Le Fossoyeur tome 1 : un rôle bien lourd à porter
Il arrive souvent que l’on tombe sur des séries un peu hors du commun. Des titres obscurs qui nous happent à travers un univers glauque, mais hypnotisant. L’angoisse est alors palpable, mais on continue d’avancer malgré tout. Comme poussé par une curiosité morbide, on tourne les pages et l’on est un peu plus happé à chaque case. On a ressenti cela très récemment avec une licence inédite. Provenant tout droit du catalogue de Komikku, ce manga n’est autre que Le Fossoyeur. Cette œuvre sort tout droit de l’esprit d’un auteur bien connu de l’éditeur étant donné que ce dernier a aussi édité son premier ouvrage. On était donc impatient de voir ce qu’allait donner cette nouvelle série dont il se dégageait une aura fort singulière. Autant le dire tout de suite, on a été agréablement surpris par ce que l’on a découvert et surtout par l’écriture du personnage central. Une lecture qui repose grandement sur ce protagoniste pour qui on a une réelle sympathie par rapport à tout ce qu’il a vécu. L’heure est donc venue de suivre un jeune garçon ayant été forcé à suivre une voie bien trop sanglante.
Un héritage maudit
Le Fossoyeur, imaginé par Chihiro Watanabe, nous plonge dans un monde contemporain où tout semble aller pour le mieux. Les gens vaquent à leurs occupations sans imaginer un seul instant du danger qui les entoure. Des esprits pullulent un peu partout dans le monde et viennent parasiter l’esprit humain. S’il faut beaucoup de temps pour que ces êtres spirituels prennent totalement possession de leur hôte, la menace doit pourtant être réglée rapidement. C’est ainsi que les exorcistes sont là pour aider ces malheureux en chassant ces créatures surnaturelles. Des agents de l’ombre qui soulagent les maux du commun des mortels sans rien demander en retour. Cependant, même leurs pouvoirs ont des limites. Si leur cible se transforme en un « possédé », il est alors déjà trop tard. Devenant incontrôlables, ces pauvres âmes condamnées s’en prennent à tout ce qui leur passe sous la main. C’est alors à un autre groupe de prendre les devants. Intitulés les “Fossoyeurs”, ces combattants n’ont qu’un seul but. Ils doivent mettre un terme aux souffrances de leurs proies peu importe si cela signifie d’abréger leur vie. Ils doivent tout faire pour stopper ceux qui ont déjà franchi la “phase de la mort”. Parmi ces gens qui combattent en coulisses se trouve un jeune garçon qui ignore tout du vrai but des fossoyeurs. Son nom est Hitsugi. Cet enfant descend d’une longue lignée de ces faucheurs, mais est très loin d’imaginer ce qu’il devra faire quand son tour viendra un jour.
Faisant preuve d’une grande naïveté et d’une profonde innocence, il passe le plus clair de son temps à clamer qu’il sera comme son père. Bien sûr, ses propos ne sont forgés que par sa propre vision de cette terrible lutte. Sa famille sait très bien qu’un jour, il devra lui aussi se lancer au cœur de la mêlée. Malheureusement, sa trop grande gentillesse pourrait alors lui être fatale sur l’instant. Tandis que les exorcistes ont le beau rôle, les fossoyeurs se cantonnent à faire ce qui doit être fait sans espérer le moindre salut de leur part. La seule chose qui accompagne leurs pas est le râle de terreur et de folie qui s’échappe de leurs proies. En plus, il se pourrait bien que la famille de ce garçon cache un lourd secret. Un héritage qui est loin d’être aussi réjouissant que le jeune homme pourrait espérer. Dans ce milieu, la vie n’a que peu d’importance. Les esprits vont et viennent comme si de rien n’était tandis que les humains souffrent de leurs agissements. Il suffit alors d’un rien pour que tout bascule et que le peu de lumière qui existe au sein de cette famille soit éteinte à jamais. Hitsugi va rapidement le comprendre et découvrir de la pire des manières ce qu’il va devoir faire. Pour sauver, il faut parfois tuer. Un adage qui rythme l’existence de ces habitants de l’ombre et dont cet enfant va bientôt comprendre le sens. Voici donc le récit d’un gamin qui va connaître l’enfer pour en ressortir transformé à jamais.
Pour avoir lu sa première œuvre, on ressent très vite la patte de l’auteur dans cette seconde série. Le Fossoyeur ne cesse d’afficher cette ambiance morbide qui nous prend rapidement aux tripes. Cependant, contrairement à Pygmalion, l’horreur n’est pas immédiate. Ici, c’est avant tout l’écriture des personnages qui captive notre regard. Abordant des thématiques fortes, ce manga nous délivre une introduction à la fois frappante et déchirante. Le traitement de la mort, de la souffrance, mais aussi de la perte d’un être cher sont au cœur des préoccupations tandis que l’on ouvre les yeux sur une sombre profession.
Tuer pour sauver
Le plus grand atout de la série provient clairement de son personnage principal. Le Fossoyeur nous propose, à travers ce premier volume, un excellent travail d’écriture autour d’Hitsugi. En plus de créer un individu auquel on peut avoir une empathie certaine, le mangaka ne va pas s’arrêter là. Il va utiliser tout son concept et les événements vécus pour aborder des sujets aussi graves qu’importants. Pour en revenir à notre protagoniste, la véritable force autour de ce dernier est d’avoir confronté un simple enfant à un monde qu’il n’aurait jamais dû connaître. Ainsi, on est d’abord heureux de le voir s’imaginer suivre la même voie que son père pour chasser les esprits. Une innocence propre à ce gamin qui va en totale contradiction avec la réalité bien plus violente. Cette simple opposition est tellement bien amenée que l’on ne peut ressentir qu’une profonde détresse en voyant le moment où tout bascule. Tout est pensé pour que l’on soit effaré et surtout attristé par le fait qu’il semble impossible de se défaire de ce rôle qui force à côtoyer constamment la mort et surtout à la distribuer. Un écart efficace, et même redoutable qui permet rapidement de capter l’attention du lecteur. En plus de jouer habilement sur la figure de l’enfant qui doit franchir la ligne rouge, l’auteur va aussi raconter une autre histoire à travers Hitsugi. Le jeune homme va être l’élément déclencheur qui va apporter une thématique très forte concernant le rôle des fossoyeurs et surtout de la valeur de la vie.
Du fait qu’ils sont le dernier rempart face aux possédés, on pourrait aisément dire qu’ils sont des tueurs obligés de se salir les mains. Pourtant, au fur et à mesure que l’on suit le jeune bourreau, on ouvre les yeux sur une autre vérité. En endossant ces responsabilités, le garçon se rend compte à quel point son devoir n’est pas uniquement dans le but de protéger les autres. En tuant ceux qui ne peuvent plus revenir, il effectue aussi une libération pour ces êtres maudits. Il y a donc presque une image d’ange de la mort qui entoure ce garçon parcourant les rues à la recherche de victimes à libérer. Un statut d’une grande cruauté, mais qui est malheureusement l’unique voie présentée pour permettre à ceux qui souffrent de pouvoir trouver le repos éternel. La question de l’éthique est donc au cœur de ce sujet et surtout de l’importance de la vie face à la mort. On est constamment ballotté entre l’hésitation du moment et le fait que l’on ne nous donne aucune porte de sortie autre que celle guidée par cette lame. De même, l’évolution d’Hitsugi entre les deux grosses parties de ce tome est parfaitement pensée. On garde toujours devant nous l’image de ce garçon effrayé qui ne voulait pas en arriver là. Cette vision se confronte ainsi à ces nouvelles obligations qui l’empêchent de perdre pied suite à tout ce qui s’est passé. Le récit déchirant d’un garçon qui ne vit plus que pour un seul but, mais qui a gardé cette crainte qui le ronge. Un excellent travail d’approfondissement, d’écriture, mais aussi de mise en scène tout au long de ce premier volume.
En s’attardant sur Le Fossoyeur, on se demandait où allait nous emmener l’auteur. Finalement, le résultat est plus que probant et on a été bluffé par ce qui nous est raconté. Un récit qui joue sur les codes de l’horreur tout en y ajoutant une dimension action remarquable. On est alors totalement emporté par le combat que mène Hitsugi qui a un fardeau bien trop lourd à porter. Un protagoniste qui nous fascine par rapport à ce qu’il nous fait ressentir. Une lutte sans merci qui ne devrait jamais reposer sur les épaules de cet enfant. Une existence condamnée où l’unique moyen de sauver des vies est d’en tuer d’autres.
Le Fossoyeur prépare ses outils
Ce fut une formidable surprise que de découvrir Le Fossoyeur. On avait encore en tête la première œuvre de l’auteur en nous plongeant dans cette série. Pourtant, l’horreur ici ne prend pas une proportion énorme pour le moment. Le gore laisse la place à un récit qui souhaite avant tout sublimer la personnalité et l’histoire de ses personnages. C’est alors une véritable réussite pour Hitsugi qui ne cesse de nous faire ressentir tout un tas d’émotions. Un protagoniste que l’on suit avec un regard triste tant on aurait aimé le voir embrasser une autre cause que celle-ci. Le mangaka construit son introduction en deux actes efficaces ayant chacun accompli leur rôle. Dans un premier lieu, ce volume introduit parfaitement tout le concept autour des fossoyeurs et surtout le déclic qui va amener cet enfant sur cette voie dangereuse. Ensuite, on a le droit à un rapide développement de l’intrigue, mais qui n’est jamais fait dans la précipitation. On a constamment le droit à un formidable enrichissement de l’écriture. Cela permet au scénario de ne pas s’axer uniquement sur le combat en cours, mais d’amener d’autres questions sur la table. Il y a donc autant une volonté de divertir que de faire réfléchir à travers les tourments de ce combattant qui n’a plus que son métier pour tenir. Un manga dont on ignorait beaucoup de choses et qui a su nous offrir un moment d’évasion et surtout de fascination pour la plume de l’auteur. Bien évidemment, il y a quelques scènes assez violentes et le titre n’est donc pas à mettre entre toutes les mains.
Le Fossoyeur a démontré qu’il avait les outils nécessaires et surtout une richesse d’écriture permettant de proposer une aventure courte et intense. Au vu de tout ce que l’on apprend au sein de cette introduction, on se dit que le format en quatre volumes est largement suffisant. A voir jusqu’où veut nous guider l’auteur, mais il a su éveiller notre intérêt pour la suite. Si vous aimez les récits assez morbides avec un protagoniste fascinant dans ce qu’il symbolise alors vous devriez trouver votre plaisir ici. En plus, on nous laisse sur un suspens insoutenable et qui peut totalement faire basculer l’histoire dans une direction encore plus forte et dramatique. Une épopée qui démarre sur les chapeaux de roues et dont on espère que le future sera du même calibre. Il y a largement de quoi proposer une intrigue nous prenant aux tripes et nous amenant sur des terrains complexes et saisissants. Bien sûr, on ne peut terminer un tome sans parler des nombreuses interrogations qui nous accompagnent. Est-ce que Hitsugi va finir par être emporté par ses émotions ? Sa peur et ses doutes prendront-ils le dessus sur tout le reste ? Deviendra-t-il finalement un fossoyeur se détachant totalement de son travail ? Qu’est-ce qui est à l’origine de l’expansion des possédés ? Tout cela ne fait que renforcer notre excitation à l’idée de découvrir la suite de cette épopée funeste.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier contact avec Le Fossoyeur. Avez-vous apprécié la manière dont l’histoire traite ses personnages ? Trouvez-vous qu’il y a un sujet intéressant qui découle de tout ce récit ? Ressentez-vous une profonde empathie pour ce jeune homme et son acolyte ? Pensez-vous qu’il réussira à tenir ce rôle malgré toutes les difficultés qui se présentent ? Croyez-vous que ce qui est en train de se dessiner va totalement bousculer la vision de Hitsugi ? Qu’attendez-vous pour la suite de cette licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.