Les Tisserands de la Vérité tome 1 : la dure vie de sorciers
Il y a parfois des titres dont on n’entend quasiment jamais parler. De nouvelles licences arrivent alors que l’on ne sait que peu de chose à leur sujet. La découverte est donc totale et c’est simplement notre curiosité qui décide si oui ou non on va se lancer dans l’aventure. On a eu ce ressenti il n’y a pas si longtemps avec un manga dont on avait vu brièvement l’annonce, mais qui était finalement resté assez discret. Cela concerne Les Tisserands de la Vérité, édité chez Komikku, dont le premier volume est sorti il y a quelques jours. Nous n’avions lu qu’un très bref aperçu du synopsis et on s’est dit que cela serait l’occasion de se laisser surprendre. On était loin de se douter que cela serait une aventure aussi puissante au niveau des émotions ressenties. En nous plongeant dans un univers où la magie existe, cette œuvre souhaite nous donner un tout autre aperçu de ces gens possédant une telle capacité. Un regard sombre et tragique de ce que le fantastique peut amener dans l’esprit de ceux qui la craignent. L’heure est donc venue de suivre les leçons d’un maître pas comme les autres.
Les pestiférés de ce monde
Les Tisserands de la Vérité, scénarisé par Sakura Satô et dessiné par Hiro Inuduka, nous plonge en plein cœur du pays de Lavarta à une époque proche du Moyen-Age. Si tout semble en apparence paisible, il y a pourtant quelque chose qui ronge l’âme des gens. Ces braves citoyens, qui se démènent à la tâche pour vivre et se nourrir, ont une profonde crainte qui les anime. En effet, la peur les envahit, car ils savent pertinemment qu’il existe en ce monde des êtres loin d’être comme le commun des mortels. Ces derniers possèdent un pouvoir qu’ils appellent “magie” et font d’eux des sorciers capables de véritables miracles. Cependant, ils peuvent aussi devenir incontrôlables et ravager un lieu en un claquement de doigts. C’est cette crainte de devenir l’une de leurs victimes qui fait que ces individus sont bien loin d’être acceptés par le reste de la population. Chaque personne faisant preuve d’un certain talent en matière de sorcellerie doit absolument suivre un enseignement strict afin de ne pas se laisser déborder par ses émotions. C’est donc dans ce climat difficile que ces gens extraordinaires doivent se cacher et surtout vivre en dehors de la société sous peine de subir la fureur de la populace. Le fantastique n’aura jamais été aussi détesté et n’importe qui serait ravagé d’apprendre qu’il a ce qu’il faut pour suivre cette voie sinueuse et destructrice qu’est celle des sorciers. Cependant, si avoir des pouvoirs est déjà une souffrance en soi, le fait d’avoir une faible capacité en la matière est encore pire. Cela signifie que l’on est autant chassé d’un côté pour sa différence qu’exclu de l’autre pour sa trop grande faiblesse.
Un sort que ne connaît que trop bien Leon. Cet homme affiche de faibles pouvoirs et doit donc constamment se cacher du regard des autres pour ne pas subir de nouvelles brimades. Vivant dans une forêt épaisse en périphérie d’un modeste hameau, il gagne sa vie en tant que professeur particulier pour certains individus ayant fait preuve d’une certaine sensibilité à la magie. Il a beau ne pas être très doué pour lancer des sorts monstrueux, sa rigueur et surtout ses méthodes parviennent souvent à guider ces élèves perdus sur le bon chemin. S’étant habitué à vivre comme un paria, il ne s’attendait pas du tout à ce que sa vie prenne un tournant décisif du jour au lendemain. En effet, l’un de ses anciens camarades va venir lui rendre visite et lui demander un service. Ce dernier souhaiterait qu’il accepte un nouvel étudiant dont le potentiel est hors norme, mais qui a énormément de mal à se contrôler. Sentant que cela pourrait lui causer plus d’ennuis qu’autre chose, Leon s’apprête à dire non, mais devant tant d’insistance de la part de son ami, il ne peut qu’accepter. C’est alors qu’il va faire la connaissance de ce fameux élément perturbateur répondant au nom de Zechs. Vêtu de quelques fripes tombant en lambeaux et restant muet, le jeune garçon se présente déjà comme un cas bien compliqué. La question est maintenant de savoir si Leon parviendra à briser cette carapace qui entoure le cœur de son élève ou bien si c’est ce dernier qui causera sa perte.
Les Tisserands de la Vérité est un titre qui nous a littéralement bluffés par la manière dont ce premier volume retranscrit la dure réalité de nos nouveaux amis. On a alors une réelle empathie pour ces gens qui ont un don extraordinaire, mais qui représentent aussi une terrible menace pour le commun des mortels. Un contexte de base qui sert habilement de terreau pour venir aborder de nombreux sujets réalistes et captivants. Un voyage littéraire qui souhaite nous faire partager la souffrance de ce duo, mais aussi cette peur que peut engendrer la différence. Une thématique abordée avec efficacité tout au long de ces quelques pages.
Un excellent travail sur la différence
Il ne faut pas longtemps pour que l’on découvre le message principal se cachant derrière Les Tisserands de la Vérité. C’est justement en prenant à contre-pied le principe de la magie que ce premier tome va rapidement se démarquer des autres titres du genre. On a souvent l’habitude de voir de tels pouvoirs être source d’admiration ou bien de puissance dans la plupart des mangas. Même si cela a déjà été traité le fait que de telles capacités engendrent la méfiance, cette lecture sera parvenue à l’amener avec beaucoup d’humanité. Tout cela s’exprime à merveille au travers du quotidien de nos deux amis. D’ailleurs, ces derniers ont beau souffrir de la même image, ils posent chacun un regard différent sur ce qui l’entoure. Tout d’abord, Leon nous est présenté comme un homme marqué par cette haine qu’on voue à ceux qui sont comme lui. Il vit très mal cette scission qui le sépare des autres gens alors qu’il sait très bien se contrôler et surtout qu’il n’a aucune mauvaise intention. Bien au contraire, il est toujours là pour soigner et aider ceux dans le besoin. Malgré tout, son statut vient toujours lui rappeler à quel point il n’est rien dans ce monde. Cependant, plus que cette stigmatisation par rapport à son don, c’est surtout le fait qu’il n’a que de très faibles pouvoirs qui lui pèse dessus. On sent alors pleinement sa détresse et la dépression qui s’empare de lui en constatant qu’il ne peut être accepté dans aucun de ces deux groupes. Un homme ayant préféré s’isoler plutôt que d’essayer de changer les choses. Là encore, le mangaka fait un travail formidable pour que l’on ressente et que l’on partage cette tristesse, et même ce désarroi qui l’emporte sur tout le reste.
Concernant Zechs, on suit un tout autre chemin. Du fait de ses origines, ce jeune homme a une haine bien plus profonde du royaume dans lequel il se retrouve que les concitoyens peuvent avoir à l’égard des sorciers. En fait, on a même la sensation que le regard des autres ne le touche pas au départ tant il a déjà été détruit par la vie. Outre ça, sa très grande puissance nous éblouit et vient contrebalancer avec la faiblesse de son nouveau mentor. Il se montre souvent colérique, s’emporte aisément et agit comme un enfant. Cependant, c’est justement ce qu’il est. On est parfaitement conscient de ça et on n’arrive pas à lui en vouloir. Après tout, il est totalement perdu dans un environnement qui n’est pas le sien et où on veut faire de lui un sorcier sans même qu’il puisse donner son avis. Il y a une incompréhension de la part de tous ces gens qui dépasse le simple cadre d’humain à magicien. Zechs représente la crainte que l’on puisse avoir autant de l’inconnu que de l’étranger. Son chemin est donc encore plus violent et parsemé d’embûches. Sur ce point-là, il y a aussi un excellent travail d’écriture qui est pensé afin de montrer un contexte où les gens semblent presque inhumains et ainsi éveille en nous un sentiment d’injustice à l’égard de ce gamin. Pareil pour Leon qui souhaite juste conserver cette petite paix qu’il a pu construire au fil du temps. Ce premier volume nous montre donc à quel point il est important de se comprendre les uns les autres. L’unique moyen pour pouvoir avancer dans la même direction et c’est ce qui fait toute la beauté de ce tandem.
Les Tisserands de la Vérité est le genre de surprises que l’on apprécie énormément de découvrir. Un titre dont on ignorait beaucoup de choses et qui propose un récit aussi haletant que profondément touchant. De même, on a pris beaucoup de plaisir dans la lecture de ce premier tome à voir le lien naissant entre nos deux amis. Un premier acte qui pose habilement les bases pour la suite et cherche surtout à nous mettre face à cette haine viscérale de ce monde contre ces gens aux pouvoirs grandioses. Beaucoup de potentiel et surtout une introduction qui a su marquer notre esprit.
Les Tisserands de la Vérité entame sa leçon
Les Tisserands de la Vérité fut donc une formidable surprise. On ne parle pas uniquement du fait que l’on a apprécié la lecture, mais aussi de cette ignorance que l’on avait avant de se jeter dessus. Il est parfois intéressant de découvrir des titres dont on ne sait que peu de chose, car cela permet d’apprécier pleinement chaque élément qui constitue cette histoire. En plus de ça, le manga s’offre une introduction à la fois intelligente et émouvante où l’on a énormément d’empathie pour les divers personnages que l’on rencontre. On est tellement plongé dans une spirale infernale durant ces premières minutes que la moindre petite lueur nous réchauffe le cœur. On sent pleinement ce désir que l’on s’attache à notre duo qui a déjà subi de nombreuses épreuves et qui est encore loin d’avoir tout vu. Une collaboration qui fonctionne notamment dès lors que l’on apprend à connaître ces deux âmes perdues. Outre le fait que cette problématique d’intolérance à l’égard de ceux qui sont différents s’inscrit dans ce contexte, cela évoque bien sûr une réalité bien plus proche de la nôtre. Une réflexion intéressante et efficace où l’on réfléchit à ce sujet par le prisme de ces deux individus. La violence qui se fait ressentir dans chaque page n’est que le reflet de cette peur qui anime chaque être humain face à ce facteur inconnu et force ce dernier à agresser plutôt qu’à comprendre. La magie n’aura alors jamais été autant un poids que dans ces quelques cases qui ne laissent aucunement le temps de respirer.
Sincèrement, Les Tisserands de la Vérité a su nous séduire très rapidement autant par le thème qu’il aborde que la manière dont il l’amène. Le fait d’utiliser la sorcellerie de cette manière est toujours bien pensé et réussit à détruire cette aura spectaculaire que l’on peut avoir d’habitude dans les œuvres de fantasy. Ici, avoir un don est synonyme de malheur et le traitement subi est aussi violent qu’empreint d’une sincérité déroutante. C’est donc un très gros coup de cœur que l’on a eu pour ce premier tome qui pose rapidement ses bases et surtout laisse suffisamment d’éléments en suspens pour attiser notre curiosité concernant la suite. Si vous souhaitez découvrir un manga qui se joue des codes de la magie et s’en sert pour dénoncer un problème important alors vous devriez largement apprécier ce premier contact avec cet univers. Bien évidemment, il est impossible pour nous de quitter une lecture sans évoquer ces questions qui hantent notre esprit. Est-ce qu’il est possible de changer les mentalités par rapport aux sorciers ? Notre duo finira-t-il par trouver sa place ? Ce jeune homme parviendra-t-il à contrôler ses pouvoirs ? Son caractère sera-t-il l’élément destructeur de ce fragile équilibre ? Leon réussira-t-il à faire abstraction de cette faiblesse qui le ronge ou bien sera-t-il englouti par cette dernière ? On a très hâte de voir la suite de cette relation aussi prometteuse que terrifiante.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume des Tisserands de la Vérité. Avez-vous apprécié le fait d’utiliser la magie comme sujet de discorde et même de mise à l’écart des autres ? Trouvez-vous qu’il y a quelque chose d’intéressant à raconter à travers le périple de ce duo ? Pensez-vous que l’on assistera à une belle évolution de ces personnages qui sont rejetés par la société ? Avez-vous eu de la sympathie pour ces sorciers que tout le monde craint ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence prometteuse ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet 🙂