Ron Kamonohashi tome 1 et 2 : un détective au lourd fardeau
Depuis mes débuts en tant que lecteur de manga, il y a des artistes qui ont su profondément me marquer à travers leurs œuvres. Des mangakas qui ont construit mon amour pour cet art et qui m’ont aussi permis de rêver via ces aventures dépaysantes. Je pourrais citer beaucoup de noms au vu des auteurs et autrices qui ont ponctué mon quotidien de lecteur. Parmi eux, il y a Akira Amano, une remarquable artiste que l’on connaît en France pour Reborn. Ayant beaucoup grandi avec cette série, j’ai toujours suivi de près ses travaux et quel plaisir alors ce fut de savoir que sa dernière œuvre en date allait être publiée chez nous. C’est finalement aujourd’hui que Ron Kamonohashi fait ses débuts dans le catalogue de Mangetsu à travers ses deux premiers volumes. Désireux de nous amener sur le terrain du polar et des enquêtes prenantes, le titre avait déjà de quoi m’intéresser au vu de sa proposition initiale. Cependant, je ne m’attendais pas à ce que certains points puissent sublimer ce récit. J’espère donc que vous êtes prêts pour partir à la rencontre d’un détective pas comme les autres.
Une aide surprenante
Ron Kamonohashi, imaginée par Akira Amano, nous fait suivre en premier lieu Totomaru Isshiki, un enquêteur qui n’est pas connu pour être le plus performant qui soit. Si sa volonté n’est pas remise en question, c’est son incapacité à mener à bout une enquête qui lui fait d’être la risée de tout le bureau. Il en arrive même à être sur la sellette par sa supérieure et il risque d’être exclu de la première division s’il ne fait pas rapidement ses preuves. Alors que lui et son équipe se retrouvent face à une affaire qu’ils n’arrivent pas à résoudre, l’un des collègues de Totomaru va lui donner un conseil qui va changer sa vie. Il lui donne l’adresse d’un homme qui pourrait aisément conclure cette enquête et dont l’intelligence n’est plus à prouver. Son nom est Ron Kamonohashi, un véritable génie quand il s’agit de mener l’enquête. Cet individu serait un ancien élève de l’académie Blue, une institution reconnue pour entraîner les meilleurs détectives au monde. Parmi l’ensemble des élèves suivant ces cours, Ron était celui qui avait les meilleures notes et que rien ne semblait pouvoir arrêter. En entendant ça, Totomaru ne peut qu’avoir envie de rencontrer ce fameux Kamonohashi afin de lui demander son aide. Malheureusement, la désillusion est assez grande quand le jeune inspecteur arrive chez ce soi-disant génie. Il découvre un homme recroquevillé sur lui-même et qui passe la majorité de ses journées enfermé chez lui.
Totalement déconnecté du monde qui l’entoure et n’ayant ni téléviseur ni ordinateur pour s’informer, ce prétendu détective ne paraît pas être vraiment un homme de confiance. Malgré tout, il suffira de quelques mots de sa part pour que son visiteur soit témoin de sa capacité de déduction et sa vive intelligence. Mais en entendant que Totomaru est venu à sa rencontre pour lui demander de participer à une enquête, Ron voit son visage se décomposer. Il se met à trembler et refuse de le suivre à l’extérieur. En réalité, s’il aussi talentueux, ce garçon affiche aussi un handicap de taille. Un poids qui pèse sur ses épaules et qui l’empêche de mener à bien son activité. Alors qu’il meurt d’envie de faire étalage de sa logique implacable, la peur de ce qui sommeille en lui l’oblige à rester coincé entre ces quatre murs. S’il s’attend à ce que son interlocuteur fasse demi-tour et le laisse tranquille, c’est tout l’inverse qui se passe. Isshiki est conscient qu’il en demande beaucoup, mais il veut avant tout stopper le criminel qui est toujours en liberté. Il ignore quel mal peut ronger ce détective, mais il jure de tout faire pour que tout se passe bien. Des mots qui vont toucher en plein cœur Ron qui voit en lui une chance de retrouver une vie normale. Cette rencontre serait-elle la chance pour lui de repartir de zéro ? Ce qui est sûr, c’est que ce duo est maintenant bien décidé à aller de l’avant pour stopper tous ceux qui oseraient enfreindre la loi.
Il y a bon nombre de choses à dire sur Ron Kamonohashi au travers de ces deux premiers volumes. Une série qui va, dans un premier temps, se démarquer par la construction de ses affaires et la manière dont elles interagissent avec le lecteur. Cela nous amène à être autant spectateur qu’acteur de ce que l’on suit. Un lien qui va être constamment nourri au fil des chapitres pour que l’on vive une expérience à part entière et surtout extrêmement divertissante. C’est ainsi que l’on va assister à une succession d’événements qui vont éveiller l’inspecteur qui sommeille en chacun de nous.
Des enquêtes palpitantes
S’il y a une chose qui va rapidement nous sauter aux yeux à la lecture de Ron Kamonohashi, c’est l’enchaînement d’affaires que l’on va suivre. Comme tout bon récit tournant autour de la figure du détective, on se retrouve à passer d’une mission à l’autre. Il est alors important de voir si l’on est suffisamment happé par ces dernières afin de cerner au mieux si le titre arrive à être efficace dans sa forme. Ici, c’est une très grande réussite, car si l’on peut avoir l’impression de faire face à des énigmes utilisant certains codes bien connus de ce genre, elles arrivent pourtant à nous étonner dans leur conclusion. En effet, on va constamment être intrigué par celui qui est à l’origine d’un crime ou bien ce qui se cache véritablement derrière certains cas. On en vient même à être étonné en voyant que parfois tout semble lié alors que rien n’indiquait que ce soit le cas. Akira Amano nous montre ici sa maîtrise du suspens tout en s’amusant à créer des mystères qui sont suffisamment complexes pour nous tenir en haleine et facile d’accès pour que l’on ait envie de participer à l’enquête. Voilà justement un point qui est très important à souligner. Ce manga peut autant être pris comme un très bon divertissement que comme une expérience à part entière. En effet, le lecteur peut aisément passer du rôle de simple spectateur à celui d’enquêteur dès lors qu’il se laisse prendre au jeu de ces affaires.
Cela fut le cas à de nombreuses reprises durant ma lecture et la narration est justement faite de manière à ce que l’on cogite en même temps que nos protagonistes. Ron se présente alors comme celui qui aura la clé de tout ça et qui s’amuse justement à ne pas nous donner tous les éléments pour que l’on réfléchisse par nous-même à ce qui est à l’origine de tel crime. Dans un sens, on peut facilement s’identifier à Totomaru qui, même s’il fait partie des forces de l’ordre, est ramené au même niveau que nous. On partage donc ses doutes, ses réflexions ainsi que ses diverses théories sur l’identité du coupable. C’est comme si un jeu s’organisait entre les personnages et nous afin de démêler le vrai du faux et au-dessus de nous, la mangaka qui s’amuse à écrire ses diverses énigmes. En plus de ça, j’ai aussi énormément apprécié le fait que l’on ne soit pas uniquement face à des grosses enquêtes. Au contraire, on peut autant passer d’une affaire assez grave à une mission beaucoup plus légère ou moins importante dans l’intrigue et qui va pourtant réussir à nous interpeller. C’est cet équilibre qui est trouvé entre écriture, amusement et participation du lecteur au sein de chaque cas qui rend cette aventure aussi plaisante et même gratifiante. On ne se contente plus de lire simplement pour suivre une histoire. Notre regard observe chaque case et chaque dialogue pour chercher la moindre information pouvant être nécessaire à la réussite de l’investigation. Un pari totalement réussi.
Si l’aspect enquête est l’un des points forts de la série, ce n’est pas uniquement la seule qualité de Ron Kamonohashi. En effet, le titre affiche aussi une excellente écriture au niveau des personnages et notamment de son protagoniste central. Notre jeune détective a beaucoup de choses à nous raconter autant sur le plan de ses capacités que sur cette part d’ombre qui sommeille en lui. Cela nous amène à le voir autant comme une aide remarquable que comme un danger potentiel pour la résolution de chaque enquête. Une personne qui flirte entre deux mondes et rend son histoire encore plus captivante.
Un protagoniste ayant ses cicatrices
On pourrait s’attarder sur le personnage de Totomaru qui est, à mon sens, un protagoniste très intéressant de par son rapport à Ron ainsi qu’au lecteur. Comme dit précédemment, il est celui qui sert d’intermédiaire entre le détective interdit de pratiquer et les affaires dont ils s’occupent. Il va être celui dans lequel on se transpose afin de lever le voile sur ces divers mystères qui se présentent à nous. Pourtant, s’il y a un personnage qui va facilement se démarquer, c’est bel et bien Ron. En effet, rien que ses capacités et son parcours suffisent à éveiller notre intérêt à son égard. On le considère comme un génie pouvant résoudre n’importe quelle affaire. Pourtant, le premier véritable contact que l’on va avoir est loin de cette image de détective talentueux et charismatique que l’on pouvait nous faire croire. Au contraire, on voit un jeune homme ayant un caractère à la fois farfelu et bien conscient de ce qui se passe autour de lui. Un individu qui veut autant aller sur le terrain que terrifié à l’idée de replonger dans cette passion dévorante de l’enquête. Ainsi, notre protagoniste va se construire constamment autour de ces dualités qui le composent et amener des éléments captivants pour son développement. Dans le monde du polar et des récits criminels, il n’est pas rare d’avoir des figures qui sont à la fois atypiques dans leur comportement que remarquables dans leur capacité à déceler la vérité.
Même un personnage aussi emblématique que Sherlock Holmes est de plus en plus présenté comme un détective brillant et un homme obnubilé par son envie de résoudre des crimes. En prenant un tel parti-pris, on permet au génie de présenter des failles et surtout de montrer qu’un tel intellect n’est pas sans avoir des conséquences sur la façon de vivre. Ron est totalement propulsé dans ce domaine et c’est en avançant dans l’histoire que l’on se rend vraiment compte de ce qui pèse sur ses épaules. Dès lors que l’on prend conscience de son passé, on comprend mieux la raison pour laquelle il se refuse à jouer de nouveau les enquêteurs. Ce n’est que grâce à l’arrivée de son nouveau partenaire qu’il trouve une possible chance de continuer à faire ce qu’il aime tant. Mais même là, Akira Amano aime mettre son personnage dans des situations difficiles qui vont appuyer sur cette peur qu’il a de lui-même et de ce qu’il est capable de faire. On est directement témoin de ça et cela amène une sorte de frayeur à la fin de chaque affaire. La surprise du premier cas se remplace par cette angoisse de voir Ron déraper pour de bon et ainsi franchir cette limite qu’il craint tant. Une idée remarquable qui fait que l’on va connaître deux sentiments bien distincts à son égard. L’admiration que l’on a pour lui se mélange à une certaine empathie de le voir souffrir autant. Alors qu’il rêverait de suivre sa voie et de mettre son génie au service de la justice, on voit un homme constamment poursuivi par cette ombre qui l’empêche de savourer pleinement cette existence.
C’est donc autant par le fond que la forme que Ron Kamonohashi parvient à séduire. Avec son protagoniste torturé, des enquêtes réussies et surtout des enjeux qui se font sentir pour la suite, ce manga affiche un très gros potentiel sur le long terme. En plus de ça, il y a un lien très particulier qui se forme entre cette lecture et le lecteur qui a tout bonnement envie d’aller au bout de chaque affaire. Une œuvre aux multiples facettes au même titre que son héros et qui sait jouer avec le spectateur pour un résultat surprenant et captivant. Qu’il le veuille ou non, Ron va continuer à suivre ce chemin constitué de casse-tête et d’incertitudes.
Ron Kamonohashi a déjà la réponse
Oui, j’ai été totalement conquis par ces deux premiers volumes de Ron Kamonohashi. Si mon attrait des œuvres d’Akira Amano a contribué à nourrir mon intérêt pour cette nouvelle série, le manga a su transformer cela en une expérience savoureuse et pleinement divertissante. Il y a déjà une très bonne alchimie qui se ressent entre nos deux protagonistes et j’apprécie tout particulièrement le fait que notre détective ne cherche pas à être dans la lumière. Un être qui doit rester dans l’ombre autant pour sa sécurité que celle des autres. Sans oublier bien sûr que la mangaka joue à merveille la carte du polar pour nous délivrer des enquêtes de plus en plus saisissantes. Nous nous retrouvons alors face à un manga qui ne se limite pas à faire de nous des spectateurs. Au contraire, il cherche à nous impliquer dans le raisonnement amenant à la conclusion de chaque affaire. En plus de ça, le manga joue à fond cette carte en incorporant entre la plupart des chapitres de petites énigmes à résoudre. Un plus qui permet de se mettre un peu plus dans l’ambiance de ce titre qui a déjà su proposer des mystères captivants à résoudre. Nous sommes donc face à une œuvre qui réussit habilement ses premiers pas et n’hésite pas à nous montrer un protagoniste aussi farfelu que dramatique dans sa manière d’appréhender cette passion à double tranchant. Le genre d’histoire qui peut s’étendre un long moment et surtout nous amener des affaires qui vont nous pousser à nous triturer les méninges. Un début plus que satisfaisant et qui commence déjà à installer un fil rouge ayant beaucoup de potentiel sur le long terme.
Ron Kamonohashi est donc autant un coup de cœur qu’un bonheur car il signe le retour d’une grande artiste. On se laisse facilement prendre au jeu de cet enchaînement d’enquêtes qui va autant servir à développer les diverses intrigues, personnages et univers qu’à nous impliquer dans les recherches vers la vérité. De plus, en seulement deux tomes, on a déjà le droit à une large gamme de situations montrant autant la créativité de la mangaka que la faculté de cette série à se renouveler. Tous les éléments sont en place afin que l’on soit totalement emporté par cette aventure qui nous plonge dans le quotidien de ce binôme qui n’a de cesse d’être mêlé aux pires affaires possibles. Une saga qui pourra plaire aux amoureux d’enquêtes et d’histoires policières ainsi qu’à ceux voulant suivre un tandem de choc et ayant beaucoup de potentiel en matière d’écriture. Evidemment, je ne peux m’empêcher d’avoir plusieurs questions qui me viennent en tête suite à cette découverte. Qu’est-ce qui se cache réellement derrière le problème qui hante Ron ? Va-t-il finir par commettre l’irréparable en revenant sur le devant de la scène ? Qu’est-ce que l’académie Blue va faire face à son ancien élève ? Notre jeune policier parviendra-t-il à être celui qui mettra un terme aux cauchemars de son nouveau partenaire ? J’ai déjà hâte de voir ce que nous réservent les prochains tomes.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ces deux premiers volumes de Ron Kamonohashi. Trouvez-vous que le titre arrive à proposer des affaires captivantes et surtout haletantes ? Est-ce que vous avez le sentiment que le manga arrive à impliquer le lecteur dans la résolution de chaque enquête ? Appréciez-vous tout ce qui est fait autour de nos protagonistes notamment concernant le problème qui ronge notre détective ? Etes-vous curieux de voir ce que donnera le reste du corps enseignant de l’école Blue ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 2020 Amano Akira, Shueisha