l’une d’entre elles vient de son principal antagoniste : le terrifiant Luca Blight. Mais comment ce dernier a pu inscrire sa malveillance dans l’esprit des fans ? Il y a un passage en particulier qui va grandement jouer sur l’impact qu’il revêt pour nous et qui va en plus marquer un tournant majeur dans cette épopée. Il s’agit de la destruction du village de Ryube et de ce que ce prince va commettre pour asseoir la terreur qu’il insuffle chez ses ennemis. Il est donc grand temps de revivre l’un des moments les plus éprouvants de cette saga et surtout l’ascension d’un adversaire qui nous terrorise.
Un nom qui fait frémir
On pourrait parler pendant des heures de ce que représente Luca Blight au sein de l’univers de Suikoden II. Mais avant de s’attaquer au moment qui va le faire entrer dans le panthéon des plus grands méchants de l’histoire du jeu vidéo, il est important de se pencher sur notre rapport à lui jusqu’à ce fameux moment. En réalité, on ne croise le prince de Highland qu’une fois avant cette scène. Alors que Jowy et le héros découvrent avec stupeur que leur brigade est la victime d’une attaque-surprise, le désarroi est encore plus grand lorsqu’ils découvrent la vérité. C’est au milieu des cadavres de leurs frères d’armes et d’un camp ravagé par les flammes que se dresse cet homme en compagnie du capitaine de nos deux personnages. Ce que l’on pensait être une attaque de la Ville-Etat de Jowston, l’ennemi de toujours de Highland, s’avère en réalité n’être qu’un coup monté de la part de cet héritier au trône. Ne pouvant accepter le traité de paix récent entre son royaume et cet opposant, il a organisé tout ça pour trouver un prétexte de briser cette armistice et reprendre la guerre. Rien que ce passage pourrait déjà être qualifié de culte tant il symbolise la brutalité dont cette épopée peut faire preuve. On se retrouve face à celui qui devrait être le futur souverain de nos héros qui montre qu’il n’a aucun scrupule à sacrifier les jeunes garçons de son pays. Alors que tout bon dirigeant devrait mettre en avant les intérêts de son peuple, Luca ne se préoccupe que de sa soif insatiable de sang et de combats. Nous n’avons alors plus le sentiment d’être devant un membre de la noblesse, mais devant un démon pur et simple qui ne se satisfait que dans la mort de ses opposants. Un monstre qui va être le principal moteur de notre envie d’avancer afin de mettre fin à ses ambitions destructrices.
Mais si cette première partie va nourrir notre haine à son égard, ce n’est que bien plus tard que ce sentiment va se mêler à une autre émotion très importante pour rendre cet individu mythique et accentuer la scène à venir. Ainsi, on va être balloté au début du récit entre notre envie de faire payer à Luca et ses hommes ce qu’ils ont pu commettre et le désir de nos protagonistes de retourner chez eux. Il faudra finalement qu’ils soient considérés comme des traîtres pour qu’ils finissent par prendre la décision de quitter leur patrie pour trouver refuge dans la Ville-Etat de Jowston. Une situation causée en grande partie par les ambitions de quelques individus dont ce prince qui a tout du démon plus que de l’homme. Pourtant, si l’on a été témoin de sa perfidie, nous n’avons pas encore été en contact avec l’aspect le plus effrayant de cet homme. Le moment où tout commence à basculer va être quand Pilika nous demande de faire une course à Muse. Un objectif très simple et qui nous donne un petit sentiment de légèreté dans un contexte particulièrement mouvementé. On imagine déjà la joie de cette jeune fille en voyant le cadeau que l’on ramène pour son père. Malheureusement, cela n’arrivera jamais. En revenant au village de Toto, on le découvre totalement rasé et où il n’y a plus une âme qui vive. Le silence de mort qui plane est finalement brisé par les pleurs de cet enfant qui vient de perdre tout ce qu’elle avait. Là encore, la force de ce moment, en plus d’être chargé en émotions, va être que l’on est seulement témoin de ce que laisse derrière elle l’armée d’Highland avec à sa tête ce tueur sans scrupule. Là où le début du récit nous montrait les corps sans vie de nos camarades, ici rien n’est montré mise à part ces ruines et cette solitude qui remplace la chaleur de ce lieu. Une brillante idée pour nourrir notre rage à l’égard de Luca, mais aussi instiller en nous la graine d’effroi qu’il a lui-même cultivée. Dans notre esprit, on commence à voir cet être comme un ennemi à abattre, mais aussi comme un monstre que l’on ne veut plus croiser. Un paradoxe qui va atteindre son point culminant un peu plus tard.
Un homme n’ayant aucun respect de la vie
En effet, il est maintenant grand temps de s’attaquer à notre sujet principal qui va avoir encore plus d’impact maintenant que l’on a été conditionné pour être à la fois écoeuré de Luca et craintif à son égard. Son incursion sur les terres de son ennemi et la destruction du village de Toto vont alors être le signal pour nos héros et les mercenaires de Viktor afin de se préparer au conflit à venir. C’est dans cet objectif que le joueur est envoyé au village de Ryube pour chercher Tsai afin de réparer les lances de feu. Cet endroit paisible est déjà connu des protagonistes étant donné que l’on a déjà pu faire quelques petites choses en son sein. On fonce donc dans l’espoir d’éviter une nouvelle catastrophe et c’est une fois que l’on s’apprête à sortir de la forêt pour revenir vers le village en compagnie de Tsai que l’on va être figé d’horreur. Une courte cinématique se lance où l’on voit Ryube en proie aux flammes et les villageois qui tentent désespérément de fuir face aux soldats de Highland qui commettent un vrai massacre. Contrairement à Toto où l’on était arrivé trop tard, cette fois on est le témoin direct des atrocités commises par cette armée. Mais ce qui va rapidement retenir toute notre attention, c’est la présence de Luca Blight sur la place centrale qui fait face à deux habitants apeurés et totalement cernés. Sans la moindre hésitation, il abat son épée sur un homme qui suppliait pour sa vie. Un premier acte qui noue notre gorge alors que l’on ne peut agir face à cette scène tragique. Si l’on pensait avoir vu toute l’étendue de la cruauté de cet homme, le jeu repousse encore les limites de sa malveillance. La dernière survivante supplie à son tour pour vivre. Se moquant alors de la forte capacité de ces gens à se mettre à genoux pour leur misérable vie, Luca va alors lui demander une chose inconcevable pour qu’elle puisse s’en sortir. Il va exiger d’elle qu’elle fasse le cochon.
Rien que l’idée de proposer un tel agissement provoque en nous une forme d’écoeurement à l’égard de ce monstre en armure. Il n’est pas uniquement un démon assoiffé de sang, il est aussi un être qui n’hésite pas à humilier les autres pour son plaisir malsain. Il suffit de le voir rire aux éclats en voyant cette femme obéir à son ordre pour que la rage s’empare de nous et que l’on ait envie de se débarrasser immédiatement de lui. Ainsi, ce moment va autant être marquant par son aspect choquant que par son rôle important dans la création du mythe sordide de Luca Blight. Mais si tout ce que l’on observe nous écoeure déjà profondément, cela est nullement fini. Une fois que la jeune femme finit par croire que son action va lui sauver la vie, le prince de Highland va briser ses rêves en morceau en assénant le couperet final. Un triste spectacle pour le joueur, mais un amusement pour cet antagoniste qui savoure chaque instant de ce massacre qu’il a lui-même perpétré. En suivant tout ça, cela va contribuer à notre envie de stopper ce diable qui ne trouve la joie que sur le champ de bataille. Mais en plus de ça, un autre sentiment va naître au plus profond du joueur et des protagonistes. C’est tout simplement la peur de cet homme qui est autant un symbole du mal incarné qu’un guerrier hors pair. Même portés par leur désir de venger tous ces gens, le héros et Jowy ne pourront pas se lancer à la poursuite de leur ennemi. Une scène qui montre l’impuissance actuelle des protagonistes et de la personne derrière la manette. On se retrouve face à un ennemi que l’on voulait vaincre et qui maintenant va nous faire hésiter sur notre capacité immédiate à parvenir à ne serait-ce que le toucher. Une crainte qui va être un moteur pour pallier cet écart qui nous sépare de cette bête et nous amener jusqu’à la confrontation finale à son égard.
Luca Blight devient l’ennemi à abattre
Si la scène de la destruction de Ryube est aussi culte dans le paysage vidéoludique et pour les fans, c’est tout d’abord par la violence qui s’y déroule. On a beau être sur un design qui peut sembler mignon ou presque enfantin aujourd’hui, la brutalité de la scène frappe un grand coup et représente très bien l’aspect dramatique que revêt ce deuxième opus et plus largement toute la franchise. On est terrorisé par ce que l’on voit et l’on vit un moment qui va être important pour l’implication du joueur dans cette épopée. Un passage qui érige Luca Blight en véritable monstre à abattre, mais qui va aussi créer sa sombre légende. Un antagoniste qui exprime toute sa cruauté et sa perfidie. Cependant, contrairement à beaucoup de méchants qui font preuve d’actes cruels et finissent par montrer leur lâcheté dissimulée derrière leur comportement, cet homme n’en est rien. Il affiche une puissance qui n’a absolument rien d’humain et dont on va être le témoin à de multiples reprises jusqu’au combat tant attendu. On peut même dire qu’à aucun moment on arrive à l’égaler en matière de force pure ou de maîtrise du combat étant donné que la victoire se décidera sur un stratagème misant avant tout sur le nombre. Au moment où l’on voit ce prince rire aux éclats au sein de ce torrent de flammes et de sang, on prend conscience de ce que l’on est en train de vivre. Une épopée loin d’être heureuse ou la guerre fait de terribles ravages et qui est conduite par un homme qui n’hésite pas à faire miroiter un vain espoir aux gens terrifiés par l’humiliation avant de finalement briser cette petite lueur. Une cruauté comme on n’en a rarement vu dans un jeu vidéo, car elle ne se limite pas aux héros ou bien à leur entourage. Ici, ce sont des innocents qui nous sont inconnus qui subissent les affres de ce conflit et dont les cris vont nous arracher le cœur.
Cette scène est donc culte parce qu’elle représente tout ce qu’il y a de pire dans la guerre et aussi ce qui est le plus effroyable chez l’être humain incarné par ce seigneur du champ de bataille. Un être pleinement conscient de sa puissance et qui s’en sert pour détruire tout ce qu’il touche. Bien sûr, Luca Blight n’est pas uniquement un formidable antagoniste de par ce qu’il provoque chez le joueur. Il y a toute une histoire que l’on traitera peut-être un jour pour mieux cerner comment il est devenu ainsi. Malgré tout, Suikoden II a su créer, à travers ce moment de quelques minutes, un personnage qui hante encore aujourd’hui l’esprit de ceux qui se sont frottés à lui. Une scène culte n’est pas uniquement forte parce qu’elle se démarque des autres. On a pu voir précédemment que cela entraîne toujours des conséquences importantes sur l’expérience vécue. Cela peut se refléter de diverses manières. Dans FFX c’est le fait que Spira est un monde régi par la mort. Pour ce qui était de Grandia, il s’agissait d’un appel grandissant à l’aventure en nous montrant que tout ce que l’on avait fait auparavant n’était à peine que le commencement. Ici, on est dans un cas de figure qui va porter un personnage précis à un niveau inimaginable dans l’esprit du joueur. On ne peut rester de marbre devant ce qui se passe et cette boule au ventre que l’on éprouve va motiver chacun de nos pas pour trouver une solution afin de contrer cette menace. J’espère en tout cas que cette chronique vous a plu. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires si vous appréciez ce format et aussi si vous souhaitez encore plus de décryptage dans le futur.