Les Affamés tome 1 : de l’autre côté de l’Apocalypse
Il arrive que l’on tombe sur des œuvres qui partent sur des bases vues et revues et qui parviennent à nous offrir un autre regard du genre. Une approche différente nous donnant un sentiment d’inédit et surtout une expérience hors du commun. En tombant sur un tel manga, on ne peut alors s’empêcher d’être totalement pris par ce qui nous est raconté. Cela est arrivé très récemment pour nous du côté de chez Akata. L’éditeur a toujours su proposer des séries atypiques ou fortes notamment dans les thèmes abordés. C’est donc encore une fois le cas avec la lecture que l’on aborde dans cette chronique et qui n’est autre que Les Affamés. Très vite dépeint comme un récit autour des zombies, il n’aura fallu que quelques cases pour entrevoir le réel potentiel de cette série. Une œuvre qui inverse le point de vue habituel pour nous conter non pas la quête de survie des vivants, mais celle d’un mort qui voit en cet enfer un royaume dont il peut être le seigneur. A la fois âpre et difficile, ce titre fait une proposition qui se veut justement très crue dans sa manière d’aborder une telle situation où les règles n’ont plus d’importance. Il est donc grand temps d’assister à l’ascension d’un zombie !
Les pérégrinations d’un cadavre
Les Affamés, imaginé par Kunitaro Tomoyasu, nous plonge dans un monde contemporain où l’Humanité a connu un triste sort. La race humaine est au bord de l’extinction face au nombre toujours plus grand des morts-vivants pullulant dans les rues. La vie quitte peu à peu cette planète où seule la décomposition règne. Cette “société” zombie ne peut cependant pas se défaire totalement de leur source première de nourriture. Il est nécessaire de pouvoir se sustenter pour eux sans en abuser. Mais cela est compliqué quand toute forme de réflexion a quitté ces corps ambulants. Heureusement pour eux, il y a un être qui fait exception à la règle. Celui-ci se nomme Wataru et affiche une constitution unique. Il a beau avoir subi le même sort que la majorité des gens, il a conservé son intelligence, mais aussi une part de ses émotions. Un corps mort, mais qui agit comme s’il était vivant. Ne pouvant être attaqué par les autres cadavres, il vagabonde paisiblement d’un lieu à l’autre. Alors qu’il n’a jamais été quelqu’un de grand et d’important de son vivant, il se dit que c’était peut-être cette catastrophe qui lui donnerait la chance de briller. Après tout, il n’a pas vraiment de concurrence et peut déjà se hisser comme un mort-vivant supérieur au reste de ses semblables. Afin d’accomplir son rêve de devenir le maître de ce nouveau monde, il élabore un plan ambitieux pour nourrir ses compagnons. Il faut pour cela qu’il trouve un homme et une femme ayant échappé au terrible sort qui attend ceux qui périssent.
Sa stratégie est de les séquestrer afin qu’ils se reproduisent et constituent la pierre angulaire de son élevage d’humains. Comme ça, il pourrait s’assurer une ressource continue de viande pour lui, mais aussi pour les autres zombies qui dépérissent petit à petit. Tout semble aller au mieux quand il fait la connaissance d’un premier survivant qui a passé une bonne partie de son existence à rester enfermé dans sa chambre. Ayant su créer une certaine relation entre lui et cet individu, Wataru n’hésite pas à prendre sur lui pour répondre aux attentes de son nouvel ami. Il faut dire qu’il s’agit d’un précieux sujet à ses yeux et qu’il faut tout faire pour qu’il ne manque de rien. Son but maintenant est de trouver une femme qui puisse lui permettre enfin de lancer son immense projet. Malheureusement, c’est de plus en plus difficile de trouver une personne qui n’a pas fini en charpie. Mais le destin semble du côté de ce zombie atypique quand il finit par croiser la route d’une cible idéale. Tout semble sourire aux ambitions de celui-ci et il lui faut maintenant réfléchir à son approche pour qu’elle accepte de le suivre. Il ignore alors que cette rencontre va réveiller des souvenirs et surtout l’amener face à un terrible dilemme. Le monstre et l’humain se confrontent en lui pour savoir ce qui est le plus juste et si son ambition doit prendre le pas sur ses principes. Wataru a beau être exceptionnel par rapport à sa condition, cela ne fait aussi qu’ajouter encore plus de conséquences aux décisions qu’il s’apprête à prendre.
Les Affamés montre rapidement son désir, à travers ce premier volume, d’explorer de nouveaux horizons dans le domaine du récit zombie. Un parti-pris qui va porter ses fruits tant on est emporté par la quête de cet être dépassant l’entendement. A travers cet environnement hostile et son personnage central, le mangaka nous invite à une aventure aussi prenante que déchirante. Un récit qui ne part pas dans la violence gratuite et qui veut surtout montrer l’horreur de ce monde, que cela soit du côté des morts-vivants que des humains restants qui sont prêts à tout pour perdurer quitte à perdre une part de leur humanité.
Un récit aussi dur que tragique
Il n’est pas rare dans les récits tournant autour de la survie face à des centaines de zombies d’avoir une œuvre tournant rapidement autour du sanglant voir du gore. Cependant, Les Affamés ne prend pas du tout cette direction et va même proposer un récit beaucoup plus brutal en calmant un peu cette effervescence d’hémoglobines. En effet, ce récit ne veut pas jouer sur l’exagération et va surtout se concentrer sur des épreuves qui nous mettent mal à l’aise, car débordant d’un certain réalisme et surtout d’une sincérité déroutante dans le trait de l’auteur. Si ce parti-pris peut dérouter au premier abord, cela a un effet si hypnotique et marquant que le lecteur ne peut détourner les yeux de ce sinistre spectacle. Concernant les autres forces de cette introduction, il y a bien sûr le personnage de Wataru. Notre mort-vivant à l’intelligence encore humaine ne va avoir de cesse d’être au centre de l’attention. Dans un premier temps, cela est dû à son statut si particulier. Après tout, il est très rare d’avoir un zombie qui dépasse le cadre de ce que l’on connaît concernant cette figure bien connue du genre horrifique. On est donc interpellé par ce qu’il compte faire, mais aussi ses réactions face à ses congénères et aux survivants. De prime abord, on pourrait croire qu’il est pris entre deux camps tant il semble encore avoir cette humanité qui s’exprime au travers de son visage. Ses paroles ont beau être terrifiantes, il affiche un comportement qui peut nous tromper aisément quant à sa véritable nature.
On est donc autant fasciné que terrifié par ce qu’il est prêt à faire pour simplement se faire une place dans ce nouveau monde. C’est là que l’on est pris à la gorge par ses agissements et son rapport avec les quelques humains qui croisent sa route. C’est un être qui peut se montrer effroyable, mais qui pour autant arrive à susciter une certaine empathie. Ce conflit en nous vient principalement de la capacité du mangaka à jouer l’équilibriste entre les deux facettes de ce protagoniste. Le cadavre qu’il est au fond de lui nous terrorise par rapport à son objectif pour sustenter les siens, mais l’homme qu’il parvient à présenter à travers ses souvenirs et ses réactions nous ouvre les yeux sur la malédiction de sa condition. En effet, on a l’habitude de voir les zombies comme des monstres mangeurs de chairs qui n’ont plus aucune conscience. Les tuer n’a finalement que peu d’impact sur leur ressenti et ce sont plus les humains restants qui souffrent de leurs gestes. Là, le rapport est inversé étant donné qu’il est une créature ayant aussi participé au carnage, mais qui sait pertinemment ce que sa position lui impose de faire comme acte effroyable. Savoir qu’il faut s’en prendre à ceux qui étaient encore récemment ses pairs ne fait qu’ajouter encore plus de douleur à son existence. Il a beau sembler impassible, on se dit alors qu’il est peut-être celui qui souffre le plus dans cette société où l’intelligence n’a plus vraiment sa place. On assiste alors à son calvaire quotidien qui le pousse à ne jamais trouver véritablement sa place.
Ce que l’on a trouvé captivant dans Les Affamés est la vision que l’on nous donne de l’apocalypse zombie. Cette fois, il n’est pas tant question de survivre pour nos protagonistes étant donné que l’on est de l’autre côté de la barrière. Toute la force du manga va justement découler de ce postulat de départ et surtout de la richesse qui se cache derrière notre personnage principal. On ne nous montre pas ici ces mort-vivants ambulants comme un danger en soi étant donné que l’on se retrouve de leur côté. Il s’agit avant tout de voir à quel point Wataru est prêt à tout pour devenir quelqu’un dans ce monde en ruines. Lui qui n’a jamais été exceptionnel de son vivant peut enfin devenir un être à part entière à présent que la faucheuse est venue le chercher.
Les Affamés offre un morceau de choix
Il n’y a pas à dire, Les Affamés fut une expérience littéraire sortant des sentiers battus. En prenant un thème aussi connu que celui de l’infestation zombie, l’auteur parvient à nous faire suivre une voie totalement originale et pertinente dans ce qu’elle peut raconter. Avec un personnage principal aussi terrifiant et captivant que Wataru, le manga réussit à nous tenir en haleine de bout en bout. On est totalement choqué par ce qu’il souhaite faire, mais le fait qu’il évolue à une frontière totalement inédite entre le mort-vivant et l’humain rend cet individu beaucoup plus complexe. Le lecteur ne sait jamais sur quel pied danser avec ce dernier et on arrive autant à avoir une profonde empathie pour lui qu’un dégoût par rapport à ce qu’il est capable de commettre comme acte. Avec le but qu’il s’est fixé, on se questionne s’il va vraiment réussir à le réaliser ou bien s’il va errer à jamais parmi ses congénères sans vie. En plus de ça, la série ne cesse d’osciller entre l’espoir et une chute abyssale dans les méandres obscurs de la nature humaine. Il n’y a qu’à voir le rapport de notre protagoniste avec son entourage pour comprendre parfaitement ça. De même, la dernière partie de cet ouvrage a été tellement difficile et prenante que l’on ne pouvait rester de marbre devant ce qu’il se passait. Cette série réussit à nous faire hésiter en nous montrant que l’homme peut être un monstre tout aussi abject que le plus sinistre des zombies. Une impressionnante et oppressante aventure qui n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Vous l’aurez compris en lisant ces quelques lignes, mais on a été bluffé par tout ce que le mangaka parvient à exprimer à travers un récit de zombies. En proposant un pari assez fou, mais qui fonctionne à merveille, on a le droit à une vision bien différente de ce genre pourtant tellement présent dans la culture populaire. Avec son personnage principal qui flirte entre le monstre et l’humain ainsi que les nombreuses interactions qu’il peut avoir avec d’autres survivants, ce récit nous prend souvent aux tripes. C’est formidable de voir une telle qualité d’écriture pour transformer un simple mort-vivant en un être à part et qui cherche à briller dans la mort après avoir échoué de son vivant. Une saga qui pourra sûrement plaire aux fans de ce style, mais aussi à ceux qui désirent une approche diamétralement différente de ce type d’histoire. On a vraiment hâte de voir comment va évoluer l’intrigue au vu de la conclusion de ce premier tome. Cependant, il y a aussi de nombreuses questions qui nous viennent à l’esprit en ayant assisté à cet acte introductif. Est-il encore possible pour notre zombie de laisser son humanité prendre le pas sur tout le reste ? Finira-t-il par accomplir son objectif ou être la victime d’un survivant désireux d’exprimer toute sa colère ? Va-t-il succomber à ses pulsions et devenir comme l’un de ses congénères ? Assisterons-nous à sa rencontre avec d’autres groupes de gens normaux ? On est en tout cas impatient de mettre la main sur la suite.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Les Affamés. Avez-vous été profondément intrigué par le parti-pris du mangaka concernant l’apocalypse zombie ? Trouvez-vous que le fait d’être du point de vue de ces cadavres ambulants est original et pertinent ? Est-ce que le récit a su vous proposer une expérience à la fois terrible et forte en émotions ? Wataru est-il un personnage que vous trouvez captivant à suivre dans sa manière d’évoluer au sein de ce monde ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
L’ambiance est terrible, les perso plus complexe qu’ils n’y paraissent au premier abord (trash). Le trait est stylé !
par contre, mon dieu que ce logo est moche… il fait tellement amateur… Akata ne nous a pas habitué à ça…