On l’a fait tome 1 : Quand un mauvaise farce vire au cauchemar
Ce que j’aime énormément dans le manga, c’est qu’il y a toujours une histoire inédite qui nous attend. D’innombrables séries débarquent et offrent une promesse d’évasion, de réflexion ou tout simplement de divertissement. Ainsi, il est tout à fait possible d’enchaîner les surprises au vu de certaines histoires qui arrivent jusqu’à chez nous. J’ai ressenti ce sentiment lors d’une de mes récentes plongées dans une série inédite. Elle nous vient de chez Noeve Grafx et elle sort aujourd’hui. Il s’agit du premier tome de “On l’a fait” dont le titre est très fort dans le sens qu’il prend par rapport au récit. J’ignorais totalement où je me dirigeais avec cette licence et les premières pages m’ont aussi profondément décontenancé. Mais finalement, c’est en allant jusqu’au bout de ce volume que j’ai pris conscience du talent qui se cache derrière cette narration. Voilà une lecture qui joue sur la mise en place de son intrigue pour justement nous donner envie de se jeter sur la suite. Une aventure qui a débarqué comme ça dans notre liste de lectures et qui a su grandement surprendre. L’heure est donc venue d’accompagner des élèves dont la vie va être bouleversée à jamais.
Le quotidien paisible de trois ados
On l’a fait, scénarisé par Muneyuki Kaneshiro et dessiné par Hikaru Araki, nous plonge au Japon où l’on fait la connaissance de quatre amis. Le premier est Tobio, un jeune homme qui n’a aucune ambition dans la vie et qui se complaît parfaitement dans cette existence calme et sans problème. Le second est Maru, un autre lycéen qui aime bien passer son temps à dénigrer les autres dans leur dos. Un gars qui veut éviter toute forme de conflit, mais qui ne peut s’empêcher de parler quand tout danger est écarté. Le dernier membre de ce trio d’étudiants est Isami. Celui-ci pense avant tout aux femmes et à son envie de passer à l’acte. Un pervers qui ne s’arrête jamais de fantasmer sur la gente féminine. Pour terminer le tour d’horizon de ce groupe, le quatrième lascar répond au nom de Paisen. Un individu ayant fini le lycée depuis deux ans et qui vit aux crochets de ses parents fortunés. Il n’hésite jamais à revenir à son ancien bahut pour passer du temps en compagnie de ses trois amis même si cela lui vaut souvent les remontrances des professeurs qui croisent sa route. A eux quatre, il forme un groupe qui est totalement en marge de l’école. Ils ne pensent à rien d’autre qu’à s’amuser et profitent de la vie comme elle vient. Médisant, immatures et matérialistes sont autant de termes qui peuvent qualifier cette bande qui est loin d’être un modèle à suivre.
Malgré tout, ils ne cherchent jamais à faire de mal aux autres et vont même avoir tendance à éviter le contact avec leur entourage pour éviter les problèmes. Cependant, tout bascule quand des lycéens de l’établissement voisin viennent s’en mêler. En fait, une violente rancune semble exister entre les voyous de cette école et les élèves du lycée dont font partie Tobio et ses potes. Sachant pertinemment qu’il n’y aurait rien de bon à chercher la bagarre avec ces brutes, le quatuor a toujours fait en sorte de ne pas être dans leurs pattes. Malheureusement, suite à un mot de trop de Maru à leur égard, les principaux concernés prennent pour cible cet adolescent qui a osé les insulter dans leur dos. C’est ainsi qu’ils vont enlever ce dernier et le passer violemment à tabac. Dès lors, quelque chose va se mettre en marche au sein du groupe. Eux qui avaient tant cherché à ne pas faire de vagues vont finir par chercher la petite bête. Une décision qui pourrait avoir de terribles conséquences pour leur cible, mais aussi pour eux. Parfois, ce que l’on pense être une farce va bien plus loin que le simple amusement de certains. Un simple geste, une erreur ou une action guidée sans la moindre réflexion peut conduire à un drame. Le calme tant désiré par ces quatre camarades s’apprête à voler en éclats.
Derrière ce synopsis qui semble assez classique en apparence se cache une idée captivante en matière de développement des personnages. On l’a fait est une œuvre qui propose une introduction au rythme lent, mais qui est justement pensée pour prendre son temps afin de nous mener là où elle le souhaite. On suit donc ces quelques adolescents dans une existence particulièrement banale, mais qui va peu à peu changer au fur et à mesure des événements. Une tranche de vie qui se transforme progressivement en un véritable enfer sous le couvert d’une mauvaise blague.
Une escalade dans la violence
Avec ce premier volume de “On l’a fait”, il y a un sentiment très étrange qui se passe. Un ressenti qui est encore plus fort lorsque l’on se lance dans cette aventure sans réellement savoir ce qui nous attend. En fait, une bonne partie du manga se présente comme une tranche de vie tout à fait ordinaire où l’on suit des étudiants un peu idiots qui passent leur temps à s’amuser. Des élèves loin d’être des modèles de sagesse, mais qui sont le reflet de ce que l’on peut connaître à cette période de la vie. Dans un sens, on ne veut pas nous les montrer comme des voyous, mais surtout comme un groupe reclu qui aime faire ses délires dans son coin en compagnie d’un ancien étudiant. Ils ne sont pas méchants et cherchent avant tout à éviter les ennuis même si leurs pitreries finissent inéluctablement par poser quelques problèmes. On observe donc ces quatre protagonistes pendant de nombreuses pages en se demandant juste où tout ça veut nous amener. En réalité, tout ça est fait exprès, car sans même nous en rendre compte au premier abord, il y a quelque chose qui se passe dans les agissements de ces adolescents. Ce qui nous semble assez banal au départ prend progressivement une tournure assez déroutante. On assiste à ce qui se passe avec le lycée voisin et l’on sent, en tant que spectateur, le danger qui approche. Du fait de notre éloignement à tout ça, on a ce regard extérieur qui nous fait réagir en voyant le comportement souvent stupide de nos nouveaux amis. Mais encore une fois, tout ça est fait exprès pour être le reflet de cette insouciance qui peut vite amener à des situations assez effroyables.
Il en est de même pour le dernier acte de cette introduction qui va être l’élément déclencheur de ce qui s’annonce par la suite. On est témoin de la bêtise de ces camarades qui vont de plus en plus loin dans leur désir de vengeance. Même si pour eux tout ça est un jeu, on voit le danger qui se profile à l’horizon. Cette série se présente donc comme une escalade dans l’absurdité des agissements de ces compères qui sont en réalité emportés par le courant de leurs propres décisions. Ils n’ont aucunement conscience de la gravité de ce qui se passe et ce n’est qu’une fois que le pire se produit qu’ils ouvrent enfin les yeux sur ce qu’ils viennent de faire. Le spectateur que l’on est va alors comprendre l’intérêt de tout ce que l’on a vécu auparavant. Tout ça était dans l’unique but de construire ce basculement qui allait amener à ce final du tome. Dans un sens, le manga est assez criant de réalisme dans ce qu’il veut exprimer. Une bande d’adolescents qui sont encore des gamins dont l’inconscience peut conduire au drame. Toute leur vie était vue par eux comme un immense jeu où il n’avait rien à craindre. Une existence paisible qu’ils chérissent du plus profond de leur être. Mais en se laissant gagner par une forme d’effervescence et l’envie d’en découdre, ils finissent par briser ce qui était si important à leurs yeux. On est alors devant un ouvrage qui a su poser les bases de son intrigue de façon brillante tout en préparant soigneusement le terrain pour ce qu’il va arriver suite à tout ça.
En fait, quand on s’attarde en détails sur cette série, on se rend compte que “On l’a fait” cherche avant tout à préparer le terrain pour ce qui arrivera ensuite. Un aperçu de ce qui s’annonce comme une véritable descente aux enfers. Rien qu’en observant le dernier acte, on se dit que la suite ne pourra qu’être à la fois horrible et éprouvante pour ces adolescents. L’idiotie de quelques personnes peut entraîner un terrible drame et c’est justement ce que cela laisse supposer pour le futur qui rend cette lecture aussi captivante. Un slice of life qui déborde d’une sincérité tragique et rendant cette expérience plus que prometteuse.
On l’a fait joue bien sur ce changement de ton
Il n’y a pas à dire, “On l’a fait” fut une surprise totale. Nous étonnant à bien des niveaux par sa narration, mais aussi l’évolution du récit, on a été emporté par ce premier volume qui sert finalement juste d’amorce aux problèmes à venir. Il est évident que cette introduction pourra en dérouter plus d’un et que l’on peut se demander en conclusion que tout ça est juste pour lancer l’intrigue qui n’arrivera que par la suite. Mais cela ne signifie nullement que toutes ces petites scènes de la vie de tous les jours de ces étudiants n’ont servi à rien. Bien au contraire, elles ont permis de mieux cerner la personnalité exubérante de ces personnages et surtout de montrer à quel point on peut être dépassé par les événements que l’on a nous-même déclenché. Une montée en puissance où il y a un véritable jeu qui se passe entre le lecteur et ce groupe au vu des réactions que l’on peut avoir. En effet, on ne cesse d’être interloqué par leurs agissements et la stupidité de leurs actes. Mais c’est en réussissant à nous faire autant interagir avec eux que l’auteur a su mener sa barque. En s’impliquant autant dans le mode de vie de ce quatuor, on est peu à peu immergé dans le récit. De plus, il y a aussi un sujet très intéressant qui est traité entre ces pages et qui concerne la relation entre cet ancien élève et nos trois amis. Un lien qui semble presque être celui d’un meneur et de sa troupe et qui joue autant sur une forme d’admiration bête qu’une empathie à l’égard de cet aîné qui est considéré comme un raté.
Vous l’aurez donc compris, “On l’a fait” aura été une surprise de bout en bout. Même si l’on est conscient que l’expérience proposée peut être étrange au départ, je pense que cela prendra pleinement son essor avec le second volume. Cela n’empêche que l’on a pu passer un moment assez unique en compagnie de ces énergumènes qui ne pensaient pas à mal et qui ont fini par être dépassés par leurs bêtises. De grands gamins qui ont pris conscience de leur erreur bien trop tard. La question va maintenant être de savoir comment la suite va se dérouler au vu de ces dernières pages. Notre esprit carbure en imaginant tout un tas de scénarios possibles. Finalement, cette série montre un destin assez tragique à l’égard d’individus qui voulaient juste rester enfermés dans leur quotidien paisible et sans problème. Faisant totalement fi de leur environnement, ils ont fini par baisser leur garde et quand le couperet est tombé, ils n’ont eu pour unique réponse que de surenchérir. Voilà donc une série qui pourra plaire à ceux qui veulent une lecture singulière et assez réaliste dans ce que la bêtise humaine peut engendrer. A présent, il est évident que les questions fusent de toute part dans notre esprit. Qu’est-ce qui va se passer suite à tout ça ? Est-ce que nos amis vont faire comme si de rien n’était ? Vont-ils s’engouffrer dans un abîme encore plus sombre ? Est-ce la fin ou le début d’une nouvelle escalade de violence ? Très hâte de voir ce que nous réserve le second tome.
N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires votre avis ainsi que votre ressenti sur ce premier volume de “On l’a fait”. Trouvez-vous qu’il y a un certain potentiel derrière cette histoire, notamment autour de nos protagonistes ? Avez-vous été surpris par la tournure des événements tout au long de cette lecture ? Pensez-vous que l’on va rester dans cette montée de la violence auprès de ce groupe ? Où pensez-vous que l’auteur souhaite nous amener à travers ce scénario ? Est-ce que vous trouvez qu’il y a un excellent travail dans la narration afin de symboliser cette perte de contrôle sur ce quotidien ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
©MUNEYUKI KANESHIRO/HIKARU ARAKI / KODANSHA Ltd. © NOEVE GRAFX