Le temps d’un souvenir : la saga Metal Gear Solid
Cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas proposé un nouveau numéro de notre rendez-vous autour de nos souvenirs gaming. On s’est donc dit que pour marquer le coup, on allait cette fois parler d’une très grande série que l’on a grandement appréciée et qui a marqué le paysage vidéoludique. On parle bien sûr de Metal Gear Solid, la fameuse licence de Konami, qui a aussi permis à Hideo Kojima de faire étalage de ses connaissances en matière d’écriture. Bien évidemment, il ne s’agira pas ici de décortiquer toutes les subtilités propres à la franchise, mais bel et bien de souligner à quel point cette dernière a su impacter notre vie de joueur. Pour cela, on ne sera pas seul étant donné que l’on peut compter sur L’Apprenti Otaku pour nous accompagner durant ces quelques réminiscences. Lui aussi a beaucoup de choses à dire pour cette licence qui a su brouiller la limite entre deux mondes pas si éloignés au final. On compte aussi sur vous pour nous dire quels sont vos souvenirs de MGS. L’heure est donc venue de retrouver une famille de serpents qui n’a pas peur de montrer les crocs.
L’arrivée du serpent
Comme dit en introduction, nous allons, pour notre part, évoquer avant tout nos souvenirs des cinq épisodes qu’il y a eu dans la franchise sans s’attarder sur les jeux annexes qu’il y a pu avoir, mais qui enrichissent toujours plus cet univers. La première fois que l’on a été en contact avec Metal Gear Solid, on était chez un cousin qui avait ce fameux titre dont on ne connaissait rien à l’époque. On se contentait de le regarder jouer, mais déjà on trouvait cette expérience vidéoludique hors du commun. En plus d’avoir un scénario prenant, que l’on a encore plus apprécié avec les années, ce premier épisode nous mettant dans la peau de Solid Snake avait surtout un atout majeur. Il s’agissait de son énorme diversité dans ses mécaniques de jeu faisant que l’on découvrait à chaque fois de nouvelles choses. On se rappelle très bien les nombreux appels sur le codec qui finissaient par agacer certains personnages ou même l’approche que l’on pouvait avoir à l’égard de la plupart des boss. A une époque où l’on se contentait souvent de combattre un ennemi juste en étant plus fort que lui, MGS avait réussi à apporter une dimension très stratégique à chaque confrontation. Même un objet que l’on pouvait considérer comme inutile devenait finalement un atout majeur pour infiltrer cette base hautement sécurisée. Un étonnement constant qui faisait partie intégrante de cette aventure hors du commun. D’ailleurs, c’est un choix qui va se répercuter sur les autres opus afin de conserver ce désir de vouloir tout tester afin de voir si cela fonctionne.
Dans les plus grands souvenirs que l’on a de cette première virée, on pourrait en citer tellement. L’apparition du ninja qui nous faisait flipper à l’époque, l’évasion où l’on pouvait faire semblant de mourir à l’aide de ketchup et bien sûr le légendaire combat entre notre soldat et Psycho Mantis. En réalité, ce dernier était tellement ingénieux dans sa conception de ce que peut faire un boss et ce que cela signifie pour nous que l’on restait médusé en voyant ça. Même aujourd’hui, on repense à ce moment avec un grand sourire tant cela semblait invraisemblable. Cela s’étendait aussi aux méthodes pour surpasser les capacités hors du commun de notre adversaire. En réalité, Metal Gear Solid venait totalement briser ce côté simplement joueur que l’on avait. Comme si certains personnages brisaient le quatrième mur pour s’adresser directement à nous. De ce fait, c’était à nous même de trouver une solution et non au héros que l’on incarnait. Quand on y repense, ce premier épisode était génial dans son intrigue, mais c’est surtout tout ce qui gravitait autour qui nous a vraiment permis de considérer cette licence comme un chef-d’œuvre. Une ingéniosité dans le développement et l’écriture qui a largement suffi pour nous séduire tant on ne restait jamais passif ici. Notre cerveau était constamment en ébullition afin de savoir quel serait le meilleur chemin pour progresser et découvrir tous les usages possibles derrière chaque item. Une réinvention totale de notre manière d’appréhender un gameplay et qui a aussi prouvé que le jeu vidéo pouvait largement dépasser le cadre du simple divertissement enfantin que l’on avait à l’époque.
Un enrichissement de l’univers
Metal Gear Solid 2 est un épisode qui est longtemps resté assez obscur pour nous. Ayant loupé sa sortie et n’ayant pu le faire que bien plus tard, on a ainsi eu une relation étrange avec ce titre. Pourtant, on a rapidement été conquis par cet opus qui n’a rien à envier à son prédécesseur et qui va même enrichir l’expérience de base avec de nombreux ajouts. En fait, ce qui a le plus retenu notre attention ici fut surtout le scénario et l’enrichissement de cette galerie de personnages déjà formidable. En plus de ça, on faisait la rencontre d’individus qui allaient avoir une grande importance sur le long terme, revenant même à plusieurs occasions dans d’autres opus. Avec un gameplay qui continuait à nous faire réfléchir sur la meilleure manière d’appréhender chaque situation, on sentait une toute nouvelle tension s’installer. On ne sait pas si c’était par rapport au climat étrange qui se dégageait de cette aventure ou bien le fait que l’on était dans une épopée mettant énormément l’accent sur l’infiltration. Quoi qu’il en soit, on se rappelle qu’à de nombreuses occasions on a eu la boule au ventre à l’idée de progresser. Une inquiétude parfaitement dosée où l’on sentait que la moindre erreur de notre part pouvait être fatale. Cependant, l’un des passages que l’on retiendra le plus est sûrement notre confrontation face à Vamp. On avait déjà eu le droit auparavant à des adversaires surpuissants, mais qui semblait tout de même être à notre portée. L’apparition de ce combattant change totalement la donne, car on a presque le sentiment de faire face à une créature surnaturelle.
En effet, avec ses facultés hors normes qui nous faisaient penser à un vampire et ses capacités de régénération, l’angoisse était palpable face à un tel adversaire. On était un peu en panique lors de notre première confrontation face à ce boss qui chamboulait ce que l’on avait pu connaître auparavant dans la série. Cependant, cela était toujours fait de manière à coller avec les thématiques abordées et le fait que l’être humain se transcende via la technologie. Un sujet fort récurrent dans la licence et qui va vraiment trouver ici tout son sens à nos yeux. Que cela soit dans le combat de fin ou même tout au long de notre parcours, on ressent pleinement toutes ces thématiques autour desquelles se construisait l’histoire de MGS. Cependant, un autre choc que l’on a eu à l’époque en se lançant dans cette deuxième escapade fut le fait que Snake partage le devant de l’affiche avec un tout autre protagoniste, à savoir Raiden. Cela nous a fait vraiment étranges de contrôler un autre soldat que le héros du premier épisode et a permis ainsi d’enrichir un univers déjà grandiose à travers le prisme d’un nouvel individu. Un changement qui va permettre de prendre du recul sur l’histoire racontée et ainsi découvrir de nouvelles facettes de ce monde que l’on nous présentait. Metal Gear Solid nous montrait ainsi que ce récit n’était pas celui d’un seul homme, mais de plusieurs âmes luttant pour ce qu’ils croient juste et qui finissent souvent par renouer avec leur passé.
Un retour en arrière émouvant
On attaque maintenant l’un des épisodes si ce n’est l’opus qui nous a mis une claque monumentale. Le troisième voyage dans cette saga mythique fut sûrement celui qui a le plus su jouer avec l’émotion du joueur. Déjà, le fait de revenir dans le passé afin de connaître les origines de toute cette histoire autour de The Boss et Big Boss est palpitant. Cependant, c’est encore plus incroyable quand on se retrouve plongé dans cette jungle luxuriante où l’on a l’impression de jouer les Rambo. Camouflage, tactiques d’infiltrations et autres techniques propres à notre soldat nourrissent le plaisir de l’expérience et montre encore une fois toute l’ingéniosité des développeurs pour incorporer cela autant comme un élément de gameplay que comme une part essentielle de l’amusement que l’on peut ressentir. Encore une fois, cet opus brille par sa faculté à transformer les confrontations avec les boss en véritable jeu de stratégie où il existe pas mal de façon détournée de remporter la victoire. Pourtant, ce n’est pas ce que l’on retient le plus. Pour une fois, les mécaniques de jeu ont beau être fantastiques, c’est l’histoire qui va prendre le pas. Tout au long de ce périple, on n’a pas arrêté de frissonner à l’idée de vivre ce combat mythique qui allait façonner toute la légende de Big Boss. D’ailleurs, on se souvient très bien qu’il y avait un formidable travail d’écriture fait en amont pour nous préparer à ce moment fatidique. Pourtant, et c’est là qu’est le génie, même la meilleure préparation au monde ne pouvait suffire à face à ce final grandiose.
Chaque seconde de ce duel est gravé en nous tellement il est fabuleux et tragique. Que ça soit sur le cadre dans lequel on est projeté, le destin de ces deux combattants, le charisme de notre opposante et surtout la décision finale, tout est pensé pour que l’on ait envie d’aller à contresens de ce triste sort qui est pourtant inévitable. C’est en mettant en scène une telle lutte que l’on a une nouvelle preuve de quoi le jeu vidéo était capable de faire ressentir à la personne tenant la manette. Un art à part entière qui peut ainsi exprimer des émotions fortes et que l’on finit par partager. L’incrédulité du moment, le fait d’avoir la main qui tremble ou le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’unique sont autant de petits détails qui rendent cet opus juste légendaire. D’ailleurs, en relisant ce que l’on a écrit jusqu’ici, on se rend compte à quel point chaque épisode a su amener quelque chose de différent à la franchise. Tout cela pour finalement nous conduire à cet instant précis où tout bascule et où l’on prend conscience à quel point une aventure vidéoludique est une épopée comme une autre où l’on peut vivre des événements fous et s’inscrivant à jamais dans notre inconscient. Si le premier Metal Gear Solid brillait par son ingéniosité dans le gameplay et le second dans l’enrichissement de cet univers, ce troisième épisode amène cet ascenseur émotionnel ayant permis de consolider la saga comme un monument du paysage vidéoludique.
Quand la vieillesse rattrape le soldat
L’heure est venue d’attaquer le quatrième opus et que dire sur ce dernier si ce n’est qu’il a grandement divisé les fans. En tant que joueur, on peut clairement dire qu’il est l’un des épisodes qui nous a le plus touché par rapport à tout ce qu’il a souhaité nous raconter. En effet, Guns of the Patriots nous a profondément bouleversé, et cela, dès les premières minutes de jeu. Le fait d’incarner un snake vieilli dont la dégénérescence semble inévitable a su serrer notre cœur en un claquement de doigts. Le héros que l’on avait tant aimé par le passé semblait ainsi se lancer dans sa toute dernière aventure. Si l’on comprend tout à fait les réticences qu’il y a pu avoir sur ce quatrième épisode, on a pris tellement une claque au niveau de cet adieu que l’on ne peut rester de marbre. On a trouvé qu’il s’agissait d’un très beau et déchirant final qui nous permettait de retrouver tous ces personnages que l’on aimait dans un seul voyage. Comme un chemin de croix où les erreurs du passé devaient être corrigées. C’est avant tout la portée philosophique de ce titre qui nous a plu et toute sa symbolique. Le dernier combat d’un homme se sachant condamné et qui souhaite juste mettre un terme à tout ce qui a rythmé sa vie de soldat. On a beau retrouver les mécaniques de jeu que l’on connaissait ainsi que des nouvelles, on avait constamment ce rappel que chaque pas effectué nous rapprochait de la fin. Un terminus autant pour le joueur que pour Solid Snake qui essaye tant bien que mal de dissimuler sa condition affaiblie.
Toute l’aventure ici se présente comme une immense course contre le temps. Le plus grand adversaire de Snake est cet ennemi invisible contre lequel on ne peut jamais gagner. Tout va alors être sublimé à chaque nouvel acte et ainsi raviver des souvenirs. On dit que l’on revoit le film de sa mort avant de rendre son dernier souffle. Ce quatrième opus est clairement un retour aux prémices de la saga. Que cela soit l’adversaire à abattre, les lieux visités qui résonnent comme des échos du passé et les ennemis se dressant devant nous, tout est là pour confronter Snake aux fantômes de ses précédentes aventures. D’ailleurs, il est important de noter qu’il est constamment question ici des nanomachines et des transformations que cela implique sur le corps de ceux qui les abritent. Que cela soit Raiden, Snake, Vamp ou n’importe quel soldat, cet élément leur permettant de transcender leur statut d’humain finit presque par se retourner contre eux. Outre cela, cette virée aura aussi été un enchaînement de scènes épiques et grandioses que l’on se remémore avec une profonde nostalgie. Que cela soit la confrontation entre le ninja d’acier et le vampire, Snake et le fameux couloir de la mort ou le combat final, on se rend compte à quel point cette dernière virée en tant que Solid Snake fut inoubliable. Nous n’avons pas pris ce titre comme un simple divertissement, mais presque comme une lettre d’adieu de la part d’un héros qui aura fait rêver le joueur que l’on était.
Une dernière valse
Pour finir ce petit tour d’horizon de nos souvenirs gaming, on ne pouvait pas ne pas parler du dernier opus en date. MGSV fut avant tout pensé pour mettre un terme au récit de Big Boss étant donné que l’on avait déjà fait nos adieux auparavant à Solid Snake. Ce que l’on a toujours apprécié dans cette nouvelle virée fut la très grande liberté d’action qu’on pouvait avoir. Un sentiment d’évasion total qui renouait autant avec cette approche créative qu’il fallait avoir que certains éléments propres aux jeux qu’il y avait à côté de la ligne principale. Si l’on était encore plus dans cette volonté de rapprocher le jeu vidéo et le cinéma, force est de constater que l’on a, une fois de plus, été happé par tout ce qui est symbolisé tout au long de ce récit. Bien sûr, on pourrait parler de cette surprise assez étrange concernant le dernier acte du jeu, mais on aime à penser qu’il y a un sens pertinent et intelligent derrière. Le fait de pouvoir prolonger l’expérience au côté de celui qui est à l’origine de la création de tous ces clones et des problèmes engendrés par la suite a quelque chose de grisant. On aime approfondir notre relation avec lui et surtout le combat qu’il souhaite mener pour les siens. Un homme semblant dénué de patrie à présent et qui ne bosse que pour ceux qu’ils considèrent comme ses camarades. En fait, on a totalement eu la sensation de se laisser porter par ce destin qui semblait fatidique pour tous ces gens se confrontant à un opposant si important.
De même, Metal Gear Solid V est sûrement l’épisode le plus énigmatique de la franchise. Alors qu’il est censé mettre un terme à la saga, on avait constamment cette impression d’avancer dans un épais brouillard. Alors que l’on pensait trouver de nouveaux indices, cela ne faisait que donner naissance à encore plus de questions. A nos yeux, ce dernier titre numéroté nous exprime un peu toute cette incertitude que l’on a pu avoir pendant tant d’années en accompagnant cette série. Un final qui n’est pas forcément celui que l’on aurait aimé, mais celui qui était sans doute nécessaire pour finir une bonne fois pour toutes la légende des Snake. Il y a énormément de choses à dire et cela pourrait aisément faire le sujet d’une chronique entière pour ce simple dernier acte. Malgré tout, ce dernier périple a su nous interpeller, car c’est toujours un moment génial que de se balader sur ces terres inhospitalières et de réfléchir au meilleur moyen pour atteindre son objectif. Une œuvre qui a toujours récompensé la découverte et surtout les expériences que l’on pouvait faire. Une saga à l’image de son créateur et qui efface la frontière entre le monde vidéoludique et cinématographique. L’heure est donc venue de laisser la parole à mon comparse L’Apprenti Otaku qui a lui aussi beaucoup de choses à dire sur ce qu’il a vécu au contact de cette saga.
Témoignage de L’Apprenti Otaku
Metal Gear Solid est une licence très particulière pour moi, puisqu’elle est sans doute dans mes 3 ou 4 préférées en termes de jeu vidéo. C’est donc toujours particulier d’en parler.
Je n’arrive plus tout à fait à me souvenir de comment j’ai découvert le titre. Je me souviens de l’avoir acheté vers 13 ans, à une époque où on ne se pose pas trop ma question de savoir si un jeu est de notre âge ou pas.
J’avais vu une bande annonce dans une VHS offerte avec un magazine de jeux vidéo, mais je me demande si mes premiers contacts avec le jeu n’ont pas eu lieu sur Game One… quoi qu’il en soit, les images que j’avais vu donnaient vraiment l’impression d’un jeu différent, très original dans son approche (l’infiltration était un genre très peu représenté à l’époque), et surtout, l’esthétique et la musique s’accrochaient tout de suite.
Et donc, après des mois j’ai fini par acheter le jeu d’occasion en boutique spécialisée, encore quelque chose d’un autre temps qui existe de moins en moins. J’avais déjà vu énormément de vidéos de soluce du jeu sur Game One (on était des années avant que je n’ai Internet à la maison)… ce qui veut dire que je connaissais déjà certains des éléments devenus cultes du jeu.
Et le premier contact avec le jeu fut rude, et pour cause. Cela nous renvoie à une époque où la production était beaucoup moins standardisée et où les sagas avaient des mécaniques de jeu extrêmement différentes. De ce fait, arriver dans ce jeu où à peu près chaque touche à une utilité, où il ne faut pas se faire voir, est compliqué. C’est quelque chose que la série va conserver, une prise en main compliquée au début, mais qui une fois maîtrisée fait mouche. Sur ce point, je trouve d’ailleurs l’introduction sous forme de tuto de MGS V particulièrement bien faite à la fois en termes de storytelling, mais aussi en tant qu’entrée en matière pour se familiariser avec le jeu.
Mais revenons au premier épisode. C’était la première fois que je voyais un jeu aussi résolument narratif (et dont je ne comprenais d’ailleurs pas tout à mon âge), avec un héros aussi charismatique, une telle importance accordée à la mise en scène et… un doublage en français ! À l’époque, c’était quand même très rare d’avoir une VF, je crois que le seul autre titre auquel je jouais qui était dans ce cas était Tomb Raider. Et la VF, qui m’apparaissait alors comme somptueuse, est en fait devenue culte de par sa médiocrité. Pour avoir refait le jeu il y a quelques années, il n’y a en effet pas une seule réplique, pas un seul comédien qui soit correct. Tout est en roue libre, et contribue à un aspect nanar un peu culte du jeu mais qui personnellement, me déplaît.
Toujours est-il que MGS a été la découverte de certaines limites du médium que Kojima et ses équipes ont repoussé et transcendé. Notamment le rapport au joueur, en s’adressant à lui de façon vraiment particulière parfois. Je ne parlerai pas de briser le 4e mur, ce que l’on dit souvent à ce sujet, car selon moi cette notion n’a aucun sens dans le domaine du jeu vidéo.
En tout cas, comme pour tous les grands jeux en règle générale, Metal Gear Solid a clairement imposé un style qui lui est propre et qui a perduré avec les années et les évolutions de la série. Mais le premier épisode, malgré ses mécaniques travaillées, son level design brillant, ses boss impressionnants et ses séquences cultes, n’était finalement qu’un hors-d’œuvre, et c’est vraiment avec le second épisode sur PS2 que Kojima a vraiment totalement bouleversé la donne pour moi, et crée sa marque de fabrique.
Je décrirai ça par le fait de mettre en abyme de façon constante le processus créatif au sein de ses jeux. Car Metal Gear Solid 2, en plus de continuer l’histoire de Snake et Ocelot, va proposer une réflexion sur la difficulté de faire une suite à un jeu devenu un monument. Je vais éviter de spoiler au cas où, mais on peut quand même dire que Kojima et ses équipes vont dans le même temps proposer une sorte de décalque du premier épisode, tout en déjouant nos attentes. La plus connue et qui reste en travers de la gorge de beaucoup encore aujourd’hui, est de faire de Snake un personnage secondaire, nous forçant à contrôler un personnage beaucoup moins charismatique. Je pense que le but était aussi de prendre de la distance par rapport à Snake, qui dans le premier était perçu par les joueurs comme un héros ultra charismatique, au point où ses nombreuses zones d’ombre n’ont pas été perçues comme telles.
Mais surtout, Metal Gear Solid 2 propose une évolution énorme des mécaniques de jeu de la saga, et va étoffer toutes les qualités déjà présentes. Désormais l’infiltration est bien plus dense, avec notamment une intelligence artificielle des ennemis considérablement améliorée.
En fait, Kojima et ses équipes ont réussi à capitaliser sur toutes les qualités du premier épisode, tout en améliorant absolument tous les points, y compris l’écriture et la mise en scène. Tout en y ajoutant comme je l’ai dit une réflexion vraiment pertinente sur le médium.
C’est d’ailleurs pour ça je pense que MGS2 est resté longtemps mon épisode préféré de la série, jusqu’à ce que le dernier arrive, radicalisant encore un peu plus le procédé (en plus de proposer des mécaniques de jeu vraiment exceptionnelles).
Je vais passer plus rapidement sur le 3 et le 4, qui restent de grands jeux, mais qui ont selon moi une portée moins forte.
Malgré tout, MGS 3 a la bonne idée de totalement changer le cadre de l’histoire, en la faisant se situer dans la jungle. L’intrigue est encore une fois très bien ciselée avec de très très belles idées, et également quelques mécaniques de jeu nouvelles bien senties (les tenues et camouflages) mais d’autres vraiment ratées (la survie avec la nécessité de se nourrir alors qu’on trouve de quoi se restaurer partout et tout le temps, ou encore le fait de soigner les différents types de blessures, finalement anecdotique et inutile). Mais il a cette particularité d’étoffer considérablement l’univers de la saga en nous faisant découvrir une époque différente, et en se centrant sur le personnage de Big Boss. Et ce faisant, le titre propose une réflexion sur la notion de héros, notamment de héros de guerre, très intéressante. Que ce soit à travers Naked Snake (futur Big Boss) ou l’antagoniste The Boss, le jeu développe quelque chose de vraiment passionnant, et qui en fait en grande partie sa valeur. Enfin, au détour d’une scène, Kojima a l’idée d’évoquer la figure du Styx pour nous faire prendre de la distance et réfléchir sur ce que l’on sait en tant que joueur. Une autre idée très intéressante et une séquence marquante qui aura été décortiquée de nombreuses fois (Et qui trouve un écho dans le 5e épisode).
Concernant Metal Gear Solid 4, j’ai une relation compliquée avec cet épisode. Je trouve que c’est celui qui a le plus d’errances sur tous les points, mais en même temps, sa volonté de pousser les codes de la série a leur paroxysme pour le bouquet final (à l’époque c’était sensé être le dernier épisode, et quoi qu’il en soit il reste le dernier dans la chronologie de l’histoire) en fait un jeu vraiment radical et une pure œuvre d’auteur, une fois de plus.
On y retrouve tout ce qui fait Metal Gear Solid, mais poussé au maximum. Les cinématiques sont plus longues que jamais (la cinématique de fin du jeu a le record de la plus longue de l’histoire du jeu vidéo avec ses 72 minutes !), l’humour scato est omniprésent grâce à un personnage en particulier, de très nombreuses figures de la saga font leur grand retour, et le dernier acte ressemble à un enchaînement de séquences fortes, avec des duels en pagaille pour fêter la fin de la saga.
D’ailleurs, le grand combat final entre Snake et Ocelot est pour moi un pur moment de grâce, qui arrive à rappeler le temps passé et tous les épisodes de la saga, du grand art !
De ce fait, si MGS4 est sûrement l’épisode le plus compliqué à apprécier de la série a mes yeux, il est aussi un des plus chargés en émotions, et des plus passionnants car extrêmement radical dans son approche.
Mais il faut croire que Kojima avait conscience qu’il pouvait faire plus et corriger ses errances, puisqu’il a voulu faire un cinquième épisode, qui de son côté clôture l’histoire de Big Boss, entamée dans MGS3.
Personnellement, Metal Gear Solid V – The Phantom Pain est mon jeu vidéo préféré. Je pense que je pourrai revenir longtemps sur tout ce qui fait de ce jeu une œuvre exceptionnelle pour moi. On pourrait commencer en abordant la communication en amont, très riche et maîtrisée qui contribue au discours du jeu, avec la fameuse énigme Fabio Canavero qui n’a pas été élucidée selon moi. On pourrait passer des heures à décortiquer le travail hallucinant de Kojima production sur les mécaniques de jeu, les plus riches et en même temps les plus intuitives de la saga, et évoquer son appréhension du monde ouvert qui offre des possibilités jamais vues dans la série en matière d’action et d’infiltration.
On pourrait aussi aborder le travail de mise en scène de Kojima, notamment sur le plan séquence, qui a dû inspirer Corey Barlog pour son God of War (pour info, God of War se déroule entièrement en plan séquence sans la moindre coupure, et c’est vraiment saisissant).
Enfin, on pourrait aborder tous les points problématiques, comme le personnage de Quiet, quasiment à poil sans la moindre raison, ou le fait que le jeu ait été vendu en deux parties, et finalement incomplet car tronçonné comme il se doit dans son dernier acte.
Mais je pense que le plus intéressant reste que le jeu est le témoignage de l’impossibilité pour l’industrie de se sortir de l’impasse dans laquelle elle s’est mise avec ses projets beaucoup trop ambitieux par rapport à ce qu’elle est capable de supporter, et que incomplétude du jeu et les soucis de développement se retrouvent finalement mis en abyme dans le jeu, comme ce fût le cas avec MGS2.
Ainsi, et ce n’est qu’une interprétation personnelle, j’ai le sentiment qu’avec ce dernier épisode qui a signé la fin de la collaboration entre Konami et Kojima, l’auteur est arrivé au bout d’un parcours et a mêlé son expérience à celle de Big Boss, pour que les deux fassent le constat amer de l’impossibilité d’arriver à la chimère qu’ils ont poursuivi si longtemps.
On parle souvent d’œuvre crépusculaire, et je trouve que pour Metal Gear Solid V, cette notion convient parfaitement. Et l’échec (plein de panache cependant) que fût Death Stranding par la suite, contribue à rendre encore plus porteur de sens ce dernier épisode de la saga phare d’Hideo Kojima.
Ainsi, j’ai l’impression qu’avec Metal Gear Solid, en plus de jeux d’action et infiltration parfaitement bricolés, on a aussi le parcours d’un artiste qui a trouvé son alter ego fictionnel, mais qui n’a pas réussi, tout comme lui, à aller au bout de son projet.
Et ça contribue selon moi à en faire la beauté et le caractère unique de cette saga.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre expérience ainsi que vos souvenirs concernant cette licence. Qu’avez-vous aimé ou détesté dans cette saga ? Quel est le moment qui vous a le plus marqué dans la licence ? Qui est votre personnage préféré au sein de cette galerie incroyable ? Avez-vous apprécié les thématiques traitées tout au long de cette franchise ? Trouvez-vous que la série a su offrir tout ce qu’elle pouvait donner ? On reste à votre disposition pour pouvoir échanger, discuter et débattre autour de ce sujet qui nous tient à cœur. Merci encore à L’Apprenti Otaku pour avoir aussi partagé ses anecdotes sur cette série ! 🙂