Adieu Eri : et ça tourne !
On le sait depuis un moment, mais Tatsuki Fujimoto n’a eu de cesse d’être prolifique en France que ce soit au travers de Chainsaw Man ou bien de ses nombreux one shots. C’est d’ailleurs aujourd’hui que l’on peut découvrir une de ces dernières œuvres chez Crunchyroll. Il s’agit bien sûr de Adieu Eri qui rejoint le catalogue déjà très riche de cet auteur. Après avoir été grandement séduit par Look Back, on était très intéressé de voir ce que donnerait cet autre projet. En plus de ça, on s’était gardé une totale surprise en attendant de voir la parution de cet ouvrage chez nous. C’est donc avec beaucoup d’attention que l’on s’est penché sur ce titre. Il n’aura alors fallu que de quelques minutes pour que l’on dévore ce dernier. Emporté par ce récit à la fois tragique et émouvant, on a pu poser les yeux sur des réflexions intéressantes autour de la notion de souvenir, de l’être humain, mais aussi du cinéma. Prenant un parti-pris plus que pertinent, le mangaka nous délivre une courte épopée qui a su retenir toute notre attention. Il est donc grand temps d’assister à la projection d’un film qui ne peut laisser indifférent.
Garder le souvenir des disparus
Adieu Eri, imaginé par Tatsuki Fujimoto, nous fait suivre la vie de Yûta, un adolescent qui s’avère être un adolescent tout à fait ordinaire. Malheureusement, un drame frappe sa famille avec la maladie qui ronge sa mère. Cette dernière va alors avoir une demande bien singulière à l’égard de son fils. Elle lui demande de la filmer au quotidien jusqu’à ce qu’elle lâche son dernier soupir. Une dernière volonté dont il accepte la responsabilité. Il va alors passer chaque jour avec sa caméra pour immortaliser le souvenir de sa mère pour que celui-ci perdure même après qu’elle ne soit plus là. Cependant, Yûta ne veut pas s’arrêter là et va utiliser les centaines d’heures de vidéos qu’il possède pour monter un court-métrage. Son but est de le projeter durant le rassemblement des élèves dans le gymnase. Il prend donc son courage à deux mains et franchit ce cap, mais le résultat est loin d’être à la hauteur de ses attentes. Les critiques sont assassines à son égard et personne ne comprend la démarche qu’il a voulue derrière son œuvre. Tout le monde ne voit ici qu’un film macabre et parfois incompréhensible qui a plus ennuyé l’assemblée que lui faire verser des larmes. Face à de tels retours, il a du mal à encaisser le coup et décide de faire une vidéo de lui. Dans celle-ci, il annonce qu’il va mettre fin à ses jours suite à ce qu’il s’est passé et s’adresse autant à son père qu’à ceux qui se sont moqués de son œuvre.
A présent prêt à faire le grand saut, il se dirige vers le toit de l’hôpital où sa mère est morte. Mais alors qu’il s’apprête à en finir, il est interpellé par une inconnue venant de nulle part. Une adolescente qui est elle aussi élève dans le même établissement que lui. Se présentant sous le nom d’Eri, elle va l’emmener dans un lieu abandonné sans qu’elle lui explique la raison de sa venue ici. C’est alors qu’ils se posent sur un canapé et qu’ils observent des films en silence. Pour Yûta, cela n’a aucun sens et il ne peut s’empêcher de poser des questions sur sa nouvelle camarade ainsi que sur cette situation. Sa comparse va alors lui annoncer qu’elle a beaucoup aimé son court-métrage, mais qu’il manquait quelque chose à celui-ci. Ces quelques mots suffisent à apporter du réconfort au jeune garçon qui n’avait eu que des mots durs à l’égard de son travail. Mais si elle l’a emmené ici, c’est aussi pour lui demander de faire un nouveau projet de film. Cependant, elle va tout faire pour qu’il trouve ce qui lui manque en lui faisant regarder des tonnes de longs-métrages. Une collaboration débute alors sans même qu’il n’ait vraiment eu son mot à dire. Mais tout ça finit même par l’amuser, car il retrouve goût à créer et surtout entame une nouvelle quête qui peut donner vie à l’œuvre la plus intime qu’il ait fait. Ainsi débute un tout nouveau quotidien pour le jeune homme qui va se lancer dans la réalisation d’un projet qui va autant changer sa vie que celle de son entourage. Avec l’arrivée de cette inconnue, c’est comme s’il avait trouvé sa muse lui permettant de s’épanouir derrière la caméra.
Rien qu’à travers son pitch de base, Adieu Eri nous promet un impressionnant flot d’émotions. Si l’on a le droit à quelques éléments qui collent au style si particulier du mangaka, ce projet va aussi être l’occasion de se pencher sur la façon dont il traite des sujets aussi graves qu’importants. Cela donne un ton très particulier au manga qui va autant être surprenant par sa mise en scène et sa narration que touchant par cette volonté de mettre à l’honneur le souvenir de ceux qui ne sont plus. Une aventure traitant avec brio de la vie, de la mort et du deuil.
Un one shot mêlant cinéma et drame
Quand on se penche sur Adieu Eri, on se rend vite compte qu’il y a deux parties bien distinctes qui attirent notre attention tout au long de cette lecture. La première n’est autre que le grand hommage qui est fait au monde du cinéma au travers de ce récit. En dehors de tout ce qui touche aux autres thèmes, il est impossible de ne pas remarquer le grand attrait de l’auteur pour le septième art. Une passion que l’on a déjà pu découvrir dans ses précédents titres, mais qui est ici sublimée par l’objectif de son protagoniste. Cela ne va alors pas se jouer uniquement avec des mots, mais surtout par la mise en scène de cette histoire. Il suffit de voir le découpage et même la composition des cases pour avoir le sentiment de ne pas être face à un manga, mais bel et bien un court-métrage. Tout est pensé pour appuyer ce sentiment et cela va avoir un effet très étrange et captivant chez le spectateur. La frontière entre le réel et la fiction s’efface progressivement et fait que l’on peut avoir la sensation d’être perdue entre ce qui est joué par les personnages et ce qui se passe derrière la caméra. On se demande si ce que l’on regarde fait partie du projet de Yûta ou bien si cela reflète son quotidien autre que celui que l’on voit au travers de l’appareil. Cela offre une expérience absolument savoureuse et qui va grandement impacter la manière dont on aborde cette lecture. En effet, nous ne sommes pas cantonnés au rôle du lecteur silencieux. Avec cette approche, on nous fait constamment réfléchir sur ce que l’on voit au sein de ce one shot.
Une appropriation des codes du cinéma qui transforme ce récit en une aventure qui sort des sentiers battus tout en évoquant avec brio la force de cet art. Si cela rend cette courte aventure particulièrement prenante, l’autre facette de celle-ci va finir de nous convaincre. Rien que par son contexte initial, Adieu Eri est un manga qui se veut assez fort dans les thèmes qu’il souhaite amener sur la table. Il va autant être question de deuil, de vie et de mort par rapport à la mère de Yûta que par d’autres acteurs du récit. Mais ce qui nous a le plus marqué, en dehors de cet aspect très cinématographique, c’est la question des souvenirs. Le fait de réaliser un film permettant de maintenir la mémoire de ceux qui sont partis est très touchant. Cela sert à conserver une trace de ces personnes qui nous sont précieuses et ainsi entretenir la flamme de leur présence sur Terre. Cependant, l’auteur va aussi montrer que ces moments enregistrés ne sont pas forcément le reflet de ce que pouvait être la personne disparue. On nous montre ainsi qu’à travers les images, il est tout à fait possible de métamorphoser l’empreinte qu’a laissée quelqu’un tout au long de son existence. Le cinéma peut de ce fait transformer un être ayant beaucoup de défauts en une personne aimante dont on partage la peine à l’idée de savoir que la fin est proche. L’union entre le septième art et ces thématiques concrètes et importantes amène un résultat absolument bluffant. Ce que l’on découvre concernant les personnages rencontrés nourrit ce sentiment de puissance que peut avoir la fiction. Inversement, c’est par toute cette pellicule utilisée que Yûta nous expose aussi une part sincère de la nature humaine.
Avec Adieu Eri, on est une fois de plus captivé par la manière dont le mangaka met en scène l’être humain et les nombreuses nuances qui peuvent nous composer. Rien qu’au travers de ce film dont on assiste à la conception, on se met à se questionner sur ce qui est fictif ou non ainsi que sur l’image que l’on laisse une fois que l’on disparaît. On est alors interpellé personnellement par ce qui se passe au sein de ces cases tant cela peut faire écho à des choses que l’on peut vivre, et même nous faire réfléchir à tout ça. A l’image d’un spectateur captivé par un film, on assiste ici à une projection qui marque notre esprit.
Adieu Eri retient toute notre attention
Encore une fois, Tatsuki Fujimoto arrive à nous délivrer un one shot ayant beaucoup d’impact sur nous. Jouant habilement sur les deux tableaux que sont le cinéma et le drame humain, le mangaka exprime ici tout son talent pour tromper le lecteur. Même en finissant la lecture et en prenant du recul, on se questionne inéluctablement sur si tout ce que l’on a vu n’est finalement qu’un immense court-métrage ou bien l’exposition de ce quotidien tragique de Yûta. Tout repose sur cet excellent équilibre entre la fiction et la réalité qui est finalement ce que le septième art peut engendrer comme expérience. Par ce one shot, on nous prouve aussi que le manga peut être un formidable média pour s’emparer du lecteur et lui faire perdre tout repère afin qu’il ne sache plus vraiment la nature de ce qu’il regarde. On ressort de cet ouvrage à la fois troublé et captivé par ce que l’on vient de vivre. Sans oublier bien sûr tout le travail apporté aux multiples sujets que l’artiste maîtrise pleinement. Nous ne sommes donc pas uniquement happés par la forme de ce récit. Le fond aussi arrive à nous toucher en plein cœur et avoir une forme de résonance par rapport à ce que l’on peut connaître au quotidien. La question de l’image laissée derrière soi est amenée avec beaucoup de soin et d’attention. Une réflexion pertinente et importante qui fait que l’on ne peut se retenir de cogiter après avoir refermé ce titre. Un résultat vraiment bluffant.
Vous l’aurez donc aisément compris en lisant ces quelques lignes, mais on a été conquis par l’expérience proposée par Adieu Eri. S’il est vrai que cela peut être déroutant ce que nous propose l’auteur, il faut reconnaître sa faculté à nous donner une approche originale dans sa manière de narrer une histoire dans le monde du manga. On finit même par déceler pas mal de petits éléments surprenants en relisant cette histoire. Ici, on se retrouve face à un one shot dont le rapport entre l’écriture et la mise en scène est renforcé à un point inimaginable. Un titre qui s’inspire intelligemment du cinéma pour créer un enrobage trompeur où l’on s’engouffre pour découvrir une intrigue aussi profonde que servant d’incroyable hommage à cet art qui semble si important pour Tatsuki Fujimoto. Si vous avez apprécié les autres travaux de l’auteur ou que vous désirez vivre une lecture réfléchie et originale alors vous serez sûrement comblé. Bien évidemment, il est impossible de se projeter vers le futur de Yûta et d’Eri maintenant que leur aventure s’est conclue. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser à eux et à ce qu’ils nous ont raconté suite à leur rencontre. Des acteurs brillants qui ont su nous émouvoir, nous dérouter, mais aussi nous faire réfléchir sur notre propre perception du monde qui nous entoure.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant le one shot Adieu Eri. Trouvez-vous que l’auteur a encore une fois su proposer un récit prenant et particulièrement émouvant ? Avez-vous été sensible aux diverses thématiques traitées tout au long de ces pages ? Est-ce que vous avez ressenti de l’empathie à l’égard de ces quelques personnages que l’on suit ? Le sujet des souvenirs a-t-il été bien amené selon vous par le prisme du cinéma ? Trouvez-vous que l’ouvrage parvient à aller au bout de son idée ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
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