The Dark Saint tome 1 : le saint qui voulait combattre
Le manga a toujours su se montrer très riche quand il s’agit d’aborder le genre de la fantasy. Si aujourd’hui, beaucoup de lecteurs peuvent avoir le sentiment d’avoir fait le tour de celui-ci, en réalité il existe toujours de nombreuses œuvres pouvant être créatives dans ce domaine ou maîtrisant pleinement les codes de ce style. Le titre que l’on va aborder ici a su, à travers son premier tome, nous laisser avec tout un tas de belles promesses et surtout un monde à la fois onirique et captivant. Il s’agit de The Dark Saint, édité chez Doki-Doki, qui vient tout juste de paraître. Appréciant énormément la fantasy et ses multiples déclinaisons, on était très curieux de voir ce que pourrait raconter cette épopée inédite. Si l’on peut avoir le sentiment, en voyant la couverture et en lisant le résumé, de faire face à une histoire convenue, on finit par déceler rapidement ce qui fait l’attrait de cette série. Une aventure qui va nous emmener à la lisière entre le bien et le mal pour nous apporter une réflexion pertinente sur le rôle du héros. L’heure est donc venue d’accompagner un saint dans sa maîtrise des arts obscurs.
Un rôle difficile à endosser
The Dark Saint, scénarisé par MasamiT et dessiné par Mugi Sawai, nous fait suivre le jeune Russell. Depuis l’enfance, il rêve de devenir un héros digne de ce nom. C’est pour ça qu’en compagnie de ses trois amis, il n’a eu de cesse de s’entraîner pour atteindre cet idéal. Ils ont beau être considéré plus bas que terre par certains villageois, ces gamins ont su trouver la force nécessaire pour continuer de vivre et suivre leurs idéaux. Cependant, il s’avère que la déesse de ce monde peut se montrer tristement facétieuse. En effet, c’est alors qu’ils entrent dans l’adolescence que les quatre comparses sont désignés pour obtenir de puissants titres. Malheureusement pour Russell, c’est l’un de ses camarades qui est choisi pour endosser le rôle de héros. Une déconvenue pour ce dernier qui doit se contenter d’être un saint. S’il est vrai que ce statut est le plus haut dans le domaine de la magie blanche et qu’il lui confère d’impressionnants pouvoirs de soin, il ne peut cacher sa frustration de n’avoir pu prendre cette voie qu’il espérait depuis si longtemps. Malgré tout, il accepte son sort et est décidé à tout donner pour le devoir qui incombe maintenant à ce groupe. Mais il n’aura pas fallu longtemps pour que cette nouvelle vie se transforme en cauchemar. Dès leur première aventure ensemble, une vérité semble éclater aux yeux des trois amis de Russel. En réalité, les soins qu’il peut prodiguer peuvent aussi, selon eux, être réalisés par leurs propres compétences.
Ce discours signifie aussi que pour ces trois combattants, la présence de leur ami d’enfance ne sert absolument à rien. Désespéré par ces mots très durs, Russell doit se rendre à l’évidence qu’il n’est plus le bienvenu parmi eux. Exclu de cette quête pour protéger la population, il se questionne maintenant sur ce qu’il doit faire de cette vie en tant que saint. Rien qu’en repensant à ce titre, il ne peut s’empêcher de ressentir une profonde haine. Une colère qui est autant à l’égard de ses compagnons que de cette divinité qui a osé le contraindre à un simple rôle de support. Lui qui avait tant bataillé pour montrer ses compétences martiales sur le front doit se contenter de guérir sans jamais être dans la mêlée. Une injustice qui ne fait que nourrir cette rage qui l’accompagne tout au long du chemin du retour le conduisant à son village. C’est alors qu’il va faire une rencontre qui va drastiquement changer son existence. La mystérieuse Sybilla se dresse devant lui et fait une demande inattendue. Elle veut savoir s’il désire la force qu’il convoite depuis si longtemps. Ces quelques mots suffisent à attiser l’intérêt du jeune homme. Pourtant, c’est en allant à la rencontre d’un donjon ayant fait son apparition à la lisière du hameau qu’il va pleinement comprendre le sens de ces paroles. Face aux adversaires qui se dressent devant lui, Russell s’apprête à réveiller un pouvoir qui sommeillait au plus profond de lui. La légende du saint maîtrisant les arts obscurs est sur le point de commencer.
Si l’on peut avoir le sentiment, en lisant ce synopsis, que The Dark Saint fait preuve d’un certain classicisme, cela serait passé à côté de beaucoup d’éléments intéressants propres à cette série. En effet, si ce premier volume reprend des codes bien classiques du genre, il va aussi proposer des choix spécifiques qui vont rendre l’aventure de notre héros encore plus captivante à suivre. Il n’est pas seulement question de vengeance au sein de ces pages. On nous raconte aussi la quête personnelle de ce jeune homme qui cherche à trouver sa place dans un monde où l’on préfère aduler un titre que la personne qui le porte.
Entre vengeance et émancipation
Comme on a pu le dire plus tôt, The Dark Saint laisse présager d’un récit de fantasy somme tout à fait classique de prime abord. Après tout, on retrouve ce qui fait l’essence de nombreuses œuvres du genre à travers ces élus désignés par une déesse, les créatures rencontrées ainsi que les donjons mis en place. Cependant, quand on s’attarde un peu plus sur le récit, on ouvre les yeux sur des éléments qui font de cette lecture un début d’épopée prometteur. En plus de reprendre de multiples éléments liés à tout ce qui est jeux de rôle ou bien le jeu vidéo, ce conte va aussi briller par tout le travail mené autour du personnage de Russell. S’il est question de vengeance au vu de ce qu’il subit, nous ne sommes pourtant pas dans une envie de représailles profondément ancrée en lui. Au contraire, son désir de rendre la monnaie de sa pièce à ses détracteurs et cette déesse va se confronter aussi à ses principes qui l’ont accompagné toute sa vie. Après tout, son rêve a toujours été d’être un héros aux yeux du monde. Cela implique d’agir dans l’intérêt de tous. En amenant cela sur la table, on enrichit la personnalité de ce protagoniste qui cherche autant à rester fidèle à ce qu’il a toujours voulu être qu’à satisfaire ses envies personnelles de rendre justice lui-même. On est donc devant un jeune homme qui se retrouve à un embranchement important de sa vie et qui est tenté par les deux directions qui s’offrent à lui.
Cela est autant représenté par l’apparition de Sybilla que par ce qu’il a pu subir auparavant. Dans un sens, on comprend son envie de vengeance au vu de ce qu’il a pu connaître et du caractère injuste de cet environnement qui est le sien. Tout cela contribue à rendre Russell plus attachant et captivant tout en faisant de lui un être beaucoup moins manichéen que peut le laisser supposer le manga. En outre, il est impossible de ne pas évoquer ce titre sans parler bien sûr de cette dualité qui va être symbolisée au travers des compétences de notre protagoniste. Si le mangaka nous offre des scènes d’action plus que convaincantes, il va aussi parfaitement capter l’essence de ce qui entoure le titre de saint. Considéré comme le maître des guérisseurs, ce rôle laisse supposer que son porteur reste en arrière pour s’occuper des soins et autres boosts possibles. Quand on écoute les autres, on a ainsi l’impression que devenir un tel être prive une personne de toutes ses capacités martiales. Pourtant, tout ça n’est qu’une idée préconçue de ces gens que Russell va venir briser. Il est là pour nous dire qu’un statut n’empêche en rien d’être sur le devant de la scène. S’étant entraîné des années durant au combat, il est tout à fait capable de briser cette case dans laquelle on l’a mis. De ce fait, il va créer une toute autre approche du terme saint et le renforcer dès lors qu’il va éveiller en lui des pouvoirs bien plus sombres. On assiste alors à la naissance d’un être qui n’est pas uniquement pris entre le bien et le mal. Il est aussi à la frontière entre l’attaquant, le magicien et le soigneur. Une variété de possibilités qui viennent briser ce monde régi par des stéréotypes précis et faire de lui une personne à part et surtout libre de choisir comment attaquer chaque situation qui se présente à lui. Russell se lance alors sur un sentier qui lui permet autant de s’émanciper du regard des autres que des règles archaïques qui régissent cet univers.
Avec cette introduction, The Dark Saint se présente donc comme une aventure ayant beaucoup de potentiel. Nous laissant avec beaucoup de promesses, on est autant captivé par ce qui pourra être raconté au travers de cet univers que le destin qui attend ce jeune homme. Traitant de la notion de vengeance sans pour autant provoquer un basculement total vers celui-ci, ce manga nous montre un individu flirtant à la frontière de ces deux aspects de la vie. On est alors autant subjugué par ses capacités impressionnantes que par ce qu’il compte en faire maintenant qu’il a emprunté cette nouvelle voie.
The Dark Saint fusionne ses deux facettes
The Dark Saint est une œuvre qui nous montre une partie de ce que l’on aime dans l’univers du manga. Même en faisant face à des titres qui peuvent nous sembler convenus au départ, on finit par découvrir des petits trésors qui nous font voyager. C’est exactement le cas ici avec un titre qui arrive justement à se jouer des codes que l’on connaît tout en restant très fidèle à ce que l’on a pu voir ailleurs. Un contraste qui est à l’image de son protagoniste et nous montre qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Alors que l’on nous dépeint un environnement où tout le monde se fie à des idées déjà établies dans l’imaginaire collectif, on observe ce jeune garçon aller progressivement à l’encontre de tout ça. On nous dit qu’un saint ne peut aller dans la mêlée, il nous prouve le contraire en montrant son aptitude une arme à la main. Il est choisi pour endosser le rôle du symbole de pureté suprême et pourtant il finit par éveiller en lui des pouvoirs liés aux ténèbres. Une multitude d’oppositions et de contradictions qui forment l’âme de cette série et la rendent prenante à suivre. On apprécie en tout cas énormément ce parti-pris qui amène des réflexions pertinentes sur ces règles que l’on peut connaître et qui pourtant ne sont pas forcément gravées dans le marbre. Une leçon très forte aussi du fait qu’il ne faut jamais laisser aux autres le soin de dicter notre avenir. Sans oublier l’aspect purement divertissant au travers des combats que l’on peut suivre et de la puissance grandissante de notre figure centrale.
Il faudra voir comment évolue l’intrigue sur le long terme, mais force est de reconnaître que ce premier volume de The Dark Saint fut une excellente surprise. Avec ses thématiques intéressantes et collant parfaitement à cet univers, ce manga peut aisément proposer un développement des plus captivants de son protagoniste. De plus, le trait du dessinateur peut autant se montrer spectaculaire dans les moments épiques que sublimer cette quête personnelle pour Russell afin de trouver sa place sur ces terres. On a alors très hâte de voir si ce représentant de la lumière et des ténèbres va finir basculer d’un côté en particulier ou bien maintenir ce fragile équilibre qui sommeille en lui. Si vous aimez la fantasy et que vous souhaitez suivre les péripéties d’un héros torturé par les choix qu’il doit faire alors The Dark Saint peut être une très belle découverte. Il va être fascinant de voir ce que nous réservent les prochains volumes et surtout les enjeux qui vont découler de ce pacte. Cela amène évidemment de nombreuses questions pour la suite. Est-ce que Russell va finir par devenir le héros qu’il a toujours souhaité être ? Va-t-il finir aveuglé par son désir de vengeance et faire payer tous ceux qui sont à l’origine de son calvaire ? Qui est réellement cette Sybilla qui a transformé la vie de ce jeune garçon ? Que vont devenir les anciens camarades de notre protagoniste sans lui ? Il va falloir prendre son mal en patience pour cette suite.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de The Dark Saint. Trouvez-vous que l’on a le droit à un début prometteur concernant l’avenir de ce protagoniste ? Avez-vous apprécié cette cohabitation qu’il peut y avoir entre lumière et ténèbres au travers de ce seul personnage ? Etes-vous curieux de voir s’il finira par succomber à l’appel de la vengeance ou s’il restera fidèle à ses principes ? Est-ce que l’univers dépeint tout au long de ce tome a su vous sembler plein de potentiel sur le long terme ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
Kuro Tonbi no Seija © Mugi Sawai © MasamiT/OVERLAP