Benedikta Harman : une tornade destructrice au coeur meurtri
Dans la droite lignée des articles que j’avais envie de faire autour de Final Fantasy XVI, il était évident que j’allais proposer des chroniques centrées autour des personnages. Comme j’ai pu le faire pour le neuvième épisode, je vous propose de nous attarder à chaque fois sur une figure marquante de ce nouvel opus de Square Enix. Mais comme toujours, j’aime bien me concentrer initialement avec des figures importantes, mais qui ne sont pas forcément les héros de l’aventure. Il faut dire que ce seizième épisode affiche une galerie de personnages captivante et où chaque individu a le droit à un soin tout particulier au niveau de son écriture. Je me suis donc dit que j’allais commencer cette petite série d’articles en vous parlant de ceux qui sont considérés comme des élus, mais aussi de terrifiantes armes. Je parle bien sûr des émissaires et on débute avec Benedikta Harman. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens tout d’abord à signaler qu’il y aura forcément du spoil dans cette chronique afin de traiter au mieux de ce que nous raconte le jeu autour de cette figure. L’heure est donc venue de voir ce qui se cache derrière cette femme qui se présente comme une tornade balayant tout sur son passage.
L’espionne frappant au coeur de chaque camp
Avant toute chose, il est important de comprendre le rôle que joue Benedikta Harman au sein de l’univers de FFXVI et dans le conflit qui oppose les diverses nations de Valisthéa. Elle se présente à nous comme la commandante du corps d’espionnage de l’armée Valoedoise. La première fois que l’on fait sa connaissance, c’est durant la scène d’introduction lors du sommet réunissant Barnabas, roi du royaume de Valoed, et les représentants de la République de Dalméquie dont Hugo, émissaire de Titan. Rapidement, on arrive à cerner une partie de sa personnalité qui se veut particulièrement provocante et où on sent le petit plaisir qu’elle a de sortir des piques pour agacer ses interlocuteurs. Mouvant se montrer aussi acérée par ses propos que par sa lame, elle arrive pourtant à attirer notre attention pour plusieurs choses. Tout d’abord, on remarque sa capacité à utiliser la magie sans faire appel au moindre cristal. Un signe laissant supposer sa prédisposition à de grands pouvoirs et qui sera confirmé par la suite en apprenant son rôle d’émissaire. Mais surtout, le fait qu’elle assiste à un tel regroupement de grandes personnalités prouve aussi qu’elle a un rôle crucial qui fait d’elle une représentante importante du royaume de Valoed. Ce n’est que bien plus tard que l’on comprendra son statut d’espionne et surtout sa capacité à infiltrer facilement n’importe quelle nation pour y accomplir ses diverses tâches. Mais ce qui va aussi rapidement nous sauter aux yeux est la relation qui semble exister entre elle et Hugo alors que tout les oppose. Venant de deux nations pouvant être rivales et surtout étant deux émissaires, on est étonné de voir qu’ils ont bon nombre de rapports intimes.
Du fait de son rang d’espionne, on est alors en droit de se demander si ce rapprochement de sa part est au service de son seigneur ou bien s’il y a réellement des sentiments entre eux. Un doute qui se confirmera au fur et à mesure de l’aventure quand on voit les quelques mots que Benedikta peut avoir à l’égard du colosse tandis que ce dernier semble réellement épris d’elle. C’est là que l’on comprend que la jeune femme cherche avant tout à sortir son épingle du jeu peu importe si elle doit jouer de ses charmes. C’est exactement le cas quand on découvre qu’elle a aussi une histoire avec son seigneur Barnabas. Cela peut donner une image assez péjorative d’elle au premier abord, mais on va rapidement se rendre compte que derrière son attitude, ses actes et sa personnalité se cache avant tout une personne blessée et profondément terrifiée. Comme le dit si bien notre cher professeur au sein du repaire au sein de son encyclopédie, tous ceux qui ont été l’émissaire de Garuda ont toujours connu une vie tumultueuse et dramatique. Un fait qui va rapidement prendre tout son sens dans la première partie du jeu alors que l’on pourchasse Benedikta afin de trouver le fameux émissaire inconnu pouvant être à l’origine de la haine de Clive suite aux événements du fort Phénix. Tandis que l’on va enchaîner les rencontres avec notre ennemie, on va progressivement obtenir diverses informations nous permettant de mieux cerner cette espionne que rien ne semble pouvoir arrêter. Et cela commence concernant sa relation avec l’un des autres personnages principaux du récit. On parle bien sûr ici de notre cher Cidolfus qui a un long passif avec cette demoiselle.
Un passé douloureux et une main salvatrice
En effet, il ne faut pas longtemps pour comprendre qu’il y a eu quelque chose entre Cid et Benedikta. Le qualifiant rapidement de traître, on comprend que les deux ont autrefois été dans le même camp. Mais pourtant, ce sentiment de tromperie que ressent la jeune femme face à son ancien commandant semble bien plus fort que s’il s’agissait d’une simple désertion de sa part. Comme si son départ de Valoed avait eu un effet dévastateur d’un point de vue personnel pour elle. On pourrait alors se dire qu’il y a eu un rapport bien plus proche entre les deux, mais cela n’est jamais évoqué de manière concrète laissant au joueur le soin d’imaginer ce qu’il y a bien pu y avoir. Le seul élément que l’on va nous dévoiler a une importance capitale pour cerner toute la profondeur du personnage de Benedikta. En fait, on peut largement supposer, au vu d’un flash-back que l’on nous dévoile, qu’elle fut réduite en esclavage ou bien abusée par de nombreuses personnes dans sa jeunesse. Ce n’est que grâce à l’intervention de Cid qu’elle a pu se défaire de ce statut de simple “jouet” pour entrevoir un avenir empreint d’un certain espoir. En seulement une scène, le spectateur prend conscience du profond lien qui unissait les deux. Benedikta n’était pas juste une subordonnée proche de Cid, il s’agissait de sa protégée. Tandis que pour elle, son commandant était aussi celui qui l’avait libéré de ses chaînes. A partir de ce moment, il est compréhensible que la jeune femme ait vu en cet homme un modèle, mais aussi un sauveur sur lequel elle posa tous ses espoirs d’un futur radieux.
Pourtant, ce fut un violent retour à la réalité pour elle quand Cid décida de partir. On peut alors mieux appréhender la raison de cette haine qu’elle porte, car elle a eu à nouveau le sentiment d’être seule et délaissée. Et pourtant, on sent aussi son envie de revenir à cette époque où elle était proche de lui. Un conflit interne qui va parfaitement se ressentir durant les quelques échanges qu’ils vont avoir et dont Clive va être témoin. C’est quand on est témoin de tout ça que notre avis sur l’émissaire de Garuda change progressivement. La colère ou bien l’agacement que l’on ressentait à son égard s’efface petit à petit pour laisser place à une certaine forme de tristesse et d’empathie. On sent qu’elle aurait très bien pu prendre une toute autre voie si ses choix, mais aussi sa vie avait été différente. Mais c’est aussi là que repose toute la pertinence de l’écriture de ce personnage. On est face à une jeune femme affichant de profonds stigmates de son passé et qui a continué d’avancer en portant cette douleur en elle. Si la présence de Cid fut une source de réconfort, son absence a fini par lui faire perdre toute confiance en les autres. C’est justement pour se défendre elle-même qu’elle a décidé de transformer ce qui lui faisait tellement peur en un atout pour cacher sa souffrance. Voilà pourquoi elle cache ses réelles émotions et surtout son envie de liberté. C’est parce qu’elle craint que tout cela ne la guide finalement qu’à être de nouveau déçue. Elle préfère donc se cantonner au rôle que son seigneur lui a offert quitte à aller à l’encontre de cette existence libre qu’elle souhaitait de tout son cœur. Benedikta ne voulait juste qu’être capable de faire ses propres choix et finalement elle s’est renfermée sur elle-même pour simplement devenir une espionne de talent pour qui la manipulation, le meurtre et la tromperie sont autant d’armes affûtées. Un cœur mortellement blessé et qui cache une angoisse ancrée encore plus profondément en elle.
La peur d’être rejeté
Si notre regard change au fur et à mesure de ce que l’on découvre sur Benedikta, FFXVI ne va pas s’arrêter là. En effet, si on avait pu être touché par son histoire et surtout ce qui pouvait ressortir de sa relation avec Cid, elle reste un adversaire à combattre. C’est suite à celui-ci que l’on va encore une fois faire face à une autre facette de sa personnalité. Pleine d’assurance habituellement et surtout misant beaucoup sur son pouvoir, elle va se retrouver sans défense quand Clive va absorber l’énergie de Garuda. Dès cet instant, on découvre une jeune femme incapable de faire appel aux facultés de son Primordial. Un être exceptionnel qui est ramené à l’état de simple humain et qui prend conscience de sa propre faiblesse. Cela est remarquablement bien représenté dans cette scène où l’on fait face à une Benedikta confuse et qui va finalement tomber dans la panique suite à cet événement. En réalité, cette demoiselle, qui semblait si sûre d’elle jusqu’ici, nous montre ici ce qu’elle est réellement. Une personne qui comptait sur son rôle d’émissaire pour être quelqu’un d’unique. C’est suite à l’éveil de ses pouvoirs qu’elle a pu gravir les échelons et surtout que son roi a bien voulu l’avoir à ses côtés. Maintenant qu’elle n’a plus rien, elle a l’impression de redevenir la petite fille apeurée qu’elle était auparavant. Celle qui était une ennemie à abattre se transforme en une victime de ce monde où la force est l’unique moyen pour gravir les échelons. Détruite psychologiquement par toute cette existence faite de déception, d’abus et de blessures, elle vient de perdre ici l’unique chose qui lui permettait d’échapper à son passé.
Cet opus réussit, en seulement quelques heures, à transformer un personnage qui pouvait sembler détestable au premier abord en une figure tragique représentative de l’horreur qui ronge ce monde. En la voyant perdre pied, on ne peut s’empêcher d’avoir une profonde pitié pour elle. Si elle a subi énormément de traumatismes dans sa vie, Benedikta reste surtout une enfant qui a toujours été isolée. Ce qu’elle désirait vraiment, en plus de sa liberté, c’est que quelqu’un ait besoin d’elle. Une personne qui l’accepte et qui souhaite surtout sa présence à ses côtés. C’est pour ça qu’elle accepte de servir Barnabas même si celui-ci n’a aucune émotion envers elle. Ne voulant pas revivre l’abandon qu’elle a eu plus jeune ou bien avec Cid, elle s’est montrée totalement obnubilée par le regard des autres envers elle. C’est pour ça que la voir aussi désespérée en découvrant qu’elle n’est plus en contact avec Garuda nous déchire le cœur. Persuadée d’être mise de côté ou pire que ça, elle perd goût à la vie et pour ne rien arranger, le sort s’acharne sur elle avec l’apparition de bandits qui font directement écho avec ce qu’elle a pu vivre. Une boucle infernale qui est devenue insupportable et qui va donc la conduire à perdre toute maîtrise du peu de pouvoir qu’elle a. Voilà pourquoi la dernière phrase qu’elle va sortir de tout le jeu est aussi marquante. Elle indique son souhait de tout détruire tant ce monde ne veut pas d’elle. Une déchirante démonstration de l’enfer que peuvent vivre les gens sur ce continent même ceux qui sont considérés comme des élus. Benedikta est et reste une jeune femme détruite par la vie qui a simplement cherché à trouver sa place quitte à faire des mauvais choix. Une vie dictée par la peur de la solitude et de l’abandon faisant d’elle une espionne redoutable, mais qui cache un cœur meurtri qui n’aura jamais pu cicatriser.
Benedikta cherchait juste sa place
S’il y a énormément d’éléments intéressants à analyser dans Final Fantasy XVI, l’histoire de Benedikta est sûrement la première à m’avoir pleinement touchée durant mon périple. Voilà pourquoi j’avais à cœur de parler d’elle en première. Quand on y pense, son temps à l’écran n’est pas si long et pourtant les développeurs ont su proposer des moments marquants en sa compagnie. D’ailleurs, le travail fait au niveau des expressions est fabuleux, car on est totalement emporté par ce déferlement d’émotions qu’elle va vivre en se confrontant à Clive et Cid. Mais surtout, l’écriture de l’émissaire de Garuda est représentative d’un monde loin d’être lumineux. Si l’on a le droit à des décors somptueux et des lieux magiques, tout ça ne nous fait pas oublier à quel point ces terres sont rongées par le chaos. D’innombrables vies sont détruites et celle de cette demoiselle fut l’une d’elle. Sans jamais se montrer explicite dans ce qu’elle a bien pu connaître, cela suffit amplement pour le joueur qui imagine alors les pires scénarios possibles. Mais surtout, Benedikta est un personnage qui, derrière l’attitude qu’elle nous montre initialement, peut facilement parler à beaucoup de gens. La crainte de l’abandon, de se sentir inutile ou non désiré sont des peurs qui peuvent assaillir n’importe qui. C’est en amenant des thématiques aussi fortes dans un contexte aussi éprouvant que l’on est autant bouleversé par le parcours de cette ennemie qui aurait très bien pu prendre une autre direction si seulement elle avait pu compter sur des gens de confiance. Même si Cid a été son sauveur et qu’il est parti dans le but de venir en aide au plus grand nombre, son départ demeure incompréhensible pour sa protégée.
Un sentiment que l’on peut totalement accepter étant donné que pour elle, tout ça représentait une forme de rejet qu’elle n’a pu supporter. Au même titre que beaucoup d’autres personnages de cet opus, le destin de notre émissaire se veut tragique et surtout semé de désillusions et d’effroi. Quand on réfléchit aux derniers instants de Benedikta, elle n’aura connu que la haine, la peur et le désespoir tandis qu’elle se transformait en Garuda. Une âme totalement brisée dont le but final aura été de détruire ce monde pourri qui lui a arraché la seule petite lueur d’espoir qu’elle avait. Et finalement, tout le travail fait en amont pour que l’on soit prêt à la combattre se transforme progressivement en une profonde empathie nous amenant au bout du compte à abréger les souffrances de cette demoiselle. Cette écriture a alors deux effets importants sur le joueur. Tout d’abord, il nous ouvre les yeux sur le fait que les gens que l’on peut considérer comme des adversaires ne sont pas mu par des considérations comme le bien et le mal. Ils peuvent être là où ils sont après avoir subi énormément de cicatrices ou d’échecs. Un récit loin d’être manichéen dans le développement de ses divers acteurs. L’autre impact que cela va avoir, en dehors des révélations de ce moment de l’histoire, est que notre colère va être portée non pas sur une personne, mais sur l’ensemble de cet univers qui ne laisse absolument aucune chance à ceux qui ne naissent pas parmi les privilégiés. Benedikta, au même titre que les nombreux marqués du jeu, aura été l’esclave d’un destin qu’elle n’a pas choisi. Une longue descente dans les abîmes qui aurait pu s’arrêter lors de cette main tendue, mais qui n’aura été qu’un sursis dans une existence détruite.
J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et qu’elle vous aura donné une autre vision de Benedikta Harman. Il va sans dire qu’il y aura beaucoup d’autres articles à venir sur Final Fantasy XVI, autant sur les personnages que l’univers. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous avez pu penser de notre émissaire du vent et de cette vie funeste qui fut la sienne. Je reste à votre disposition pour tout échange et discussion à ce sujet !