Ex Nihilo tome 1 et 2 : A la recherche du monde réel
Si l’on apprécie énormément les séries longues qui prennent le temps de développer leur histoire, il y a aussi d’excellentes surprises dans des sagas plus courtes. Du fait du format, cela pousse forcément l’auteur derrière l’histoire à devoir adapter son intrigue pour réussir à exprimer tout ce qu’il souhaite. Cela peut donner lieu à de très belles épopées comme ce fut le cas récemment dans nos dernières découvertes. En effet, c’est chez Pika que l’on a pu découvrir une saga qui débute en même temps qu’elle se termine avec les deux volumes constituant son récit. Il s’agit de Ex Nihilo qui sort justement aujourd’hui. Ce titre fait partie de cette catégorie de mangas dont on avait vu passer l’annonce, mais où on ne savait pas trop où cela voulait nous emmener. C’est donc par curiosité que l’on s’est jeté dessus et encore une fois quel plaisir de se lancer dans une épopée dont on ignore tout. Cela a permis de pleinement apprécier tout ce qui était proposé et surtout de poser les yeux sur un périple qui va aborder des sujets très intéressants. Il est donc grand temps de partir vers un monde qui cache de lourds secrets.
Un quotidien qui vire au cauchemar
Ex Nihilo, imaginé par Shinji Mito, nous fait suivre le quotidien du jeune Yukari Kamono. Ce dernier est un étudiant tout ce qu’il y a de plus normal et qui s’avère même assez effacé en cours ou avec les autres. En réalité, il a constamment l’impression que tout le monde fait partie du décor et il ne fait même plus attention à eux. La seule personne avec laquelle il arrive à discuter normalement est Nao, son amie de longue date. Alors qu’il n’aspire qu’à préserver cette quiétude qui l’anime chaque jour, tout va être bousculé du jour au lendemain. Sans rien comprendre à ce qu’il se passe, le voilà en train de se faire attaquer par une imposante créature blanche. Ne faisant aucun cas des dommages collatéraux, cet être le traque sans relâche et semble bien décidé à mettre fin à ses jours. La peur et l’incompréhension se mélangent en lui tandis qu’il tente de comprendre pourquoi tout ça lui arrive. La réponse va se trouver dans l’apparition d’une mystérieuse demoiselle qui va lui venir en aide. Se présentant sous le nom d’Anya, celle-ci lui demande pourquoi il ne combat pas alors qu’il a le pouvoir de le faire. Encore une fois, Yukari ne comprend absolument rien à ce qu’elle dit et ne désire que rentrer chez lui. Sa nouvelle camarade va alors lui faire une révélation qui va bousculer toute son existence. Elle déclare qu’il est comme elle, un créateur ayant la faculté de créer tout ce qu’il désire. Un pouvoir immense, mais qui s’avère aussi particulièrement épuisant pour ceux n’ayant pas l’habitude de l’utiliser.
C’est justement parce qu’il est un créateur qu’il se retrouve poursuivi par cette entité qui semble avoir été envoyée par un autre de leur congénère. Même en ayant ces informations, Kamono ne peut s’empêcher de croire que tout ça n’est qu’un cauchemar et qu’il va bientôt se réveiller. C’est uniquement à travers les mots d’Anya qu’il va finalement comprendre que tout ça n’a rien d’un songe. Tout ceci est bien réel et il lui faut maintenant prendre une décision capitale pour sa survie. Compte-t-il se cacher en espérant ne plus être la cible de ses ennemis ou bien prendre les armes ? Mais ce qu’il ignore au moment où il s’apprête à faire son choix, c’est que la menace est bien plus grande qu’il ne le croit. Tout ce qui semblait réel à ses yeux commence à s’effriter et il ouvre peu à peu sa conscience à ce qu’il est vraiment. Le monde s’apprête à devenir un sinistre terrain de jeu pour ces êtres qui dépassent la compréhension humaine. A l’image de divinités pouvant tout façonner, ils se lancent dans un conflit qui risque fort d’avoir d’immenses répercussions sur les fondations de cet univers, mais aussi de leur perception de la réalité. Ce qui devait être une journée banale est maintenant un enfer sans nom où des adolescents se lancent dans une lutte à mort. Yukari a encore du mal à accepter tout ça, mais il est clair que s’il ne fait rien, son avenir sera bien sombre et court. La balle est maintenant dans son camp et lui seul peut décider de ce qu’il va en faire.
Il est vrai qu’au premier abord, il peut être difficile de voir ce que veut exprimer le scénario de Ex Nihilo. Mais c’est justement en se lançant dans les premiers chapitres que l’on prend peu à peu conscience de tout ce qui se construit autour des personnages. Ainsi, on fait face à un fil rouge qui va rapidement se complexifier et nous donner ce sentiment d’être perdu au même titre que le protagoniste. Une volonté de tromper nos repères pour finalement nous guider vers une vérité qui va briller par l’idée autour de ces personnages. On ouvre alors les yeux sur la portée que prend toute cette affaire.
Une ingéniosité derrière les créateurs
Il ne faut pas longtemps à Ex Nihilo pour transformer le quotidien de notre protagoniste pour qu’il se retrouve face à ce qu’il est réellement. C’est à cet instant précis que lui et le lecteur vont être aspiré dans une spirale infernale où l’on cherche à se raccrocher à la moindre information obtenue. On sent que ce chaos ambiant et le fait de ne pas savoir ce qui se passe au départ sont faits exprès afin que l’on se rapproche de ce jeune homme qui n’a rien demandé de tout ça. Au moment où le mot créateur est utilisé, l’œuvre bascule dans une toute autre dimension et le surnaturel prend rapidement le pas. Derrière ce statut se cache en réalité une brillante idée de la part de l’auteur afin de donner énormément de puissance à ses protagonistes tout en amenant aussi une forte charge à porter. En effet, le fait de permettre à ces adolescents d’avoir le don de créer tout ce qu’ils veulent est à la fois une aubaine pour eux qu’un véritable calvaire. Si l’on pourrait croire qu’ils sont tout puissants au vu de leur immense pouvoir, c’est aussi ce qui les a poussés à vivre caché ou bien à être capturé pour qu’il ne puisse nullement faire appel à ce qui sommeille au plus profond d’eux. Les rapprochant presque d’un statut d’être divin, ils sont aussi des proies dans ce monde qui pourtant est comme un jouet entre leurs mains. Dès l’instant où ils prennent conscience de leur statut, il n’y a plus de retour en arrière.
On veut ainsi nous montrer le côté inéluctable de ce sillon destructeur qui se forme derrière eux à partir du moment où ils font usage de leurs capacités. Yukari est dans le même cas étant donné que c’est en apprenant ce qu’il est qu’il va être embarqué dans cette lutte pour survivre. Mais ça ne s’arrête pas là, car ce manga se présente aussi comme une représentation très forte de cette crainte de l’inconnu. Avec un tel don, il est normal de craindre que celui-ci soit employé pour un mauvais usage. C’est encore plus vrai quand celui-ci se trouve entre les mains de jeunes personnes qui peuvent ignorer la portée de leurs actes. Le terme créateur est donc autant une bénédiction qu’une malédiction en fonction du regard de ces élus qui souhaitent juste vivre une vie paisible. On nous montre tout au long de ces volumes à quel point ce pouvoir qui sommeille en eux est bien plus un fardeau qu’un atout. Une manière de nous faire réfléchir aussi sur ce qui est important au-delà de la puissance. En réalité, les personnages que l’on suit ont tous vu leur vie être détruite par cette capacité et tout ce qu’il reste maintenant, c’est le souvenir d’instants à jamais disparus. En prenant ce parti-pris, l’auteur donne énormément de profondeur à chacun de ses acteurs afin que l’on puisse avoir de l’empathie pour chacun d’eux, même pour ceux qui semblent être néfastes à première vue.
Si l’auteur fait preuve d’une incroyable ingéniosité autour de ces personnages, de leur pouvoir, mais aussi de la symbolique autour, il y a un autre élément à prendre en compte. Il s’agit tout bonnement de ce que Ex Nihilo réussit à proposer en matière de réflexion sur l’enfance. Un sujet très intéressant qui va ensuite découler sur la vie elle-même et l’avenir incertain propre à chacun. A travers cette quête de la vérité, on va être ébahi par la pertinence de tout ce qui est proposé et surtout par la puissance émotionnelle qui s’en dégage. Cela se ressent dès lors que l’on prend conscience de tout ce qui est véhiculé au sein de ces pages.
Un traitement pertinent de l’enfance
La question de l’enfance est un sujet qui revient fréquemment tout au long des deux volumes d’Ex Nihilo. Tout d’abord, il y a la comparaison entre ces créateurs presque omnipotents et un enfant qui s’amuse à créer son propre univers. Un rapprochement très fort et qui n’est pas sans raison quand on s’attarde sur l’intrigue du manga ainsi que sur la personnalité de nos protagonistes. En fait, plus on progresse dans le récit et plus on se rend compte que les gens que l’on suit ne sont en réalité que des enfants ayant été privés d’une jeunesse à rire et à s’amuser. En naissant en tant que l’une de ces entités, cela signifie une traque constante et surtout une impossibilité d’espérer d’avoir une vie comme tout le monde. A chacun de nos pas dans cette aventure, on est témoin de ça et cela appuie sur la corde sensible du spectateur qui ressent leurs souffrances. Tout ce qu’ils peuvent faire maintenant, c’est utiliser leur don pour tenter de réécrire les événements. Mais cela entraîne forcément des questions morales et surtout fait perdre tous ses repères à ceux qui vivent sur cette planète. Un pouvoir qui peut accomplir des miracles, mais où tout est en réalité factice. Si les apparences peuvent changer, le cœur de ces adolescents ne peut accepter cela. Ce qui est fait ne peut plus être corrigé et il y a donc une forme de fatalité qui s’exprime tout au long de cette lecture.
Pourtant, cela ne signifie pas pour autant que l’auteur veut nous plonger dans un drame pur et simple. Il nous distille aussi une forme d’espoir dans le fait que la vie est faite de hauts et de bas. Les souffrances font malheureusement partie de l’existence de chacun et il faut réussir à avancer pour continuer. Cette volonté de progresser et surtout d’accepter le passé pour enfin se tourner vers l’avenir est brillamment mise en scène tout au long de la série. On est face à une épopée qui veut nous faire prendre conscience du temps qui s’est écoulé et du chemin qu’il reste à parcourir. Même quand c’est difficile et éprouvant, il faut faire de son mieux pour continuer sa route. Si la douleur sera toujours bien présente, elle fera partie de la personne qui devra vivre avec tout en tournant la page. C’est en ayant privé ou ayant fait soufferts ces “créateurs” par rapport à un don qu’ils n’ont jamais voulu que ces enfants ont fini par se rebeller pour simplement trouver le bonheur même si celui-ci est une production éphémère de leur pouvoir. C’est en les voyant se débattre coûte que coûte que l’on ouvre les yeux sur toute la détresse qui s’exprime à travers ces dessins. Des émotions fortes qui sont parfaitement retranscrites et qui affectent grandement la manière dont on va aborder l’œuvre dans son ensemble. Ce qui se présentait au départ comme un récit presque catastrophe où luttent des êtres surpuissants s’est transformé en un récit psychologique et émotionnel où le désespoir fait partie intégrante de la vie de ces personnages.
On ignorait totalement que derrière Ex Nihilo pouvait se cacher autant de sujets pertinents. En seulement deux volumes, le mangaka réussit à nous émouvoir, nous en mettre plein la vue et aussi à nous faire nous attacher à ces jeunes gens cherchant juste à vivre en paix. Des ouvrages assez conséquents, mais où tout s’enchaîne sans que l’on n’ait l’impression de piétiner sur place. Le lecteur suit cette course contre la montre pour simplement retrouver ces instants de bonheur qu’ils ont perdus ou alors jamais connus. C’est une bien belle surprise qui combine habilement chaque élément pour un résultat prenant.
Ex Nihilo façonne son propre univers
Avec Ex Nihilo, on a pu vivre une expérience littéraire particulièrement marquante autant par le parti-pris de l’auteur que par rapport aux thèmes abordés. On n’imaginait pas une seule seconde que ce récit puisse aller aussi loin dans son discours en seulement deux volumes et pourtant ce fut le cas. Ainsi, on a été constamment surpris tout au long de notre avancée autant par le développement de l’intrigue que l’évolution des personnages. Sachant très bien où il voulait amener ces derniers, le mangaka a su nous tenir en haleine et construire un monde qui a du sens. Il est vrai que le récit peut dérouter un peu au départ, mais cela fait partie intégrante de cette aventure qui veut nous donner ce sentiment de ne pas tout comprendre pour que chaque renseignement se transforme en une branche à laquelle se raccrocher. Un choix audacieux, mais qui fonctionne à merveille et donne vie à une courte et intense épopée. On se laisse alors guider par ce jeune homme qui voit sa vie être détruite et qui doit dès à présent prendre les armes pour survivre ou bien dire adieu à tout ce qu’il a pu connaître. Le manga a beau proposer des réflexions profondes et captivantes, il est aussi empreint d’une très grande humanité qui nous fait nous questionner sur la vie et sur nous-même. C’est en tout cas une belle petite réussite qui n’a clairement pas besoin de plus, à nos yeux, pour s’emparer du spectateur.
C’est donc, vous l’aurez compris, un beau petit coup de cœur que l’on a eu pour Ex Nihilo. Un récit qui nous questionne constamment tout en arrivant à nous tenir en haleine concernant le destin de ces créateurs. Niveau dessin, on a aussi le droit à certaines planches magnifiques qui soulignent la puissance démesurée de ces humains pouvant se mettre à la place de dieu. Le mangaka est aussi parvenu à trouver ce juste équilibre entre des personnages impressionnants et des adolescents dont on se sent proche. Si vous aimez les histoires surnaturelles et philosophiques alors vous devriez largement apprécier cette série. En plus de ça, on a directement toutes les cartes en main étant donné que les deux tomes sortent en même temps. Normalement, on devrait se poser bien des questions, mais ici nous avons déjà toutes nos réponses. On va juste laisser notre imaginaire vagabonder et réfléchir à ce qu’il pourrait bien advenir de tous ces individus que l’on a rencontrés le temps de ce voyage. Peu importe la durée d’une épopée si celle-ci sait comment nous interpeller.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant cette série en deux volumes qu’est Ex Nihilo. Avez-vous apprécié tout ce qui a pu être raconté au travers de cette licence ? Trouvez-vous que ces deux tomes suffisent amplement à exprimer tout le potentiel de cette histoire ? Est-ce que vous avez apprécié tout ce qui a été façonné autour de ces personnages qui luttent pour simplement exister ? Auriez-vous préféré que la série puisse s’étendre un peu plus longtemps ? Avez-vous été marqué par les thèmes traités ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
Cet auteur a déjà écrit « Alma » récit SF en 4 tomes qui était aussi aboutit au sujet de la question « qu’est-ce qui fait de nous un humain? ».
Avec des persos très travaillés, des décors soignés et un bon scenario.
ex-nihilo semble être de la même trempe, c’est pourquoi je vais me jeter dessus.
Oui, les thématiques sont traitées avec brio et on sent cette envie d’approfondir le même sujet, mais sous un point de vue différent ^^
J’espère que tu aimeras 🙂