Beastars

Beastars T1 & 2 : quand l’animal prend la place de l’homme

C’est une nouvelle semaine d’articles qui débute et il y a une chose que l’on ne cesse de répéter. Il s’agit de la manière qu’a la culture otaku de nous étonner à travers les multiples œuvres qui voient le jour en son sein. Ce fut exactement le cas du titre que l’on va vous parler aujourd’hui et qui connaît un grand succès sur l’archipel japonais. Ce manga n’est autre que Beastars qui est venu grossir le catalogue de Ki-oon avec ses deux premiers tomes. Pour notre part, on ne savait pas grand chose de cette série et l’extrait que l’on avait pu lire avait su attiser notre curiosité. On était curieux de voir ce qu’allait bien pouvoir offrir ce récit comme expérience en prenant comme base une société régie non pas par l’être humain, mais par l’animal. Il en ressort une lecture captivante et très intéressante qui parvient à aborder et critiquer de nombreux sujets. On espère que vous êtes prêts à rejoindre des étudiants qui ont du mordant.

Une école bien étrange

Beastars-Legosi

Un coupable tout désigné.

Beastars, née sous la plume d’Itagaki Paru, nous immerge dans le quotidien des élèves de l’institut Cherryton. Au sein de ce lieu vivent en harmonie herbivores et carnivores. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer le premier exister paisiblement au côté du second. Heureusement, la consommation de viande est strictement interdite et empêche nos prédateurs de se jeter sur leurs camarades. Tout est pensé de manière à encourager cette alliance et à empêcher les accidents. Pour cela, il a par exemple été décidé d’organiser les dortoirs en fonction des deux régimes alimentaires. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce terrible jour. Le corps d’un alpaga répondant au nom de Tem est retrouvé entièrement déchiqueté et il ne fait quasiment aucun doute que le coupable ferait partie des adorateurs de chairs. La culture et la civilisation semblent au final bien incapables de retenir la véritable nature de ces êtres. Un meurtre qui va créer et attiser une ambiance de méfiance sur tout le campus.

Parmi la liste des coupables potentiels se trouve Legosi. Le fait qu’il soit un grand loup et qu’il était proche de la victime l’a rapidement propulsé au coeur des suspicions de son entourage. Pourtant, c’est quelqu’un de réservé et timide qui, derrière son allure impressionnante et terrifiante, n’est qu’un garçon ayant du mal à s’ouvrir et à discuter avec les autres. Malgré sa carrure, son attitude fait qu’il subit de plein fouet la discrimination qui l’entoure chaque jour. Le seul qui pourrait mettre un terme à toutes ces querelles et porter l’espoir dans l’école est celui qui décrochera le titre de Beastar. Ce statut signifie devenir le leader de tous les élèves et le plus proche de ce but est le cerf Louis. Ce dernier n’a d’ailleurs aucune peur à l’égard des carnivores et pense même qu’ils vont à l’encontre de leur véritable mode de vie. Le quotidien paisible de ces lycéens se retrouve bousculé suite à cet évènement qui risque de faire trembler les fondations de cet équilibre fragile.

Au moment de découvrir Beastars, on ne s’attendait pas se lancer dans un conte aussi prenant et arborant un univers aussi bien ficelé. A partir du moment où l’on met les pieds dans cette école hors du commun, il est presque impossible d’en ressortir tant on est subjugué par ce que l’on peut observer. On assiste à la lutte quotidienne de ces pensionnaires pour préserver cette paix fragile qui relie les deux camps.

Quand carnivores et herbivores cohabitent

Lorsque l’on commence à lire Beastars, on est avant tout emporté par l’univers que l’on découvre. Parcourir cet établissement où les élèves ne sont autres que des animaux suffit déjà à attirer notre regard. Finalement, tandis que notre intérêt commence à s’éveiller au contact de ces étudiants pas comme les autres, on se met à voir et comprendre les règles qui font que l’entente est possible entre les différentes espèces. De ce fait, on peut observer tout le travail réalisé par la mangaka pour proposer un environnement à la fois captivant et cohérent. S’il y a un côté fantastique à voir des bêtes prendre la place des hommes comme si de rien n’était, on peut rapidement constater qu’on est dans une histoire très humaine. C’est ainsi que l’on s’arrête sur l’un des gros points forts de l’œuvre qui n’est autre que son traitement au niveau des protagonistes. Chaque individu qui croise notre chemin s’avère bien plus complexe qu’il n’y paraît et va ajouter un côté très social à notre lecture.

Il n’y a qu’à voir le personnage de Legosi pour admirer le talent de l’auteure pour créer des acteurs forts, poignants et d’une très grande profondeur. Ce loup a beau être quelqu’un d’introverti et de très renfermé, on peut sentir et presque touché l’affrontement qui se joue dans son esprit tant l’intensité de celui-ci est palpable. Il fait tout son possible pour lutter contre sa vraie nature qui lui dicte de se jeter sur le premier camarade venu. Sa soif de chair et de sang est ce qui le représente et nous offre une image plus réaliste du loup que la facette qu’il endosse au quotidien. Il y a donc un conflit qui oppose ses pulsions primaires à son envie de vivre en société et de respecter la communauté dans laquelle il évolue. Beastars n’a pas besoin d’exprimer sa puissance à travers des scènes d’actions, car ses simples propos et cette quête identitaire est si bien ficelé que l’on est emporté littéralement dans cette aventure. D’ailleurs, cela ne se limite pas à notre technicien à fourrure mais à l’ensemble de ces êtres qui coexistent à Cherryton. Une écriture bluffante et qui fait que l’on ne relâche à aucun moment notre attention.

En plus de nous envoûter par sa galerie de personnages mémorables, Beastars est aussi une lecture qui traite de nombreux sujets de société. On est loin d’être dans un simple récit cherchant à divertir, car au travers des épreuves que vivent ces personnages on se met à réfléchir sur de multiples thématiques. Une parfaite transition de notre réalité dans un monde où l’animal tente de résister à son instinct bestial.

Une oeuvre critique et profonde

Beastars-bête

Legosi n’est pas rassurant.

Quand on s’attarde plus en détail sur le fond de Beastars, on voit très vite de nombreuses ressemblances et inspirations de notre propre société. En fait, découvrir cette dernière à travers le regard de tous ces personnages permet aussi de voir un très grand nombre de problèmes importants. On pourrait citer, par exemple, tout ce qui touche au milieu scolaire avec le harcèlement, l’exclusion de certains élèves et bien d’autres soucis qui ne sont qu’une infime partie de ce que présente le manga. On y trouve aussi une critique intéressante de ce qu’implique vivre en communauté et les sacrifices et souffrances que cela peut engendrer chez certains. On a déjà évoqué le cas de Legosi qui est obligé d’aller contre sa nature et de se renfermer sur lui-même pour ne pas laisser sa faim prendre le dessus. Si tout semble paisible et beau en apparence, la vérité est bien plus terne et froide car le fait de devoir se conformer absolument à des codes et à des moules bien spécifiques fait qu’il plane sans cesse une certaine insatisfaction chez ces animaux.

Il y a donc un fort parallèle qui se fait sentir entre ce mode de vie aseptisé et la bête qui sommeille en chacun. D’ailleurs, en seulement deux tomes, l’histoire prend une tournure inattendue en axant vraiment son scénario sur cette lutte entre les différentes facettes d’une même personne. On ressent qu’il y a un mal profond qui sommeille dans ces dortoirs et on se demande vraiment si c’est la faute uniquement des carnivores. De par ce fossé qui commence à se forger entre les deux espèces se crée une ambiance aussi déroutante que malsaine qui représente parfaitement la discrimination qui envahit chaque salle. Au-delà de la tragédie qui a frappé l’alpaga, on voit qu’il y a une souffrance bien plus grande qui ronge peu à peu le lien qui unit ces camarades de classe. On a presque l’impression que c’est la société elle-même qui est coupable de l’atmosphère pesante qui hante ces couloirs. L’animal, tout comme l’homme, fait ainsi bonne figure en public alors qu’il est rongé peu à peu par ses propres désirs qui peuvent aller bien plus loin que le bien commun.

Bien sûr, il est normal de mettre en place des règles afin que tout le monde puisse vivre en harmonie. Cependant, ce récit nous plonge presque dans l’extrême où malgré les interdits, cela n’empêche pas les gens d’avoir peur des autres. On est donc là à observer les habitudes de chacun et à voir ce qui se passe réellement en coulisses. Un peu à l’image du club de théâtre qui est au centre de toutes les discussions, le feu des projecteurs nous montre un jeu d’acteur enivrant et éblouissant alors qu’une fois hors de la scène, les masques tombent.

Beastars réveille la bête qui sommeille en nous

Beastars est clairement un titre que l’on peut juger comme atypique et original à travers tout ce qu’il nous présente. Si le premier tome sert avant tout d’introduction à l’univers et à la présentation des personnages, c’est vraiment le second volume qui nous aspire totalement dans cette histoire formidable. En plus des différentes qualités que l’on a pu évoquer tout au long de cet article, il ne faut pas oublier un autre point essentiel. Il s’agit du mystère qui entoure celui ayant commis cet effroyable crime. Itagaki Paru, en plus d’avoir su donner naissance à une scène fascinante, parvient à capter toute notre attention et à jouer avec nous. En effet, on a beau ne plus trop s’attarder sur le meurtre de Tem, la menace que représente celui qui a fait ça ne quitte jamais notre esprit. On se met donc à réfléchir et à imaginer qui pourrait bien être le coupable. Cela ne fait qu’accentuer notre intérêt pour la suite. Une série qui a plus d’une corde à son arc et dont l’avenir s’annonce palpitant à suivre.

C’est donc un grand oui de notre part concernant ce premier contact avec Beastars. Cette oeuvre serait difficile à conseiller à un type de lecteur en particulier. En effet, ce seinen touche à tellement de registres qu’il est difficile de le classer dans un genre précis. C’est aussi ce qui rend cette lecture aussi unique et qui offre une expérience totalement inédite. Un très bon exemple de ce que le manga peut proposer comme surprises. Notre loup parviendra-t-il à se libérer de ses pulsions ? Qui a osé commettre ce meurtre ? Peut-il y avoir une entente réelle entre les deux groupes ? Il y a tellement de réponses à trouver que cela nous promet de grandes choses pour les prochaines péripéties de nos étudiants. Un school life qui vogue entre de frontières en frontières pour retenir notre regard et pousser le lecteur à la réflexion. Une excellente surprise qui a un énorme potentiel.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre avis ainsi que votre ressenti sur les deux premiers tomes de Beastars. Avez-vous été convaincu par les propos traités dans cette introduction ? Avez-vous envie de connaître la suite des péripéties de Legosi et ses camarades ? Pensez-vous qu’un autre drame viendra frapper l’école ? On attend impatiemment vos réponses. 🙂

© Itagaki Paru / Akita Shoten