Losers T1 : la naissance d’un magazine de légende
Quand on y pense, nous sommes très souvent dans l’actualité manga avec énormément de titres qui paraissent et qui font le bonheur des lecteurs. Mais il y a encore quelques dizaines d’années au Japon, c’était encore loin d’être le cas. Et c’est une période qui est finalement très peu connue du grand public surtout occidental alors que c’est captivant de voir comment le manga a pu se développer. C’est pour ça que des titres comme celui dont je vais vous parler aujourd’hui se montrent importants pour transmettre le passé aux générations futures. Vous l’aurez compris, cette fois on va s’attarder sur “Losers – chroniques d’un magazine légendaire” chez Akata. Dès son annonce, je savais que j’allais me jeter dessus étant donné que c’est le genre de thème qui m’intéresse grandement. Mais je ne m’attendais pas, en me lançant dans cette lecture, que je puisse être autant happé par ce qui se passe et que le titre réussit à trouver un parfait combo dans sa narration et ses informations. Préparez-vous à un voyage dans le temps où quelques personnes vont se lancer dans un projet fou.
Une époque incertaine
Synopsis
1965, au Japon. À cette époque, le manga est encore considéré comme un loisir pour enfants. Mais au sein d’une petite maison d’édition installée à l’étage d’un miteux bâtiment en bois, des hommes se réunissent pour tenter de donner naissance à un nouveau type de manga. Fumito « Bunjin » Shimizu, rédacteur en chef du magazine Manga Story, repêche le premier numéro d’un fanzine amateur dans la poubelle. L’un de ses créateurs, Kazuhiko Katô, sera connu plus tard sous le pseudonyme de « Monkey Punch »… Le destin se met alors en marche !
Mangaka : Kôji Yoshimoto
Il suffit de s’attarder sur ces quelques lignes du synopsis de “Losers” pour comprendre que l’on va être dans un récit historique. Une oeuvre qui cherche à nous faire voyager dans le temps pour comprendre les débuts d’un artiste légendaire comme Kazuhiko Katô et celui d’un magazine qui va avoir un impact considérable sur l’évolution du manga. Un titre qui va alors avoir pour but de nous renseigner sur cette naissance tout en cherchant à divertir le lecteur. Un équilibre souvent difficile à atteindre, mais qui va être absolument génial au sein de ces pages.
Le fascinant parcours d’auteurs mythiques
Evidemment, je me doutais un peu dans quoi j’allais me lancer avec “Losers” suite à son annonce. Mais même en sachant ça, j’ai tout de même réussi à être surpris par ce premier volume qui a su rapidement m’accrocher à ces événements qui ont conduit à la création de ce magazine. Ce qui est en premier notable est le contexte historique servant de toile de fond à cette histoire. On nous dépeint un Japon d’après-guerre avec une toute nouvelle génération qui émerge et où les éditeurs se retrouvent coincés entre rester fidèle à ce qui plaît à leur lectorat et le besoin d’attirer ces nouveaux lecteurs potentiels. On va ainsi être plongé dans le quotidien de Fumito Shimizu où chaque jour est quasiment une incertitude sur la pérennité de son métier. Et cela se ressent à tellement de niveaux entre ce qui est dit directement et la différence qu’il peut y avoir entre sa rédaction et celle des autres magazines de cette maison d’édition. Ce récit veut clairement nous partager les réflexions de cet homme qui sait très bien qu’il est sur un fil peu épais et que la chute peut être terrible. De même, il y a aussi tout le rapport avec l’extérieur qui va jouer un rôle prédominant dans cette évolution du magazine et de la manière dont vont se construire les futures histoires qui apparaîtront au sein de ces pages. C’est tout bonnement fascinant de voir tout ça se mettre en place et d’être au contact de cette époque que l’on n’a pas forcément connue et qui semble pourtant si proche dans cet ouvrage.
Et bien sûr, il faut aussi parler de l’importance que va avoir “Monkey Punch” dans le lancement de ce projet qui pouvait être fou à cette période. Ici, le mangaka de renom derrière “Lupin III” se présente comme un jeune auteur timide, mais déterminé à faire ses preuves. Ainsi, le manga ne se focalise pas uniquement sur la partie édition, mais aussi sur ces artistes qui ont contribué à la renommée de “Manga Action”. J’adore tout le travail qui est proposé pour que l’on soit au plus près de ses personnages et de leur quotidien qui était fait d’incertitudes, de doutes, mais aussi de rêves. Cela donne encore plus d’attachement à leur égard tant on a envie de les voir réussir alors que l’on sait pertinemment quel destin grandiose les attend. On assiste à tout un pan de l’histoire du manga qui était à une étape importante où tout a progressivement basculé pour atteindre un attrait de plus en plus grand. Cette progression est magnifiquement représentée tout au long de cette lecture qui n’est pourtant que la première pierre de cette série. De même, les références sont très nombreuses et permettent d’évoquer d’autres grands auteurs qui ont tous marqué de par leurs œuvres cette époque ainsi que cette industrie permettant à leur nom de résonner encore aujourd’hui. Le dernier point où j’ai été bluffé durant ma découverte de cette licence est le fait que la narration se veut particulièrement fluide. Dans ce genre d’ouvrage, il n’est pas rare que les informations, témoignages et mise en place du contexte peuvent se montrer assez lourds. C’est le plus gros défi qui soit et qui est assez inhérent à ce type de récit et ici tout est parfaitement maîtrisé pour que l’on enchaîne les pages sans pour autant zapper le moindre détail.
“Losers : chroniques d’un magazine légendaire” est le genre de manga absolument captivant à suivre de par sa volonté d’être le témoin d’une époque qui peut sembler lointaine pour beaucoup d’entre nous. D’une richesse incroyable et regorgeant de nombreuses anecdotes intéressantes, on est pleinement plongé dans le passé de ce magazine qui a marqué l’histoire du médium. Je trouve fascinant de voir comment celui-ci a pu se construire et à quel point le contexte de l’époque était loin d’être aussi favorable pour le manga dans sa globalité. Un pur plaisir de bout en bout !
Losers ressort gagnant
Franchement, j’attendais énormément de ce premier volume de “Losers : chroniques d’un magazine légendaire” et je dois dire que je n’ai pas été déçu. Cette découverte a même été encore plus prenante que ce que je pouvais espérer. C’est absolument grisant d’assister à ce pan de l’histoire du manga au Japon. Que ce soit par rapport au contexte historique, la vision qu’il pouvait y avoir de ce médium par les lecteurs et même toute la difficulté qu’il pouvait y avoir à se faire une place dans cet environnement. Encore plus qu’un témoignage du passé de ce magazine, cette série est avant tout une fenêtre ouverte sur une période du Japon où tout était en plein bouleversement. Autant dans son message, ses personnages que ses décors, tout est maîtrisé pour que l’on ait le sentiment d’être plongé dans cette maison d’édition en oubliant tout ce qui nous entoure. Et j’ai trouvé formidable d’assister aux débuts de “Monkey Punch”. Cela permet à cette lecture d’avoir deux niveaux de lecture tout aussi captivante l’une que l’autre. On a d’un côté le point de vue de l’éditeur qui cherche à créer quelque chose de nouveau quitte à prendre un pari risqué. De l’autre, ce jeune auteur qui se lance dans une voie incertaine et qui pourtant va se donner à fond pour coller aux demandes de cet homme et perfectionner son style. Découvrir ces deux visions qui se croisent est grisant et donne envie de suivre toutes les étapes à venir concernant la mise en place de ce nouveau magazine.
Vous l’aurez donc compris en lisant ces quelques lignes, mais j’ai adoré mon aventure au sein de cette édition. Un énorme coup de cœur pour “Losers : chroniques d’un magazine légendaire”. Ce qui est génial dans ce genre de récit n’est pas tant la finalité, car on sait pertinemment où tout ça va nous conduire. C’est bel et bien tout le processus qui va amener à cette conclusion qui se montre vraiment pertinente et palpitante à suivre. D’ailleurs, j’ai aussi trouvé fantastique l’interview disponible en fin de série de “Monkey Punch” et de son frère par rapport à cette époque. De même, on a le droit à une excellente frise chronologique en conclusion de ce tome permettant de retracer les grands événements ayant rythmé cette période. Si vous êtes curieux d’en apprendre plus sur la naissance de ce magazine ou tout simplement de découvrir un pan important de l’histoire du manga alors vous serez sûrement conquis par cette lecture. A présent, j’ai tout de même quelques questions qui me viennent à l’esprit. Est-ce que l’on va assister aux futurs défis qui vont se dresser sur la route de ce magazine ? Va-t-on s’attarder sur d’autres grands mangakas ayant contribué à la renommée de ce médium ? J’ai juste envie d’avoir la suite entre mes mains pour connaître le prochain chapitre de cette incroyable aventure. Une oeuvre qui nous fait regarder en arrière pour mieux comprendre comment le marché en est venu à être aussi impressionnant.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de “Losers : chroniques d’un magazine légendaire”. Avez-vous été conquis par cette rétrospective des débuts de ce qui deviendra le célèbre “Manga Action” ? Est-ce que vous avez apprécié de découvrir toutes ces anecdotes concernant les prémices de celui-ci ainsi que sur les premiers auteurs qui vont donner sa renommée ? Trouvez-vous que le manga réussit à trouver le bon compromis entre divertissement et archives ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.