Kotaro en solo T1 : un enfant livré à lui-même
Il arrive parfois que l’on tombe sur des mangas qui cachent bien leur jeu. Quand on se penche sur la couverture ou bien le résumé, on peut se dire que l’on va vivre une aventure bien précise alors que c’est l’inverse qui va avoir lieu. Il ne s’agit pas d’une marque d’échec, mais au contraire d’un talent indéniable pour surprendre le lecteur et le rendre fébrile face à un scénario qui va le prendre au dépourvu. C’est exactement le cas du titre dont je vais vous parler aujourd’hui et qui vient de faire ses débuts chez Panini. Il s’agit de Kotaro en solo qui vient juste de sortir son premier volume. Ce nom vous dit sûrement quelque chose étant donné que l’on a eu le droit à une adaptation anime il y a quelques temps et disponible sur Netflix. D’ailleurs, celle-ci avait déjà marqué la majorité des spectateurs ayant tenté ce récit. J’étais impatient de me plonger dans le matériau d’origine au vu des qualités de cette version. En seulement quelques pages, j’ai pu retrouver tout ce qui fait la force de cette série et surtout observer avec quelle maîtrise l’auteur parvient à retranscrire tout ça par son trait. Préparez-vous à rendre visite à un locataire qui fut obligé de grandir beaucoup trop vite.
Le calvaire du héraut
Synopsis
À 4 ans, Kotaro vit seul en ville, dans un modeste appartement. Où sont ses parents ? Comment s’en sort-il au quotidien ? D’où vient l’argent qui lui permet de vivre ? En tout cas, il peut compter sur ses voisins pour ne pas s’ennuyer ! Il y a Shin Karino, un mangaka un peu fainéant qui peine à rencontrer le succès. Pas très loin, une femme travaille la nuit dans un club privé. Quant à l’homme qui habite à l’étage du dessous et qui est toujours en costume, il est le parfait cliché d’un yakuza. En dépit de sa situation saugrenue, et même s’il parle comme un seigneur féodal, Kotaro semble parfois moins bizarre que ses voisins !
Auteur : Mami Tsumura
Kotaro en solo, par son synopsis, va nous délivrer un sentiment tout particulier. En effet, on ne sait pas vraiment dans quoi on s’embarque avant d’être réellement témoin de l’histoire. Avec sa couverture colorée et chaleureuse ainsi que son contexte semblant propice à des scènes humoristiques, on pourrait s’attendre à passer une lecture réjouissante. Cependant, c’est tout le contraire qui va se passer tant tout est réfléchi et conçu pour utiliser cette façade lumineuse pour dissimuler un profond mal-être. Une histoire qui va nous faire réfléchir sur le fait que ce quotidien de ce garçon est loin d’être normal pour son âge.
Une tranche de vie déchirante
Ce qui est remarquable quand on s’attarde sur ce premier volume de Kotaro en solo, c’est qu’il y a une double lecture qui se joue devant le lecteur. En posant les yeux sur ce gamin livré à lui-même et qui affiche une attitude d’adulte, on est face à un décalage qui éveille un certain amusement. Après tout, il y a un petit aspect drôle de voir ce garçon agir de manière totalement différente des autres enfants de son âge et d’intervenir dans les problématiques de ses voisins. D’ailleurs, ces derniers vont aussi grandement contribuer à ce premier contact déroutant étant donné qu’ils ont, pour beaucoup, un comportement très enfantin ou en contradiction avec ce que l’on pourrait imaginer d’eux. Il y a justement une forme d’inversion où Kotaro est celui qui se prend pour un adulte tandis que les autres font preuve d’une certaine légèreté dans leur attitude. Mais si cela peut nous délivrer quelques scènes amusantes et renforçant notre sympathie à leur égard, on va très vite se rendre compte que derrière ces apparences se cache une toute autre vérité. En fait, si l’on prend le temps d’analyser le sous-texte, mais aussi tout ce qui nous est raconté à travers le dessin, on ouvre les yeux sur la triste réalité de cette histoire. Nous voilà face à une tranche de vie porteuse d’une profonde tristesse envers chaque personnage de cette histoire. Et le premier auquel on pense est bien sûr Kotaro. Quand on s’attarde quelques instants sur cet enfant, on finit par se dire que son comportement n’a rien de normal.
Outre le fait qu’il doit vivre seul sans personne pour veiller sur lui, ce gamin ne devrait pas à jouer les adultes. Au contraire, il devrait être en train de s’amuser et de plaisanter comme bon nombre d’enfants de son âge. Et pourtant on ne le voit jamais esquisser un sourire comme s’il s’interdisait cette petite preuve d’innocence. C’est là qu’intervient une des forces de cette œuvre qui est de ne jamais pleinement nous dévoiler le ou les problèmes des personnages ainsi que leur passé. Tout ici est suggéré et c’est le lecteur qui va se mettre à imaginer tous les pires scénarios possibles pour comprendre comment ce garçon en est venu à vivre ici. Mais c’est pareil pour ses voisins qui, derrière leur personnalité assez délirante, dissimulent de profondes blessures. Entre le jeune mangaka qui ne sait pas trop comment réitérer son exploit de son précédent titre, la jeune femme qui cache ses larmes derrière un grand sourire et le père de famille séparé de son fils, il y a largement de quoi être profondément bouleversé. Et l’on comprend alors que cette histoire n’est pas uniquement celle de Kotaro, mais de tous ces gens qui peuvent vivre autour de nous et qui souffrent terriblement chez eux sans pour autant le montrer en sortant de leur appartement. Voilà pourquoi je parlais en préambule de cette chronique de double lecture. Il y a un remarquable travail qui est fait pour qu’il y ait deux façons de lire cette histoire. Mais l’une comme l’autre nous font avoir un profond attachement pour ces personnages qui cherchent à avancer malgré les difficultés de la vie.
Il n’y a pas à dire, Kotaro en solo parvient à frapper très fort dès ce premier volume. On prend une véritable claque au contact de cet enfant qui nous fait passer des rires à une profonde empathie pour lui. On ne peut s’empêcher d’être triste pour ce garçon sans même connaître les détails de son passé tant l’auteur parvient à retranscrire le fait que cette situation n’est pas normale. Il a beau faire de son mieux pour se montrer mature, on a justement envie de le voir jouer, rire et faire tout ce qu’un enfant de son âge devrait faire normalement. Une tranche de vie qui a parfaitement saisi comment toucher en plein coeur sans expliquer à travers des mots.
Kotaro en solo touche la corde sensible
Autant le dire tout de suite, Kotaro en solo est une pure pépite rien que dans ce premier volume. La façon dont l’artiste parvient à créer une histoire au double visage sans pour autant partir dans des explications claires est brillante. Cela provoque un sentiment singulier chez le spectateur qui va ainsi être amusé dans un premier temps avant de ressentir une profonde tristesse pour l’ensemble du casting. Et c’est justement ce manque d’informations claires sur le passé de ces gens, et notamment Kotaro, qui fait que l’on s’implique tellement dans l’histoire. L’imagination prend ici tout son sens, car c’est nous qui construisons dans notre esprit les possibles scénarios ayant pu conduire à cette situation. Évidemment que l’on va découvrir la vérité au fil des tomes, mais c’est une manière plus que captivante de créer un premier acte. On s’assure ainsi de l’intérêt du lecteur qui veut savoir si ce qu’il a pensé est vrai tout en créant un lien profond et sincère entre lui et les personnages de ce récit. Mais surtout, cette tranche de vie est surtout le reflet d’une triste réalité pouvant totalement exister. Des enfants privés d’insouciance et forcés à grandir prématurément ou bien des individus lambdas et chaleureux qui gardent au plus profond d’eux des stigmates qui ne pourront jamais totalement disparaître. On avance dans les chapitres en ayant envie de les voir s’épanouir et surtout changer progressivement de vie. Et c’est là qu’intervient la relation entre ces voisins et Kotaro. Chacun parvient à apporter quelque chose d’important à l’autre et ainsi à avancer petit pas par petit pas.
Vous l’aurez donc compris en lisant ces quelques lignes, mais j’ai été totalement conquis par ce premier volume de Kotaro en solo. Et je trouve même qu’il est bien plus poignant dans sa manière de raconter les événements et surtout ce quotidien teinté d’une grande tristesse que l’adaptation anime qui était déjà très réussie. J’ai été totalement emporté par ces petits instants de partage que nous délivre ce récit entre ce garçon obligé de jouer les grands et son nouvel entourage. D’ailleurs, j’ai aussi été bluffé par la capacité du mangaka à réussir à traiter de sujets forts et difficiles sans jamais tomber dans un schéma qui se veut totalement sombre. Au contraire, le titre parvient à conserver cet équilibre entre ces deux facettes afin de créer une expérience qui lui est propre. Et en plus de ça, le trait de l’artiste va aussi jouer un grand rôle dans notre appréciation globale du manga. En appuyant ce côté enfantin et même décalé par moments, cela va appuyer le décalage que va éprouver le lecteur au fil de sa lecture. Nous sommes clairement devant une œuvre qui peut être appréciée par le plus grand nombre surtout au vu des messages véhiculés. Une série qui est importante à lire et qui ouvre notre regard sur ces gens que l’on peut côtoyer au quotidien sans jamais réellement savoir ce qu’ils peuvent avoir sur le cœur. Evidemment, j’ai énormément de questions qui me viennent à l’esprit suite à cette lecture du premier volume. Mais cette fois, j’ai envie de laisser mon imagination prendre le pas sur le simple désir de chercher des réponses. Car cela fait partie intégrante de cette expérience littéraire qui vise en plein cœur.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Kotaro en solo. Connaissiez-vous le titre via l’anime qui avait été diffusé sur Netflix ? Avez-vous découvert cette histoire avec le manga ? Trouvez-vous que cette histoire arrive à jongler brillamment entre humour, tranche de vie et émotions par le biais de ces quelques personnages ? Est-ce que vous avez ressenti de la sympathie pour l’ensemble du casting qui donne vie à ce voisinage ? Etes-vous curieux d’en apprendre plus sur Kotaro ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.