Yoshino – véritable reine des yakuzas

Il existe énormément d’œuvres captivantes et qui méritent le coup d’œil pour bon nombre de raisons. Cela peut aller de l’univers proposé aux personnages que l’on va suivre en passant par l’histoire en elle-même. Mais il arrive aussi que l’on tombe sur un manga qui brille encore plus par le talent de son ou sa mangaka à créer un protagoniste qui captive notre regard. C’est exactement le cas dans Criminelles Fiançailles de Asuka Konishi qui est l’une des petites pépites du catalogue de Pika. Etant un véritable coup de cœur depuis son premier tome, cette série a su proposer un récit qui nous tient en haleine et où chaque nouveau volume est l’occasion de s’enticher un peu plus de cette galerie de personnages. Mais s’il y a un point qui permet à cette licence de briller encore plus, c’est dans l’écriture du personnage de Yoshino, l’une des deux protagonistes de cette épopée. Une jeune femme qui nous est présentée comme ordinaire et désireuse d’une vie paisible et qui va malheureusement être mêlée aux histoires de sa famille mafieuse. Il est grand temps de mettre à l’honneur cette reine qui frappe un grand coup à chaque fois.

Une jeune fille au demeurant simple

Avant toute chose, pour bien cerner toute la richesse de l’écriture de Yoshino, il faut s’attarder sur cette première impression que la mangaka nous donne d’elle. En effet, au début on voit en elle une jeune fille assez lambda en comparaison de l’environnement dans lequel elle évolue. C’est là que ça va être intéressant de voir justement le contraste entre ce qu’elle reflète, ce qu’elle désire et en quoi son milieu familial joue beaucoup sur sa vie. Très rapidement, elle nous fait comprendre que tout ce qu’elle désire, c’est mener une vie classique comme n’importe quelle adolescente. Malheureusement, le fait d’être entourée de gangsters et autres criminels a toujours eu un impact sur la manière dont elle s’intègre aux autres. On sent que tout ça est un poids pour elle concernant son rêve au contraire de celui qui deviendra son “fiancé” qui fait partie intégrante de ce milieu. Ainsi, nous ne sommes pas dans le cas d’une personne dont le quotidien est totalement imprégné de l’univers yakuza, mais tout le contraire. On est devant une adolescente qui veut totalement s’extirper de cet héritage maudit et qui ne cherche même pas à profiter des avantages que pourrait procurer celui-ci. Ce parti-pris est vraiment captivant, car il dénote totalement avec ce que l’on peut connaître et surtout offrir un parallèle très intéressant avec celui qui est désigné comme son futur “compagnon” et qui est bien plus ancré dans ce monde criminel.

Là où on a l’habitude de suivre des gens ayant un destin extraordinaire ou cherchant l’exceptionnel, Yoshino prend le chemin inverse. Alors cela peut avoir un effet très étrange, car on a le sentiment initial qu’elle est une étudiante qui va se faire dévorer par ces individus qui n’hésitent pas à agir dans l’ombre et hors des limites de la loi. C’est d’ailleurs fortement appuyé par le début de la relation entre nos deux protagonistes où le rapport de force semble totalement en faveur de Kirishima. Ce dernier n’hésite pas à se moquer de celle-ci après avoir vu qu’elle n’avait absolument rien de palpitant. Mais c’est justement en faisant d’elle une étudiante banale qui semble ne pas avoir sa place dans toute cette histoire que la mangaka va réussir à rendre son changement encore plus notable. En effet, avec juste une parole et un acte de sa part, Yoshino va nous faire comprendre qu’elle est très loin d’être une jeune femme fragile et sans défense. Elle fait preuve d’une détermination et surtout d’une conviction qui va nous séduire tant elle vient chambouler ce rapport qu’il y avait justement au départ. Celui qui était présenté comme un dangereux criminel et un être n’ayant aucune attache se retrouve totalement déboussolé par cette femme qui se tient devant elle. Dès cet instant et pour les chapitres à venir, Yoshino ne va avoir de cesse de se hisser un peu plus haut au centre de tous ces malfrats. Une héroïne souhaitant la quiétude d’une vie banale, mais qui n’hésite pas à montrer les crocs quand cela est nécessaire ou que l’on se met en travers de son chemin.

Ce qui va justement être intéressant avec le personnage de Yoshino, c’est justement le fait qu’elle cherche la normalité et que pour ça elle doit lutter avec les armes qu’elle a et qui sont liées à son héritage de yakuza. Une héroïne qui dévoile alors un tout autre visage que celle que l’on pouvait entrevoir au tout début du manga et qui va ainsi nous offrir un véritable électrochoc. On est alors totalement conquis par ce que l’on va voir tant on prend conscience que l’on a devant nous une demoiselle qui peut déstabiliser l’ensemble de ces mafieux.

Un autre visage angoissant et envoûtant

Comme j’ai pu l’évoquer précédemment, Yoshino est une héroïne qui va radicalement changer entre notre premier contact avec elle et son quotidien partagé avec Kirishima. Mais si l’on peut comprendre qu’elle nous bluffe totalement avec ce revirement, cela n’est pas l’unique raison qui fait que l’on peut la considérer comme la plus belle qualité du manga. En effet, si l’on apprécie autant ce développement, c’est justement parce qu’elle vient chambouler toute une organisation qui tourne autour d’hommes qui jouent les gros bras. Lâchée dans un milieu patriarcal où elle est quasiment la seule demoiselle que l’on rencontre, elle va faire preuve d’une force remarquable pour s’imposer justement. Elle a beau n’être qu’une étudiante souhaitant couler des jours heureux, elle est aussi prête à agir si cela s’avère nécessaire. Et là, il faut souligner l’impact du trait de la mangaka qui va vraiment insuffler une aura aussi terrifiante qu’impressionnante à cette dernière. Alors qu’elle est souvent présentée comme amicale et ayant une sorte de contact facile, il suffit d’un brusque revirement de situation pour que l’on sente la menace qu’elle peut représenter. Et si la première fois, cela nous prend totalement au dépourvu au même titre que son “fiancé”, cette évolution va réellement créer tout un attrait autour de ce personnage. A présent, on a autant envie de la voir accomplir son objectif que l’on est impatient d’observer ses prochains agissements si on ose lui faire à l’envers.

Elle devient quasiment le meilleur des deux mondes en étant le symbole d’une volonté d’être heureuse et une force de la nature qui peut faire trembler même les pires yakuzas. Deux personnalités bien distinctes qui peuvent nous donner l’impression que l’on est devant deux personnages différents et qui sont pourtant les deux faces d’une même pièce. Dès le départ, la mangaka donne cette image de banalité à son héroïne pour nous faire baisser la garde avant de finalement donner le coup de grâce et toujours de manière simple, efficace et même brutale. C’est tellement bien conçu dans l’écriture que l’on en vient même, au moment de la première grosse surprise, à se demander si sa déclaration ne serait pas juste un coup de poker de sa part. Mais non, car il suffit d’avancer de quelques cases pour comprendre à quel point elle est sérieuse et déterminée. Elle montre alors qu’elle est une actrice majeure de cette histoire et non un simple pion sur l’échiquier de ces clans qui cherchent à avoir toujours plus de pouvoir. Même Kirishima, qui se moquait d’elle au départ, va apprendre à ses dépens à quel point elle peut être dangereuse. Nous ne sommes donc pas uniquement sous le charme de Yoshino qui nous en met plein la vue dès lors qu’elle décide de s’impliquer dans une affaire. Elle nous offre aussi un pur moment de satisfaction en la voyant mettre à mal tous ceux qui osent la considérer uniquement comme une adolescente fragile et sans défense. Un protagoniste que l’on prend plaisir à suivre autant pour son objectif que son développement.

Yoshino est donc une protagoniste que l’on prend plaisir à suivre tant elle arrive à combiner plusieurs facettes. Une héroïne désireuse d’une vie simple, mais qui peut montrer les crocs dès lors qu’on ose se mettre en travers de sa route. Criminelles Fiançailles donne une remarquable place sur le devant de la scène à cette héroïne qui est coincée entre deux mondes. Elle fait alors de son mieux pour survivre dans ce dangereux environnement tout en montrant qu’elle est aussi une personne pouvant être sur l’offensive. A travers ces volumes, l’artiste a su donner vie à un personnage que l’on admire et que l’on a envie de suivre.

Yoshino sait où frapper

Si j’apprécie l’histoire que nous délivre Criminelles Fiançailles ainsi que tout ce qui se construit autour de cet univers, la plus grosse qualité du manga reste pour moi le développement des personnages et notamment concernant Yoshino. A chaque nouveau volume, je m’attends et j’ai envie de la voir en action. Le simple fait d’observer cette flamme qui se met à brûler dans ses yeux quand elle décide d’agir n’a pas de prix tant on est emporté par ce qui se passe. A présent, on sait de quoi elle est capable et surtout à quel point elle peut se montrer imprévisible. Et l’on est ainsi tenu en haleine en nous demandant ce qu’elle compte faire autant contre les ennemis de sa famille que concernant son fiancé qui a ouvert les yeux sur la capacité de la jeune femme. Une héroïne qui en impose et qui porte à merveille ce récit. Progressivement, elle a su détruire l’autorité de son entourage afin de sortir du lot et de montrer que même si elle rêve d’une vie ordinaire, elle est aussi capable de faire appel aux outils à sa disposition en ayant grandi dans ce milieu de l’ombre. En plus de ça, là où d’autres font souvent preuve de force pour régler leurs soucis, Yoshino s’avère bien plus rusée et manipulatrice. Une prédatrice qu’il vaut mieux ne pas réveiller sous peine de subir son courroux et peu importe qu’il s’agisse d’un ennemi ou d’un éventuel allié. Une personne qui s’inscrit à merveille dans cet univers où il faut savoir se battre d’une façon ou d’une autre pour ne pas connaître un triste sort. Dans cet environnement où tous ne pensent qu’à leurs intérêts, cette demoiselle relie le monde des yakuzas au monde ordinaire.

Une adolescente qui rêve de lumière, mais qui a besoin de faire appel aux ombres de son clan pour y parvenir. Au même titre que bon nombre d’héroïnes qui arrivent à briser les codes, stéréotypes et autres aprioris éculés, Yoshino n’a rien à envier au reste du casting. Au contraire, son parcours, mais aussi sa manière de combattre lui permettent d’inscrire son souvenir dans l’esprit du lecteur bien plus facilement que les autres acteurs qui l’entourent. Nous assistons à la naissance non pas d’un personnage qui va progressivement se transformer à cause de ce qu’il se passe. Elle va tout bonnement révéler qu’elle a bien plus de ressources qu’elle ne le montrait initialement. Alors que tout le monde croyait voir en Yoshino un petit lapin pouvant se faire dévorer à tout moment, ils ont été pris de court en voyant qu’elle pouvait aussi être une louve bien cachée dans la bergerie. Criminelles Fiançailles est un coup de coeur, mais aussi une véritable pépite qui nous plonge avec brio dans le quotidien de ces deux protagonistes qui sont très différents, mais qui doivent cohabiter autant aux yeux du commun des mortels qu’au sein de cet environnement qui fut le leur depuis leur plus jeune âge. Mais là où beaucoup exposent directement leur autorité, une jeune femme évite de faire des vagues au risque de provoquer un véritable tsunami. Tout bonnement l’une de mes héroïnes préférées de ces derniers temps et dont chaque apparition est un pur bonheur.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant le personnage de Yoshino. Trouvez-vous qu’elle est celle qui a le droit à l’écriture la plus captivante dans Criminelles Fiançailles ? Est-ce que vous avez été bluffé par la manière dont elle arrive à s’en sortir dans un milieu aussi dangereux ? Le titre parvient-il, selon vous, à faire grandement évoluer ce personnage au fil de leurs péripéties ? Pour vous, cette jeune femme parvient-elle à se faire une place au milieu de tous ces criminels ? Que pensez-vous de sa relation avec son fiancé ? Qu’attendez-vous pour la suite de son évolution ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.

© 2017 Konishi Asuka, Kodansha