Kira

Quand tous les coups sont permis : Kira le démon

Et voilà, une nouvelle semaine débute et celle-ci va être très particulière. En effet, de par le manque de sorties mangas par rapport à la trêve estivale, on s’est dit que cela serait le parfait moment pour se lancer dans une succession d’articles autour d’une thématique bien précise. Cependant, le choix fut particulièrement compliqué au vu des nombreux sujets pouvant être traités. C’est finalement lors d’une de nos récentes lectures que l’on a trouvé un élément pouvant s’avérer très intéressant à étudier. Il s’agit de ces moments, ces personnages ou bien ces changements qui font que certains protagonistes ou individus choisissent de prendre un chemin détourné. Une voie pour atteindre leurs objectifs, mais qui implique que tout est permis et que donc la réussite par le mal peut l’emporter. Afin d’étayer ce thème, on a choisi un premier cas qui va parler de lui-même en la personne de ce cher Light Yagami. Le personnage principal de la série Death Note, édité chez Kana et dont l’anime est disponible sur ADN, est un exemple parfait de l’acteur ayant bifurqué sur une route bien différente de celle qu’il souhaitait. Il est donc grand temps de retourner voir celui qui n’a su maîtriser un outil mortel.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Kira-début

L’étudiant qui s’ennuyait.

Lorsque l’on parle d’agir de telle sorte que tous les coups sont permis, on ne veut pas forcément évoquer la personnalité parfois dérangée du sujet de notre article. En effet, les raisons peuvent être multiples lorsque l’on s’attarde plus en détail sur ce qui a poussé certains à suivre cette voie. Il va donc être pertinent de voir ici ce qui a pu causer un tel changement. On le sait, Death Note, scénarisé par Ohba Tsugumi  et dessiné par Obata Takeshi, nous conte le parcours de ce petit génie qui, du jour au lendemain, se retrouve avec le pouvoir de vie ou de mort sur les gens. En s’arrêtant quelques instants sur Light, on se rend compte qu’il est dégoûté du monde dans lequel il évolue qui ne fait que peu de chose pour enrayer la criminalité et ceux qui osent enfreindre la loi. Fatigué par tout cela et ennuyé aussi de par son quotidien morne, l’arrivée du fameux carnet va totalement changer la donne. Le fait de recevoir cet objet lui conférant un don que personne ne devrait avoir est déjà l’élément déclencheur de sa descente aux enfers. En effet, en voyant les résultats de cet artefact, cet étudiant effrayé au départ va finir par y trouver un moyen de façonner le monde qu’il désire. Ainsi, on va l’assister dans son jugement de ces âmes perdues qui, à son sens, ne mérite que de disparaître. Là encore, on a encore du mal à vraiment percevoir le mal qui s’empare de lui. Même si l’on sait qu’un tel don ne devrait pas être pris à la légère, il semble l’utiliser pour le bien commun.

Donc, sous couvert de cette soi-disant justice, notre protagoniste parvient presque à acquérir notre consentement dans ses actes qui restent immoraux. Il agit alors que la plupart ne le font pas et devient donc peu à peu ce dieu miséricordieux qu’il se met à imaginer. Kira commence à naître même si l’idée n’a pas encore immergé dans son esprit. Le véritable moment où tout va basculer ne viendra que bien plus tard. C’est en effet avec l’arrivée de L que le jeune homme va sentir l’étau se resserrer autour de lui. De par ses agissements, le plus grand détective va traiter cet ange de la mort comme s’il n’était qu’un vulgaire meurtrier. C’est finalement face à cette accusation que Kira va s’exprimer de plus en plus aux yeux du monde en montrant que rien ne peut aller contre son jugement. Sa puissance commence à lui monter à la tête et il va peu à peu envisager les choses autrement. Outre le fait de chasser ceux qui commettent des crimes, il va aussi maintenant être déterminé à se débarrasser de ceux qui osent entraver sa route. On est donc peu à peu emporter par le cours des événements qui oblige ce jeune garçon à basculer dans un monde qu’il espérait tant combattre. Une obscurité qui va n’avoir de cesse de le saisir et de l’immerger un peu plus dans cette volonté de réussir quel qu’en soit le prix.

On va donc alors être le témoin impuissant de la chute d’un jeune homme qui se prenait pour un dieu et qui finit par devenir un criminel pour qui tous les coups sont permis. C’est là que le titre fait fort étant donné que Kira n’était pas à la base un monstre. Il l’est devenu de par la puissance qui lui fut confié et surtout le fait de s’être retrouvé acculé alors que tout semblait aller pour le mieux. On peut même dire que c’est sa confrontation avec les forces de l’ordre, et plus particulièrement L, qui va créer non pas le sauveteur du monde, mais bel et bien son bourreau.

Une dégringolade fascinante

C’est donc à partir de ce qui pouvait sembler être un juste combat que l’on va assister à la chute d’un dieu qui va devenir son exact opposé. Le moment où tout va vraiment s’inverser est dès l’instant où Kira va imaginer un plan pour se débarrasser des agents secrets qui sont en observation dans tout le pays. Pour la première fois, on ressent pleinement son côté sadique et surtout un regard bien différent de celui que l’on avait pu voir par le passé. Ici, il n’est même plus question de justice, mais seulement d’anéantir les gêneurs. En plus de créer le dégoût en nous, la série parvient, en proposant un tel changement de comportement, à faire basculer le protagoniste du récit en tant qu’antagoniste. Un point de vue rarement observé et qui ne peut donc que créer la stupeur pour le lecteur ou le spectateur qui ne s’attendait pas à ça. En le mettant dos au mur, les créateurs de cette oeuvre souhaitait vraiment le rabaisser le plus possible et ainsi démontrer qu’une volonté de protéger les autres peut se transformer en un combat personnel, violent et immoral où tous les coups sont permis. Death Note devient alors plus qu’une simple lecture distrayante où l’on voit deux génies se confronter pour attraper l’autre. C’est aussi une représentation habile de la noirceur qui peut se cacher dans le coeur de chaque individu.

D’ailleurs, cette notion d’obscurité et de lumière est particulièrement présente tout au long de l’ouvrage. En effet, notre parcours en compagnie de Kira avait beau débuter d’une façon surprenante, mais compréhensible, la suite ne va faire que nous enfoncer dans des ténèbres de plus en plus opaque. C’est en prétextant de vouloir apporter de l’espoir aux gens que notre dieu autoproclamé va finalement apporter plus de noirceur que de bonheur. Un message contradictoire, mais qui montre aussi que ces deux éléments sont étroitement liés. A travers ce pouvoir qui n’a rien à faire entre les mains d’un simple mortel, on peut voir les deux facettes possibles de l’Humanité. Ainsi, un simple être humain peut nous présenter autant le meilleur que le pire de sa personnalité, et cela, en seulement quelques épreuves. De par cette dégringolade de cette figure mythique du monde du manga, on a donc le droit à un message bien plus philosophique et humaniste que l’on aurait imaginé. Et pourtant, c’est bien loin de s’arrêter ici, car le monstre s’étant déguisé en dieu ne va pas seulement continuer de s’enfoncer un peu plus dans la folie. Bien au contraire, il va aussi montrer à quel point la fourberie d’un homme peut aller contre les pronostics des vrais dieux qui vont aussi, pour certains, être des victimes collatérales de ses actions.

Alors que l’on pourrait croire que notre compagnon de route ne pourrait pas descendre plus bas, Kira prend un malin plaisir à nous prouver le contraire. Celui qui avait tout pour réussir n’est plus qu’aveuglé par ce carnet qui hante son esprit et dicte ses actes. Un simple amas de papiers qui va avoir raison de son esprit éclairé et de son intelligence pour ne faire de lui que l’instrument de sa propre perdition. Dès lors que tous les coups étaient permis, Light Yagami venait déjà de perdre le combat pour lequel il continuait inlassablement de prêcher et ainsi montrer à la face du monde qu’il n’était qu’un lycéen ayant eu un jouet bien trop dangereux pour lui.

La déchéance de Kira

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Le vrai visage du dieu.

En voulant aborder ce thème si particulier, on souhaitait aussi démontrer qu’il y a diverses raisons qui poussent les personnages à devoir agir de la sorte. Ce n’est pas parce que la personne est forcément malfaisante qu’elle décide de suivre cette route dont la fin ne peut qu’être tragique. Kira en est le parfait exemple. Doté de bonnes intentions, il a finalement été pris au piège par la propre prison qu’il s’est forgé. Ses convictions se sont retournées contre lui alors qu’il perd peu à peu tout les gens qui l’entouraient sans que cela ne l’affecte. L’homme laisse place à une créature qui a plus de ressemblance avec une bête assoiffée de sang qu’une divinité bienveillante. Un étudiant qui avait tout pour briller et devenir quelqu’un d’important pouvant agir pour le bien commun, mais qui a fini par tomber de son piédestal. On l’avait dit lors d’une précédente chronique, mais si Light est la figure personnifiée du mal à abattre dans Death Note, le véritable antagoniste de ce manga n’est nul autre que le légendaire carnet et celui qui l’a laissé tomber sur Terre pour son simple amusement. Au final, ce jeune homme n’aura été qu’une marionnette sous l’emprise de cet objet dont le pouvoir absolu corrompt absolument tout sur son passage. En fait, on a presque la sensation que plus de noms s’inscrivaient sur ces pages et plus l’auteur de ces lignes se transformaient en ce qu’il combattait.

La conclusion arrive alors et l’on est à la fois peu surpris de ce qui arrive que triste de voir à quel point Kira a pu tomber bien bas. Une véritable déchéance pour celui qui avait souhaité éradiquer le mal, mais qui en devint son meilleur représentant. Dès lors que des innocents sont entrés en jeu, son combat déjà difficile à défendre se transforma juste en une vaste excuse pour qu’un petit garçon souhaite jouer les chefs grâce à l’outil qu’on lui avait confié. On espère que cette première chronique de cette semaine thématique vous aura plu et on est très curieux d’entendre votre propre vision de ce sujet. Pensez-vous que dans Death Note c’est l’obtention du carnet qui transforma à jamais Light ou bien est-ce que cela provient directement de ses choix ? Avait-il encore un libre-arbitre tandis qu’on l’observait se renfermer de plus en plus sur lui-même ? Croyez-vous qu’il aurait pu prendre une toute autre voie ? Dès lors qu’un personnage est prêt à tous les sacrifices possibles pour accomplir son rêve ou ses objectifs, il semble condamné à un long trajet le conduisant à sa propre perdition. Death Note nous démontre alors avec efficacité que personne n’est à l’abri de devenir un être dépourvu du moindre scrupule dès lors qu’on lui donne un outil pouvant accélérer les choses. N’hésitez pas à nous dire ce que vous avez pensé de ce premier article dans les commentaires et on se retrouve dès demain pour un autre individu qui n’a pas peur de se salir les mains.

© 2004 Obata Takeshi / Ohba Tsugumi, Shueisha