Children tome 1 : l’innocence n’a plus sa place ici
Il est toujours difficile de pouvoir donner naissance à un récit se basant grandement sur une approche très viscérale et sanglante. On a déjà eu le droit à des oeuvres violentes ne nous épargnant rien, mais savoir maîtriser ce malaise que ressent le lecteur pour réussir à l’accrocher encore plus à l’histoire qu’il lit. Un équilibre bien complexe à maintenir et qui peut donner des séries vraiment captivantes à lire. C’est exactement le cas de la série que l’on va aborder et qui sort aujourd’hui. Rien que par sa couverture et son annonce, ce manga a su poser un climat bien particulier sur ce qui allait être un récit nous serrant le coeur. On parle bien sûr du premier tome de Children, édité chez Omaké manga, et qui pose rapidement les bases de ce qui est une aventure symbolisant parfaitement cette notion de malsain sans pour autant oublier le message de fond. On le dit tout de suite, cette lecture n’est pas à mettre entre toutes les mains de par son extrême violence. Une virée où l’innocence disparaît pour laisser place à une sanglante vérité. On espère donc que vous êtes prêt à accepter un boulot qui semble bien trop facile.
Un boulot censé être facile
Children, imaginée par Miu Miura, nous plonge dans un univers contemporain où l’on fait la connaissance de Tôru Igarashi. Ce jeune homme tout à fait lambda va quitter un beau jour Tokyo où il est né et à grandi pour se retrouver au fin fond des montagnes du département d’Akita. S’il est étrange de voir un adolescent partir de chez lui du jour au lendemain, cela l’est beaucoup moins quand il s’agit de débuter un nouveau job. En effet, ce voyage, qui le conduit bien loin de chez lui, est pour répondre à un poste qui semble presque irréel. Pour une somme plutôt rondelette, ce jeune homme doit juste rejoindre une école dans la zone afin de s’occuper de quelques enfants. Une mission qui semble en apparence facile et qui réjouit ce garçon ayant eu ce tuyau de sa mère. C’est alors qu’il se dirige vers le lieu qu’on lui a indiqué qu’il va tomber sur le fameux bâtiment. Si cet établissement a été transformé en orphelinat, il lui paraît tout de même étrange d’avoir choisi un tel lieu. Malgré tout, cela ne le dérange pas plus que cela étant donné qu’il est surtout venu pour effectuer quelques tâches ménagères et s’occuper des quelques bambins se trouvant ici. Tôru va finalement faire la rencontre de Sakurako, une jeune fille de quatorze ans qui semble être celle qui gère le petit groupe d’enfants qui ne tarde pas à arriver.
Si ces derniers semblent être timides et un peu peureux en voyant cet inconnu débarquer chez eux, ils vont rapidement changer en comprenant sa venue. Très vite, ils montrent un visage amical et cherchent à s’amuser avec leur nouvel ami. Tout semble alors se dérouler à merveille pour le jeune étudiant qui se demande bien ce qui pourrait ne pas aller. Rien ne l’avait préparé à ce qui allait se par la suite. Alors qu’il tente de faire connaissance avec ses protégés, Tôru va commencer à sentir que quelque chose d’étrange semble se passer au sein de cette bâtisse. La réponse va finalement se trouver dans la soirée alors que toute son existence va basculer dans l’effroi et l’horreur. Tous les rires et l’énergie des gamins ont disparu pour laisser place à de véritables petits bouchers. Si l’enfer existait sur Terre, Igarashi était persuadé qu’il venait de le trouver. C’est maintenant sous la vigilance oppressante de Sakurako qu’il va devoir mettre la main à la pâte malgré ses réticences. Comment la situation a pu dégénérer aussi vite ? Comment fuir d’un tel endroit ? Que risque-t-il en restant parmi ces gens ? Les questions se bousculent dans la tête de ce jeune homme qui ne pense maintenant plus qu’à fuir sans éveiller les soupçons. Attention cependant, car dans cet établissement, le moindre fait et geste peuvent être observés.
Il n’est pas compliqué de dire que Children est avant tout basé sur l’horreur, le gore et l’écoeurement. Si cela peut être compliqué de raconter une histoire pouvant être intéressante avec un tel synopsis, force est de reconnaître que l’autrice sait jouer habilement avec son sujet. Si l’on est plongé dans cet enfer, c’est aussi pour raconter quelque chose de bien plus profond que ce que l’on pouvait imaginer. Que cela soit dans tout le sang versé, le fait que ce soit des enfants qui endossent le premier rôle ou que rien ne semble pouvoir aller à l’encontre de ce spectacle, tout est pensé pour amener ce malaise de manière efficace et pertinente.
L’horreur synonyme de message
Comme dit plus haut, cette série ne nous épargne rien en matière de violence, de tuerie et de scènes effroyables. Si cela peut paraître choquant, et même terrifiant, il y a quelque chose qui va aller au-delà de ce simple aspect morbide. Children fait exprès de jouer sur ce dégoût que l’on ressent en voyant ces actes barbares afin de transmettre un message qui va s’inscrire dans l’esprit du lecteur. Tout d’abord, on va découvrir que derrière ces agissements innommables de la part de ces enfants se cache une profonde blessure en chacun d’eux. Ce premier tome va donc faire de son mieux pour nous montrer que ces jeunes tueurs sont aussi des victimes de ces adultes qui les ont frappés, abandonnés, torturés et bien d’autres. C’est justement de par leur propre passé que ces petits garnements se sont révélés influençables par la maîtresse des lieux. Ce sont les stigmates qui vivent en eux qui font qu’ils se permettent de franchir cette ligne que personne ne devrait traverser. Les monstres qui les ont terrorisés ont fini par les façonner à leur image pour donner lieu à une boucle éternelle de vengeance, de haine et de mort. On est donc autant écoeuré par le spectacle qui s’offre à nous que dégoûter de comprendre que c’est cette maltraitance qui a conduit à un tel massacre. On ressent alors pleinement cette peur qui se cache derrière chacun de ces enfants.
D’ailleurs, certaines réactions, et même la plupart des dialogues n’appuient pas les massacres perpétrés. On est témoin de cette obligation qui pousse ces jeunes à franchir ce cap sous peine de devoir subir le courroux de la meneuse du groupe. Autre chose, le fait de mettre en avant des enfants commettant de tels crimes sert aussi à appuyer cet état de fait que l’on est devant quelque chose d’ignoble. Après tout l’enfance est synonyme d’innocence, de rires, de joie et d’émerveillement. A aucun moment, cela ne devrait se rapprocher de la mort et du sang. C’est donc avec cette opposition que l’autrice parvient à marquer un grand coup dans notre esprit et à capter notre attention. On a beau tourner les pages fébrilement en craignant de voir ce qui nous est réservé par la suite, la curiosité l’emporte. On souhaite véritablement savoir ce qui se cache réellement derrière cet établissement qui ne semble avoir aucun problème et de connaître les origines de tout cela. Dans un sens, on se transpose très facilement à la place du protagoniste qui se retrouve mêlé à tout cela contre son gré. Un parti-pris risqué, mais d’une redoutable efficacité qui parvient amplement à accomplir ce qu’il souhaitait. Un premier volume qui cherche justement à nous prendre aux tripes pour mieux nous immerger dans cette histoire macabre.
Si l’on sait que Children sera uniquement constitué de deux volumes, on peut dire que cette introduction remplit clairement son rôle. Un prélude qui nous plonge totalement dans cette ambiance viscérale et oppressante où le monstre se cache derrière un visage d’enfant. Rien que le fait de transformer cette figure d’innocence en un monstre terrifiant est d’une importance capitale pour exprimer toute la puissance de ce récit. Une façon bien singulière, mais tout aussi efficace de mettre en lumière toute la souffrance qui accompagne ce lieu où chaque pensionnaire a un passé bien tragique. Une lecture qui nous retourne le coeur sans pour autant gâcher le plaisir de la découverte.
Children nous retourne le coeur
Si l’on savait à peu près à quoi s’attendre en se lançant dans ce premier tome de Children, on n’aurait jamais imaginé que le récit puisse aller aussi loin. Voilà le genre de titre qui parvient à nous retourner l’estomac sans pour autant que l’on décroche de la lecture. C’est vraiment cette maîtrise de l’écoeurement qui se superpose à une certaine vision des abus qu’il peut y avoir dans la vraie vie qui rend cette courte épopée aussi puissante. En plus de vouloir nous faire éprouver un mélange d’empathie et d’effroi à l’égard de la plupart des personnages, la mangaka va aussi miser sur l’intérêt que l’on peut avoir pour la suite. Afin de réussir cela, ce premier contact va parvenir à soulever des questions importantes et qui nous motivent à franchir le pas de cette porte d’où proviennent des cris à déchirer le coeur. Beaucoup de mystères qui trouvent habilement leur place parmi ce bain de sang et qui vient contrebalancer ce quotidien effroyable dans lequel se retrouve projeté ce jeune homme. Outre cela, la figure de l’enfant est suffisamment maîtrisée ici pour que l’on éprouve encore plus de crainte en parcourant ce conte cauchemardesque. Ces petites bouilles qui sont censées nous rassurer éveille finalement une peur indescriptible en ignorant totalement s’ils veulent jouer ou découper quelqu’un.
On va le dire, Children fait très fort à travers cette introduction de par sa mise en scène et surtout sa narration. Affichant plusieurs niveaux de lecture, cet ouvrage parvient à utiliser ce paysage sinistre pour appuyer son message de base. A travers toutes ces dérives et ce défilé de corps qui passe devant nos yeux, ce titre parvient à offrir une vision exagérée, mais réelle de ce cycle éternel de haine qui peut s’emparer de l’être humain dès son plus jeune âge et pousser un simple enfant qui n’a rien demandé à se salir les mains. On recommande donc cette licence à un public averti bien sûr, mais aussi à tous ceux qui ont le coeur bien accroché et désire une virée qui se sert d’un contexte sanglant pour raconter quelque chose d’intéressant. De plus, ce manga n’est composé que de deux tomes et va donc permettre une épopée courte, mais intense. Maintenant, on ne peut quitter cet établissement sans se poser de nombreuses questions. Quel est le passé de la régente des lieux ? Notre ami parviendra-t-il à fuir cet endroit maudit avec quelques compagnons ? Le couperet finira-t-il par tomber sur sa tête ? Qui se cache réellement derrière tout ça ? Il faudra attendre pour connaître le grand final de cette histoire.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti sur ce premier volume de Children. Trouvez-vous que le titre joue habilement la question du gore pour pouvoir traiter de son sujet de fond ? Avez-vous ressenti la détresse qui s’exprime chez certains personnages ? A votre avis, qui est derrière cet établissement si particulier et angoissant ? Pensez-vous que notre pauvre camarade pourra se sortir de cet enfer ? Quel est, selon vous, le passé de celle qui semble diriger les lieux ? Qu’attendez-vous pour le deuxième et dernier tome de cette série ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet. 🙂