Tôgen Anki tome 1 et 2 : le sang appelle le sang
Après une année déjà fantastique en 2021, on se demandait comment 2022 allait pouvoir nous gâter niveau lecture. Très rapidement, on a pu voir des annonces qui ont su éveiller notre intérêt et surtout nous promettre des aventures palpitantes. Des mangas bien différents, traitant de sujets variés, mais qui peuvent tous nous marquer ou nous divertir. Aujourd’hui, on va parler d’un titre dont on attendait beaucoup et qui a su répondre à nos attentes de manière très intéressante. Il s’agit de Tôgen Anki, édité chez Kana, dont les deux premiers volumes sont sortis il y a peu. Se présentant comme une série bourrée d’action et au contexte intrigant, on espérait avoir ce sentiment d’être au cœur d’une épopée s’annonçant comme grandiose. On peut dire que le pari fut réussi au vu de ce que l’on a pu découvrir au sein de ces pages. A la fois créatif dans beaucoup d’aspects et utilisant des bases solides pour son scénario, ce nouveau manga a su attiser la flamme de la découverte. Une virée aussi brutale que sanglante pouvant faire les choses en grand. L’heure est donc venue de poser les yeux sur un conflit qui dure depuis bien trop longtemps.
Le cycle de la haine
Tôgen Anki, imaginé par Yura Urushibara, nous plonge dans un monde contemporain où une légende traverse les âges. Celle-ci raconte qu’un enfant extrêmement fort aurait vu le jour dans une pêche avant d’être baptisé Momotarô. Au fil des années, ce garçon ne cessa de s’endurcir et de faire preuve d’une force hors du commun. Il décida finalement d’entamer un long et périlleux voyage afin de sauver l’Humanité des dangereux Oni qui pullulaient sur ces terres. Se transformant en véritable fléau pour ces créatures, le combat pris des proportions inimaginables et finit par se conclure sur l’île servant de foyer aux ennemis de ce guerrier. Voilà un conte que les gens aiment raconter à leurs enfants en ignorant totalement la vérité. Ce qui pour beaucoup est du domaine de la fiction est en réalité bien concret. Ce conflit a eu lieu et est loin d’être fini. Les descendants des deux camps existent et se vouent une haine féroce qui fut nourri depuis cette fameuse confrontation. Les livres d’images ont alors une toute autre saveur quand on sait que dans l’ombre, le sang de nombreuses personnes est versé pour empêcher que d’autres drames se produisent. La bataille opposant le clan Momotarô à celui des Oni a beau se faire en coulisse, il n’en est pas moins destructeur. C’est dans ce contexte très particulier que l’on fait la connaissance de Shiki. Cet adolescent au sang chaud n’est clairement pas un modèle de réussite. Passant son temps à désobéir aux ordres et à se confronter à l’autorité, il finit par être renvoyé de son école.
Tout ce qui l’intéresse et le passionne dans sa vie sont les armes à feu. Un être à part, mais qui peut compter sur son père pour essayer de l’encadrer et de l’aider. Malheureusement, sa vie va basculer du jour au lendemain quand un membre du clan Momotarô fait irruption chez lui. Cet intrus est décidé à mettre fin à la vie de Shiki. Ce dernier ne comprend rien à ce qui se passe jusqu’à ce qu’un pouvoir se réveille en lui. Il est un possesseur du sang d’Oni et se retrouve maintenant traqué au nom d’une guerre dont il ignore tout. Le jeune homme va devoir redoubler de vigilance pour échapper à ses poursuivants et retrouver sa liberté. En outre, il va aussi être forcé à comprendre ce don qui coule dans ses veines et qui pourrait presque plus s’apparenter à une malédiction. Oni, descendants de Momotarô, une bataille durant depuis des siècles, tant de choses qui échappent à la compréhension de Shiki. Malgré tout, il est bien décidé à ne pas se laisser faire même si pour ça il doit aller au cœur de la mêlée. L’heure est venue pour cet adolescent de prendre son destin en main et surtout de faire de son mieux pour briser les chaînes d’un passé depuis trop longtemps source de rage. Le sang est voué à couler, mais après tout c’est avec celui-ci que les Oni sont les plus puissants. A présent, c’est à lui de prendre le contrôle de sa vie et de lever le voile sur cette vérité qui entoure ces fameux « monstres » dont il fait partie. Parfois, le pire démon qui soit n’est pas celui qui en a l’apparence.
Vous l’aurez compris en lisant ce synopsis de Tôgen Anki que l’on est face à une interprétation inédite d’un conte existant depuis bien des années. Momotarô est un personnage qui est entré dans l’imaginaire collectif et pas uniquement au Japon au vu de toutes les œuvres qu’il a inspiré. Ici, l’auteur s’approprie tout ce que l’on connaît de cette histoire pour y insuffler une vision réfléchie et spectaculaire de ce que cette opposition pourrait donner dans une société contemporaine. Amenant des questions captivantes par cette intermédiaire, la saga va ainsi travailler ce conflit sous un excellent point de vue.
Une revisite intelligente de Momotarô
Si Tôgen Anki reprend des codes bien connus du genre du nekketsu, il va aussi rapidement montrer une identité qui lui est propre. Évidemment, la première chose qui nous saute aux yeux est le fait que l’auteur se soit inspiré du célèbre mythe de Momotarô pour façonner son histoire. En prenant pour base un conte aussi populaire, l’artiste peut ainsi rapidement parler au lecteur pouvant être familier avec cette histoire. De plus, cette histoire, faisant partie de la culture japonaise, a toujours été une grande source d’inspiration pour de nombreux artistes. Il est alors très intéressant de voir comment l’auteur réussit ici à s’approprier ce conte pour donner vie à son imagination. C’est là que l’on peut extraire une grande qualité de l’œuvre qui est de nous faire réfléchir sur ce que cette légende pourrait amener de néfaste. Un autre point de vue qui s’exprime dans le manga, dans un premier temps, par le fait que l’on n’est pas du côté des descendants de Momotarô, mais de celui des Oni. Ces derniers ont toujours été considérés comme des êtres néfastes et leur ennemi comme le héros venant briser leur terrible emprise sur le monde. Si l’on se réfère donc à cette situation de base, on se retrouve du côté des antagonistes. C’est justement ce que désire le mangaka afin de nous prouver que la vérité est peut-être tout autre. En passant du temps avec ceux qui sont considérés comme les monstres à exterminer dans ce conflit, on ouvre les yeux sur le fait qu’il ne s’agit avant tout que d’adolescents pour la plupart.
Des individus traqués par une organisation pour la simple et unique raison qu’ils sont nés avec un héritage maudit. La notion de bien et de mal est alors toute chamboulée et nous prouve qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. On en vient même à réfléchir sur l’origine de cette haine qui pourrait très bien être plus du fait de ce soi-disant héros que de ceux qui ont péri sous sa lame. On remet tout en perspective et c’est génial de réussir à nous faire remettre en question un conte fortement ancré dans l’esprit des gens. A travers ces premiers volumes, la série souhaite que l’on creuse plus en profondeur sur le véritable démon. Nos amis ont beau être effrayants par moment à travers leurs capacités remarquables et tout ce sang qui gravite autour d’eux, c’est véritablement en face que l’on ressent le plus grand malaise. La tension se construit tout autour de ces chasseurs qui se montrent impitoyables et prêts à tout pour atteindre leur but. Le côté manichéen que l’on pouvait imaginer par rapport à la source d’inspiration de l’artiste va être brisé pour proposer un récit nuancé et de ce fait encore plus prenant. On ouvre les yeux sur le véritable “mal” qui ronge ce monde de l’ombre. Une aventure qui met en scène un cycle éternel de violence, de mort et de tristesse où le seul moyen pour survivre est d’ajouter encore plus de haine à celui-ci. Oeil pour oeil et dent pour dent n’a jamais aussi bien caractérisé un titre que Tôgen Anki. Le lecteur pose alors un regard attristé sur le destin de ces jeunes gens qui se lancent dans un combat qui aurait dû s’arrêter il y a bien longtemps.
En plus d’utiliser une légende bien connue de la culture japonaise, Tôgen Anki va aussi briller par un autre atout de taille. Il s’agit tout simplement des pouvoirs que possèdent ces combattants et surtout du dynamisme que cela va entraîner. Collant habilement à leur statut de démons, nos protagonistes vont nous montrer un petit aperçu de leur talent, mais déjà largement suffisant pour nous convaincre. On reste suspendu au déroulement de chaque affrontement. Des occasions en or d’en apprendre plus sur le fonctionnement et surtout la portée que peuvent avoir ces armes écarlates.
Des combats brutaux et bien pensés
Il est vrai que Tôgen Anki s’inspire de beaucoup d’éléments propres au nekketsu. Cependant, il serait dommage de s’arrêter à cette simple image étant donné que le titre affiche bon nombre de qualités indéniables. Dans ce domaine, on peut justement citer les affrontements qui nous sont proposés. Si l’on est qu’aux balbutiements de ce conte, on a déjà le droit à un bel aperçu de ce qui peut nous attendre dans l’avenir. Malgré tout, il est important de s’attarder quelques minutes sur les fameux pouvoirs dont font preuve nos protagonistes et qui représentent toute la créativité de l’auteur. En effet, les capacités sanguinaires des Oni ne consistent pas uniquement en un talent commun que partagent ces derniers. Ils sont le reflet de leur histoire, de leur passé, mais aussi de leurs souffrances. En fait, il est remarquable de voir à quel point le mangaka est parvenu à créer des dons qui jouent un rôle dans l’écriture de l’œuvre. Il ne s’agit pas uniquement d’une force hors du commun pensé pour nous en mettre plein les yeux. On est face à des attaques qui sont porteuses de l’âme et des souvenirs des démons qui prolifèrent sur Terre. Ainsi, on est autant happé par l’explosion de puissance qui se dresse devant nous que ce qui est raconté par ce raz-de-marée écarlate. Le spectacle est assuré au même titre que l’écriture et le développement des divers personnages que l’on croise. Dans un sens, l’artiste est parvenu à exposer la douleur de chacun sans même le moindre mot.
On pose les yeux sur ce pouvoir sanguin qui prend une forme différente en fonction de son hôte en comprenant ce que ce dernier a pu vivre. Impressionnant et touchant sont les deux termes pouvant alors au mieux qualifier les rixes que l’on va découvrir tout au long de notre lecture. En plus de ça, cela colle très bien avec l’ambiance globale de l’œuvre qui est loin d’être joyeuse. On a bien sûr le droit à des moments comiques qui viennent briser le sérieux de l’histoire, mais une grande partie du récit est teintée de cette violence provenant de cette guerre. La tristesse, les traumatismes et la haine sont des notions qui font battre le cœur de ces jeunes combattants. Un constat terrible, mais qui donne justement au lecteur cette empathie à leur égard. On a beau être sous le choc en voyant l’étendue de leurs capacités et ce qu’ils peuvent donner sur un champ de bataille, c’est avant tout une certaine tendresse et pitié qui nous assaillent. Ils ne sont en réalité que les victimes d’un affrontement qui a eu lieu bien avant leurs naissances. Faisant les frais de cette traque qui dure depuis aussi longtemps, ils n’ont d’autres choix que de tuer ou être tué. Les blessures deviennent alors des armes entre leurs mains et nourrissent ce cycle éternel que personne ne semble pouvoir et vouloir briser. Le conflit qui nous fait vibrer dans un premier temps prend alors une toute autre saveur quand on s’attarde plus en détail sur ce qui est exprimé derrière celui-ci. Une écriture soignée et intelligente où chaque élément contribue à sublimer l’intrigue principale et l’univers qui se façonne autour.
Tôgen Anki peut transformer cet essai réussi pour devenir une licence plus que captivante sur le long terme. En montrant de quoi elle est capable à travers ces deux volumes, la série veut prouver qu’elle a largement de quoi séduire un grand public. Avec des codes bien connus du genre, mais une identité forte et qui lui est propre, ce manga a su créer un début palpitant. Une construction narrative très intéressante et qui ne souhaite pas uniquement mettre l’accent sur l’action. Il est avant tout question ici d’un conflit semblant éternel et qui ne fait que détruire des vies qui n’ont rien demandé mise à part la tranquillité.
Tôgen Anki tranche dans le vif
En abordant cette série, on pouvait logiquement imaginer que l’on serait face à une aventure reprenant des codes déjà vus à bien des reprises. Il est vrai que la première impression peut donner ça, mais il ne faut pas longtemps pour que Tôgen Anki démontre ce qui fait sa force et son attrait. Avec son ambiance oppressante à travers d’un conflit d’une grande violence, on a ce sentiment d’étouffer face à la rage qui s’exprime devant nous. Un récit qui veut vraiment mettre l’accent sur la haine qui ronge ces deux camps tout en nous faisant réfléchir sur qui est vraiment le monstre. L’auteur parvient à nous offrir des scènes spectaculaires, mais aussi des moments où le malaise prend le pas sur le reste. Avec ces pouvoirs sanguins teintés de nombreuses blessures et le spectacle morbide qui se dessine devant nous, on fait face à une histoire qui a parfaitement su représenter l’horreur de cette bataille de l’ombre. Son trait dynamique et puissant retranscrit alors à merveille le bras de fer qui se joue entre ces deux camps. En plus de ça, on a été totalement captivé par la créativité dont a fait preuve l’artiste pour imaginer toutes ces capacités et qu’elles contribuent à porter le message propre à son scénario. Une très bonne utilisation d’une légende qui nous met au contact de ceux qui devraient être les ennemis, mais qui sont avant tout des gens traqués pour avoir eu le malheur d’avoir un sang maudit. Une licence qui a su poser des fondations solides et surtout nous laisser présager d’un futur plus que prometteur.
Vous l’aurez sûrement compris en lisant ces quelques lignes, mais on a eu un très gros coup de cœur pour Tôgen Anki. Même si on peut retrouver un certain classicisme au départ, la série va rapidement montrer de quoi elle est réellement capable. Une œuvre qui assure un divertissement spectaculaire, mais qui va aussi se permettre d’aborder des thématiques importantes par l’origine de son intrigue. Ce manga prouve qu’il a plusieurs cordes à son arc et cela le rend à la fois polyvalent et d’une richesse surprenante. Si vous souhaitez vous lancer dans une épopée épique et qui remet en cause les notions de bien et de mal à travers cette lutte qui dure depuis des siècles, cette série est faite pour vous. Le spectacle semble assuré au vu de ce que nous montre l’auteur dans ces premiers chapitres et on espère juste que la suite sera tout aussi grisante à suivre. Bien évidemment, on ne peut conclure notre chronique sans évoquer les nombreuses questions qui nous trottent dans la tête. Shiki va-t-il réussir à retrouver une vie normale ? Succombera-t-il à la colère qui sommeille au plus profond de lui ? Que donnera le prochain acte de cette bataille entre les Oni et le clan Momotarô ? Est-il encore possible de mettre un terme à toute cette souffrance ? Quels genres de pouvoirs allons-nous bien pouvoir découvrir ? L’impatience est grande alors que l’on tourne la dernière page de ce second volume. Il faut maintenant attendre pour savoir ce qui arrivera à nos chers nouveaux compagnons.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Tôgen Anki. Avez-vous été convaincu par l’utilisation du mythe de Momotarô comme base pour ce récit ? Trouvez-vous les personnages soignés et intéressants pour le futur de la licence ? Est-ce que vous trouvez que le manga parvient à nous faire réfléchir sur ce qui est juste concernant ce conflit ? Avez-vous été bluffé par l’ingéniosité derrière les pouvoirs de nos nouveaux amis ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.