Sengoku

Sengoku tome 1 : une ère en proie au chaos

J’ai déjà pu à de nombreuses reprises parler de titres historiques ayant fait leur apparition dans les rayons de nos librairies. Il faut dire que c’est un genre toujours très prolifique et que j’affectionne tout particulièrement. Si l’on a le droit à une large gamme d’époques traitées au sein de ce domaine, il y a aussi des périodes qui ont le droit à maintes représentations par le biais de nombreuses œuvres. C’est exactement le cas pour l’ère Sengoku qui a été une grande source d’inspiration pour de nombreux auteurs et artistes. C’est justement de celle-ci que l’on va aborder aujourd’hui à travers le manga “Sengoku” qui a fait ses débuts en début de mois chez Pika. Rien qu’à son annonce, j’avais hâte de voir ce qui pouvait se cacher derrière cette histoire. En plus de ça, on part sur une courte série qui veut rapidement nous emmener dans le cœur de son intrigue. Mais en m’aventurant dans cet ouvrage, j’ai été surpris par ce que nous raconte le titre et surtout à quel point il nous emmène vers un pan intéressant de cette triste époque. Il est l’heure de remonter le temps et de suivre un groupe d’orphelins bien décidé à façonner leur propre avenir.

Survivre à tout prix

Sengoku - KuheiSengoku, dessiné par Kouji Megumi d’après l’œuvre originale de Shogo Imamura, nous guide à l’époque du même nom. Une ère où les provinces sont constamment en guerre et où la cruauté règne en maître. La population ne connaît que le chaos, la famine et la mort. Chacun tente de survivre quitte à commettre des actes irréparables. Pour Kuhé, orphelin de quatorze ans, la vie est synonyme de grandes souffrances. Ayant perdu depuis longtemps ses parents, il doit prendre en charge son petit frère afin de le protéger au mieux. Un devoir qu’il s’applique à réaliser, même si un adolescent comme lui ne peut pas faire grand chose face à l’horreur de ce monde. Alors qu’ils vivaient une vie en apparence paisible dans un temple sous la houlette d’un moine, leur quotidien bascule quand ils sont capturés par des marchands d’esclaves. Ils ont beau se débattre, rien n’y fait. Kuhé sent son impuissance face à des agresseurs bien plus grands et mieux armés que lui. Une faiblesse qui le ronge de l’intérieur et qu’il maudit à chaque instant. Malgré tout, il veut à tout prix venir en aide à la seule famille qui lui reste peu importe s’il doit se blesser pour y parvenir. Mais que peut-il faire dans une telle situation ? Il s’imagine déjà le pire des scénarios une fois qu’ils seront arrivés à destination. Son frère et lui pourraient bien être séparés à jamais et connaître de nombreux sévices jusqu’à ce qu’ils finissent par lâcher leur dernier soupir. Mais c’est à cet instant précis qu’un événement va venir tout chambouler.

Sortant de nulle part, une jeune fille semble délirer sur le bord de la route. Elle arrête le convoi par ses propos incompréhensibles avant d’être rattrapé par un jeune homme se présentant comme son frère. Il leur dit qu’ils ne sont que des orphelins et que sa sœur n’a plus toute sa tête depuis la perte de leurs parents. A ses mots, les esclavagistes se disent qu’ils vont pouvoir en profiter pour obtenir de nouvelles “marchandises”. Mais en un instant, le chef du groupe se retrouve à terre après avoir pris un coup de couteau de la jeune fille. Sans comprendre ce qu’il se passe, c’est toute une bande de gamins qui se jette sur eux. Armés et prêts à en découdre, leurs agresseurs ne font qu’une bouchée des quelques guerriers restants avant que le dernier en vie ne décide de s’enfuir. Les deux frères font alors la connaissance de celui qui semble être de cette troupe. Répondant au nom de Tamonmaru, celui-ci les invite à les rejoindre le temps qu’ils récupèrent. Ils pourront alors décider ensuite s’ils veulent rejoindre leurs rangs ou bien s’ils préfèrent suivre leur propre voie. Au cours de leur séjour parmi eux, Kuhé et son frère apprennent que ses autres enfants ont un rêve. Celui-ci est l’envie de construire un pays où le vol n’existera plus et où ils pourront vivre en paix jusqu’à la fin de leurs jours. Une utopie pour le jeune garçon qui a été témoin de bien trop d’horreurs. Mais pourtant, ce jeune chef semble si sûr de lui et déterminé que cela ne peut que toucher le cœur de l’orphelin. Il se dit que peut-être ce rêve irréaliste est finalement capable de se concrétiser.

Ce qui va être à la fois étrange et fascinant concernant Sengoku, c’est la manière dont le titre va installer son intrigue. Au travers de ses premières pages, le manga va nous amener à un événement bien connu de cette époque avant de nous ramener à un passé beaucoup plus surprenant. L’occasion de faire la connaissance de ces protagonistes qui vont tenter de s’en sortir dans cet environnement hostile. En seulement quelques pages, le titre va nous offrir une représentation redoutable de ce que le chaos engendre sur ces terres et surtout des victimes qui sont laissées dans son sillage.

Un rêve qui façonne les gens

Alors, autant le dire tout de suite, nous sommes sur une série courte qui trouvera sa conclusion avec son quatrième volume. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que le titre puisse nous exposer une fresque historique globale sur l’ensemble de cette période et des gens qui ont écrit leur légende. Mais cela ne veut pas dire que la série ne peut pas raconter quelque chose de fort et de divertissant. Il suffit d’observer ce premier tome pour se rendre compte que l’histoire nous plonge rapidement au cœur du chaos propre à cette époque. Comme je l’ai souligné un peu plus haut, nous sommes dans le cas où le manga va d’abord nous présenter un événement majeur de l’Histoire avant de nous ramener en arrière. Cela nous fait comprendre que l’on va sûrement suivre le chemin jusqu’à ce fameux moment. Ainsi, on se retrouve au contact des personnages qui serviront de protagonistes à cette aventure. L’idée de suivre des orphelins est une bonne idée, car cela permet de mieux cerner à quel point cette ère est sans pitié même pour de simples enfants. En fait, toute cette introduction est là pour nous faire avoir de la sympathie pour ce groupe d’enfants avant de nous rappeler avec brio et violence la vérité sur ce monde. Ce qui est captivant dans cette lecture, c’est à quel point on va alterner entre horreur de ce contexte historique et l’envie de croire en un meilleur avenir. Voilà pourquoi cette lecture appuie aussi fortement sur la notion de rêve.

C’est la seule chose qui reste à ces gamins qui doivent survivre dans la boue, le sang et la fange pour simplement voir un autre jour se lever. C’est en s’imaginant un avenir loin de tout ça que l’espoir est maintenu au sein de cette équipe et qui lui donne la force d’avancer. C’est pourquoi, même si on a beau faire face à des voleurs, on a envie de croire en leur possibilité d’un futur sous le signe du bonheur et de l’opulence. Mais c’est là où la série va frapper un grand coup. En plus de nous offrir des combats dynamiques et dont l’action est fluide, ces quelques pages vont suffisamment nous mettre en contact avec le désespoir propre à ce monde. En seulement quelques instants, tout ce qui a été bâti au bout de plusieurs années peut s’effondrer. Cela ne fait qu’appuyer le côté dramatique de cette œuvre et surtout notre empathie à l’égard de ces enfants. On va alors basculer dans un autre traitement intéressant concernant cette notion de rêve. Il n’est alors plus question ici de souhaiter pour élargir ses horizons. Un rêve peut dépasser le cadre d’une seule personne pour devenir le moteur de tout un groupe. Le titre nous emmène de ce fait plus dans une question d’héritage et de partage du flambeau. Un choix très pertinent par rapport à ce que peuvent représenter ces enfants dans une ère en guerre et surtout ce que cela laisse présager pour la suite du titre. Un récit qui arrive à nous en mettre plein la vue par son rythme frénétique sans pour autant mettre de côté l’écriture de ses protagonistes. Des jeunes qui sont perdus et cherchent à avancer même si cela implique de se salir les mains.

En se lançant dans Sengoku, j’ai autant pu vivre un voyage dans le temps au sein de cette époque particulièrement importante et sanglante du Japon qu’une aventure prometteuse. En reprenant des éléments historiques, ce récit parvient à nous interpeller en se demandant quel est le rôle attribué à nos protagonistes dans cette longue fresque guerrière. De même, cette première partie arrive à être captivante et émouvante par le destin qui attend cette bande de voleurs. Des enfants qui rêvent de grandeur, mais qui se confrontent aussi à la dure réalité de ce monde et de ces temps tourmentés.

Sengoku entame son voyage

Sengoku - bandeEn un volume, Sengoku parvient à rapidement donner le ton de ce qui nous attend. Le mangaka a parfaitement su créer une atmosphère oppressante où même un rêve de grandeur peut être étouffé dans l’œuf en seulement quelques minutes. Nous sommes face à une histoire qui ne nous conte pas des exploits remarquables sur le champ de bataille. Ce premier acte est là pour nous montrer l’envers du décor de ces fameuses “prouesses” guerrières. C’est avant tout le parcours d’enfants sans le moindre repère cherchant à survivre en des temps troublés et qui sont capables du pire pour simplement subsister. Cela n’empêche pas le manga de nous montrer des liens forts et touchants, mais qui se confrontent à une tragique réalité où la faucheuse est partout. La moindre erreur peut alors conduire une jeune vie à s’éteindre sans même qu’elle ait pu connaître le bonheur et la paix. Se plonger dans cette épopée, c’est autant être pris par l’action frénétique qui en découle que de nous rappeler l’horreur de cette époque pour ces gens qui n’ont rien demandé. Il peut alors être très intéressant de voir comment les protagonistes vont évoluer notamment au vu de cette seconde moitié de tome qui se veut particulièrement brutale. Une expérience littéraire qui est donc autant captivante sur la forme que bien plus intéressante qu’on pourrait le croire dans le fond. La question est maintenant de savoir si cela va se développer pleinement dans les trois prochains volumes à venir.

C’est donc une proposition prometteuse que nous délivre ce premier volume de Sengoku. Une œuvre qui a su utiliser avec brio ce contexte historique pour nous amener vers une direction surprenante. Il n’est pas question ici d’entrée de jeu de grands noms ou bien de généraux prometteurs. Nous sommes face à des enfants qui, pour survivre, cherchent à se hisser au sommet. Une envie de grandeur qui implique inlassablement de connaître la souffrance et la tristesse face à des adultes qui n’hésitent pas aux pires abominations. Sur ces terres en proie à une violence exacerbée, on nous montre que la figure de l’enfant ne peut tenir et doit forcément grandir dans la brutalité pour espérer obtenir un jour d’existence en plus. C’est donc une lecture qui pourra autant plaire à ceux qui veulent une histoire sanglante qu’à ceux désirant une lecture qui arrive à véhiculer des thèmes forts par le biais de son contexte et de ses acteurs. Un très beau coup d’essai pour ce premier acte dont on espère que la suite sera tout aussi intéressante dans son écriture. Bien évidemment, il y a les éternelles questions que je pose quand je termine un tome. Est-ce que ces deux frères vont parvenir à accomplir ce rêve partagé au sein de toute la bande ? Quel destin attend le groupe dans ce monde en flammes ? Vont-ils finir par devenir ce qu’ils ont toujours détesté au fil de leurs expériences et rencontres ? Le second tome risque d’être fort captivant à suivre.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Sengoku. Trouvez-vous que le titre arrive à retranscrire l’horreur de cette époque ? Croyez-vous que l’on aura le droit à un rapprochement intéressant entre ce qui se construit dans le tome et ce qui nous est présenté au tout début ? Pensez-vous que l’on aura le droit à une évolution intéressante de nos protagonistes pour la suite de cette épopée ? Est-ce que le manga est-il parvenu, selon vous, à proposer un divertissement efficace ? Qu’attendez-vous pour le futur de cette licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2020 Megumi Koji, Kodansha

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