Mibu Gishi Den-Vol.1-2

Mibu Gishi Den tome 1 : le récit d’un épéiste pas comme les autres

A chaque fois qu’un nouveau titre historique est annoncé, notre âme de fan s’éveille en étant impatient de pouvoir mettre les mains dessus. Ce qui est bien dans ce genre si spécifique, c’est que la partie historique peut totalement être traitée de plusieurs manières différentes. C’est exactement le cas avec le titre dont on va parler aujourd’hui et qui nous provient tout droit du catalogue de Mangetsu. Il s’agit de Mibu Gishi Den dont le premier tome sort aujourd’hui. Nous plongeant à l’époque du Shinsen Gumi, on était très intrigué de voir comment cette part importante de l’Histoire du Japon allait être traitée surtout que l’on avait déjà le droit à beaucoup d’œuvres sur ce thème. On a alors rapidement pu comprendre vers où voulait nous emmener cette série qui va utiliser son décor d’époque pour non pas mettre l’accent sur les événements importants ayant marqué cette période, mais bel et bien de se concentrer sur un personnage et sa manière d’évoluer et d’interagir dans un tel contexte. Une idée intéressante qui va rapidement exprimer toute sa force dans cette introduction. L’heure est donc venue de partir à la rencontre d’un homme pour qui vivre n’a pas de prix.

Le déserteur qui voulait vivre

Mibu Gishi Den Vol.1Mibu Gishi Den, scénarisé par Jirô Asada et dessiné par Takumi Nagayasu, nous emmène au Japon en 1868. Alors que le pays est en proie au chaos, le Shinsen Gumi fait de son mieux pour tenir face à un ennemi toujours plus imposant. Les défaites s’enchaînent et beaucoup pensent que leur fin est proche et qu’il faut attendre cette conclusion avec les honneurs propres à la voie qu’ils ont choisie. Cependant, il y a un homme parmi ces guerriers qui ne l’entend pas de cette oreille. Ce dernier n’est autre que Kan’ichirô Toshimura, un épéiste reconnu et ayant déjà éliminé bien des ennemis. Pour cet homme, les combats qu’il a vécus et la mort qu’il a tant de fois apporté à ses opposants ont fini par hanter chacun de ses pas. Ne voulant pas courir en direction de sa fin, il va prendre une décision contraire à la voie du bushido. Il décide de fuir le champ de bataille alors qu’il est profondément blessé à la suite à ses dernières confrontations. S’avançant dans le froid glacial de l’hiver, il tient le coup en repensant à sa femme et ses enfants qu’il n’a pas revu depuis si longtemps. Même si le chemin pour les rejoindre est long et éprouvant, il se raccroche à l’espoir de revoir un jour leur sourire et de pouvoir terminer son existence à leurs côtés. Mais en attendant, le voilà frigorifié et démuni dans une ville où il n’est clairement pas le bienvenu. Que lui réserve donc ce chemin qu’il a suivi en préférant se déshonorer plutôt que de lâcher son dernier souffle ?

Une question qui le hante, mais qui se superpose aussi aux souvenirs qu’il a du bon vieux temps. Avant même qu’il ne soit embarqué dans toute cette affaire, il n’était qu’un gamin sans le sou qui avait compris que pour s’en sortir, s’instruire et s’entraîner étaient les meilleures options. C’est donc après de nombreuses années à étudier et à s’exercer qu’il a pu devenir cette fine lame qui fera même trembler les plus grands duellistes du Shinsen Gumi. Alors en pleine expansion à l’époque, ce groupe cherchait à recruter de nouveaux membres pour renforcer leurs rangs. Se disant que ce serait un bon moyen de gagner de quoi nourrir et combler ses proches, Toshimura décida de partir de sa campagne et d’entamer un long voyage jusqu’à la capitale. C’est là qu’il intégra ce groupe qui prit très vite conscience de l’étendue de ses compétences. Surnommé par certains le “Démon” ou bien “l’Egorgeur”, il faisait trembler alliés comme ennemis dès lors qu’il sortait son katana de son fourreau. Voici donc le récit de ce combattant qui a accepté d’endosser les pires insultes et le poids de tant de vies ôtées dans le seul but de venir en aide à sa famille et à lui-même. Un chemin qui le poussa à commettre l’irréparable et dont il refusa de faire l’ultime sacrifice. Alors que beaucoup pourraient le qualifier de traître ou bien de lâche, Toshimura est avant tout un homme qui suit des valeurs qui lui sont propres et dont les contradictions dans son attitude et son discours font partie intégrante de ses multiples facettes.

Quand on s’attarde sur ce synopsis, on se rend compte que Mibu Gishi Den veut non pas nous exposer des faits historiques, mais utiliser ces derniers pour présenter la psychologie d’un homme diamétralement différent de ses camarades. Cette histoire est avant tout celle de ce guerrier qui a toujours pensé à l’argent avant tout et surtout à son besoin de préserver sa vie peu importe ce qu’il devrait faire. Une attitude bien loin de ce que l’on peut attendre d’un samouraï, mais dont on arrive à comprendre les motivations dès lors que l’on s’attarde quelques minutes sur son discours.

Un homme aux multiples facettes

Comme on a pu le dire un peu plus haut, Mibu Gishi Den est une œuvre qui va avant tout articuler ses propos autour du personnage de Toshimura. Cela va autant se présenter dans la première partie du manga en nous amenant directement à sa rencontre que par la suite au travers de certains témoignages. Ainsi, si l’on est intéressé par tout le contexte historique et politique de l’époque, c’est bel et bien ce protagoniste qui va être au centre du récit. Très rapidement, on comprend que l’on est face à un homme qui est loin d’offrir une belle image de lui. Blessé et fuyant le chaos du champ de bataille, il se décrit lui-même comme un déserteur qui a préféré se concentrer sur sa survie plutôt que de se battre pour un idéal qu’il ne partageait pas. Cela peut sembler déroutant de prime abord étant donné que l’on est devant un personnage qui est tout le contraire de ce qu’il est censé refléter en portant cet uniforme. De même, toute la première partie de ce volume est un exemple d’écriture et de narration qui va jouer habilement sur ce contraste entre sa vision du monde et celle des autres qui ne peuvent accepter la présence d’un déserteur. En fait, tout le récit va opposer deux mondes avec d’un côté notre cher épéiste et de l’autre l’ensemble de cette société japonaise centré sur des valeurs fortes comme l’honneur et la loyauté. Des principes importants et que l’on admire, mais qui ne font pas partie du vocabulaire de Toshimura. 

Ce n’est pas qu’il est une mauvaise personne capable de poignarder les gens dans le dos. En réalité, derrière l’image du redoutable guerrier qui l’entoure, on veut nous montrer qu’il est avant tout un homme avec ses failles et ses peurs dont la plus grande est de mourir. Comme il le dit si bien, combattre pour l’honneur ne conduit finalement qu’à périr par l’épée et non à subsister. A ses yeux, il ne comprend tout simplement pas ces gens qui suivent un tel code alors que pour lui rien n’est plus précieux que la vie elle-même. Pour la protéger, il a même été jusqu’à la retirer de ses adversaires. Cette histoire brille par cette sincérité qui déborde de ses propos et qui fait que l’on ne peut réellement le voir comme une personne ne vivant que dans le déshonneur. Dans un sens, on nous montre la détermination dont il est capable quand il s’agit de lutter pour sa propre existence. Un discours qui peut nous toucher étant donné que l’on nous montre à travers son personnage que mourir selon la voie du guerrier signifie quoi qu’il arrive de ne plus exister. Les honneurs et le prestige ne servent à rien une fois que la personne n’est plus et pour Toshimura, le plus important est de savourer cette existence que l’on soit un combattant ou un simple paysan. Il est fascinant d’avoir donné le rôle principal de ce manga à un tel individu qui contraste avec tout ce que l’on a l’habitude de lire dans ce type de récit. Un contrepied qui fonctionne parfaitement et nous amène tout bonnement à suivre le mode de vie d’un homme qui a choisi cette voie non pas pour être auréolé de gloire, mais simplement pour nourrir et offrir un meilleur confort aux gens qu’il aime.

Mibu Gishi Den est une œuvre que l’on peut clairement qualifier de profondément humaine. En focalisant notre attention sur notre protagoniste, son ressenti sur cette époque de troubles et les témoignages de ceux qui l’ont connu, notre regard ne peut plus se détacher de lui. Un épéiste redoutable, mais dont l’esprit est avant tout tourné vers ses proches et sa propre personne. On fait face à la biographie d’une personne qui voulait simplement réussir pour s’en sortir et qui a finalement été entraînée dans un conflit qui le dépasse. Une fresque à la fois guerrière et touchante qui nous laisse avec beaucoup de réflexion.

Mibu Gishi Den et sa vision du guerrier

Il est fascinant de voir deux artistes unir leur talent pour nous proposer une fresque historique au service de l’humain. On sent que l’on ne veut pas nous montrer notre protagoniste comme un homme mauvais, mais plus comme un individu qui a toujours cherché à avoir de l’argent pour subvenir à ses besoins et qui a fini par emprunter une voie dans l’unique but de proposer un mode de vie plus luxueux aux siens. Un personnage qui évolue en décalage par rapport à ses compères, et même à l’époque dans laquelle il vit. Pourtant, son raisonnement, et même sa vision des choses ne sont pas dénués de sens et l’on peut tout à fait comprendre ses réelles motivations qui sont avant tout dirigées vers sa famille plutôt que vers un idéal politique ou un honneur qui ne lui permet pas de se nourrir. Voilà en quoi Mibu Gishi Den nous propose un premier volume absolument captivant et qui va en plus être porté par des dessins sublimes qui vont autant sublimer les scènes d’actions que les moments de contemplation tout en donnant plus d’impact aux dires de notre figure centrale. Alors qu’il a vécu aux côtés de grands hommes comme Kondo ou bien Hijikata, Toshimura est un homme qui peut sembler plein de contradictions, mais qui pourtant a un raisonnement très simple et sincère. Dans un contexte où pour s’en sortir il fallait souvent prendre le chemin des armes, cet individu a accepté de tenter le pari en sachant pertinemment que cela le confronterait à sa plus grande peur qu’est la mort.

En fait, il y aurait encore beaucoup de choses à dire et à analyser concernant l’acteur principal de cette série tant il est construit avec brio. Si l’on peut être interloqué au départ par la narration un peu confuse par rapport aux différentes époques qui s’enchaînent, tout finit par s’emboîter pour que l’on puisse contempler toute la beauté de cette épopée. Mibu Gishi Den a donc été un énorme coup de cœur et non pas tant par son approche de l’Histoire que de sa faculté à utiliser celle-ci pour façonner une biographie réussie d’un homme talentueux et pourtant si ordinaire dans sa manière de penser. On pourrait même dire que cette série se présente comme une ode à la vie tout en symbolisant un changement de mentalité au sein d’un Japon en plein bouleversement. Ce fut en tout cas une fantastique découverte tout au long de ce premier volume. Une saga qui pourra autant plaire aux amoureux de récits historiques qu’à ceux voulant une aventure très centrée sur l’être humain et son comportement face à la mort. Bien évidemment, nous avons beaucoup de questions qui nous taraudent l’esprit au vu de ce que l’on a pu lire. Quelle fut la finalité de l’existence de cet homme ? A-t-il pu rester fidèle à ses propres désirs ou bien a-t-il été la victime de son époque et de ses décisions ? Que va-t-on apprendre au fur et à mesure des prochains témoignages qui viendront rythmer le futur de la licence ? On a hâte de mettre les mains sur le prochain acte de cette série.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Mibu Gishi Den. Trouvez-vous que l’on a devant nous une œuvre qui peut proposer quelque chose d’intéressant sur le plan humain par rapport à ce guerrier désireux de vivre ? Etes-vous curieux d’en apprendre plus sur le parcours de cet homme qui a connu bien des combats et qui pourtant a toujours eu des ambitions différentes ? Trouvez-vous que ce manga arrive à être une bonne retranscription historique de ce qui a bien pu secouer le Japon à cette époque ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2007 Asada Jiro / Nagayasu Takumi, Kodansha

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