Point sur les nouveautés Yuri #01 – Meian

Il est vrai que le Yuri est un genre qui a longtemps été mis un peu de côté et qui se faisait assez discret en France. Pourtant, cela fait maintenant plusieurs mois que certains éditeurs cherchent à remettre en avant ces œuvres et à en faire découvrir de nouvelles. C’est notamment le cas du côté de chez Meian qui a créé toute une collection mettant à l’honneur ces séries. Et pour Japan Expo, la maison d’édition a su proposer énormément d’avant-première pour cette partie du catalogue avec, notamment, pas mal de licences inédites. Ayant déjà beaucoup apprécié les précédents mangas faisant partie de cette collection, j’étais très curieux de me pencher sur ces nouveaux venus. Je me suis donc dit que cet été serait l’occasion parfaite pour vous parler de mes dernières découvertes en la matière. Au vu du nombre de nouveautés, je me suis dit que j’allais découper ça en deux articles différents et on commence donc aujourd’hui avec trois d’entre elles. Et je trouve que l’on a ici une très belle démonstration de ce que peut proposer le Yuri et à quel point c’est un genre qui va au-delà des aprioris que l’on peut lui donner.

Ici, on a toujours une raison de sourire

Ici, on a toujours une raison de sourire est un manga de Kuzushiro qui nous raconte le quotidien de Futami Nana. Cette demoiselle est une jeune mangaka qui semble promise à un bel avenir dans ce milieu au vu de ses compétences. Cependant, elle est aussi particulièrement distraite et à parfois du mal à se concentrer tandis qu’elle fantasme sur son éditrice. Du fait de son imagination débordante, elle ne cesse de laisser son esprit vagabonder d’une pensée à l’autre et cela entraîne inéluctablement des petits problèmes dans les délais pour ses rendus. Et en plus de ça, elle est aussi d’une grande anxiété et à beaucoup de mal à aller vers les autres et à échanger avec eux. Heureusement qu’elle peut compter sur sa fidèle assistante, Hazama Mizuki, qui l’aide chaque jour à rester dans le droit chemin et à se focaliser sur son travail. Mais cette dernière n’est pas au bout de ses peines entre les nombreuses situations inattendues qui vont venir frapper à la porte de ce studio. Et surtout, il est parfois difficile de contenir l’imagination fertile de cette artiste qui ne cesse jamais d’appréhender le pire plutôt que de sauter le pas. Au moins, elle peut compter sur Satô, l’éditrice de Futami, pour rester professionnelle et faire du projet de sa protégée un véritable succès. Il peut être parfois difficile de concilier relations humaines et vie de mangaka, mais c’est pourtant ce que va devoir faire cette autrice qui peut autant briller dans son art que s’ouvrir aux autres. Surtout que cela peut être éprouvant de respecter constamment des délais serrés et la pression qui entoure une série pouvant connaître un certain succès. Voici le récit d’une mangaka aussi électrique qu’anxieuse devant faire face à tous les aléas de sa vie professionnelle et personnelle.

On commence cette chronique spéciale Yuri avec l’un des titres qui fut, pour moi, l’une des très belles surprises de cette vague de nouveautés. En effet, “Ici, on a toujours une raison de sourire” nous délivre deux tomes qui m’ont particulièrement séduits. Et d’ailleurs, on s’éloigne énormément des stéréotypes du genre ici pour se focaliser avant tout sur une tranche de vie bien précise. S’il y a quelques éléments donnant lieu à des rapprochements entre les différents personnages féminins, cela reste toujours dans une sphère “amicale” ou de l’ordre du fantasme. La véritable force de cette œuvre est tout ce qui gravite autour de Futami. En fait, on est devant une série qui décrit avec brio ce que peut être le quotidien d’une jeune mangaka. Il est autant question des débuts difficiles, des rejets de scénarios, des délais particulièrement serrés ainsi que la renommée grandissante d’une œuvre. Toutes ces facettes de l’édition et de la création d’un manga sont très bien amenées sans pour autant partir dans l’aspect purement explicatif ou instructif. Tout se mélange parfaitement pour donner lieu à un slice of life pouvant être drôle, touchant et porteur de messages forts. D’ailleurs, cette série ne va pas uniquement se focaliser sur cette mangaka, mais aussi sur les autres actrices de cette pièce. Du rôle important de son assistante en passant par les rendez-vous avec son éditrice et même en faisant une halte par les librairies, il y a énormément à tirer de cette aventure. Et c’est cet excellent équilibre entre les coulisses du travail de mangaka et les petites péripéties de notre héroïne qui rendent cette lecture plaisante. Mais surtout, on est face à une histoire qui nous montre que le yuri est d’une grande richesse en matière de diversité d’écriture et de scénarios possibles.

Mariée à ma meilleure amie

Mariée à ma meilleure amie, imaginée par Shio Usui, nous conte l’histoire de Kurumi et Ruriko. Ces deux amies de longue date ont toujours passé énormément de temps ensemble et alors qu’elles s’apprêtent à prendre des chemins différents, elles vont se faire une promesse. Si au bout de cinq ans, elles sont toujours célibataires, elles se marieront. Une idée pensée initialement par Ruriko et qui déstabilise Kurumi. Mais cette dernière finit par accepter en pensant que cela n’arrivera sans doute jamais. Pourtant, une fois ce délai écoulé, il s’avère qu’elles n’ont toujours personne dans leur vie et décident de franchir le pas. Les voilà maintenant formant une famille et devant partager un quotidien en couple. Une première pour elles qui ont chacune un caractère bien différent. Tandis que Ruriko apprécie la stabilité et sa petite routine, Kurumi est tout l’inverse. S’intéressant à tout un tas de sujets différents et ne pouvant tenir en place, elle est avant tout une oiseau de nuit du fait de son métier. Deux personnalités qui semblent peu propice à une cohabitation, mais qui vont pourtant tout faire pour créer un cocon où elles trouveront leur bonheur. Un défi de taille, car ce n’est pas du jour au lendemain que l’on peut changer sa façon de vivre et surtout partager tout ce que l’on fait avec une autre personne. C’est donc un chemin parsemé d’embûches, mais aussi de moments touchants qui attendent ces deux demoiselles qui vont apprendre beaucoup l’une de l’autre. Mais la question est de savoir si oui ou non ce mariage va tenir étant donné qu’il s’agit avant tout d’une union entre amies. Est-ce qu’il est possible que cette décision initiale puisse conduire à la naissance de sentiments inédits pour ces deux femmes ? Seul le temps le dira !

Avec les deux premiers volumes de “Mariée à ma meilleure amie”, j’ai pu découvrir une histoire particulièrement intéressante dans ce qu’elle traite. En effet, ici on suit un duo d’amies qui vont finalement s’unir non pas par amour, mais plus par expérience de ce que peut être le mariage. Et c’est là que réside toute la subtilité de cette œuvre. Nous sommes devant des protagonistes qui n’ont pas forcément un lien qui dépasse l’amitié. Si l’on peut déceler, au fil des chapitres, quelques sentiments naissants l’une envers l’autre, nous sommes avant tout devant un binôme qui cherche à faire au mieux pour que cette vie à deux se passe bien. Et Shio Usui raconte les difficultés qu’elles vont rencontrer avec beaucoup de talent et surtout une sensibilité qui va rendre cette relation encore plus complexe et forte. Cela vient avant tout de l’opposition qui se forme au niveau du caractère propre à chacune de nos héroïnes. L’une est ordonnée, posée et organisée tandis que la seconde veut avant tout préserver sa liberté. Et on ressent à de multiples reprises cet écart pouvant exister entre elles. Que ce soit au niveau des tâches ménagères, des sorties solitaires de Kurumi ou bien le manque de communication par moments, tout est là pour nous questionner sur le fait que cette union puisse tenir. Et c’est une interrogation qui va être au cœur de toutes les préoccupations quasiment à chaque chapitre. Tout en gardant cette crainte bien vivace, l’artiste va aussi nous montrer que ces deux âmes ont aussi l’envie d’être proches l’une de l’autre. Cela passe par des efforts mutuels et parfois des concessions qui leur permettent de profiter d’un instant privilégié rien que toutes les deux. En prenant un point de vue assez unique de l’institut du mariage et des “codes” qui vont avec, la mangaka nous conte une histoire brillante traitant de la complexité des rapports humains et du fait de partager le même toit sans forcément avoir de sentiments amoureux initialement.

Je veux t’aimer jusqu’à ta mort

Je veux t’aimer jusqu’à ta mort est une œuvre de Nachi Aono. On se retrouve plongé dans un monde où la magie existe et qui est en proie à une violente guerre. C’est là que de jeunes orphelines sont désignées pour rejoindre une école spéciale. Dans cet établissement, elles sont élevées afin de devenir de véritables armes pour ensuite partir sur le front. Au programme de cet enseignement, de nombreux cours pour leur apprendre à tuer et ne plus rien ressentir à l’égard de ceux qui tombent au champ de bataille. Parmi les jeunes recrues se trouve Shina. Âgée de 14 ans, elle est très loin d’avoir une magie surpuissante et se présente presque comme un fardeau pour l’effort de guerre. Ayant beaucoup de mal à accepter ce mode de vie qui est le sien et celui de ses camarades, elle craint chaque jour d’être appelée pour rejoindre le prochain assaut. Mais un beau jour, elle fait la rencontre de Mimi, une fille maculée du sang et qui est connue pour être l’atout de cette armée. Revenant toujours de ses missions, elle a un palmarès incroyable et a déjà ôté la vie à bon nombre d’ennemis. On dit même qu’elle serait immortelle ! Pour Shina, Mimi représente tout ce qu’elle veut éviter et a du mal à trouver ses mots devant elle. Mais le sort fait qu’elle va devoir maintenant partager sa chambre avec elle. Ainsi va débuter leur cohabitation qui sera faite de hauts et de bas. Mais surtout, elles vont apprendre l’une de l’autre ce qui est réellement important et à quel point, au milieu de ce contexte effroyable, l’amour et l’amitié sont des notions importantes. Et il faudra bien ça pour réussir à survivre et à tenir bon au milieu de cet enfer où chaque jour peut être le dernier. Est-il seulement possible d’aimer en sachant que tout peut s’arrêter en un claquement de doigts ?

Pour conclure cette chronique dédiée aux derniers yuri en date de chez Meian, il est temps d’évoquer la série dont les quatre premiers volumes sortent simultanément. Je parle ici de “Je veux t’aimer jusqu’à ta mort” qui a largement eu de quoi développer son récit avec tous ces ouvrages d’un coup. Ce que j’ai trouvé très intéressant, c’est que l’on est ici dans un récit qui se veut très dramatique en nous plongeant dans ce contexte militaire. Dès les premières pages, on nous fait comprendre que la mort peut frapper à tout moment ces étudiantes et cela donne un ton particulièrement froid et glaçant à l’ensemble de la série. Le seul réconfort que l’on va avoir vient de ces quelques relations qui vont se présenter à nous notamment entre Shina et Mimi. Alors que la première ne supporte pas l’idée de partir en guerre et espère de tout cœur rester à l’abri dans l’école, la seconde est présentée comme l’arme ultime. Et si l’on est témoin de sa compétence à arracher la vie de ses ennemies, sa rencontre avec Shina va aussi nous montrer qu’il s’agit d’une jeune fille qui a aussi envie de vivre normalement. En nous partageant les moments d’insouciance, de complicité et de tendresse entre les deux, Nachi Aono parvient presque à nous faire oublier cet enfer qui a lieu à l’extérieur. Mais c’est pour mieux frapper dans le dos quand l’appel est lancé et que les étudiantes partent au front. On ne sait alors jamais qui reviendra et qui disparaîtra pour toujours. Un ascenseur émotionnel qui va nous prendre aux tripes tandis que le manga va aussi développer un message très important sur la vie et la mort. Que ce soit à travers la particularité de Mimi ou bien ce qu’il va se passer un peu plus loin dans le récit, on veut nous montrer à quel point la vie est précieuse et qu’il est important de chérir chaque moment que l’on passe en compagnie des gens qui nous sont proches.