Real Account tome 1 & 2 : une œuvre critique et prenante
On le sait depuis maintenant plusieurs années, le survival-game a le vent en poupe. Ce style de mangas ne cesse de se multiplier à toutes les sauces. Parmi toute cette flopée de titres, il est aujourd’hui difficile de réussir à se démarquer. Pourtant, le récit dont je vais vous parler y arrive avec une grande habileté. Il s’agit de Real Account, édité chez Kurokawa, dont les deux premiers tomes seront le sujet de cet article. Ici, le survival-game est là pour porter un message fort qui n’a jamais été autant d’actualité qu’en ce moment. Traitant avec brio de la face cachée des réseaux sociaux, ce shônen parvient à saisir le lecteur. Une œuvre qui se démarque des autres de par l’aspect très psychologique du récit. L’heure est donc venue d’observer un tout nouveau jeu de survie qui n’a rien à envier aux autres. J’espère que vous êtes prêt car la partie commence !
Bienvenu dans REA
Real Account, imaginé par Okushou et dessiné par Watanabe Shizumu, prend place dans un Japon contemporain. Dans ce monde où Internet est omniprésent, les réseaux sociaux ne cessent de se multiplier. Parmi eux se trouve Real Account, un réseau très prisé par les Japonais. Celui-ci fait presque partie intégrante de la vie de chacun et ne cesse d’étendre son domaine à travers le pays. Parmi ses utilisateurs se trouve le héros que l’on va suivre. Il s’agit du jeune Ataru Kashiwagi qui voit en ReA un moyen de s’échapper de son quotidien banal en s’y inventant une nouvelle vie. Cherchant à préserver cette double identité, il fait croire à son entourage et à ses camarades qu’il n’est aucunement présent sur ce réseau social. Malheureusement, un évènement sans précédent va prendre en main la destinée de tous les utilisateurs de Real Account.
Ataru perd connaissance et se réveille dans l’univers du réseau. Il a été propulsé en ce lieu en même temps que dix mille autres personnes. Complètement déboussolés, ils se retrouvent accueillis par Marble, la mascotte de ReA. Ce dernier leur explique les raisons de leur enfermement. En effet, tous ces otages du réseau vont devoir participer à un jeu pour espérer sortir d’ici. Ceux qui échoueront dans les différents niveaux se feront éliminer et mourront dans la vraie vie. Cependant, la disparition des joueurs entraînera aussi la mort de tous ses followers. De plus, ce jeu de survie s’avère être retransmis dans tout le Japon afin que tous puissent profiter du spectacle qui s’annonce. C’est donc un long et périlleux cauchemar qui s’annonce pour Ataru et les autres où le moindre faux pas peut entraîner la suppression d’un grand nombre de personnes. Qui sortira vivant de cet enfer ?
Le premier point qui marque lorsque l’on découvre ces deux premiers tomes est le côté très psychologique du titre. Les combats à mort se déroulent avant tout par des mots plus que par des actes.
Un survival-game psychologique
La majorité des survival-games consiste à un rassemblement de participants devant éliminer les autres pour pouvoir gagner. Cela implique donc souvent des actes de violence physique pour les joueurs. Cependant, Real Account prend le contre-pied à cela afin de se concentrer avant tout sur des affrontements verbaux. Si le but des épreuves est souvent d’abattre ses ennemis, il est interdit de s’attaquer à leur intégrité physique. Ainsi, le lecteur assiste à des duels où l’objectif est de détruire l’autre à travers des paroles. Cela montre, dans un premier temps, la puissance des mots qui sont souvent bien plus redoutables que des coups. De plus, cela sert pleinement la thématique principale du récit sur laquelle on s’attardera un peu plus tard. Real Account ne présente pas un jeu de survie où il y a seulement la vie et la mort. On contemple avec effroi, la déchéance de chaque participant dont l’esprit se détruit petit à petit alors que le couperet se rapproche dangereusement.
On se retrouve donc face à un jeu où c’est le mensonge et la vérité qui influence le destin de nos héros. Outre le fait d’apporter une tension supplémentaire à chacun des niveaux, cela permet de découvrir une nouvelle facette de ce style d’œuvre. À cela s’ajoute les spectateurs du Japon qui influence directement le jeu. Real Account affiche donc une grande complexité dans son écriture permettant de dépasser le postulat de base du survival-game. On est vraiment happé à chaque épreuve que l’on observe et rien ne nous permet de savoir quelle sera leur conclusion. C’est cette incertitude qui permet au récit de captiver le lecteur dans ce qu’il souhaite raconter. De plus, ces deux premiers tomes parviennent à nous surprendre assez rapidement et à nous plonger toujours plus dans l’horreur que vit Ataru.
Bien sûr, on ne peut pas parler de Real Account sans évoquer le sujet des réseaux sociaux. Si le jeu que l’on suit sert de forme au manga, ce sont ces derniers qui sont la vraie cible de l’histoire.
La dangerosité des réseaux sociaux
On s’attaque maintenant au plus gros sujet qui se cache derrière cette série. Que ce soit dans les thématiques, la trame de fond ou bien tout l’univers, les réseaux sociaux sont présents partout. En dehors de la quête de survie d’Ataru pour regagner le monde réel, le manga nous dépeint un tableau très sombre d’Internet. C’est une véritable critique des réseaux qui se dessine devant nos yeux, et cela, avec une très grande maîtrise. À la base, ceux-ci sont un moyen de partager, échanger et connaître de nouvelles personnes. Cependant, on tombe très vite dans la face obscur de ces médias. En effet, ils deviennent le terrain des pires mensonges du fait de l’anonymat qu’ils offrent. Ainsi, le personnage de Marble, derrière son attitude excentrique et terrifiante, est là pour faire éclater la vérité. Si les réseaux sociaux ont pu apporter de bonnes choses, ils ont aussi fait la place à certains comportements destructeurs.
Que ce soit Ataru ou le lecteur, on comprend que rien ne disparaît vraiment sur Internet. Chaque propos, chaque post, chaque message envoyé restent ancrés et peuvent détruire toute une vie. De plus, Real Account cherche aussi à faire passer comme message l’importance d’avoir des gens qui tiennent à nous. Cela est démontré à travers les nombreux followers qui décident d’abandonner quelqu’un par peur de mourir. À travers cet exemple, l’auteur a voulu exprimer la fragilité des liens que l’on fait à travers les réseaux sociaux. Chaque épreuve que l’on vit au côté de notre protagoniste est là pour nous ouvrir les yeux sur ce type de média. La course aux abonnés et aux likes engendre des attitudes souvent néfastes pour les gens. De ce fait, cette série respire l’avertissement pour ceux qui le lisent concernant l’abus de ces outils. Une critique très dure mais réaliste d’un monde où Internet a pris le pas sur tout le reste.
Real Account est loin d’être un simple survival-game. Traitant d’un sujet très sérieux et actuel, l’aventure que l’on suit s’avère captivante et apporte une réflexion importante sur notre manière d’utiliser ces médias alternatifs.
Real Account frappe un grand coup
Pour conclure cet article, je dirais que ces deux premiers volumes furent une surprenante lecture. Même si le synopsis posait déjà les bases de ce qu’allait proposer le manga, je fus séduit par la manière qu’a l’auteur de traiter de son sujet. On est rapidement plongé dans l’ambiance oppressante du titre et le rythme de l’intrigue ne connaît pas de réel temps mort. Un récit qui retient son lectorat jusqu’à la dernière page et fait vivre une expérience aussi déroutante que fascinante. Amenant de nombreuses bonnes idées, Real Account arrive aisément à se distinguer des autres œuvres mettant en place un survival-game. De plus, les surprises et les rebondissements scénaristiques font déjà une entrée fracassante dès le second tome. Ce shônen renouvelle ainsi l’intérêt du lecteur à son égard et le pousse à vouloir connaitre la suite.
Esprit Otaku vous recommande donc chaudement cette série qui en est déjà à son sixième tome. Apportant une véritable réflexion sur notre comportement via Internet et les réseaux sociaux, ce manga peut s’adresser à un large public. Outre sa thématique première, l’histoire que l’on suit est très plaisante et offre un excellent moment de lecture. Si vous êtes fan de survival-game alors vous aimerez ce titre. Cependant, si vous commencez à vous lasser du genre, je vous conseille d’essayer tout de même cette œuvre qui arrive à proposer un voyage singulier. Quelles épreuves attendent encore Ataru et ses compagnons ? Qui se cache derrière Marble ? J’espère en tout cas que la suite de cette série sera à la hauteur de cette première excursion. En tout cas, je ne tarderais pas à me plonger dans les tomes suivants afin de rattraper mon retard !
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre opinion concernant Real Account. Avez-vous été séduit par le périple que doit vivre Ataru dans ce monde informatique ? 🙂
© Okushou & Watanabe Shizumu / Kodansha