Hitomoji---Stress-Mortel-Vol.1--2

Hitomoji tome 1 : une mutation révélant le stress de chacun

Comme très souvent, il arrive que des noms de mangakas nous parlent rapidement. C’est souvent le cas au vu de leur notoriété ou bien par rapport à des œuvres que l’on apprécie de leur part. C’est donc avec toujours beaucoup d’attentes et une certaine appréhension que l’on espère découvrir de nouvelles séries de leur part. Certains auteurs vont aussi se montrer marquants par rapport à leur style si spécifique ou bien les thèmes qu’ils aiment traiter à travers leurs écrits. Dans ce domaine, on peut facilement citer Motorô Mase, artiste derrière Ikigami, que l’on avait adoré. Si je cite ce nom, c’est bel et bien parce qu’il est de retour en France à travers l’une des ces licences. Il s’agit d’Hitomoji dont le premier volume est sorti il y a peu chez Crunchyroll. Avec sa capacité à traiter avec brio de nombreux aspects de l’être humain, j’étais juste impatient de voir ce que donnerait cette histoire inédite chez nous. Après lecture de cette introduction, je peux dire que l’on ressent la patte si spécifique de cet auteur tout en nous amenant vers des horizons assez spécifiques et captivants. L’heure est donc venue d’assister à de terribles mutations pouvant détruire des vies consumées par le stress.

Les défis de la vie

Hitomoji - Stress Mortel Vol.1Hitomoji – Stress Mortel, imaginé par Motorô Mase, nous emmène au Japon qui connaît une épidémie sans précédent et particulièrement étrange. Le myxomycète, organisme de la famille des amibes, parasite certains humains qui ignorent totalement qu’ils sont contaminés. Il peut alors arriver sans prévenir qu’il se mette à muter et transforme immanquablement son hôte en un “Hitomoji”. Pour la majorité des gens, cela se présente comme si le corps de la personne se mettait à fondre pour ne devenir qu’un amas gélatineux où la conscience du patient se confronte à celle de l’organisme parasite. Si les premiers cas finissent rapidement par mourir au vu de cette effroyable métamorphose, le temps a passé et les raisons de ces changements ont fini par être découvertes. Il est tout à fait possible de vivre avec le parasite en soi sans que cela n’ait la moindre incidence. Pour déclencher le processus, il faut que le sujet soit victime d’un terrible stress ou bien d’une anxiété prononcée venant mettre à mal ses défenses pour laisser libre place à l’organisme. Si la majorité de la population ignore que ce sont de tels éléments qui peuvent transformer leur vie en cauchemar, le gouvernement a rapidement su prendre une mesure pour lutter contre la propension de cette épidémie. Il fut décidé de mettre en place une brigade médicale afin de lutter contre ce phénomène en faisant de leur mieux pour déceler l’origine des inquiétudes du patient. 

Tout ça dans le but de rectifier cet état et lui permettre de retrouver son calme ainsi qu’une certaine stabilité. Dirigée par l’impressionnante Misaki Tamaru, cette équipe fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que d’autres vies ne disparaissent à tout jamais et que des innocents se retrouvent contaminés dans leur chute. Mais même toute la bonne volonté du monde et les moyens possibles ne sont pas forcément gage de succès. Une leçon que vont apprendre les membres de ce groupe au fil des diverses affaires dont ils vont avoir la charge. Même en faisant de son mieux pour offrir de nouvelles chances à une personne, certaines peurs et craintes restent profondément ancrées dans l’esprit de ces contaminés. C’est donc une course contre la montre qui se joue pour ce bureau dès lors qu’un cas est détecté. Rapidité et humanité sont les deux qualités nécessaires pour empêcher un malheur de se produire et stopper la propagation de ce virus qui fait maintenant partie intégrante de la vie de ces citoyens. Mais comment faire pour vivre quand on sait que l’on est possiblement sujet à se transformer en l’un de ces blobs qui arrachent toute forme de conscience ? C’est une nouvelle ère qui débute pour l’Humanité qui tente de maintenir ses habitudes et son mode de vie, mais où le moindre stress peut signer la fin de bien des existences. A travers cette contamination, c’est une fenêtre qui s’ouvre sur le quotidien parfois tragique ou malheureux de ces victimes qui cherchent simplement à s’en sortir.

Si l’idée de faire appel à un phénomène biologique aussi étrange peut sembler déroutante au départ, on va rapidement se rendre compte à quel point cela peut se montrer brillant. Hitomoji se sert habilement de ce changement chez certaines personnes pour exposer leur vie et les nombreuses épreuves qu’ils ont pu vivre ou bien les malheurs qui peuvent aisément amener quelqu’un à sombrer. Mais ce qui est remarquable, c’est qu’il n’y a jamais un aspect manichéen dans cette œuvre qui peut autant exposer les faiblesses des contaminés que leurs propres erreurs ayant amené à une telle situation. 

Un phénomène biologique propice au traitement psychologique

Ce qui est avant tout important de noter quand on se penche sur ce premier volume d’Hitomoji, c’est à quel point le titre utilise à merveille son aspect science-fiction au service de thèmes ancrés dans le quotidien de chacun. Pour expliquer ça, il faut s’attarder en premier lieu sur cette étrange mutation qui frappe les divers personnages que l’on va croiser. En fait, cette tragique métamorphose est avant tout une manière de mettre en avant tous ces éléments de la vie qui peuvent faire basculer un quotidien normal en véritable enfer. Stress, anxiété et désespoir sont autant de causes qui peuvent éveiller l’organisme et lui permettre de prendre le pouvoir sur l’être humain. Cette maladie est une sorte de représentation de ce que ces peines peuvent entraîner comme souffrances jusqu’à même amener la victime jusqu’à son dernier souffle. Il est donc question ici d’une maladie grave et surtout mortelle autant pour soi que pour les autres. En offrant un tel contexte, l’auteur réussit à nous faire focaliser notre attention sur la cause de ces transformations plutôt que sur l’origine de ce parasite qui est un peu présenté comme faisant maintenant partie intégrante de l’existence. Ainsi, comme n’importe quelle autre pathologie aussi dangereuse, tous les efforts sont mis en place pour guérir le patient. C’est alors que ce premier volume va nous emmener dans ce qui fait sa plus grande force, à savoir la découverte de l’histoire de ces patients. 

Là où normalement on s’attarde sur des soins qui se tournent sur le système immunitaire des gens, ici tout est une question d’environnement et d’interactions avec les autres dans cette société. Cette introduction va alors nous faire suivre deux premiers cas qui vont être une parfaite vitrine de ce qui nous attend par la suite. On entre dans le domaine que le mangaka maîtrise si bien et qui n’est autre que la psychologie de ses personnages dans des situations bien précises. De ce fait, on va avant tout se concentrer sur leur existence, leurs problèmes et comment ils réagissent face à tout ça. Ce qui est remarquable, c’est que cette partie tranche de vie va prendre totalement le pas sur tout le reste et presque nous faire oublier le parasite avant que celui-ci ne finisse par frapper. Il y a une telle sincérité dans les propos tenus que l’on a l’impression d’avoir devant nous des gens que l’on pourrait croiser n’importe où. Des hommes et des femmes qui ont des problèmes, qui commettent des erreurs terribles ou bien sont détruits par les affres de la vie. On va alors être au contact de leurs souffrances, de leur hésitation, mais aussi de ce tournant majeur que s’apprête à prendre leur existence. Cela amène ainsi beaucoup de questions sur l’avenir de ces gens, sur ce qu’ils ont commis et le fait que cette santé mentale peut parfois tenir à un fil. Ce qui est remarquable, c’est que ces individus ne sont pas uniquement présentés comme des victimes, mais aussi comme parfois coupables de ce propre stress qui est souvent dû à un manque de communication. Cela nous donne toujours matière à réfléchir sur des situations qui sont ancrées dans une réalité bien concrète et qui nous font réfléchir à des thèmes comme la famille, l’amour, la vie et la mort.

Avec Hitomoji, la partie science-fiction liée à ce phénomène, considéré comme une maladie, va servir à mettre en lumière l’aspect humain qui est partout dans cette œuvre. Le mangaka fait un travail impressionnant pour que cette transformation découle justement de choix, de difficultés et de peurs qui sont parfaitement réelles. Quand on observe les deux affaires proposées, on y voit surtout des êtres humains lambdas dépassés par les événements et qui craignent de disparaître à tout jamais. Un état pouvant frapper n’importe qui et qui pousse ces gens à faire le point sur leur existence.

Hitomoji réussit son intervention

Nous présentant avec brio une fresque humaine sublimée par cette maladie rongeant certains êtres, Hitomoji est avant tout une vitrine sur ces problèmes qui peuvent ruiner bien des existences. Pas question ici de sujets sortant du réel, car tout est pensé pour mettre à l’honneur les gens que ce soit autant dans les bons que dans les mauvais côtés. Finalement, l’aspect biologique lié à cet organisme n’est présent qu’à très peu de moments dans cette lecture. Il sert avant tout à faire prendre conscience aux hôtes de ce parasite que leur vie peut s’éteindre s’il n’y a pas une remise en question. Une réflexion qui se porte autant sur l’entourage du principal concerné que sur le patient lui-même. Ainsi, l’auteur ne se limite pas à nous montrer des gens qui sont broyés par la société, mais aussi des individus qui sont aussi en partie coupables de leur propre stress. Il n’est nullement question ici de pointer quelqu’un du doigt comme le méchant ou bien le gentil. C’est avant tout une prise de conscience de certains choix ou propos qui peuvent être exprimés et qui ont de graves conséquences sur bien des âmes. Réussir à exprimer cela à travers un premier volume est remarquable et l’on retrouve ce style si caractéristique du mangaka où l’on décortique l’esprit de certains pour mieux nous en apprendre sur notre propre regard du monde qui nous entoure. Une bien belle surprise qui confirme le talent de cet artiste dans ce terrain de jeu qu’il s’est lui-même façonné au fil des ans.

En lisant cette chronique, vous aurez rapidement compris que j’ai été totalement conquis par ce premier tome d’Hitomoji. S’il y a bien sûr le fait que j’apprécie énormément le travail de Motorô Mase, c’est aussi un plaisir que de voir son style nous amener vers d’autres horizons sans pour autant sortir de ce qu’il maîtrise. Il repousse les frontières de l’analyse de l’être humain tout en y appliquant brillamment une idée propice à développer bien plus ses différents cas. En plus de ça, il s’agit d’une courte série en quatre volumes et qui peut donc aisément garder ce cap pour nous faire passer des moments marquants. J’ai en tout cas été très impliqué dans les deux affaires qui vont servir d’épine dorsale à ce tome et qui permettent aussi de mieux appréhender les enjeux concernant ces mutations. Une nouvelle série qui pourra plaire aux fans d’Ikigami ou bien qui veulent une épopée humaine où l’on va à l’origine de ces diverses sources de stress et d’anxiété que l’on peut connaître. Bien évidemment, il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse à la fin de ce tome. Est-ce que l’on va continuer sur cette formule d’assister à l’histoire de divers patients ? Le titre parviendra-t-il à conserver cette touche d’émotions rendant chaque récit plus touchant ? Assisterons-nous à certains changements au sein de cette équipe notamment suite à une certaine révélation ? Je suis très curieux de voir comment va se développer cette licence sur les prochains ouvrages.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Hitomoji. Avez-vous été impliqué dans les deux cas que l’on a pu suivre durant cette introduction ? Trouvez-vous que l’auteur réussit habilement à utiliser son concept de base afin de traiter de toutes ces inquiétudes, craintes et épreuves que l’on peut vivre au quotidien ? Pensez-vous que l’on aura le droit à des cas encore plus complexes à l’avenir ? Est-ce que le titre a su vous faire adhérer à son principe et à ce qu’il expose par le prisme de cette équipe ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2016 Mase Motoro, Shogakukan

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