Fate/Zero – le banquet des rois
On se retrouve aujourd’hui pour un article bien particulier. Si l’on a déjà pu analyser de nombreux éléments dans l’univers du manga, de la japanimation ou du jeu vidéo, on ne s’est jamais réellement attardé sur une scène précise. On a abordé des antagonistes, des combats, des personnages et aussi des arcs, mais jamais ce genre de moment où l’on est totalement sous l’emprise de ce que l’on regarde. Il était donc grand temps de remédier à cela, et pour ça on avait envie d’attaquer avec une série qui nous tient particulièrement à cœur. Il s’agit de Fate/Zero qui est disponible sur Netflix. La franchise Fate a souvent pu nous délivrer des animes de qualité et l’on ne parle pas uniquement du très bon travail fait par le studio derrière. Ce qui est fascinant avec cette série, c’est qu’elle brille autant par ses scènes d’action que par les propos qui sont tenus par les personnages. C’est encore plus vrai dans Fate/Zero avec notamment un passage spécifique qui a marqué de nombreux fans. On veut bien sûr parler du banquet des rois. Un épisode qui a su s’imposer comme un élément très important de la licence, mais qui fait aussi preuve d’une incroyable réflexion sur le sujet abordé par ces trois servants. Il est donc grand temps de rembobiner et de s’incruster à un événement sans précédent.
Trois êtres de légendes
Il est tout d’abord important de remettre un peu le contexte en place concernant ce passage de Fate/Zero. Saber et sa maîtresse viennent tout juste de survivre à un terrible assaut que Rider fait son apparition. Ce dernier ne montre aucune hostilité et va même inviter l’épéiste à boire un verre en sa compagnie dans l’un des jardins du château. C’est pendant les premières minutes de leur échange que va débarquer Archer qui va lui aussi rejoindre cette petite fête. Ces trois grandes figures du conflit en cours vont donc totalement abandonner, le temps d’une soirée, leur désir de combattre pour obtenir le Saint-Graal. Rider, alias Iskandar, souhaite déterminer à travers cette discussion qui est vraiment digne d’obtenir cet artefact légendaire. A ses yeux, il n’est pas nécessaire d’en venir aux mains pour savoir qui peut mériter de soulever cette fameuse coupe. Voilà pour ce qui est de remettre en place les quelques éléments propres à l’histoire et surtout d’attaquer le cœur du sujet. Tout d’abord, il est important de noter que l’on n’est pas dans un passage qui a pour vocation de déclencher des hostilités. Il va y avoir un moment épique permettant d’observer la puissance d’un de ces trois rois, mais l’objectif initial est avant tout l’échange. De ce fait, ces quelques minutes vont avoir une aura tout particulière étant donné que pendant quelques instants, on a l’impression que cette guerre n’existe plus. On est juste bouche bée de voir trois grandes figures historiques se réunir pour simplement discuter de l’avenir de cette bataille. Une simple scène qui pourtant va devenir aussi mémorable que la majorité des duels de l’anime.
Mais pour quelle raison cette prise de parole reste gravée dans notre mémoire dans Fate/Zero ? Il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte. Tout d’abord, c’est le fait que l’on assiste à un regroupement de sûrement les trois plus puissants Servants de ce conflit. On se dit alors que tout peut exploser à tout moment avec de tels esprits réunis. Cela ajoute donc une tension ainsi qu’une prestance comme rarement on en a connu. C’est encore plus vrai dès lors que l’on comprend le point commun qui est propre à ces trois êtres. Trois souverains qui ont parcouru la même route, mais avec des idéaux bien différents. On quitte donc le simple fait de guerroyer pour un artefact pour voir en face de nous les personnages historiques et non des héros invoqués pour lutter jusqu’à la mort. Ainsi, le passé refait surface à de nombreuses occasions pendant cet épisode qui va nous présenter des rois et non des esclaves de magiciens qui vont débattre sur ce qu’il est nécessaire d’avoir pour acquérir le Graal, mais aussi être un bon dirigeant. Ce chapitre ne va donc pas être uniquement une histoire de contenu, mais aussi de mise en scène où la trêve existe et où les paroles peuvent être encore plus tranchantes que la plus aiguisée des épées. Un passage qui va aussi permettre de mettre en lumière des défauts chez certains et surtout entrevoir le véritable rôle d’un chef à l’égard de ses sujets.
Un passage plus important que tout le reste
Il est pertinent de voir qu’une phase de discussion puisse tenir autant en haleine que le plus violent des affrontements de Fate/Zero. La raison est simple à ce sentiment que le spectateur a puisque tout ce passage est d’une importance capitale, non pas tant pour l’histoire, mais pour le développement des personnages qui y participent. Depuis le début de la série, on est constamment embarqué dans cette lutte pour le légendaire artefact que tout le monde convoite. Cependant, ce banquet va utiliser la recherche du Saint-Graal comme prétexte pour faire justement sortir de cette guerre et s’attarder sur le vécu de ces Servants. Devant nous ne se tient plus Saber, mais bien Arthur Pendragon. Une différence qui peut sembler minime, mais qui en réalité a bien plus d’impact qu’il n’y paraît. L’arme fait place au véritable héros et surtout aux ambitions qu’il nourrit pour la bataille qui se déroule dans cette ville. Chacun exprime son souhait le plus profond et l’on renoue alors avec le fait qu’ils étaient avant tout des êtres humains avant de devenir des armes entre les mains des magiciens. Qu’il s’agisse de leur personnalité, leurs peurs, leur rêve ou même leur doute, on est directement en contact avec ces éléments. Il n’y a plus de mages et d’esclaves pendant ces quelques minutes. On pourrait presque dire qu’ils sont sur un pied d’égalité, même si en réalité c’est tout le contraire qui se passe. En réalité, ces êtres, invoqués en ce monde, sont bien supérieurs à ceux qui font appel à leurs pouvoirs.
Il n’y a qu’à voir les quelques masters présents sur les lieux pour comprendre qu’ils font pâle figure devant ces figures mythiques qui ont façonné l’Histoire. On chamboule donc cette notion de serviteur qui n’est en réalité qu’un statut propre à cette guerre. En dehors de ça, tous ces hommes et femmes qui ont laissé leur nom dans les livres au contraire de ceux qui se battent dans l’ombre. Ce n’est pas la première fois que l’on a le droit à ce genre de passages qui souhaite brouiller cette relation afin que l’on ouvre aussi les yeux sur le fait que c’est à travers son serviteur que le maître peut espérer l’emporter. Un rappel de la grandeur de ces individus qui est brillamment mise en scène dans ce jardin épuré. Rien ne semble pouvoir venir troubler cette discussion entre trois grands noms. Même les quelques personnes présentes sur place ne sont là que comme de simples spectateurs d’un moment qui dépasse l’entendement. C’est pareil pour nous qui regardons tout ça d’un œil externe. On a du mal à croire ce qu’il se passe et on a tellement pris l’habitude de voir ces gens s’entretuer que les voir simplement échanger quelques mots suffit à nous faire vibrer. C’est alors qu’arrive le cœur de cet épisode iconique de Fate qui provient tout droit du point commun à nos trois principaux servants. Les seigneurs se réunissent et vont alors aborder ce qui fait d’eux des êtres exceptionnels. Il ne s’agit nullement ici de pouvoirs, mais bel et bien du chemin qu’ils ont pris.
La définition d’un roi
On attaque maintenant le message que souhaite nous faire véhiculer cette scène qui concerne la notion de souverain. Il est encore une fois remarquable de constater qu’au fil de la discussion, on a pas l’impression d’observer des servants, mais trois légendes qui ont façonné une partie de l’Histoire du monde. C’est donc au cours de ce banquet pour savoir qui est légitime de s’emparer du Graal que les échanges vont dériver sur ce que doit être un bon meneur d’hommes. C’est au moment de parler du vœu de chacun que ce sujet va être mis sur la table. Si Gilgamesh reste cloîtré dans un silence correspondant bien à sa personnalité hautaine, Iskandar va nous avouer son désir de s’incarner. En tant que Roi des Conquérants, son but dans cette guerre n’est pas de s’emparer du monde, mais de s’incarner. Il ne veut pas être cloîtré à son rôle de simple esprit combattant. A ses yeux, c’est à lui seul de concrétiser son objectif de suprématie sans avoir recours à un objet magique pour y parvenir. On est donc plus dans une approche de se libérer de ses chaînes que de vraiment concrétiser un souhait. Ces quelques mots vont avoir beaucoup de poids et vont ainsi montrer à quel point Rider reste fidèle à ce qu’il est et surtout à ce statut de conquérant. C’est au moment où Arthur prend la parole que cette discussion va totalement bifurquer sur la souveraineté. Aux yeux de ce dernier, il ne désire qu’une chose qui est de sauver la Bretagne à son époque. Un choix qui peut être compréhensible pour le seigneur des chevaliers qu’il est. Pourtant, il va devoir faire face à une opposition farouche concernant ses idéaux par le biais de ses deux interlocuteurs.
Le Roi des Héros, Gilgamesh, va éclater de rire en entendant les propos de sa comparse soulignant l’idiotie de ses paroles selon lui. Si Iskandar n’est pas aussi expressif sur le sujet, il est celui qui va faire chavirer la position d’Arthur. On aborde ainsi la symbolique la plus importante de cette scène qui est cette scission entre ce que l’on peut penser de ce que doit être un roi et ce qu’il doit être réellement. Selon le colosse ayant envahi bon nombre de pays, la chevalerie et la justice ne sont que des fers qui empêchent à un dirigeant d’être ce qu’il doit être réellement. A ses yeux, ce n’est pas le roi qui doit être présent pour son peuple, mais l’inverse. Pour lui, un véritable suzerain doit éveiller la jalousie et l’envie chez chacun afin qu’ils souhaitent tous prendre sa place. On a alors par la suite une comparaison très juste entre cette vision de la royauté et la tyrannie. Après tout, les quelques éléments qui sont présentés confirment cette direction qui ne colle pas à ce que souhaite être Arthur. C’est alors qu’Iskandar a une réponse particulièrement intéressante. Il accepte tout à fait cette similitude entre les deux statuts et va même appuyer le fait qu’il faut savoir être un tyran pour bien gouverner. Quand il entend les pleurs d’Arthur concernant son pays, il ne peut que ressentir du dégoût, car cela signifie que le roi des chevaliers serait prêt à cracher sur le sacrifice de tous ceux qui l’ont suivi pour simplement réécrire l’Histoire. Un comportement qui est digne d’un lâche le concernant et non celui d’un monarque. On va alors assister à la naissance d’une scission au sein de ce trio, mais surtout à une prise de conscience de la part de Saber.
Une division pertinente
Quand on y réfléchit, tout ce passage de Fate/Zero est surtout là pour faire vaciller le personnage de Saber qui reste persuadé de la justesse de son combat, mais qui va finalement prendre conscience de sa propre faiblesse. Il est alors intéressant de s’attarder sur le comportement de chacun des trois participants à ce banquet. Gilgamesh est celui qui se détache le plus de la discussion. Persuadé que le Graal lui appartient, car tous les trésors sont à lui, il impose sa suprématie et son autorité sans avoir besoin de réagir. Mis à part quelques fous rires et une pique envoyée à Saber à la fin de cette conversation, il reste en retrait, car il n’a pas besoin de parler. Il représente habilement tout ce qui englobe la souveraineté. Un être à part qui semble intouchable. Le reste de la discussion va donc surtout avoir lieu entre Arthur et Iskandar. La première va prôner l’égalité, la justice et l’entraide là où son comparse lui dit que tout ça est bien beau, mais que cela l’enferme dans une prison qu’elle a elle-même conçue. Pour lui, il ne faut pas se mettre de barrière et surtout être un symbole pour tous ceux qui le suivent. Que cela soit par l’admiration ou l’envie, tout ça constitue ce que doit être un homme se dressant au-dessus des autres. On pourrait alors argumenter que c’est son sang de conquérant qui parle, mais cela n’aurait alors pas autant d’impact sur la guerrière devant lui. Elle sait qu’il y a une grande part de vérité de la bouche de celui qui a fondé un empire tout simplement gigantesque.
Elle a beau se défendre, elle n’arrive pas à trouver les mots pour contrer ses arguments tout simplement parce qu’elle ouvre les yeux sur ce qu’elle a fait jusqu’ici. D’ailleurs, on peut ressentir les effets de cette discussion et cette prise de conscience à plusieurs reprises par la suite. Arthur est le roi des chevaliers, mais il a disparu seul pour être finalement invoqué dans une guerre où même son master ne veut pas de lui. Elle prend conscience de la solitude qui accompagne toujours le rôle de dirigeant et que Iskandar a parfaitement acceptée. Il a beau avoir des mots très durs, ce dernier est sûrement celui qui a la vision la plus globale de son rôle. D’ailleurs, il n’est absolument pas contredit par Gilgamesh qui semble même confirmer ces propos. Au sein de ce regroupement, on nous présente presque Saber comme une enfant capricieuse face à deux monuments qui ne bronchent pas. On peut même dire que la démonstration d’Iskandar concernant son Noble Phantasm va être l’assaut final qui va venir briser les croyances de son homologue servant. Pouvoir contempler autant de guerriers le suivre et ne pas broncher même au-delà de la mort prouve la grandeur de cet homme qui n’a pas été dicté par des principes comme la chevalerie, mais qui a avait l’aura d’un roi. Le fait même que la scène se termine sur le changement de ton de Rider à l’égard de Saber est autant frappant que d’une grande violence. Il ne la considère plus comme un roi, mais comme une fillette qui souhaite jouer les chevaliers plutôt que d’embrasser le véritable rôle qu’elle aurait dû avoir pour son peuple. Un brutal retour à la réalité pour cette combattante qui va connaître un destin bien funeste pendant cette guerre.
Fate/Zero et sa scène iconique
Fate/Zero est parvenu à nous offrir une épopée incroyable en matière d’action, d’émotions, mais aussi de réflexions intenses sur des sujets dépassant le cadre de la guerre du Saint-Graal. Les scènes permettant d’enrichir l’écriture des personnages et qui peuvent aussi être sujets à interprétations sont nombreuses dans cette licence. Cela fait alors partie du plaisir du spectateur que de s’émerveiller devant ces quelques passages tout en ayant sa propre réponse sur ce qu’il voit. Si l’on a voulu aborder ce plan en particulier, c’est justement parce qu’il est le parfait symbole que ce n’est pas toujours dans l’action que se passent les événements les plus importants. Un simple échange peut alors avoir un profond impact sur ceux qui sont présents, mais aussi sur l’intrigue. Le fait de contempler Gilgamesh, Arthur et Iskandar en train de partager une coupe de vin n’a alors pas de prix. Au-delà de l’aspect surréaliste de voir ces trois grandes figures discuter, c’est surtout le choc de leurs idéaux qui transforme ce banquet en une scène culte. Encore aujourd’hui, les mots de Rider résonnent dans notre esprit tant ils ont été écrits avec intelligence et surtout empreints d’une profonde sincérité. Voilà un trio mythique, mais qui est avant tout le regroupement d’individus ayant choisi une voie qui est loin d’être facile. La noblesse et la justice se confrontent au véritable sens du souverain qui se doit d’être supérieur au reste du monde. Ceux qui empruntent cette route doivent s’habituer à éveiller la convoitise, la jalousie, et même la haine de certains. Un constat qui prend aussi tout son sens dans cette série par rapport à la confrontation entre Saber et Berserker.
Tout ce passage est là pour ouvrir les yeux à Arthur de ce qu’il a fait de sa vie, mais aussi de tout ce que cela a entraîné. La question n’est pas de pouvoir réécrire l’Histoire, mais bel et bien de réussir à aller de l’avant en restant fidèle à ce que l’on est. Le passé est toujours ancré en chacun de nous et contribue à nous construire, mais il peut aussi être un poids dont il est difficile de se défaire. C’est encore plus vrai quand on est un dirigeant qui porte sur ses épaules les rênes de tout un royaume. Il y a ceux qui conduisent les leurs à la ruine, d’autres qui connaissent la réussite avant de finalement sombrer et ceux qui disparaissent au sommet de leur gloire. Des destins bien différents, mais qui ont tous un point commun. Il s’agit d’avoir influencé l’existence d’un nombre incalculable de personnes, que cela soit en bien ou en mal, et que leur nom traverse les âges par rapport à ce qu’ils ont accompli. Il est donc formidable pour un anime de réussir à transcender le simple divertissement afin d’aborder des faits historiques, mais aussi de présenter une dimension plus philosophique et psychologique. Il n’est pas uniquement question ici d’obtention du Graal, mais d’héritage et de récits qui ne doivent pas être changés. Le passé reste derrière et il faut maintenant créer de nouvelles légendes qui parviendront peut-être à éclipser les anciennes.
On espère que cette chronique un peu spéciale vous aura plu et qu’elle vous aura donné envie de découvrir la série Fate ou tout simplement d’analyser ce passage. N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires votre propre interprétation de cette scène ainsi que ce que vous avez ressenti pendant. On serait aussi curieux de savoir si vous souhaitez que l’on vous propose d’autres articles de ce genre qui viendraient compléter les rendez-vous habituels. Fate/Zero est une œuvre qui va bien plus loin qu’une guerre pour le Saint-Graal et s’en trouve sublimée à de nombreuses reprises.