Tomie : le cauchemar refait surface
Quand on parle de certains grands monuments du manga, que ce soit en matière de mangaka ou d’œuvres, il y a un domaine où un nom est indissociable. Il s’agit de celui de l’horreur et dont l’un des plus grands représentants n’est autre que Junji Ito. Ce maître du genre a su toute sa carrière nous offrir des récits qui dépassent la notion d’effroi de base pour nous proposer des histoires où elle se mélange à une beauté terrifiante. C’est chez Mangetsu que son titre phare refait surface à travers une nouvelle édition de Tomie. Première pierre d’une future collection à son honneur, ce classique est donc revenu il y a de cela quelques jours. L’occasion parfaite pour nous de vous parler de ce titre qui ne cesse d’évoluer au fil du temps et de nous offrir de nouvelles sources d’interprétations. Le mythe de cette jeune séductrice, devenue un être condamné à mourir sans cesse en semant le chaos derrière elle, n’a rien perdu de sa superbe. Un récit unique en son genre et dont on vous délivre aujourd’hui notre propre analyse de ce chef-d’œuvre de l’horreur. L’heure est donc venue d’aller à la rencontre des diverses apparitions de cette monstruosité attirante.
La malédiction de cette jeune femme
Tomie, imaginé par Junji Ito, nous conte le récit de cette entité démoniaque prenant la forme d’une femme de toute beauté. Mais qui est donc Tomie ? Beaucoup se posent la question et ceux qui ont croisé sa route ne sont plus là pour en parler ou bien ils ont totalement perdu l’esprit. Il faut dire que l’on ne ressort jamais intact d’une rencontre avec le mal incarné. Reconnaissable aisément par ses longs cheveux fins et son grain de beauté sous l’œil gauche, elle hante l’esprit de bon nombre de gens. Sa simple vue attise les passions chez tous les hommes qui posent le regard sur elle. Une créature hypnotique dont la gent masculine ne peut résister et finit par sombrer à ses charmes malgré sa personnalité de princesse pourrie gâtée. Cependant, il n’existe qu’un pas entre l’amour et la folie. C’est souvent ce qui arrive à ceux qui décident de devenir les serviteurs de ce monstre qui ne peuvent empêcher des pulsions meurtrières de jaillir en eux. Pourtant, cette volonté de tuer n’est pas à l’égard des autres, mais bel et bien envers Tomie. Le destin funeste et inéluctable de cette dernière semble être de faire tourner les têtes jusqu’à finalement se retrouver poignardé, lacéré et tué par ceux dont le cœur ne bat plus que pour elle. Les jouets se retournent contre leur marionnettiste avant de finalement sombrer dans un abysse encore plus profond. Malheureusement, ce n’est pas comme ça que l’on peut se débarrasser de cette femme à la beauté éternelle.
L’œuvre du maître de l’effroi Junji Ito souhaite donc nous faire aller d’une résurrection à l’autre de cette entité qui dépasse l’entendement de l’être humain. Un voyageur du temps que rien ne peut stopper et dont chaque apparition finit inéluctablement par créer un véritable bain de sang. Souvent femme fatale, parfois simple amas de chair et revêtant aussi d’autres formes, Tomie est toujours présente quelque part sans forcément que l’on n’y fasse attention. Une virée qui nous plonge dans la psyché de cette ancienne adolescente dont l’enveloppe a finalement refait surface et dont la beauté est une arme à double tranchant. Prisonnière de son propre destin funeste, le monstre donne alors l’impression de vouloir embarquer le plus de victimes à ses côtés avant de finalement sombrer dans l’oubli. Le lit de sang qui se forme alors autour d’elle n’est qu’une brève accalmie avant que son retour ne se fasse et que ses pouvoirs grandissent. Voici donc le récit de cet esprit qui se nourrit de l’amour, mais aussi de l’appétit sexuel de ces hommes qui ne peuvent résister bien longtemps à son appel. Au même titre que les sirènes, Tomie les ensorcèle de son visage et de sa voix avant de les emporter avec elle au plus profond des abysses où la noirceur finit toujours par ravager l’esprit de ceux qui s’y perdent. Mieux vaut alors fuir loin d’elle si jamais celle-ci se dresse sur votre route, car sinon il sera impossible d’échapper à ses griffes.
Tomie a beau installer un petit fil rouge au tout début, celui-ci va très rapidement se défaire pour laisser place à une succession d’apparitions de la part de cet être qui dépasse la compréhension humaine. Chacun de ces chapitres va alors nous amener au contact de la jeune femme dont on ne peut détacher le regard même en comprenant l’horreur qui se cache derrière. Un être aussi angoissant que fascinant dont la forte personnalité ne va faire que se renforcer au fil des pages. On va alors chercher à mieux comprendre ce qui l’entoure et l’effet qu’elle a sur les gens qui croisent sa route.
Un monstre qui souffre
Il est très difficile de parler de Tomie au sens de simple lecture. En effet, ce manga est avant tout porté par son personnage principal qui n’est autre que cet antagoniste omniprésent. On peut même dire que c’est elle qui est l’âme de cet ouvrage et dont on ne peut détourner le regard. C’est pour ça que notre analyse ne va pas se tourner sur la construction du récit qui suit les diverses réincarnations de la demoiselle, mais bel et bien de l’écriture de cette dernière. Si ce titre est aussi marquant pour ceux qui l’ont lu, c’est justement parce qu’ils font face à un être qui dépasse l’entendement et dont chaque apparition se grave dans notre esprit. On a beau nous la présenter comme une enfant gâtée qui refuse qu’on l’ignore, elle n’en reste pas moins une menace bien présente et qui pourtant ne tue jamais de ses propres mains. Ce qui fait sa principale force, c’est cet attrait que l’on a pour elle sans même le vouloir. Au même titre que ses proies, on ne peut s’empêcher de contempler cette créature dont la beauté n’a d’égale que sa monstruosité. Il semble presque impossible de pouvoir résister à son pouvoir et c’est ce côté inéluctable qui la rend si terrifiante en dehors de ses diverses métamorphoses. Le fait de savoir que l’on ne peut rien faire pour la contrer ne fait que renforcer l’aura qui l’englobe. Mais ce qui fait aussi tout l’intérêt de Tomie c’est qu’elle est autant le mal incarné qu’une victime. Comme pour payer le prix de son ego et de sa beauté, elle est condamnée à subir sans cesse le même sort.
Ainsi, on sait pertinemment que la jeune femme va finir par subir le contrecoup de ses atouts. L’amour se transforme en haine et ses prétendants finissent par vouloir la convoiter même dans sa chair. Cette escalade dans la folie est aussi bien retranscrite tout au long de cet ouvrage qui ne cesse d’aller plus loin dans celle-ci. Manipulation, horreur organique, peur viscérale et autres apparitions vont ainsi de pair avec cette animosité qui naît au sein des hommes qui croisent sa route. De même, le gore n’est pas le principal levier de cette épopée horrifique. Le premier aspect qui contribue à nourrir notre peur tout au long de la lecture est cette emprise que cette créature a sur les gens. En dehors de ça, il s’agit bien évidemment de tous ces instants où Tomie abandonne son enveloppe charnelle pour montrer ce qu’elle est réellement. Là aussi, il y a une montée en puissance qui s’organise tout au long du manga. Ce qui était déjà sinistre dans les premières pages ne devient qu’une infime partie de la terreur qu’insuffle cet être à la toute fin de l’œuvre. Tout ceci contribue à faire naître cette atmosphère qui s’empare de nous et nous oblige à tourner les pages sans même que l’on se rende compte comme si l’on était aussi sous l’emprise de Tomie. Une créature qui ne peut disparaître, mais qui est aussi consciente de sa véritable apparence. Un visage qu’elle ne veut dévoiler, car cela irait à l’encontre de ce qu’elle désire au plus profond d’elle, prisonnière de cette volonté d’être belle, mais dont la laideur se dévoile à travers le miroir.
A chaque fois que l’on s’attarde sur Tomie, on se rend compte à quel point cette œuvre est d’une grande richesse. Bien évidemment, le schéma ne cesse de se répéter d’un chapitre à l’autre et l’on sait pertinemment ce qu’il va finir par arriver. Cependant, il y a une telle escalade dans l’horreur et dans le côté viscéral de ce personnage que l’on ne peut s’arrêter de tourner les pages pour observer les agissements de cette créature surnaturelle. Certaines histoires nous toucheront plus que d’autre, mais elles ont toutes un point commun. Il s’agit de cet attrait que l’on peut avoir pour cette figure mythique de l’effroi qui est à la fois prédateur et proie.
Tomie n’a rien perdu de sa superbe
Il est clair que Tomie est aujourd’hui l’un des piliers du genre horrifique et son auteur l’un des virtuoses de cet univers. Cependant, cela fut vraiment intéressant de se replonger dans cet ouvrage grâce à cette édition, car cela nous a permis de poser un autre regard sur ce personnage qui nous faisait peur auparavant, mais qui maintenant est bien plus que ça. De par sa malédiction qui affecte autant son entourage qu’elle-même, on a pu voir cette créature sous un autre jour. Une approche bien plus pertinente de ce qu’elle représente et surtout de ce qu’elle insuffle chez les gens du récit ainsi que chez le spectateur. En dehors de ça, l’édition de Mangetsu est excellente et l’on admire tout le travail qui fut accompli afin de retranscrire au mieux l’ambiance du livre sur l’ensemble de l’ouvrage. La magie de l’effroi opère toujours autant même après toutes ces années et l’on est même encore plus hypnotisé par ce qui se passe maintenant que l’on entrevoit toutes les subtilités propres à ce personnage qui dépasse l’entendement humain. Une entité qui ne cessera jamais de hanter l’esprit des gens et qui fait maintenant partie de la culture populaire auprès de bon nombre de lecteurs et spectateurs. Un récit qui nous saisit du début jusqu’à la fin sans jamais relâcher son emprise sur nous tandis que le visage de cette femme s’inscrit dans notre esprit comme pour lui permettre de continuer à vivre même en dehors de ces pages.
Tomie est une œuvre majeure qui est aussi un gros coup de cœur pour nous. On a découvert Junji Ito à travers cette histoire et cela nous a permis d’entrevoir une autre forme de peur que pouvait faire véhiculer un manga. Une frayeur viscérale qui s’empare de nous dès les premières pages et qui est renforcée par le fait que l’on sait pertinemment ce qui nous attend. Un destin inéluctable que l’on observe consciencieusement et qui nous entraîne dans une boucle sans fin. Si vous n’avez jamais lu ce titre, on ne peut que le recommander à ceux qui aiment l’horreur, mais aussi ceux qui sont curieux de voir ce qui se cache derrière ce personnage culte. Un classique qui n’a rien perdu de sa superbe et qui a le droit à une renaissance de très haute volée à travers le travail qui fut fait tout autour de ce tome. On ne peut évidemment pas se poser de questions par rapport au futur de Tomie étant donné que l’on sait pertinemment qu’elle continuera à hanter les rêves de bon nombre de personnes. Même si on n’est plus là pour l’observer, cette jeune femme ne disparaîtra jamais réellement et continuera de vivre en tous ceux qui ont découvert sa légende. Il est donc grand temps de refermer le rideau, mais soyons prudent. Après tout, rien ne dit que le fantôme de cette femme ne reviendra pas pour laisser de nouveau son empreinte dans le coeur des fans.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis sur Tomie. Pour ceux qui connaissent déjà l’œuvre, avez-vous trouvé cette édition sublimée ? Trouvez-vous que la force de ce personnage légendaire est toujours aussi présente ? Pour ceux qui découvrent cet ouvrage pour la première fois, avez-vous été fasciné par cette créature vengeresse ? Pensez-vous que l’on a ici un être symbolique qui réussit habilement à semer la discorde jusqu’à finalement en faire les frais ? Voyez-vous tout ce que l’auteur a su insuffler à ce personnage qui réussit même à lui échapper un peu tant elle est fascinante ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.