Le bestiaire du manga : le cauchemar Kimera Ants
Après l’excellent accueil que vous avez réservé au premier numéro du “Bestiaire du manga”, j’avais à cœur de vous préparer un second article. En plus de ça, ce ne sont pas les créatures qui manquent dans ce média. Et pour le sujet du jour, il y a un thème que je désirais ardemment aborder et qui est un peu d’actualité au vu du retour de son auteur. Il s’agit d’évoquer le cas des Kimera Ants provenant de Hunter x Hunter de Yoshihiro Togashi. Quand on parle de ces êtres, il est normal d’évoquer l’arc narratif qui leur est dédié et qui a divisé les fans. Certains ont adoré ce dernier tandis que d’autres ont été moins réceptifs à ce qui fut proposé. Cependant, on va s’attarder ici à décrypter ce qui fait l’intérêt de ces monstres, mais aussi ce qu’ils apportent au récit, aux personnages ainsi qu’à l’univers si riche de ce manga. A cette analyse viendra aussi s’ajouter un ressenti personnel sur ce qui m’a marqué à la lecture de ce passage important de la série. Avec à leur tête un souverain charismatique, ces bêtes ont su insuffler bien des émotions au lecteur que je suis. Il est temps de faire de nouveau face à cette véritable armée.
Quand la nature reprend ses droits
Il est avant tout important de s’attarder sur ce qui a conduit à l’avènement des Kimera Ants au sein de Hunter x Hunter. En fait, quand on y pense, l’histoire de ces “fourmis” est très liée à une réflexion sur la nature et l’influence de l’homme sur son environnement. Cette reine, qui commença son festin afin de donner vie à ses enfants, ne sera que le coup d’envoi d’un combat beaucoup plus symbolique. Même si sa progéniture se met petit à petit à se dissocier de la famille des insectes, elle reste la descendance d’un être dont chaque être vivant peut potentiellement devenir une proie de choix. C’est ce qui arrive dès lors que la première victime humaine finit par être prise entre ses mandibules. Dès cet instant, c’est une irrépressible envie de prolonger ce rapport de force entre cette créature et ses nouvelles victimes. Ce que l’auteur réussit à merveille dès cette entrée en matière de la reine, c’est de parvenir à créer un arc narratif qui se tourne autant vers l’action que vers le récit horrifique. Dès les premiers échanges avec ces monstres, on sent leur puissance, mais aussi le danger qu’ils représentent. C’est pour ça que le passage mettant en scène le sacrifice de Kaito est aussi important. Juste avant, on nous montre ce Hunter, important aux yeux de Gon, comme redoutable. Pourtant, il n’arrive pas à faire le poids face à l’ennemi qui se présente à lui. C’est donc un renversement qui s’effectue concernant la fameuse renommée des Hunter qui ne deviennent qu’une proie comme une autre face à cette troupe grandissante. Les Kimera Ants sont donc l’annoncement d’une nouvelle menace. Il ne s’agit pas de la Brigade Fantôme ou bien les concurrents de Greed Island, ici l’ennemi n’a rien d’humain. Les monstres prennent le pouvoir et nous montrent une forme d’effroi très humaine au fond.
Quand on observe ce nouveau camp grandir et se repaître de leurs victimes, c’est un profond malaise qui se fait ressentir. On ne nous épargne rien et Togashi va même utiliser intelligemment la suggestion pour que ce soit notre esprit qui imagine le pire. C’est en ça que ces nouveaux ennemis sont brillants. Ils instaurent une vraie frayeur dans le cœur du lecteur, mais aussi dans ceux qui croisent leur route. Même si l’on suit des individus courageux et toujours prêts à lutter, cette fois c’est une chasse qui s’opère pouvant changer à tout instant de sens. On a réellement le sentiment que nos amis ont trouvé des adversaires à la hauteur et surtout qui ne cessent jamais d’évoluer. Les premiers enfants de la souveraine des Kimera Ants ne sont rien en comparaison de ceux qui ont su hérité de certaines compétences humaines ou animales et surtout leur apprentissage du Nen. De ce fait, on nous amène sur un terrain totalement inédit depuis le début de la série et est dans la droite continuité de la vision de l’auteur qui n’a jamais proposé un arc similaire à l’autre. Cette fois, on entre dans une dimension où l’inquiétude est omniprésente et qui va apporter une ambiance étouffante. En fait, les Kimera Ants ne mettent pas à mal seulement quelques individus. C’est tout un royaume qui est en danger et on a le sentiment que c’est une déferlante qui se déchaîne sur ce monde et peut rapidement se répandre sur le globe entier. Ces monstres sont le symbole de cette nature qui reprend ses droits sur l’être humain et qui semble presque être un courroux à leur égard. Il suffit de voir la vision de ces monstres envers les humains pour comprendre ça et surtout voir qu’ils ont conscience de leur propre force. Ils savent qu’ils peuvent profondément mettre à mal l’équilibre des forces sur ces terres et cette révolution va prendre un nouveau tournant dès lors que le roi des fourmis fait son apparition. Ce qui semblait déjà être un cauchemar se transforme en un véritable enfer faisant passer le message de ces potentiels nouveaux maîtres de ce monde.
Un nouveau roi au sommet de la chaîne alimentaire
L’apparition de Meruem va avoir des conséquences très intéressantes concernant le renforcement de la symbolique autour des Kimera Ants. Si les autres membres de son espèce ont su instiller la peur dans le cœur du lecteur et de certains personnages, c’est véritablement avec son arrivée que l’ombre des fourmis s’étend sur une partie du monde. Au départ, le chaos engendré par ces êtres représentait cette nature qui reprenait ses droits à l’égard de l’Homme. Mais la venue de ce roi parmi les monstres va bousculer ce discours pour nous amener sur un sentier lié à celui-ci, mais en beaucoup plus brutal. Il est avant tout question ici de renversement de la chaîne alimentaire. Pour la première fois, l’être humain n’est plus au sommet de la pyramide et se confronte à une menace qui peut totalement les renverser. Une manière impactante de montrer que rien n’est gravé dans le marbre et que le pouvoir acquis peut être perdu rapidement quand le prédateur devient la proie. Cette approche est par exemple fortement représentée à travers les paroles de Meruem qui compare le rapport entre les Kimera Ants et les humains comme celui entre ces derniers et les animaux. Ils ne se posent pas de question quant à une prétendue morale ou bien les états d’âmes de ces bêtes. C’est exactement le même cas pour ces monstres qui décident juste de prendre ce qui semble leur revenir de droit. On transforme l’homme en une simple ressource pour ces nouveaux souverains comme si cela paraissait normal. C’est là que la présence de ces créatures est aussi fascinante, car elle apporte une banalité dans le fait de transformer des gens ordinaires en une ressource comestible.
Le point de vue du seigneur des Kimera a beau nous paraître effroyable et monstrueux, il se contente juste d’utiliser la même logique que celle des hommes avant qu’ils n’entrent en scène. C’est en grande partie pour ça que l’on ressent un profond malaise devant ces entités. Elles se rapprochent de plus en plus de l’être humain, mais en ayant une puissance qui fait qu’une personne lambda n’a aucune chance. A travers cet arc narratif, on nous présente une nouvelle forme de vie qui semble prendre la place qui lui revient de droit dans la chaîne alimentaire. Mais en même temps, Meruem est aussi coincé entre deux mondes. Il a beau représenter cette nature indomptable qui reprend ses droits sur ces terres et cette partie humaine qui réside en lui et qui va justement le rendre encore plus imprévisible. Un être supérieur dont la force n’a d’égale que ses désirs et son envie d’accomplir son objectif. Ce que l’on assiste donc, c’est un combat entre certains des plus grands guerriers qui soient face à un obstacle qui est à la fois proche d’eux et supérieur dans ce qu’il représente. Togashi a énormément travaillé sur l’écriture de cet antagoniste afin qu’il soit à la fois un ennemi qui impose l’effroi qu’un être beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Un monstre à part même au sein de son propre camp et dont la solitude propre à sa puissance et son statut n’a été brisé que par la venue d’une jeune fille. Il est donc captivant de voir que le mangaka a su créer une entité qui évolue presque en marge des siens et est parvenu à muter ce cauchemar en un enfer encore plus grand. Alors que l’on pensait que les Kimera Ants ne pouvaient pas être plus effroyables, la naissance de leur souverain a insufflé une nouvelle crainte dans le cœur des gens. Le fait de ne pouvoir lutter face à un destin funeste qui semble inéluctable.
Les Kimera Ants entrent dans la légende
Si j’avais à cœur d’aborder le cas des Kimera Ants, c’était pour deux raisons précises. La première concerne l’arc qui leur est dédié et qui a toujours fortement divisé. Je voulais montrer à quel point l’auteur a su être ingénieux tout au long de celui-ci afin d’amener une expérience totalement différente de ce que l’on avait vécu auparavant. Si la mort et les combats ont toujours fait partie du quotidien des Hunters, cette fois nos héros sont directement frappés par le malheur. Dès leur entrée sur scène, ces monstres font des ravages considérables venant mettre à mal certains des combattants que l’on considérait comme redoutables. En plus de ça, Togashi a parfaitement su s’approprier les codes du récit d’épouvante pour amener une aura funeste et oppressante à ces créatures qui se présentent comme un véritable fléau pour l’être humain. Tout au long du combat contre les Kimera Ants, on peut déceler cette peur omniprésente qui vient autant de la situation dans laquelle on est projetée que le danger représenté par ces chimères. D’ailleurs, l’effroi n’est pas ici un privilège réservé au spectateur. Les héros aussi sont en proie à cette inquiétude morbide qui accompagne chacun de leur pas. Pour la première fois, l’humain n’est plus un prédateur. Il est une proie devant faire attention à ne pas réveiller le loup avant d’avoir mené à bien son plan. Ici, il n’est pas tant question d’une quête personnelle. C’est avant tout une bataille considérable qui se joue pour la survie de millions de vies et où l’on sent à chaque chapitre le poids de ce fardeau. Meruem et ses soldats ont planté leurs griffes dans la chair de ce monde et même après leur départ, ces terres n’oublieront jamais cette force qui a laissé de profonds stigmates en elle.
On peut donc dire aisément que les Kimera Ants sont un élément très important de Hunter x Hunter autant en matière d’adversaires que leur symbolique. Une force hors du commun représentant mère-nature et qui va finalement muer pour devenir une armée infernale se répandant à vitesse grand V sur ce monde. Ce n’est finalement qu’après d’innombrables sacrifices que l’espoir revient, mais l’ombre de ces monstres est encore bien présente. On a beau tourner la page et se diriger vers de nouvelles intrigues, on n’oubliera jamais au fond de nous cette frayeur que l’on a pu vivre en côtoyant ces fourmis s’étant hissées, quelques instants, au sommet de la pyramide. Ils sont les seuls à avoir poussé Gon dans le désespoir et une profonde tristesse. C’est à travers eux que le jeune garçon enjoué ayant quitté son île qu’il a pu voir à quel point ce monde peut être brutal et sans pitié. Une étape nécessaire et tragique dans la construction de ce dernier. Ces êtres insectoïdes à l’origine ont fini par représenter cette crainte viscérale ancrée dans le cœur de tous. Celui de ne plus être qu’un bétail aux yeux d’êtres supérieurs. J’espère que ce second numéro du “Bestiaire du manga” vous aura plu et qu’il vous aura donné envie d’observer ce passage de Hunter x Hunter sous un autre regard. Parfois, une simple créature peut bousculer l’ordre établi et ainsi amener de grands changements dans nos récits préférés. N’hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous avez pu penser des Kimera Ants ainsi que de leur impact sur votre propre expérience de lecture.