Kweena l’électron libre
Vous l’avez compris avec mes précédentes chroniques, je suis actuellement en train de traiter de chaque personnage qui compose notre équipe dans FFIX. Un épisode que j’aime énormément et où chaque nouvelle session me donne l’impression de découvrir des choses inédites. Il faut dire que cet opus ne cesse de nous épater à travers son écriture soignée et surtout tout ce qui gravite autour de nos héros. Après avoir parlé de Steiner et de son combat contre sa loyauté aveugle, il est grand temps d’aborder un autre personnage de ce groupe. Il est vrai qu’il reste pas mal de compagnons à parler et pourtant, j’avais envie de m’attarder sur celle qui est sûrement la plus détestée ou incomprise de ce jeu et dont l’appétit est féroce. Les connaisseurs savent déjà de qui il s’agit au vu de cette description. Il s’agit de Kweena, un membre véritablement atypique dans cet opus, mais aussi dans toute la licence Final Fantasy. Pourtant, derrière cet être au physique singulier et à la personnalité assez loufoque se cache un protagoniste loin d’être inintéressant. Une combattante qui dénote brillamment au sein de cette aventure. L’heure est donc venue de l’accompagner dans son périple culinaire.
Oh, une grenouille !
Ce qui est important de savoir avant tout chose sur Kweena, c’est qu’elle peut faire son entrée dans l’équipe à deux moments précis. Avant de la recruter officiellement, il est possible de l’avoir avec soi dès l’instant où l’on quitte Lindblum pour la première fois. Pour cela, il faut se rendre au marais des Kwe et l’aider à attraper une grenouille pour qu’ensuite son mentor lui demande de quitter cet endroit pour parcourir le monde. Voilà déjà quelque chose de très intéressant concernant cette créature. Contrairement aux autres personnages qui ponctuent l’histoire et vont constituer notre groupe, elle n’est aucunement liée à l’intrigue ou au contexte politique qui se joue sur ces terres. Bien au contraire, Kweena n’a vraiment aucun intérêt sur ce qui se passe en dehors de sa petite sphère qui se limite principalement à manger de nouveaux plats. D’ailleurs, sa quête personnelle peut sembler bien légère par rapport à l’aventure que l’on vit. Cela donne lieu à des scènes improbables où la tension est palpable, mais où elle va se contenter de se demander ce qu’elle pourrait bien engloutir. Ainsi, là où chacun va tenter de venir en aide à cet univers en proie au chaos, notre sujet du jour est beaucoup plus centré sur elle-même dans un premier temps. On peut même se demander ce qu’elle peut bien faire avec nous étant donné qu’elle pourrait totalement suivre sa propre route sans jamais avoir besoin de notre aide. En plus de ça, tout a été pensé pour faire de Kweena un personnage plus comique qu’autre chose que ce soit dans son attitude ou son look.
En effet, on fait face à un être qui semble être un croisement entre un clown et un crapaud. C’est vrai que FFIX affiche énormément de races différentes, mais même dans cette diversité des espèces, ce personnage sort de la masse. On se demande inéluctablement ce qu’elle est réellement même si ses congénères sont tout de même assez présents dans notre aventure. Après tout, Bibi a été recueilli par l’un d’entre eux et a joué un grand rôle dans cette liberté qu’il a pu se construire. Pourtant, même au sein des Kwe, elle fait office d’exception en ayant une personnalité très légère et uniquement focalisée sur son objectif. Le délire est poussé à son paroxysme étant donné que l’arme de Kweena n’est autre qu’une fourchette et que pour apprendre ses sorts, elle est forcée de manger certains ennemis. Son obsession pour la nourriture influence donc sa manière de combattre et tout ça constitue l’identité de cette guerrière et magicienne. D’ailleurs, elle joue le rôle du mage bleu si l’on reprend les classes bien connues de la saga. Quand on y réfléchit, c’est vrai que le contraste qu’elle provoque alors que le moment où elle débarque est censé être très fort et violent peut interpeller le joueur. On se demande quel est son intérêt dans le développement de l’histoire au-delà de l’aspect simplement comique de répétition qu’elle endosse. C’est là qu’il est important de s’attarder sur ce rapport si particulier que beaucoup de joueurs ont eu avec ce personnage qui a su faire débat.
Un personnage qui fait débat
Alors là, il est temps d’attaquer le cœur du sujet concernant Kweena qui est l’appréciation très mitigée de ce personnage de la part des joueurs. Dans les Final Fantasy, il n’est pas rare d’avoir un membre de l’équipe qui amène une petite touche de comédie à une aventure qui se veut avant tout extrêmement sérieuse. On peut citer Yuffie et son envie de chaparder toutes les matérias, Zell et son caractère un peu trop fonceur ou même Tidus qui contrebalance le sérieux du pèlerinage de FFX par son incompréhension de ce monde. Ainsi, ce n’est pas rare d’avoir de l’humour, mais tous ces individus vont pourtant avoir un rôle important à jouer dans l’intrigue et vont réussir à nous faire aller au-delà des quelques gags pour montrer toute la richesse de leur écriture. Concernant Kweena, on a constamment cette impression qu’il n’y a pas ce passage où le sérieux prend le pas sur cette figure décalée qu’elle représente. De ce fait, le joueur est souvent obligé de voir ce membre de l’équipe faire un peu tâche tout au long de cette épopée. Cela est encore plus accentué par les enjeux particulièrement grands et les thèmes sombres que ce neuvième opus aborde. Ce qui est dérangeant, c’est que la personne tenant à la manette a cette sensation qu’il s’agit juste d’une blague qui vient casser par moment la tension qui s’installe tout au long de notre voyage. Pour ne rien arranger, il y a bien sûr sa façon de combattre et même son design qui viennent peser dans la balance. Pourtant, c’est un personnage très puissant et intéressant quand on prend le temps d’obtenir toutes les magies qu’elle peut acquérir.
Il semble donc tout à fait compréhensible que l’on puisse observer une distance se faire entre Kweena et les joueurs. D’ailleurs, même le mini-jeu lié à sa quête personnelle vient souvent temporiser l’action le temps d’aller récupérer quelques grenouilles dans les divers marais de ce monde. Bien évidemment, tout cela est optionnel, mais fait partie de l’expérience de ce membre de l’équipe. C’est ainsi que cette petite haine à l’égard de ce Kwe a vu le jour au fil du temps et que l’on a constamment cette mise à l’écart qui est faite entre elle et le reste du groupe. Pourtant, s’il est vrai que la nature presque parodique de cette dernière est bien présente, cela ne signifie pas pour autant qu’elle est inutile. Si l’on a évoqué un peu plus haut ses atouts sur le champ de bataille, on peut aussi aller plus loin par rapport à son écriture. En fait, si l’on prend la peine de reculer un petit peu pour mieux observer ses interventions, on peut se rendre compte de pas mal de choses. Derrière ses allures de clown peut se cacher un message très important pour le joueur et les autres protagonistes. La simplicité avec laquelle elle observe le monde pourrait bien être la solution à pas mal de problèmes. Ce n’est pas pour rien que la phrase qui symbolise Kweena n’est autre que “Je fais ce que je veux. Ça te dérange ?”. Une inconnue dans cette immense équation qu’est Final Fantasy IX et qui ne dévoile ses élans d’intérêts qu’une fois que l’on tend l’oreille à ses propos et surtout à ce qu’elle représente au sein de cette équipe. Et s’il était temps de voir ce qui se cache derrière cette combattante à l’appétit féroce ? Alors que tout le monde est obnubilé par les horreurs de ce monde, une personne se concentre avant tout sur ce qui fait la beauté de ces terres à ses yeux.
La véritable force de Kweena
On va le dire tout de suite, Kweena est un personnage bien plus intéressant qu’il n’y paraît au vu du contexte propre à l’histoire, mais aussi aux autres personnalités de l’équipe. C’est tout à fait vrai que cette créature a une vision très restreinte du monde. C’est d’ailleurs pour cette raison que son mentor demande à Djidane de l’accepter parmi eux. Une manière pour elle d’ouvrir son champ des possibilités et de ne pas se limiter à ce simple marais. Rien que ce petit passage va nous présenter le dilemme interne de Kweena. Un être qui a toujours connu le même endroit et qui n’a absolument aucune idée de ce qui se cache au loin. A ses yeux, ce périple est autant une manière de quitter son cocon que de s’ouvrir à des expériences inédites toujours en rapport avec le monde culinaire. Une escapade gastronomique qui se fait en parallèle de notre objectif de sauver le monde. Si l’on peut ainsi cerner un peu mieux ce qu’elle représente, ce n’est qu’une toute petite partie de son écriture. En effet, Kweena symbolise cet appel à quitter sa sphère de confort pour tester de nouvelles choses. La peur de l’inconnu est présente, mais est aussi rapidement contrebalancée par son insatiable curiosité et surtout cette forme de simplicité qui la caractérise. Évidemment, ce dernier élément peut agacer quand on la voit avoir du mal à comprendre les enjeux découlant de tout ce périple. Pourtant, c’est ce qui fait aussi sa plus grande force et qui va grandement impacter le reste de l’équipe. Dans un sens, comme elle ignore tout de ce qui se passe sur ces terres et qu’elle s’en moque un peu, elle se concentre avant tout sur ce qui est essentiel pour elle. Il s’agit donc d’un protagoniste qui n’a que faire des convenances et veut avant tout accomplir son rêve et aider ses amis.
C’est là que l’on touche toute la beauté de l’écriture de Kweena. Là où tout le monde se prend la tête par rapport à ces guerres, aux questions identitaires, mais aussi sur l’existence elle-même, cette combattante envoie valdinguer tout ça. Il suffit de voir certains de ses échanges avec d’autres membres de l’équipe pour prendre conscience de ça. C’est vrai qu’elle n’a pas la plus grande présence qui soit, mais cela suffit amplement pour nous ouvrir les yeux sur tout ce qu’elle est. C’est pour ça que sa phrase est aussi bien trouvée. Elle fait ce qui lui plaît sans avoir la moindre crainte du regard des autres ou se poser des questions qui dépassent sa compréhension. Elle se focalise sur ce qui est devant elle sans jamais aller à l’encontre de ses principes. En plus de ça, Kweena est une actrice qui est très loin de rester sur place. Au départ, elle ne cesse de répéter à tout bout de champ si ce qu’elle trouve est comestible ou non. Une période qui montre son ignorance de son environnement et où elle se concentre sur l’objet premier de sa sortie de son foyer. Ce n’est qu’en luttant aux côtés de Djidane et des autres qu’elle va faire preuve d’un esprit de camaraderie particulièrement fort. Après tout, à quoi cela sert de dévorer de succulents plats si l’on ne peut pas le partager avec ses proches. Elle prend conscience de l’importance des autres dans son appréciation de tout ce qui gravite autour d’elle. Un raisonnement qui peut sembler léger par rapport aux problèmes des autres, mais qui en réalité nous montre que la vie c’est aussi des petits plaisirs. Elle apporte au groupe une vision directe de ce qui est réellement important en envoyant balader tous les autres problèmes. Parfois, la meilleure réponse est bien plus simple qu’on pourrait le croire. C’est ce que nous dit Kweena à travers ses actes et ses paroles.
Une forme de liberté
Derrière un caractère pouvant sembler burlesque et un physique clownesque, Kweena est bien loin d’être aussi anodine qu’on pourrait le croire. C’est exact qu’elle apporte une scission entre l’intensité du récit et ses propres intentions. Mais c’est aussi ce qui fait la force de son personnage. Très rapidement, FFIX se présente comme une fresque gigantesque où les nations se querellent et où les morts sont innombrables. Un opus bien sombre et où un membre de l’équipe va apporter un peu de distance pour que l’on ne sombre pas dans le drame constant. Une coéquipière dont les facéties nous rappellent que la vie ce n’est pas uniquement se battre. C’est aussi profiter de ce qu’elle peut offrir. Même si ici tout est présenté à travers le prisme de la nourriture, il s’agit juste d’une raison valable comme une autre d’avancer. Sa recherche de nouvelles saveurs est la manière de Kweena pour atteindre un bonheur qui lui convient parfaitement. Evidemment, cela nous paraît dérisoire par rapport à la teneur du scénario. Mais c’est cette banalité qui rend son sens aussi fort et profond. Finalement, la Kwe envoie juste tous ses ennemis balader pour se concentrer sur ceux qui ont vraiment besoin de son aide, mais aussi de sa propre personne. Une gloutonne qui peut nous donner le sourire et qui va permettre de désamorcer des situations qui pouvaient rapidement devenir étouffantes pour les autres personnages. Dans un sens, cette légèreté avec laquelle elle aborde la vie est une excellente manière de venir en aide à ses amis. Un rappel que parfois, il n’est pas nécessaire de se prendre la tête et qu’il faut savourer les petits instants présents pour mieux entrevoir l’avenir.
Quand on aborde ce compagnon sous cet angle, on se dit finalement qu’elle a totalement sa place dans cette aventure vidéoludique. Elle joue un rôle crucial pour permettre à l’esprit de ses camarades, mais aussi à celui du joueur, de ne pas succomber à trop de noirceur. Même si pour cela elle est détestée, peu lui importe. Après tout, si elle arrive à créer autant d’émules c’est que dans un sens elle est parvenue à son objectif. J’avais vraiment à cœur dans cette chronique de montrer que derrière sa carrure si particulière, Kweena est un personnage bien loin d’être aussi énervant qu’on peut le croire la première fois que l’on joue au titre. Tout comme le reste du casting, elle a des choses à nous transmettre et aussi son propre chemin à suivre afin de grandir. Un être qui prône la liberté par-dessus tout et dont les frasques ne font que consolider cette symbolique. L’avenir de ces continents est important, mais elle nous rappelle qu’il est aussi nécessaire de se recentrer sur nous-même et sur ce qui est juste devant nous pour pouvoir avancer. Finalement, Kweena est un personnage qui a su rentrer dans les mémoires que ce soit en bons ou en mauvais termes avec le joueur. Un mage bleu qui continuera sans nul doute de faire débat et c’est ce qui fait l’essence de son identité. On a tous notre manière de percevoir un individu et c’est aussi ce qui fait la beauté du paysage vidéoludique. J’espère en tout cas que cette chronique vous aura plu et qu’elle vous aura amené un autre regard sur ce membre de l’équipe. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en commentaires. On se retrouve très vite pour un autre compagnon à analyser.
Excellente chronique, de qualité première !
Cette réflexion autour du personnage de Kweena était vraiment agréable à lire. Il est vrai que j’aurais apprécié un peu plus de profondeur pour elle (dans le sens où que la race des Kwe soit davantage explorée) mais elle reste un personnage que j’apprécie beaucoup.
Parlons déjà de ces magies bleues ! Vachement utiles ! Angélique est une bénédiction pour Gaïa, Mother et Pakaho permettent la victoire et Worchester, accessible dès le CD1, peut se révéler super utile.
Ensuite, quant à sa personne en elle-même, tu soulignes super bien le fait qu’elle apporte la touche de légèreté dans l’équipe. La vie est complexe et cette complexité est bien dépeinte dans FFIX où chaque personnage est une facette de la vie. Ainsi, Kweena, c’est cette simplicité. On pourrait la juger décalée mais elle reste nécessaire pourtant.
Enfin, je reviens sur ses dernières répliques face à Darkness : « Quand je rentrerai, je ferai à manger pour tout le monde ! » Pour un Kwe, pour ces amateurs de la cuisine, je trouve que ça signifie beaucoup. Kweena est un membre de l’équipe qui a pleinement sa place !
Merci encore pour cette chronique !
Super article ! Je viens de me refaire une session ff9 et c’est véritablement mon preféré des anciennes générations. Concernant kweena, j’avais pas particulièrement d’accroches car vu qu’elle est optionnelle dans la première partie du jeu, on voit bien qu’elle est artificiellement incrustée dans les scènes et je trouve que ça contribue au fait qu’elle ne soit pas aimée.
Mais c’est vrai qu’elle apporte énormément au récit sombre et tristement beau ( pour ne citer quebibi T.T) de ff9
en contrebalançant avec l’intensité et les enjeux du scénario.
Merci beaucoup pour tes mots !!
Cela me touche beaucoup et je suis heureux d’avoir pu mettre en avant l’importance de Kweena 🙂