Karakuri Circus tome 13 à 16 : le temps des révélations
Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas pris le temps de s’attarder sur l’évolution d’une série. Comme j’ai pu le faire précédemment avec les anciens tomes, il était l’heure de revenir dans l’univers de Karakuri Circus. Il faut dire que le manga, disponible chez Meian, nous offrait ici une épopée déjà captivante à bien des égards. Mais avec l’arrivée des tomes 13 à 16, c’est quelque chose d’encore plus fort qui se passe. En effet, nous avons devant nous des tomes inédits n’ayant jamais fait leur apparition en France lors de la première publication de la saga. L’occasion rêvée d’étendre notre connaissance sur cet univers et voir ce qui peut bien se passer après la terrible bataille du Sahara. Cependant, rien ne pouvait nous préparer à ce que l’on allait découvrir. L’auteur s’amuse une fois de plus à briser tout ce que l’on connaissait par le passé pour nous montrer que la vérité est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Avec une bonne dose d’action et un voyage dans le temps, ces chapitres vont nous donner les outils nécessaires à la compréhension de la réelle intrigue qui se joue depuis le début. Il est grand temps de lever le rideau sur le début du dernier acte !
La fin d’un cirque
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de remettre en place le contexte dans lequel on était juste avant cette nouvelle flopée de tomes de Karakuri Circus. Le manga de Kazuhiro Fujita s’était arrêté alors que les Shirogane avaient pris d’assaut le cirque de minuit en plein cœur du Sahara. Une opération particulièrement risquée, mais qui pouvait permettre de mettre un point final à ce conflit qui durait depuis trop longtemps. Malheureusement, les automates étaient bien préparés à l’arrivée de leurs ennemis jurés. Il y eut un nombre incalculable de morts des deux côtés et tout semblait indiquer que le rapport de force était du côté des pantins. Malgré tout, Narumi se battit comme un diable pour sauver un maximum de vies et surtout permettre à ses équipiers d’atteindre Francine, la cheffe adverse. Alors que les derniers survivants font face à cet automate qui est à l’origine de leurs souffrances, ses quatre gardiens font leur apparition. L’heure de la confrontation finale est venue. Pourtant, comment des êtres immortels, mais épuisés peuvent faire face à des adversaires qui ne ressentent nullement la fatigue ? En plus de ça, Narumi est dans un piteux état et pourrait bien mourir à tout moment. C’est alors que Lucille utilise son atout majeur pour renverser la situation. Pour cela, elle fait appel à une marionnette bien particulière qui va mettre à mal les quatre pionniers servant de dernière muraille entre eux et Francine.
Cette situation amène ce qui manquait tant aux Shirogane : le temps. De précieuses minutes pendant lesquelles ils peuvent tenter d’atteindre leur cible et laisser Narumi être soignée. Malgré cette chance, les pantins sont encore très nombreux et tout semble s’enliser dans une bataille d’endurance entre les deux groupes. C’est alors que le salut des attaquants se réveille en la personne de Narumi. Lui qui a vu tant de ses camarades tombés au combat est bien décidé à porter leurs espoirs. Il a beau n’être pas totalement remis sur pied, cela ne l’empêche pas de se jeter dans la mêlée. Cet homme pourrait bien conduire les marionnettistes vers la victoire tant attendue. Cependant, quelque chose d’inattendu va subvenir alors qu’ils se rapprochent de Francine. Une révélation changeant totalement tout ce qui a été mené jusqu’à aujourd’hui. Pendant ce temps, loin de toutes ces préoccupations, Masaru et les autres membres de la troupe continuent de vaquer à leurs occupations. Bien décidé à s’agrandir, tout semble aller pour le mieux. Mais la venue de Guy et le poids du passé pesant sur les épaules du jeune garçon pourraient bien mettre fin à ce paisible quotidien. Une simple décision de Masaru va l’amener à lever le voile sur son passé et surtout à prendre conscience qu’un terrible danger se développe dans l’ombre. L’heure n’est pas encore au repos surtout face à un ennemi qui se montre aussi rusé et impossible à traquer.
En fait, ces quatre tomes de Karakuri Circus vont avoir une importance considérable sur l’histoire dans sa globalité. En effet, c’est la fin d’un arc qui se joue devant nous et qui aura rythmé une bonne partie de notre aventure. Cependant, ce qui pouvait sonner comme la conclusion de tant d’années de lutte n’est en réalité que le commencement d’un nouveau combat à mener. Une bataille qui a débuté il y a déjà fort longtemps et dont on va être témoin tout au long de ces chapitres à travers les yeux de Masaru. Un flashback qui nous montre que rien n’est acquis et qu’il y a encore tant de choses à raconter.
Retour en arrière
Evidemment, cette partie de Karakuri Circus va tout d’abord se concentrer sur la résolution du conflit opposant les Shirogane aux automates. Après avoir assisté à de très nombreux combats, on arrive finalement au moment que l’on attendait tous. Cependant, si l’on pouvait croire que cela mettrait un terme à une intrigue, on ne s’attendait pas forcément à ce que cela en amène une autre. C’est pourtant le cas et il aura suffi de quelques mots pour que tout ce que l’on a vécu jusqu’ici semble s’effondrer comme un château de cartes. L’auteur nous montre ainsi que tout ce qu’il a préparé est très loin de s’arrêter simplement à ce que l’on peut entrevoir directement avec nos yeux. Il y a quelque chose d’encore plus fort qui s’organise en coulisses et ce n’est qu’une fois que l’on retrouve Masaru que l’on prend conscience de ce qui nous attend. Alors que l’on referme un très important chapitre de la série, une autre page se tourne et va amener bien des mystères. Autant le dire tout de suite, une majeure partie de ces quatre tomes va se centrer sur un flashback dont l’importance est considérable pour bien cerner les véritables enjeux de cette épopée. Alors que l’on est emporté par cette course effrénée qui entoure le jeune garçon, on ne cesse d’accumuler des infos qui vont remettre en question tout ce que l’on pensait savoir jusqu’ici. Il faudra alors l’apparition d’un personnage bien spécifique pour que la vérité se présente à nous par le biais d’un retour en arrière à une époque qui nous paraissait encore très obscure.
C’est durant ce long moment où l’on retrace les souvenirs de certains personnages que l’on va ouvrir les yeux sur l’incroyable travail de construction qui s’est opéré en parallèle de notre aventure. Il est juste bluffant de voir à quel point chaque élément que l’on a pu voir auparavant prend une tout autre ampleur au sein de ces pages. Chaque petit détail trouve son sens et l’on comprend que tout ceci était un impressionnant casse-tête imaginé par l’auteur qui avait laissé énormément d’indices par le passé. A chaque nouveau chapitre, notre esprit se balade entre ce que l’on voit directement et nos souvenirs de ce que l’on a pu lire plus tôt dans la saga. Au même titre que Masaru qui sert de relais entre présent et passé, le lecteur est lui aussi amené à faire cette jonction entre ce qu’il a déjà vu et ce qu’il observe maintenant. En plus de nous proposer un acte captivant dans l’émotion ressentie et l’importance de ce qui se passe, le mangaka nous montre ici qu’il ne s’arrête jamais d’étoffer l’univers qu’il a imaginé. Alors que l’on aurait très bien pu s’arrêter à la conclusion du précédent arc narratif, il arrive, en seulement quelques bulles et cases, à relancer la machine. Il n’est pas question ici de tirer sur la corde, mais de jouer habilement sur les dernières zones d’ombre qui restaient pour nous délivrer une nouvelle aventure tout aussi prenante que les précédentes. Tout ici est là pour amener progressivement la vérité sur les Shirogane, Masaru et les autres personnages de cette histoire. Une réalité qui ne peut apparaître que si l’on prend le temps de regarder en arrière afin de mieux avancer.
Si cette partie de Karakuri va énormément se concentrer sur le flashback qui occupe une grande partie de ses pages, cela va justement amener beaucoup de choses sur la table. Cet événement, auquel on va assister, va être l’occasion rêvée d’enfin savoir ce qui se passe depuis tant de siècles de conflits et surtout d’être étonné par certaines facettes de ce passé. On va alors embarquer pour un long voyage qui va redistribuer les cartes et surtout nous faire voir toute cette histoire d’un autre œil. Alors même que l’on pensait que tout était bien établi, une bourrasque vient tout balayer et changer la donne.
De surprise en surprise
Vous l’aurez donc compris, avec ces quatre tomes de Karakuri Circus on met un peu l’action en retrait afin de se concentrer sur tout ce qui est construction et enrichissement de l’univers. C’est là que la série est fantastique, car même après autant de volumes, on arrive encore à être surpris par ce qui nous est présenté. En effet, au travers du flashback et des propos tenus par les personnages, on va être amené à faire la découverte de très nombreuses informations. Des éléments qui vont répondre à des questions que l’on pouvait se poser, mais qui vont aussi amener leur lot de nouvelles interrogations. On est constamment ici dans ce travail d’investigation lié à cette virée dans le temps. On a le sentiment d’être le témoin privilégié d’une toute autre histoire qui est pourtant étroitement lié avec ce que l’on a pu connaître auparavant. Là encore, l’auteur va aussi faire forte impression en brisant autant nos connaissances passées que nos aprioris à l’égard des individus que l’on a pu rencontrer jusqu’à présent. Il faut comprendre que ces volumes sont là pour tout bouleverser et cela se ressent directement dans le traitement de certains personnages. Masaru en est le premier exemple où l’on est à la fois attaché à ce garçon ayant lutté bec et ongles pour survivre et inquiet de ce qui pourrait réellement se cacher au plus profond de lui. Pareil pour Guy qui a su nous montrer une facette de sa personnalité étroitement liée aux stigmates de sa vie avant d’être un Shirogane.
Nous sommes face à un remarquable travail d’humanisation des êtres que l’on pensait quasiment froid comme des marionnettes et de déshumanisation de ceux qui débordent de vie. Une inversion des rôles qui bouleverse le lecteur que l’on est qui ne sait plus sur quel pied danser. Mais c’est aussi ce qui fait la force de cette série en nous montrant que rien n’est ni tout blanc ni tout noir. Cette série affiche une multitude de nuances faisant que l’on peut autant se prendre de sympathie pour un adversaire qu’être inquiet par son propre allié. On pourrait croire que tous ces changements viendraient détruire notre appréciation globale de l’œuvre, mais il n’en est rien. Au contraire, tout s’emboîte si parfaitement que l’on est subjugué par cette créativité et ingéniosité dont fait preuve l’auteur. Une maîtrise totale de son récit qui lui permet justement ce genre de revirement pour mieux surprendre le spectateur et l’attirer toujours un peu plus dans cette histoire. Et même dans les dernières pages du tome 16, il arrive à nous délivrer de nouvelles surprises qui nous font cogiter concernant le futur de nos protagonistes. Une remise en question perpétuelle, mais qui n’empêche nullement à l’intrigue d’avancer. En seulement un flashback, nous nous sommes pris de sympathie pour tout un tas d’individus tout en étant terrifié par la menace qui se présente à nous. Un danger bien plus sournois qu’il n’y paraît et qui fait surtout écho à plusieurs événements que l’on a pu vivre précédemment. Comme si tout cela était un cycle sans fin où la haine de quelques hommes a détruit la vie de bon nombre d’innocents au fil des années.
Karakuri Circus est décidément un manga plein de surprises. Une série qui, même après autant de péripéties, continue de nous faire autant vibrer. Le mangaka nous montre tout son talent dans l’écriture de ses intrigues et surtout à quel point tout est pensé en amont pour nous conduire à ce moment précis. C’est encore plus plaisant de voir tous ces petits détails que l’on pensait anodins ou même acquis qui dévoilent finalement une toute autre facette. On recolle les morceaux du puzzle et l’on est stupéfait par ce qui semble s’exprimer au travers du dessin final. Une véritable pépite qui continue de briller ardemment.
Karakuri Circus expose tout son art
Ce que je tiens à souligner, en parlant de Karakuri Circus, c’est à quel point le manga peut offrir des expériences fantastiques et uniques en leur genre. L’œuvre de Kazuhiro Fujita en est un très bel exemple, et cela, depuis ses débuts. Si l’on peut se questionner initialement sur ce que peut raconter une histoire basée sur le cirque, les marionnettistes et automates, on finit par être emporté par cette fresque. Une œuvre qui arrive autant à être un remarquable divertissement sur le plan de l’action qu’une ode à la vie et à ce qui nous définit en tant qu’être humain. Les tomes que l’on a pu aborder aujourd’hui nous montrent aussi que l’on peut être totalement stupéfait par la tournure que prend une série alors que l’on pensait que le cap allait être maintenu. C’est un pari risqué que d’amener autant de bouleversements en cours de route, mais l’auteur réussit à merveille cet exploit. Si l’on a le droit à des moments forts et dynamiques, cette partie va surtout briller par sa faculté à nous faire avoir de l’empathie pour des personnages dont on ne savait encore peu de choses il y a quelques chapitres. Des individus qui font leur entrée sur scène pour nous délivrer une prestation qui reste ancrée dans notre mémoire. Mais encore plus fort, c’est à quel point tout fini par se réunir pour donner du sens à tout ce que l’on a pu voir auparavant. On comprend quelles sont les cicatrices de certains, le combat qui fut mené par d’autres et surtout le vrai danger qui plane sur nos amis. Un manga qui ne cesse jamais de surprendre et de nous émerveiller.
Vous l’aurez donc compris, c’est encore un très gros coup de cœur pour ces quatre volumes de Karakuri Circus. Ce qui est génial avec cette partie, c’est que même si l’on est emporté par les confrontations dantesques que l’on nous propose, le titre réussit aussi à nous convaincre par ses moments plus calmes. Des instants tout aussi importants, car lourds de sens et qui vont se transformer en un terreau fertile pour le développement de chaque partie de cette histoire. Personnages, univers et intrigues évoluent en symbiose nous amenant constamment vers des horizons que l’on n’aurait pas cru possible. A présent, on est interloqué par le futur qui attend nos protagonistes tandis que l’on s’attaque très bientôt à la dernière ligne droite. Karakuri Circus n’est pas qu’une série fantastique à découvrir. C’est aussi une très belle preuve de ce que le medium peut créer par le biais de l’imagination d’un artiste. Un univers sans commune mesure et auquel on adhère tant on est embarqué dans cette épopée où se mêlent combats légendaires, drames humains et recherche de sa place dans le monde. Bien sûr, je ne termine pas une chronique sans évoquer les quelques questions qui me taraudent pour la suite. Quel avenir attend Masaru à présent que la vérité a éclaté ? Quel rôle va jouer Narumi dans le prochain arc narratif ? Shirogane va-t-elle prendre conscience de son importance ? Existe-t-il un moyen de mettre un terme à ce cycle éternel de haine et de rancœur ? Je suivrais avec attention les prochains tomes pour connaître le fin mot de tout ça.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti sur ces tomes de Karakuri Circus. Trouvez-vous que l’auteur parvient toujours à nous surprendre par la tournure des événements ? Avez-vous été captivé par les nombreux rebondissements que l’on a pu avoir durant ces volumes ? Etes-vous curieux de voir où nous emmènera le récit pour la dernière ligne droite à venir ? Est-ce que la série est, selon vous, un bon exemple de narration et d’écriture dans son scénario ? Appréciez-vous l’évolution des personnages ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
© 1997 Fujita Kazuhiro