Kingdom tome 43 et 44 : une bataille se transformant en véritable cauchemar
Rare sont les oeuvres à pouvoir réussir à maintenir une qualité hors norme sur une durée très longue. Il est donc encore plus remarquable lorsqu’un titre parvient, à travers chacun de ses arcs narratifs, à enrichir son univers et ses personnages. Un résultat difficile à atteindre, mais qui montre aussi à quel point un manga peut aussi devenir une fresque grandiose. Parmi les séries continuant de perdurer dans le temps, il y en a une qui continue de nous faire autant vibrer tome après tome et qui nous vient tout droit des éditions Meian. On parle bien évidemment de Kingdom dont on continue d’analyser ce périple à travers deux nouveaux volumes. Alors que l’on sentait que les choses allaient prendre une tournure intéressante, on ne s’attendait pas du tout à ce que la bataille faisant rage dans ces pages allait autant se graver dans notre esprit. D’un seul coup, on se retrouve face à ce qu’il y a de pire dans la guerre et dont on est directement témoin. Un formidable retournement de situation qui va aussi nous conter bien d’autres récits. Le temps est donc venu de retourner sur le champ de bataille.
Le choc de la colline
Kingdom, imaginé par Yasuhisa Hara, nous avait laissé alors que Qin était enfin parvenu à tirer un trait sur toutes ces luttes internes avec la victoire de Ei Sei. L’ennemi ne se trouvant plus derrière lui, le jeune souverain pu alors tourner son regard vers l’horizon afin d’entrevoir enfin une possibilité pour son rêve de se réaliser. A présent, c’était à lui et ses troupes d’être sur l’offensive après toutes ces années à devoir défendre. Cependant, la question qui se posait était bien sûr de savoir quelle serait leur première cible dans cette tentative d’unification de la Chine. Après quelques événements surprenants, l’attention du royaume fut finalement portée vers celui qui les avait tant fait souffrir depuis maintenant tant de temps. Il s’agit bien sûr de Zhao, leur plus grand ennemi et celui qui est parvenu à terrasser bon nombre de leurs célèbres généraux. Celui qui fut choisi pour mener cette armée au combat n’est autre que Kanki, un homme mystérieux dont les capacités en tant que guerrier, mais aussi en tant que meneur lui ont permis de se distinguer lors de l’affrontement avec la coalition. Cet ancien bandit et toute sa clique n’hésitent jamais à faire preuve de tactiques peu orthodoxes pour pouvoir vaincre leur opposant. Même si cela semble aller à l’encontre de l’art de la guerre, les résultats sont là et personne ne peut venir contredire les ordres de cet individu froid et calculateur.
De son côté, Shin n’a cessé de gravir les échelons et se rapproche de plus en plus du rang tant rêvé de général. Malgré tout, il sait que le chemin est encore long et qu’il n’y a pas une seconde à perdre pour accomplir d’autres exploits. Heureusement pour lui, le jeune homme et toute son unité vont être réquisitionnés pour participer à la lutte qui opposera les deux royaumes. Le champ de bataille aura finalement lieu à Kokuyou. Un endroit stratégique où se trouvent cinq collines qui joueront un rôle-clé dans la réussite d’un des deux camps. Tout repose sur le fait de conquérir ces lieux et la topographie n’est clairement pas là pour faciliter les choses. C’est donc une véritable course contre la montre qui se joue tandis que Shin va prendre conscience de ce que cela signifie d’être sous les ordres d’un officier comme Kanki. Telle un animal que l’on envoie à l’abattoir, l’unité Hi Shin est un pion facilement sacrifiable pour les ambitions de cet homme qui semble déjà savoir comment la bataille finira. Pour ne rien arranger, le chef du camp adverse n’est autre que Keisha, un véritable petit génie autant dans l’art du combat que dans celui de la stratégie. Un jeune homme qui aime tisser sa toile discrètement afin de voir ses adversaires se débattre avec elle. Les premiers assauts viennent tout juste d’avoir lieu et chacun peut déjà pressentir que ce choc ne sera pas comme les autres.
Le premier élément qui a grandement retenu notre attention dans ce passage de Kingdom vient de la confrontation entre les deux grands généraux. D’un côté, nous avons Keisha qui a le potentiel pour devenir un des plus puissants officiers de Zhao et de l’autre nous avons Kanki dont la fourberie n’est plus à démontrer. Un duel au sommet qui va grandement se jouer sur la patience et les nerfs de chacun. Un conflit qui va nous démontrer qu’il faut parfois laisser passer une occasion en or pour saisir une plus grande chance de renverser la vapeur et ainsi arracher la tête pensante du groupe.
Une stratégie basée sur la patience
Ce qui est remarquable lorsque l’on se plonge pleinement au coeur de cet affrontement, c’est que celui-ci pourrait aisément être divisé en deux grands actes. Kingdom va ainsi nous offrir, en premier lieu, un puissant face-à-face entre les meneurs de chaque groupe. Cependant, leur duel va prendre une forme bien différente de celle que l’on a pu voir par le passé. En effet, ici il n’est pas question de voir qui est le plus fort après des passes d’armes épiques. Bien au contraire, tout va reposer sur celui qui va agir en premier. C’est donc un immense jeu du chat et de la souris qui s’organise dans cette forêt luxuriante où la malice est de mise pour espérer faire sortir sa proie de son terrier. Il est donc très pertinent de voir la construction de cette bataille qui va surprendre à plus d’un titre et surtout montrer à Shin et aux autres qu’une faille chez l’adversaire n’est pas forcément propice à être exploité dès sa première exposition. C’est là que Kanki va commencer à faire son oeuvre et que l’on va pouvoir entrevoir une bonne partie de tout ce qui fait sa véritable force. Si l’on a déjà pu être le témoin de ces plans à la fois tordus et limites, force est de reconnaître que tout ce qu’il entreprend finit par avoir un effet que personne n’aurait imaginé.
Ce qui peut nous sembler être une chance en or d’attaquer va finalement être un moyen de faire pression sur Zhao pour les forcer à commettre une erreur encore plus grave. Une vision que l’on n’aurait jamais eue en temps normal, mais qui se dessine devant nous grâce aux actions d’un homme dont on ne comprend le dessein qu’une fois que celui-ci est déjà terminé. En cela, l’auteur nous délivre ainsi tous les éléments pour que l’on soit subjugué par cet ancien brigand qui n’a absolument rien à envier aux meilleurs stratèges de cette ère. D’ailleurs, son regard traite le champ de bataille d’une façon que même les tacticiens de renoms ne peuvent observer. Bien loin des méthodes conventionnelles, on assiste vraiment à la naissance d’un potentiel grand général, mais qui va aussi s’avérer être un véritable monstre. C’est bien l’une des rares fois où, tout comme les soldats de Zhao, on a la sensation de danser dans la paume d’un des personnages qui nous aura parfaitement manipulés de bout en bout. Cela donne encore plus d’aura à ce soldat qui semble presque intouchable peu importe le nombre d’hommes se trouvant devant lui. La patience nous est ainsi montrée comme une arme à double tranchant où une occasion peut en cacher une bien plus intéressante à saisir. Une leçon incroyable enseignée par un officier dont l’expérience semble interminable.
Outre tout ce que l’on vient d’évoquer dans cette partie, il y a un autre point où Kingdom va nous surprendre. Il ne s’agit nul autre que de la nouvelle vision que l’on a du principe même de la guerre. Tout ce que l’on a pu voir par le passé ne nous préparait nullement à ce qu’il se passe au sein de ces pages. On est alors transposé dans le rôle de l’observateur impuissant qui contemple avec effroi ce qu’une armée peut faire pour pouvoir ressortir victorieux. A travers cette bataille, ce sont deux façons bien différentes de se battre qui s’opposent et qui vont bien plus loin que la simple conquête de quelques terres.
L’art de la guerre façon Kanki
Si Shin reste le personnage central de Kingdom et qu’il a su se démarquer lors de ces deux lectures avec ses compagnons, force est de constater qu’il n’est pas celui qui a le plus retenu notre attention. En effet, il a surtout permis à un autre personnage de briller en la personne de Kanki qui était clairement la star de cette bataille. Ce qui est d’une importance capitale dans ces deux ouvrages, c’est surtout la façon qu’a ce dernier de ramener le jeune chef à la réalité. Soyons direct, le meneur de l’armée de Qin n’a eu de cesse de nous écoeurer tout au long de cet arc narratif qui a mis habilement toute sa perfidie en valeur. Il n’est même plus forcément question ici de son ancienne vie de bandit ou de la brutalité de ses hommes, mais surtout de l’imagination tordue qui s’exprime tout au long de ses actes. On sait pertinemment qu’il n’existe pas de guerre propre, mais l’auteur avait soigneusement fait de son mieux pour proposer des conflits qui ne se transformaient pas en véritable massacre d’innocents. Comme si ces tueries étaient uniquement réservées à ceux qui prennent les armes et ainsi apporter un certain respect à la voie du guerrier. C’est d’ailleurs cette vision-là de soldat, mais aussi de général qui s’est toujours ancré dans l’esprit de Shin depuis qu’il partageait son rêve avec son ami d’enfance.
Il y a donc une confrontation qui s’organise à travers cette bataille qui symbolise bien plus qu’une simple querelle de territoires. Elle est aussi là pour que tous ces jeunes rêveurs soient rattrapés par la face la plus obscure du combat où n’importe qui peut être pris pour cible. Cela n’a pas que pour effet de marquer à jamais nos amis qui assistent impuissant à ce spectacle, mais permet aussi de rappeler au lecteur à quel point cette ère de conflits interminables est atroce. Un véritable électrochoc de la part du mangaka qui parvient à utiliser Kanki de la plus belle des manières en le montrant comme un monstre, mais où il est presque impossible de lui dire quoi que ce soit étant donné ses résultats. Un retour à la réalité violent et sanglant qui nous fait frissonner de terreur. On partage alors tout le ressenti de Shin et de ses hommes qui n’ont jamais suivi cette voie où la terre s’abreuve du sang des innocents. Dans un sens, il était presque nécessaire de passer par ce stade pour que ce jeune garçon puisse redoubler de détermination pour ne pas devenir un grand général pouvant tout sacrifier, mais bel et bien l’officier de renom dont le peuple a besoin. Tout cela est parfaitement orchestré et l’on passe donc par une multitude d’émotions durant cette mêlée qui a un goût bien plus amer que les précédentes luttes. Pour la première fois, on ne ressent aucune fierté à voir nos amis se battre et c’est là qu’est tout le génie de cet arc. L’honneur et la gloire disparaissent de nos pensées pour ne laisser qu’un champ de bataille qui restera à jamais gravé dans notre mémoire de par tous les cadavres qui y jonchent.
Kingdom nous démontre, une fois encore, qu’il y a toujours quelque chose à raconter et qui puisse apporter une construction supplémentaire à un édifice déjà grandiose. Rien n’est laissé au hasard et l’on s’émerveille de voir à quel point l’auteur réussit à frapper juste sur chaque facette qu’il souhaite traiter. Cette fois, on a vraiment eu le droit à deux lectures de Kingdom qui nous ont retournés de par cette volonté de détruire l’aura que l’on pouvait avoir d’un grand général pour montrer la dure réalité qu’une guerre peut impliquer. Un arc narratif où les sacrifices ne sont rien en comparaison du goût de la victoire.
Kingdom offre un spectacle effroyable et important
A travers ces deux tomes, Kingdom vient de franchir un nouveau cap essentiel à son désir d’être complet. Jusqu’à présent, on était emporté par les événements et l’on suivait avant tout différents rêves tentant d’être concrétisé sur le champ de bataille. Le destin de bon nombre de gens était en jeu et jamais on n’avait été le spectateur direct de ce que la guerre peut faire de pire. Bien sûr, l’auteur nous avait quand même délivré quelques séquences violentes ou bien des massacres ayant eu lieu dans le passé, mais cela n’avait jamais été autant présent dans les batailles que l’on avait pu contempler. En proposant cet arc narratif, le mangaka souhaitait vraiment provoquer une scission entre la grandeur qu’il pouvait y avoir à se battre pour de nobles causes et ce que certains sont capables de faire pour atteindre le résultat escompté. On se questionne alors sans cesse tandis que l’on ressent une profonde colère et tristesse en étant témoin de la face obscure de ces conflits. Un affrontement qui nous rappelle que personne n’est à l’abri si cela peut amener à la victoire ou tout simplement satisfaire les désirs sordides de certains hommes. Une remarquable prouesse de la part de Yasuhisa Hara qui nous montre vraiment chaque nuance de cette fresque qu’il dessine.
Il est clair que l’on a été totalement happé par toute l’action qui s’est déroulé au sein de ces cases. Kingdom prouve à chaque nouveau tome qu’il peut apporter de nouvelles pierres à un édifice déjà grandiose. On va de bataille en bataille, mais sans jamais ressentir la même chose pour tous ces gens qui s’entredéchirent. Deux lectures qui se veulent bien plus sombres et pesantes afin de vraiment nous ramener à cette réalité qui est que pour l’accomplissement de certains rêves, de nombreuses vies se retrouvent piétinés. Une souffrance palpable et qui déteint sur nous pour rendre ces deux ouvrages absolument mémorables et déchirants. Sûrement l’un des moments qui nous aura le plus marqué depuis le début de notre voyage en compagnie de Shin. On se rapproche peu à peu des 50 tomes, et il n’y a pas une seule seconde où l’on n’est pas captivé et ébloui par toute la richesse de Kingdom. Un manga qui démontre ici qu’une aventure littéraire peut être bien plus qu’une simple lutte pour un objectif précis. Un voyage qui cherche à perfectionner chaque élément que l’on rencontre et à nous donner matière à réflexion. De par l’horreur de la situation, l’auteur cherche à renforcer cette envie de voir la noblesse d’âme et de coeur l’emporter. Il ne reste plus qu’à voir si la suite sera tout aussi grandiose que ce que l’on a pu vivre ici.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux volumes de Kingdom. Avez-vous été effrayé par la tournure qu’a prise ce conflit ? Pensez-vous qu’il s’agit du meilleur moyen pour venir à bout de son adversaire ? Selon vous, toutes les tactiques sont elles bonnes pour décrocher la victoire ? Comment voyez-vous Kanki après toutes ces épreuves ? Croyez-vous que Shin pourra le supplanter ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet. 🙂