Karakuri Circus tome 9 à 12 : un show exceptionnel et sanglant
Vous le savez sûrement si vous lisez régulièrement nos chroniques, mais il y a des œuvres qui nous marquent profondément. Des titres qui sortent de l’ordinaire et recèlent des trésors d’inventivité en matière d’écriture et de narration. C’est notamment le cas pour le manga dont on va parler aujourd’hui et qui a déjà fait le sujet de deux chroniques précédentes. Il s’agit de Karakuri Circus chez Meian qui est revenu à la charge au travers de ses tomes 9 à 12. Ce qui est fascinant avec cette série, c’est qu’elle ne cesse de redoubler d’intensité pour nous offrir une histoire originale et surtout qui nous surprend à de multiples reprises. C’est encore le cas ici avec un développement remarquable du scénario et surtout d’impressionnants enjeux qui viennent donner une aura supplémentaire à la saga. Après avoir abordé deux visions à la fois distantes et complémentaires, cette épopée se met à fusionner progressivement ces dernières pour un résultat bluffant. Entre combats dantesques, évolutions captivantes et nombreuses révélations, il n’y a décidément pas le temps de s’ennuyer entre ces pages. Il est donc l’heure de revenir sur le périple de nos amis qui mènent chacun leur propre combat.
L’origine de ce conflit
Avant d’entrer dans le cœur de notre sujet, il est important de remettre en avant le contexte installé par les précédents tomes. Karakuri Circus, imaginé par Kazuhiro Fujita, s’était arrêté alors que l’on observait deux chemins se dessiner. D’un côté, nous avions Masaru et Shirogane qui, après avoir décidé d’avancer suite au drame qu’ils ont connu, ont fini par intégrer une petite troupe d’artistes de cirque. Commençant modestement, ce groupe n’avait eu de cesse de s’étoffer en recrutant une dompteuse, une lanceuse de couteaux et en parvenant même à renouer le lien qui existait entre le chef du cirque et son célèbre accessoiriste. Alors qu’ils pensaient être restreints qu’à ne se représenter que dans des parcs et autres lieux ouverts, voilà qu’une lueur d’espoir apparaît. Enfin, la troupe va pouvoir se lancer dans une véritable représentation sous un chapiteau et avec de nombreux spectateurs. Mais malgré cette effervescence, Masaru et Shirogane ne peuvent s’empêcher d’être heureux en voyant à quel point ces débuts modestes leur ont permis de grandir. Un périple qui ne fut pas de tout repos, mais qui leur apprit bien des leçons en compagnie de leurs nouveaux amis. Malheureusement, ils ont beau vivre une toute nouvelle existence, le souvenir de leur ancien compagnon d’armes ne peut totalement disparaître de leur esprit. Désireux de ne jamais oublier le sacrifice de l’homme qui leur a tant appris, ils espèrent qu’il regarde ce qu’ils deviennent de là où il est.
Ils ignorent alors totalement qu’à l’autre bout du monde, un miracle s’est produit. En effet, Narumi, que tous pensaient avoir vu mourir suite à leur dernier combat, se réveille dans une chambre qui ne lui dit rien. A son chevet se trouve un bel éphèbe aux cheveux argentés qui est enfin soulagé de le voir se réveiller. Mais pour Narumi, ce retour à la réalité est bien triste, car il ne se rappelle pas de ce qui a bien pu se passer. N’ayant qu’un vague souvenir de deux êtres qui comptaient beaucoup à ses yeux, il finit par sortir de son lit pour chercher des réponses. Il s’avère qu’il a été sauvé in extremis par Guy, le jeune homme mystérieux qui est actuellement à ses côtés. Il lui annonce qu’il fait partie d’un groupe dont chaque membre est appelé Shirogane et qui mène un combat ancestral contre des automates faisant partie du cirque de minuit. Pour lutter face à ces monstres faits d’acier et de rouages, chaque membre de cette organisation a été en contact avec l’aquae vitae, une eau très spéciale rendant son buveur quasiment immortel. C’est justement cet élixir remarquable que Guy a utilisé pour sauver Narumi d’une mort certaine et faire de lui un Shirogane contre sa volonté. Ne comprenant rien à ses dires, cette montagne de muscles va pourtant entamer un voyage qui va lui ouvrir les yeux sur les atrocités commises par ces ennemis cherchant à devenir humains. Le voilà embarqué dans un conflit d’une brutalité inimaginable et où il va devoir choisir entre lutter ou baisser les bras. D’un côté la paix du cirque et de l’autre la violence d’une guerre qui peut changer radicalement la face du monde.
Il est vrai qu’il est très difficile de parler de ces tomes de Karakuri Circus sans évoquer certains spoils propres à l’histoire et qui sont pourtant nécessaires pour comprendre toute la subtilité de cette partie du récit. Alors que l’on avait pu assister à l’avancée de ces deux intrigues en parallèle, on avait été bluffé par le développement de chaque personnage au sein de leur environnement respectif. Ce nouvel acte du manga va maintenant être l’occasion, dans un premier temps, de lever le voile sur ce qui a pu être à l’origine de ces automates meurtriers. Une révélation qui va être lourde de sens.
La clé de nombreux mystères
On ne peut évoquer les tomes 9 à 12 de Karakuri Circus sans parler de tout ce que nous apprend le scénario. Si l’on va éviter au mieux de dévoiler les éléments-clés, il est tout de même important d’évoquer ce passage qui va grandement contribuer à l’appréciation générale de l’œuvre. Alors que l’on était déjà happé par le conflit qui était dépeint au sein de ces pages, cette lecture va être l’occasion de lever le voile sur bien des zones d’ombre. En effet, jusqu’ici on avait que des bribes de souvenirs ou bien des témoignages provenant des Shirogane ayant subi le triste cirque de cette immense troupe d’automates. Mais à aucun moment on ne savait ce qui pouvait se cacher à l’origine de leur création et de ce mystérieux homme ayant offert l’aquae vitae aux victimes de ces monstres. C’est finalement chose faite et cette partie va être aussi importante que fascinante à suivre. Pendant une longue partie de cette découverte, on assiste à une série de flash-backs nous conduisant finalement à avoir toutes les pièces du puzzle pour comprendre à quel point le passé de deux individus va drastiquement bouleverser le monde. Nous plongeant pleinement dans l’aspect alchimie du manga, cet aspect du manga ne va pourtant pas briller par cet élément. Au contraire, c’est par la cause de tous ces malheurs que l’on va être happé dans cette tragique histoire très humaine.
Ce qui se présentait au départ comme une quête fraternelle pour développer un art voué à amuser le public a basculé dans la jalousie, la tristesse et la mort. On renoue ici avec l’aspect à la fois personnel et représentatif de la nature humaine. Là où l’on a souvent l’habitude dans ce récit d’être happé par le côté fantastique et dynamique de cette confrontation, il ne faut pas oublier que cette licence est aussi très tournée vers la présentation de toutes les facettes de l’humanité. On pouvait déjà le constater avec les Shirogane qui avaient perdu une bonne partie de leurs émotions et les automates désirant goûter à ces sentiments. Ici, ce sont d’autres éléments de la nature humaine qui sont traités. Cela a une importance capitale, car ça permet de renforcer l’attachement que l’on peut avoir pour les personnages tout en comprenant aussi ce qui a bien pu conduire à ça. Si l’on nous prépare depuis un moment au fait que la personne derrière les ennemis de nos marionnettistes est un monstre, ces quelques pages vont changer la donne. En réalité, si l’on ne peut pardonner ce qu’il a causé, on nous présente ici un individu qui a avant tout été guidé par cet amour que l’on peut tous connaître. Un attachement qui peut parfois conduire à une profonde tristesse qui entraîne elle aussi à un vide souvent impossible à combler. A l’origine de toutes ces souffrances se trouve le malheur de deux êtres qui n’ont pas réussi à surmonter cette peine qui les ronge. Un état d’âme compréhensible qui va conduire à des choix dramatiques.
Ainsi, cette partie de Karakuri Circus n’est pas uniquement divertissante par rapport au spectacle qui nous est proposé. Ces quatre tomes vont aussi se montrer captivants dans ce qu’il nous raconte concernant le lore de cette série. De ce fait, on est pleinement interpellé par les informations que l’on apprend que par tout ce qui se prépare suite à ces révélations. Cela nous permet ainsi de rebondir sur l’autre aspect très important de ces chapitres qui consiste en cette confrontation que l’on désirait voir depuis fort longtemps. Une opposition qui va atteindre son point culminant au sein de ces pages.
Un affrontement tant attendu
Il est évident qu’un des éléments que l’on attendait le plus est la confrontation finale entre les automates et les Shirogane. C’est ce qui va prendre une grande partie de ces quatre volumes. Sur ce point, on peut clairement dire que l’auteur n’a pas fait les choses à moitié. En nous amenant vers le dernier acte de ce conflit, il ne va avoir de cesse de nous en mettre plein la vue autant sur le plan de la mise en scène, de l’action et des rebondissements. Ce qui est tout d’abord très intéressant concernant cet événement, c’est qu’il va permettre l’introduction de nombreux nouveaux personnages qui vont tous avoir rapidement une certaine importance. D’ailleurs, petit fait captivant, Kazuhiro Fujita arrive avec habileté à transformer des individus que l’on a finalement connu que peu de temps en des personnes mémorables. Toujours capable de leur offrir un salut salvateur ou une fin abrupte, il n’hésite jamais à appliquer une sentence qui nous déchire le cœur, mais qui souligne à la perfection la violence de cette bataille. En outre, il reste fidèle à tout cet imaginaire autour du cirque qu’il a utilisé jusqu’ici pour que cette opposition se teinte de ce domaine. Que ce soit dans le décor utilisé, les adversaires ou même les combats, il y a toujours des éléments qui viennent symboliser ce milieu dans lequel on baigne depuis le tout début de la série. Mais si les divers combats qui nous sont présentés sont haletants, ce passage du manga va aussi retenir toute notre attention pour bien d’autres raisons plus symboliques et thématiques.
En effet, c’est vraiment la première fois que l’on a le droit à un conflit ouvert entre les deux camps et surtout avec autant d’acteurs dans la mêlée. Ainsi, on va pouvoir s’imprégner un peu plus de la mentalité de chaque groupe et surtout appuyer un peu plus sur ce qui différencie les Shirogane de leurs ennemis jurés, mais aussi ce qui les rapproche. Quand on observe attentivement les diverses scènes liées à cette rencontre, on ne peut que constater qu’il y a vraiment une envie de représenter ce manque d’humanité qui est présent dans chaque force en présence. Beaucoup des combats que l’on nous montre veulent ainsi renforcer ce propos même si l’origine de cette absence d’émotions est différente pour les deux troupes. Mais malgré tout, le mangaka va aussi prendre à contrepied ce lien pour montrer qu’il y aussi une différence fondamentale entre les deux. D’un côté, il y a ces pantins vivants qui restent des êtres artificiels incapables d’aller à l’encontre de la volonté de leur créatrice. Un élément qui va d’ailleurs être brillamment mis en scène à un moment de l’histoire pour nous montrer le fait qu’il n’y a réellement aucun libre-arbitre chez eux. Au contraire, les Shirogane n’ont eu de cesse d’être présentés comme des individus ayant oublié toutes formes d’émotions si ce n’est la haine qu’ils ont pour leur adversaire. C’est avec la présence de Narumi que l’on va montrer qu’ils ne sont pas aussi inhumains qu’on pourrait le croire. Il y a encore une part d’humanité qui subsiste en eux et qui va ressortir à divers moments qui vont frapper un grand coup. En effet, c’est en voyant ces petites bribes de sentiments et d’envie de vivre que l’on va changer progressivement notre regard sur eux. En réalité, ce combat va nous révéler avant tout que ce sont des hommes et des femmes qui ont tellement été guidés par la colère et la tristesse de tout ce qu’ils ont perdu qu’ils en ont oublié tout le reste. Ils veulent même conserver cette image de monstre pour ne pas révéler ce qu’ils peuvent avoir vraiment dans le cœur. Des êtres détruits qui retrouvent un peu d’espoir en cet homme qui est à la fois Shirogane et humain.
Karakuri Circus est un pur petit bijou et c’est encore le cas avec ces quatre volumes. Avec son trait si atypique et sublime, l’auteur nous dessine au sein de ces pages une bataille inoubliable qui va faire couler beaucoup de sang, de larmes, mais aussi d’émotions. Un résultat paradoxal quand on pense que l’on nous dépeint ici deux groupes qui sont caractérisés par leur distance par rapport à tout ce qui est humain. Mais il aura suffit d’un élément perturbateur pour chambouler tout ça. Celui-ci n’est autre que le personnage de Narumi qui se transforme de plus en plus en l’un des protagonistes les plus captivants qui soit.
Karakuri Circus enjeux considérables
Ce qui est à la fois étonnant et remarquable, c’est à quel point l’auteur arrive à nous donner le sentiment que tout va s’arrêter et va pourtant réussir à relancer son histoire de manière brillante. Karakuri Circus le montre très bien au sein de ces chapitres qui vont autant marquer par l’évolution scénaristique que par le développement toujours plus prononcé des thèmes autour de l’humanité. Rien que dans la dualité entre les deux camps il y a une forte notion de ce qui fait de quelqu’un un être humain. Cela fait que l’on a l’impression, peu importe le côté, que nous faisons face à des êtres n’ayant quasiment plus rien de normal. Les Shirogane ne sont guidés que par la haine tandis que les automates n’obéissent qu’à leur envie de se rapprocher de la condition d’être vivant. Un face-à-face qui se joue autant sur cet instant présent que sur cette opposition ayant vu le jour il y a déjà bien des siècles. Kazuhiro Fujita nous prouve qu’en plus de maîtriser son récit de bout en bout, il ne cesse jamais de repousser les frontières de sa propre créativité. A chaque fois que l’on pense atteindre la fin du voyage, quelque chose vient se rajouter et relancer l’intrigue sans que cela ne donne le sentiment d’être superflu. Au contraire, chaque élément que l’on obtient amène autant de réponses que de nouvelles questions et ce qui nous est présenté dans les dernières pages de cette partie suffit à nous donner envie de prolonger l’expérience.
Vous l’aurez donc aisément compris, mais on est encore face à une excellente lecture. Les tomes ont beau être massifs, on ne voit aucunement le temps qui défile au vu des événements qui ont lieu ici. Karakuri Circus nous délivre ici certaines de ses scènes les plus fortes et surtout l’un des points culminants de cette confrontation qui nous a pris aux tripes. On soulignera l’ingéniosité de l’auteur pour exprimer tous les thèmes qu’il désire au travers de ces êtres qui n’ont quasiment plus rien d’humain. Au milieu de tout ça se trouvent trois personnages qui tentent de leur mieux de créer leur propre futur et surtout de conserver ce qui fait qu’ils sont vivants. C’est donc encore un grand oui pour une œuvre qui fait partie de cette catégorie de mangas qui peut profondément marquer le lecteur. S’il est vrai qu’au départ, on peut se demander où veut nous emmener l’artiste, une fois que l’on a plongé dans cet univers, il est très difficile d’en ressortir. Si vous avez aimé les précédents volumes alors cette suite saura encore vous satisfaire pleinement. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que l’on n’a pas quelques questions qui nous trottent dans la tête. Que va-t-il advenir de nos protagonistes pour le futur de la licence ? Quelles répercussions vont avoir les derniers événements que l’on a pu observer ? Quels sont les prochains défis que devront surmonter les acteurs de cette histoire ? On a juste hâte de prolonger cette aventure hors du commun.
N’hésitez pas à nous partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces quatre volumes de Karakuri Circus. Avez-vous apprécié la manière dont le scénario a évolué notamment concernant l’opposition entre les Shirogane et les automates ? Est-ce que vous trouvez que le mangaka a su conserver cette originalité et cette créativité fertile qui font sa marque de fabrique ? Avez-vous été étonné par la tournure qu’a pu prendre cette histoire au fil des nouvelles épreuves de nos protagonistes ? Avez-vous hâte de voir ce que va bien proposer le manga pour ses futurs arcs ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.