Tower Dungeon T1 : un lieu où la mort rôde

Il arrive que dans le monde du manga, on puisse faire des rapprochements avec d’autres médiums tant on retrouve certaines similitudes, inspirations ou schémas. Et c’est alors captivant de voir comment un artiste peut réussir à retranscrire ça à travers son propre regard et son imaginaire. Cela peut donner de belles surprises quand on se lance dans un récit qui parvient à proposer un premier acte aussi envoûtant que réussi dans l’immersion que l’on va vivre. C’est exactement ce que j’ai ressenti avec la série dont je vais vous parler aujourd’hui et qui débute cette semaine chez Glénat. Je parle bien sûr de Tower Dungeon, la nouvelle série de Tsutomu Nihei qui propose ici un sacré changement de registre. Alors qu’on a l’habitude de voir ce talentueux mangaka opérer dans le genre de la science-fiction, cette fois il part dans le sens opposé avec un titre de fantasy. Une proposition déjà intéressante de ce fait et qui m’a rapidement scotché tant son style si particulier colle à merveille avec ce changement de cadre. Préparez-vous à faire votre entrée au sein d’une tour qui a tout d’un véritable cauchemar.

Une princesse à sauver

Synopsis

Un nécromancien maléfique a tué le roi et emporté la princesse dans la titanesque “tour des dragons” ! La garde royale se lance à son secours mais est mise en déroute par les redoutables monstres qui infestent le bâtiment. Les habitants des villages alentour sont alors mobilisés. L’un d’eux est un jeune homme à la force prodigieuse : Yuva, le héros de cette histoire.

Mangaka : Tsutomu Nihei

Ce que je trouve fascinant dans ce résumé de Tower Dungeon, c’est à la fois sa simplicité, mais aussi à quel point il peut rappeler certains éléments très ancrés dans la pop culture. Cela n’est pas une mauvaise chose, car le mangaka va réussir à insuffler à tout ça sa propre identité et ainsi créer le début d’une fresque de fantasy à la fois sombre et captivante où le danger est omniprésent. Une œuvre qui va nous emmener sur un terrain de jeu particulièrement sombre et même sordide qui va nous happer et nous questionner sur énormément de choses.

Un imaginaire captivant

Dès le départ, j’attendais énormément de Tower Dungeon, car c’était l’occasion pour moi de voir l’auteur dans un tout autre registre que ce que l’on a l’habitude de voir dans ses précédentes séries. Et j’ai été bluffé dès le départ à quel point son style graphique épuré et pourtant fourmillant de détails s’inscrit à merveille dans un cadre de fantasy. Et surtout, il nous délivre directement une intrigue simple sur le papier, mais qui va se montrer d’une richesse incroyable au fur et à mesure des pages. La raison à ça est que ce premier volume cherche justement cette simplicité initiale pour que le lecteur puisse facilement s’immerger dans le récit. Sans la moindre fioriture, on nous décrit une mission périlleuse dans le but de sauver une princesse en détresse. Mais alors que l’on pourrait croire que c’est un thème connu depuis bien longtemps, le mangaka va réussir à y apporter sa propre patte qui va totalement changer notre perception de cet objectif. Cela commence par la mise en place d’un protagoniste qui n’a rien d’extraordinaire de prime abord. Un simple paysan qui fait de son mieux pour aider ses proches et son village, mais qui finit par être désigné pour participer aux recherches au sein de cette tour infernale. La raison à ça est qu’il a une force hors du commun, mais même en sachant ça, on ne peut s’empêcher de voir devant nous un individu tout à fait lambda qui n’aspire à rien d’autre qu’à une vie paisible. Et c’est génial, car ça permet de s’impliquer dans son développement, car il se rapproche de n’importe qui.

De ce fait, on va s’inquiéter pour lui tout en étant curieux de voir comment il va s’en sortir dans ce sinistre donjon. Cela me permet alors de rebondir sur ce dernier, car il s’agit aussi d’un élément important et maîtrisé du récit. Comme je l’ai dit précédemment, le début du récit se veut très épuré que ce soit dans le scénario, les personnages ou les décors. Mais dès que l’on voit cette immense tour apparaître devant nos yeux, on comprend que tout ça était pensé pour appuyer le côté grandiose et angoissant de ce lieu. On se sent littéralement tout petit face à cette bâtisse et cela ne s’arrange pas une fois à l’intérieur. En effet, il suffit de faire nos premiers pas au sein de ces immenses salles pour faire la connaissance des terribles monstres qui y habitent. Là encore, il y a une maîtrise du bestiaire qui permet à cette lecture de prendre une teinte beaucoup plus sombre tirant vers la dark-fantasy au vu de ses créatures cauchemardesques. Mais, et c’est aussi quelque chose que j’ai ressenti, on peut aussi y voir une très bonne inspiration du média jeu vidéo avec ce lieu servant de scène principale à tout ce qui va se passer. C’est en apprenant à connaître l’ennemi et ses spécificités que nos protagonistes peuvent espérer survivre tout comme si on était dans un jeu “From Software”. Cela donne un sentiment de danger constant et l’auteur a parfaitement su retranscrire ce sentiment d’inquiétude perpétuelle à ce qui nous attend à travers ses dessins et sans que l’on soit un acteur du récit. Tout ça est ensuite couplé à un enrichissement progressif du lore de ce monde qui vient petit à petit et donne encore plus envie d’en apprendre sur ce qui façonne cet univers. Une narration efficace où la simplicité des débuts sert amplement à approfondir l’histoire par la suite.

J’ai adoré que Tower Dungeon réussisse à créer une atmosphère aussi prenante et brutale tout en gardant presque un côté minimaliste tant on va se cantonner à seulement quelques décors. C’est ce qui motive aussi d’en voir plus et de nous concentrer sur toute la richesse de ce lieu aussi envoûtant que macabre. L’auteur fait preuve d’une créativité remarquable pour créer une œuvre de dark-fantasy qui nous prend aux tripes et où on a le sentiment que le moindre faux pas peut emporter nos protagonistes dans l’enfer de cette tour. Un premier acte qui offre tout ce qu’il faut pour avoir envie de prolonger cette aventure.

Tower Dungeon augmente la difficulté

Autant le dire tout de suite, j’ai adoré ma découverte de ce premier volume de Tower Dungeon. Tsutomu Nihei a parfaitement su s’approprier les codes de la fantasy autour d’une trame simple et classique, mais qui lui permet d’avoir la maîtrise totale de son récit pour ensuite enrichir progressivement l’univers imaginé au sein de ces pages. Et franchement, j’ai trouvé le changement de ton dès l’instant où l’on découvre la “tour des dragons” absolument fantastique. Sans jamais se lancer dans des explications lourdes ou même de longs échanges, tout s’exprime par le biais de son trait. On ressent l’oppression propre à ce lieu et l’on retient notre souffle à chaque pas de nos héros tant on ignore les dangers qui peuvent se trouver non loin. De même, je tiens aussi à souligner deux points que j’ai trouvé excellents durant cette découverte. La première est d’avoir su retranscrire un côté jeu vidéo sans être réellement ancrée dans le côté mécanique de gameplay. On retrouve cette ambiance où l’erreur peut être fatale et où s’adapter à chaque situation est la clé de la survie. De plus, je trouve pertinent d’avoir une narration en entonnoir qui commence par un objectif simple qui sera au cœur de l’intrigue et où le monde qui s’offre à nous va se développer au fur et à mesure de notre lecture. En limitant exprès le récit à une zone précise, cela permet de se concentrer pleinement sur ce qui se passe pour ensuite, progressivement, ouvrir les yeux sur ce qui se passe au-delà de toute cette aventure dans ce donjon.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai eu un gros coup de cœur pour ce premier volume de Tower Dungeon. Un juste équilibre de tous ces éléments qui permet d’apprécier pleinement tout ce qui nous est raconté. Surtout que l’on va aussi avoir un certain affect pour ces quelques personnages qui sont désignés pour parcourir ces sombres couloirs. En outre, je trouve aussi qu’il y a un excellent travail qui est fait autour du bestiaire proposé. Même si nous sommes juste face à quelques adversaires pour ce lancement, ceux-ci marquent facilement les esprits tant ils sortent de l’ordinaire et appuient le côté macabre de la “Tour des dragons”. Un endroit qui ressemble à l’enfer, mais qui nous rappelle sans cesse tant on veut savoir tout ce qui se cache à l’intérieur. Si vous cherchez une œuvre de fantasy qui saura vous offrir votre dose de frissons et qui vous plongera totalement dans son univers alors vous serez sûrement convaincu par ce premier volume. Et maintenant, j’ai tout un tas de questions qui me trottent dans la tête par rapport à la suite. Est-ce que l’on va découvrir des secrets importants au sein de ce donjon ? Qu’est-ce qui peut bien se cacher derrière l’entité qui a kidnappé la princesse ? Qu’est-ce qui se manigance au sein du royaume suite à tous ces événements ? Notre jeune homme parviendra-t-il à survivre face aux prochaines épreuves qui se dresseront devant lui ? Ce qui est sûr, c’est que je compte bien l’accompagner pour connaître le fin mot de tout ça.

N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Tower Dungeon. Trouvez-vous que le mangaka arrive à s’affranchir de son style précédent pour proposer un univers fascinant ? Appréciez-vous le fait que le titre s’inspire de certains éléments d’autres médiums pour créer une atmosphère oppressante et haletante ? Etes-vous curieux d’en apprendre bien plus sur cette mystérieuse tour, ces ennemis et ce qui façonne la mythologie de ces terres ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? Je reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.