Clevatess tome 1 : La bête, l’héroïne et le bébé
La dark-fantasy est un genre qui n’est pas aussi présent qu’on pourrait le croire dans le paysage manga. Même s’il est vrai qu’il y a de très grands noms dans ce domaine, c’est un type de récit toujours difficile à mettre en place par rapport à tout ce que cela peut raconter. Malgré tout, il est toujours génial de voir une œuvre de ce genre faire son apparition surtout quand elle amène un univers à la fois prometteur et particulièrement intense. Ce fut justement le cas très récemment pour nous avec un titre qui sort aujourd’hui. Il s’agit tout bonnement de Clevatess qui a fait son apparition dans le catalogue de Ki-oon. Réalisé par l’auteur derrière Dimension W, ce titre avait éveillé notre intérêt. En effet, ayant adoré sa précédente série, on avait envie de voir ce qu’il allait bien donner en nous amenant dans ce style d’histoire. Après lecture, le résultat est plus que probant au vu de ce que ce monde à la fois sinistre et terrifiant est capable d’engendrer comme sentiments et messages. Une virée qui fut à la fois saisissante et sinistre par bien des aspects. Il est donc grand temps de prendre son courage à deux mains et de suivre le seigneur des bêtes démoniaques.
L’éveil du monstre
Clevatess, imaginé par Yuji Iwahara, nous emmène sur le territoire d’Edthea. Ce continent a depuis longtemps été colonisé par divers peuples qui se sont divisés en cinq puissantes nations. Elles semblent mener une vie plutôt paisible même si quelques tensions subsistent entre certains camps. Cependant, le plus grand danger qui plane sur la population de ces forces ne réside pas dans une puissance voisine, mais se situe au-delà de leurs frontières. Si les royaumes se sont arrêtés dans leur expansion, c’est qu’il y a une raison tout à fait valable à cela. Il s’agit de la présence des bêtes démoniaques qui rôdent dans les terres sauvages. Elles sont les véritables dirigeantes de ce monde même si elles ne se sont jamais immiscées dans les affaires des autres êtres vivants. Cependant, tout ça va changer le jour où une troupe de héros va entrer sur le territoire du puissant démon Clevatess. Désireux d’en venir à bout, ils se jettent sur lui afin de l’éliminer. Cela faisait bien longtemps que cette créature ne s’était confrontée à des humains, mais il ne lui fallut que quelques secondes pour en venir à bout. Malgré tout, un détail va venir troubler son esprit quand il constate que les armes de ces envahisseurs sont parvenues à égratigner ses cornes. Sans perdre de temps, il décide de mener un assaut sur la capitale de cette puissance qui a osé troubler son repos. A vrai dire, il se demande même pourquoi ils ont tenté de s’en prendre à lui alors qu’il n’avait rien commis à leur égard.
Il décide donc de faire un exemple de cette majestueuse cité en la rayant de la carte comme s’il ne s’agissait que d’un château de sable. Avant d’en finir une bonne fois pour toutes avec cette trace humaine, il retrouve le seigneur de ces terres et décide de lui poser les questions qui le hantent. Malheureusement, aucune réponse ne sortira de sa bouche et il finit par disparaître sous la puissance de ce monstre. A présent que sa colère est vivace, Clevatess se demande s’il ne devrait pas en finir une bonne fois pour toutes avec ces humains. Mais c’est alors qu’une rencontre va radicalement changer son opinion. C’est sous les décombres du palais qu’il découvre un survivant blessé qui lui supplie de sauver le bébé qui est avec lui. Totalement réfractaire au départ face à cette proposition, il est à deux doigts de délivrer le même sort à ce nouveau-né qu’à ceux qui ont osé se dresser sur sa route. C’est au moment précis où il s’apprête à passer à l’acte qu’une idée germe dans son esprit. En s’occupant de ce nourrisson, il pourrait mieux cerner l’être humain et si ce peuple mérite d’être gracié de son courroux ou non. C’est donc avec un nouvel intérêt dans le regard qu’il finit par emporter ce bambin et de le ramener chez lui. Personne en ce monde ne se doute un seul instant que cette cohabitation va radicalement changer le destin de tout le continent et des gens qui y vivent. Est-ce que la fin des temps est venue pour toutes les races qui peuplent ces terres ? La paix est-elle encore possible pour ce seigneur des bêtes démoniaques dont la puissance a suffi à mettre à mal toute une nation ? Seul le temps le dira…
Avec son postulat de départ nous amenant vers la dark-fantasy, Clevatess va nous délivrer une lecture remarquable par sa manière de donner vie à cet univers. On veut nous montrer ici un monde qui semble en paix, mais qui pourtant est loin d’être aussi réjouissant qu’on pourrait le croire. Un périple où la mort est omniprésente et où un seul être peut mettre fin à l’existence de milliers d’autres. On est alors pris à la gorge en voyant tout ce qui se passe entre ces pages et surtout la manière dont l’auteur va jouer la carte de la noirceur humaine. Un récit où l’antagoniste est bien plus nuancé qu’il n’y paraît.
Un monde sans pitié
Ce qui fait tout l’attrait de ce premier tome de Clevatess vient de l’excellente utilisation de l’univers pour renforcer l’histoire. Ainsi, on s’aventure dans un monde qui semble ordonné de prime abord, mais qui cache en réalité de nombreuses souffrances et inégalités. Le fait de suivre tout ça à travers le regard de ce seigneur des bêtes démoniaques est très important, car nous ne sommes pas du côté des êtres humains, mais bel et bien de l’entité qui est considérée comme le mal absolu. Pourtant, on se rend rapidement compte que ce portrait qui est dépeint de lui est loin de la vérité. En réalité, on fait face à une créature redoutable, mais qui ne cherche nullement à s’en prendre au reste du monde. C’est parce que l’on est venu le traquer jusque chez lui qu’il décide de libérer son courroux. Ainsi, ce manga veut nous montrer que l’angoisse ne vient pas forcément du surnaturel, mais de ce que les êtres doués de conscience peuvent commettre quand la peur prend le dessus. C’est pour ça que l’on est autant interpellé par la manière dont l’auteur nous amène à partager la même vision que ce monstre qui cherche à mieux cerner la personnalité de ces êtres vivants. En dehors de ça, ce premier volume va aussi grandement contribuer à mettre en place une atmosphère qui nous prend aux tripes. Plus on progresse dans cette lecture et plus on est en contact avec la noirceur de ces terres.
Encore une fois, l’effroi que l’on va ressentir ne vient pas tellement de l’aspect fantasy du titre, mais des hommes et de leur capacité à commettre les pires immondices. On aborde ainsi un autre point essentiel de la série qui concerne les personnages. Si l’on a déjà pu parler de notre figure centrale, les autres individus gravitant autour de celui-ci ne sont pas en reste. Ce qui est remarquable, c’est qu’il suffit de quelques instants pour cerner toutes les souffrances qu’a pu engendrer une âme perdue au sein de ces terres. C’est encore plus flagrant dans la seconde partie de cet ouvrage. On veut justement que l’on ressente un profond dégoût pour tous ces monstres du quotidien qui détruisent des vies et n’hésitent pas à profiter des autres pour leur plaisir personnel ou leur quête de gloire. Quand on prend du recul sur ce premier volume, on voit que l’auteur a su créer un environnement hostile et collant à cette image de la dark-fantasy, mais sans que cela soit flagrant au premier abord. On s’enfonce progressivement dans les limbes de ces pages et ce n’est qu’une fois que l’on est devant l’horreur de certaines scènes que l’on prend conscience du danger. Un remarquable travail d’écriture et de mise en scène à ce niveau et qui va contribuer à l’immersion du spectateur. Les bases sont posées et l’on sait maintenant l’enfer qui se cache derrière ces contrées où le pire peut arriver.
Avec cette virée à la fois sanglante et envoûtante, Clevatess réussit son pari d’accrocher le lecteur à travers son premier tome. Le style graphique si particulier de l’auteur convient très bien à ce récit et l’atmosphère oppressante qui se construit au fil des pages finit de nous immerger sur ces terres. On est au contact d’une partie de la pourriture qui ronge ce monde et cela nous fait réfléchir, tout autant que notre cher démon, sur la nature humaine. Une introduction efficace et qui parvient à poser les bases d’un univers grandiose et prometteur par rapport à son lore. On est face à un voyage qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Clevatess plante ses crocs
Autant le dire tout de suite, on a vraiment adoré cette première excursion dans le monde de Clevatess. Qu’il s’agisse de l’ambiance générale du récit ou bien de ce qui est raconté, on a le droit à une belle entrée en matière. Il est vrai que par son genre de récit dark-fantasy, ce manga peut offrir des scènes assez crues et violentes qui font partie intégrante de l’identité de cette épopée. On veut justement nous montrer à quel point vivre sur ces terres est loin d’être aussi facile qu’on nous le laisse supposer par instant. Les grandes cités cachent une corruption certaine et c’est surtout l’ambition et le profit qui régissent ces grandes puissances. En faisant du monstre dont tout le monde a peur le personnage principal, le mangaka veut justement que notre regard quitte le côté humain pour entrevoir celui des bêtes démoniaques. Ainsi, on prend conscience du fait qu’il est sûrement celui qui semble être le plus droit dans sa vision de l’existence. Un être qui aurait pu se cantonner à son territoire, mais dont la peur nourrissant le cœur des hommes a fini par réveiller. En réalité, on a le droit ici à une série qui nous montre presque l’anéantissement possible de l’Homme par ses propres actes. Un parti-pris captivant et qui va contribuer à l’atmosphère générale de cette lecture où l’on se demande si ce seigneur des bêtes peut croire en la bonté humaine ou bien se cantonner à la décadence qu’il voit. Des premiers pas prometteurs sur un continent qui n’a pas fini de nous surprendre par la noirceur qui le ronge. A travers cette lecture, le monstre que l’on nous décrit n’est pas forcément celui que l’on pointe du doigt.
C’est donc une franche réussite que l’on a pu découvrir au travers de ce premier volume de Clevatess. Au départ, on ne se doutait pas trop que le manga puisse nous tenir autant en haleine. Pourtant, l’auteur a su aisément mettre en place les fondations de son histoire pour que l’on plonge tout de suite dans le cœur du sujet qui n’est autre que l’observation de la nature humaine. D’ailleurs, il est intéressant de voir que le seigneur des bêtes démoniaques prend presque, au fil du récit, la place du spectateur. Tout autant que nous, il contemple ce que l’on nous présente et ce n’est qu’au terminus de son voyage qu’il finira par pleinement entrer en action pour choisir l’avenir de ce monde. Un réel bonheur que de se replonger dans de la dark-fantasy, car derrière la brutalité des scènes que l’on peut voir se dissimule un message très fort sur ce que chaque être humain est capable de faire pour subvenir à ses bas instincts. C’est au milieu de ce chaos sans nom que l’on peut aussi déceler une légère lueur de pureté qu’il faut alors préserver de cette perdition. Un récit qui plaira aux fans du genre et à tous ceux souhaitant se lancer dans une épopée sombre et sanglante mettant en lumière tous les aspects de l’âme humaine. Maintenant, il est l’heure de poser les fameuses questions qui nous viennent à l’esprit à la conclusion de ce premier volume. Peut-il y avoir une maigre chance que Clevatess ne fasse pas s’abattre son courroux sur ce continent ? Va-t-il trouver un peu d’espoir auprès de cet enfant qu’il a recueilli ? Son périple sur ces terres le conduira-t-il à faire des rencontres qui changeront son existence ? Quel destin attend ce nourrisson qui n’a plus aucune patrie ? Il faudra attendre pour avoir les réponses à ces interrogations.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Clevatess. Trouvez-vous que le mangaka a parfaitement su retranscrire la violence de ce monde et l’effroi qui peut s’en exprimer ? Est-ce que le destin de nos trois protagonistes a su vous interpeller et vous donner envie de voir la suite de leur périple ? Trouvez-vous qu’il y a un univers intéressant qui se construit au fil de ces premières pages ? Pensez-vous qu’il peut y avoir un développement surprenant de la part de cette bête cachée parmi les hommes ? Qu’attendez-vous pour le futur de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.