Sweet Home tome 1 : un reclus devant apprendre à survivre
On le sait depuis maintenant quelques temps, mais le webtoon a le vent en poupe. Se popularisant depuis de nombreuses années, il a aussi pris une place de plus en plus importante dans nos librairies. Aujourd’hui, on va s’attarder sur un autre titre de ce format qui a le droit à sa version reliée. Après Bâtard chez Ki-oon, l’éditeur enchaîne avec l’arrivée ce jeudi de Sweet Home. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est que cette série a déjà le droit à une forte notoriété. Avec une adaptation en drama sur Netflix, cette saga a su conquérir le cœur de nombreux fans. Pour notre part, on était intrigué de voir ce qui nous attendait tout au long de cette lecture n’ayant pas vu la série live. Un récit horrifique qui va prendre son temps pour poser une structure narrative efficace avant de nous plonger pleinement dans le cauchemar. Avec son protagoniste étant en opposition avec ce qui est normalement nécessaire pour survivre, on se lance dans une épopée terrifiante et macabre à souhait. Une virée en enfer où tenir ne tient qu’à un fil. Il est donc temps de prendre son courage à deux mains et d’entrer dans cet immeuble où tout commence.
Le refus du monde extérieur
Sweet Home, scénarisé par Carnby Kim et dessiné par Youngchan Hwang, nous fait suivre la vie de Hyeon-Su. Cet adolescent vit enfermé dans sa chambre et refuse tout contact avec le monde extérieur. Il n’accepte même pas de croiser le regard de sa propre famille pour laquelle il semble avoir une profonde rancœur. Ses journées se résument à être sur le Net pour jouer ou simplement passer le temps et attendre que sa mère lui apporte ses repas devant sa porte. Une triste routine, mais qui semble totalement convenir à ce garçon qui n’imagine même pas une seule seconde ressortir de son antre. Même quand ses parents et sa sœur s’apprêtent à partir en vacances, il dit clairement ne pas vouloir les rejoindre. Une famille qui semble brisée et sur le point d’imploser. Mais le véritable drame va venir peu de temps après leur départ. En effet, ils subissent un terrible accident de la route qui va mettre un terme à l’existence des trois membres de la famille. Seul Hyeon-Su survit en n’ayant préféré rester chez lui. Ce n’est que bien plus tard qu’il va recevoir un coup de fil lui annonçant la terrible nouvelle. Là où n’importe qui serait dévasté à une telle disparition, l’adolescent va avoir un tout autre comportement. Il sort pour assister aux funérailles et c’est devant l’autel qu’il finit par exprimer toute sa colère. Pour lui, il est inacceptable de l’avoir laissé seul avec aussi peu d’économies. Ne semblant avoir aucun remord à ses dires, il pense avant tout à son futur et à la manière de survivre devant les regards estomaqués et furieux des proches restants.
Il est forcé à déménager dans un vieil immeuble afin de faire tenir son maigre héritage le plus longtemps possible. A ses yeux, ses jours sont comptés et il pense surtout à profiter de ce temps qu’il lui reste pour s’enfermer un peu sur lui-même. Il se dit au pire qu’il mettra fin à ses jours dès l’instant où il n’aura plus le moindre argent pour subsister. Après tout, cela ne vaudra plus le coup selon lui d’exister. Mais une épreuve inimaginable va venir se dresser devant son souhaite de tranquillité. Sa voisine, qu’il a rencontrée à son arrivée, se met à tambouriner à sa porte. Se demandant bien ce qu’elle souhaite, il voit alors à la caméra qu’elle semble totalement défigurée. Comme si la colère avait totalement changé son visage. Ce n’était plus un être humain, mais bel et bien un monstre qui se trouvait de l’autre côté du palier. Si sa présence est déjà un très gros problème à gérer pour Hyeon-Su, le cauchemar ne fait que commencer. C’est tout le pays qui est victime de l’apparition de ses monstres anciennement humains. Une épidémie qui se propage à vitesse grand V et va pousser les quelques survivants à se barricader au sein de cet immeuble. Les créatures entourent la bâtisse et certains pourraient même avoir réussi à entrer. L’instinct de survie du jeune homme s’éveille alors face à une telle situation. Lui qui pensait il y a peu à mourir se retrouve déterminé à lutter pour sa propre protection, mais aussi pour conserver son humanité. L’heure est venue pour l’Humanité de lutter pour ne pas disparaître totalement de la carte.
Si le contexte de base de Sweet Home peut sembler assez classique dans un premier temps du fait de cette menace inconnue qui débarque d’un tout, ce premier tome va pourtant réussir à capter notre attention. Reposant sur plusieurs éléments pertinents, l’intrigue va autant nous faire vivre une angoisse terrible au sein d’un lieu clos tout en parvenant à amener diverses thématiques sur la table. On est le témoin silencieux de ce quotidien qui bascule progressivement dans l’effroi et l’on observe avec inquiétude le destin de ces gens qui ne savent pas encore la raison de tout ceci.
Une peur grandissante
Ce qui est toujours fascinant dans les récits horrifiques est la manière dont va être amené l’élément faisant basculer l’histoire dans la terreur. Sweet Home joue très bien là-dessus, car tout n’arrive pas d’un coup. On nous distille plusieurs petits éléments qui vont faire monter la crainte chez notre protagoniste ainsi que chez le lecteur. On sent et on sait qu’il y a quelque chose d’étrange en voyant les divers symptômes ou bien les changements de comportement de certaines personnes. Mais on ne nous met pas en contact direct avec la principale menace. Cela va avoir un double effet qui est, dans un premier temps, de faire naître la peur et de la cultiver au fil des pages. Les monstres ne sont pas tout de suite devant nos yeux et c’est un excellent choix scénaristique pour que l’on s’accroche à l’ouvrage jusqu’au moment où le couperet tombe. L’autre impact que va avoir une telle narration est que l’on va se mettre à douter de tout. Le moindre signe étrange fait sonner notre méfiance en nous demandant si tout ça ne va pas se retourner contre cet adolescent. Sans même nous en rendre compte, on est pris dans cette machine infernale qui fait que l’on devient suspicieux là où il n’y a pas forcément de mal. Le titre nous montre alors sa faculté à installer une ambiance qui se renforce au fil des cases et va même prendre beaucoup de temps avant que l’on soit réellement au contact de cette effroyable épidémie. Un autre aspect qui rend cette lecture aussi palpitante est cette part de mystère qui entoure ces créatures.
On a beau récolter quelques indices, on ignore tout de ce qui se cache derrière tout ça. Notre esprit va ainsi carburer à cent à l’heure pour imaginer de nombreux scénarios. Le manque d’informations devient un atout pour renforcer cette crainte de l’inconnu. L’être humain ne peut accepter ce qui va en dehors du cadre de sa logique et va naturellement se mettre à trembler face à cette menace. Un parti-pris qui démontre ici toute son efficacité et qui va parfaitement mettre en valeur tout ce que symbolise le personnage central. Il est un ermite ne voulant plus avoir de contact avec les autres et va même se voir mettre fin à ses jours. On est donc au contact d’un protagoniste loin d’être un héros et qui va justement prendre tout le chemin inverse. Tout est justement pensé pour que l’on ait une forme de mépris à son égard au vu de son comportement tout en ayant envie de savoir pourquoi il est dans cet état. C’est finalement au contact d’une possible mort qu’il va finalement retrouver une forme de goût à la vie. Un contraste qui représente très bien cette valeur de la vie humaine où notre instinct va tout faire pour nous pousser à survivre. Face à nous se tient un jeune homme qui n’a plus rien et qui est loin d’être un modèle d’héroïsme. Pourtant, c’est au cœur de cet enfer que l’on va entrevoir une petite lueur le concernant. Un chaos qui va le pousser à se dépasser pour simplement vivre un jour de plus. Il est maintenant le maître de son avenir et la peur qui grandit en lui est l’unique chose lui permettant d’avancer.
On peut dire que Sweet Home nous délivre un premier acte saisissant tant on est pris à la gorge tout au long de notre lecture. Ce qui est génial, c’est cette faculté du scénariste et du dessinateur à retranscrire une peur qui n’arrive pas d’un coup. Elle se construit au fil des pages jusqu’à atteindre ce point culminant où les frissons deviennent la norme. Une terreur qui est encore plus forte étant donné que l’on ne peut mettre une logique sur ce qui se passe pour le moment. Au même titre que notre protagoniste, on se retrouve enfermé dans ce lieu oppressant et suffoquant.
Sweet Home nous invite à rester à la maison
On a vraiment le droit, ces derniers temps, à d’excellents titres horrifiques qui apportent quelque chose d’intéressant à analyser. Sweet Home en fait clairement partie à travers ce premier volume qui ne nous plonge pas directement dans la catastrophe qui va frapper ce pays. L’auteur a voulu prendre le temps de nous présenter Hyeon-Su et que l’on ait un rapport très singulier avec lui. Un individu qui n’est pas un héros, mais juste un adolescent semblant grandement souffrir et qui a déversé sa haine de lui-même sur le monde entier. Au final, c’est une personne tout à fait ordinaire et qui a malheureusement choisi une existence tragique allant même jusqu’à détruire petit à petit son humanité. C’est aussi ça que nous raconte Sweet Home. Si l’on est impatient et terrifié de voir comment les gens vont lutter face à ces créatures, il s’agit surtout d’une opposition fascinante entre l’être humain et un monstre difforme qui n’a plus rien de ce qu’il était avant. L’humanité est ce qui sépare les survivants de leurs opposants et on est curieux de voir si cet adolescent va parvenir à conserver ce qui lui reste de celle-ci. C’est en tout cas une introduction prometteuse et qui laisse envisager des événements intéressants pour la suite de l’intrigue. En plus de ça, le dessin souligne très bien l’aspect claustrophobique de cet immeuble qui le devient encore plus dès l’instant où les premiers cris se font entendre. Une belle mise en bouche et qui compte bien nous faire encore frissonner.
On prend vraiment énormément de plaisir à découvrir toujours plus d’histoires imaginées pour nous donner des sueurs froides. C’est un genre qui peut regorger d’excellentes idées et qui mise aussi énormément sur tout ce qui touche à l’atmosphère et à un sentiment très humain qui n’est autre que la peur. On se laisse alors emporter par la vision de cet auteur pour qu’il puisse nous donner des frissons à travers le combat de son personnage. Sweet Home nous délivre un premier tome d’une redoutable efficacité et qui va resserrer son étreinte au fil des pages. Ce qui débute comme un drame familial se transforme alors en un combat incessant pour échapper à la vigilance de ces rôdeurs amateurs de chair humaine. Une série idéale pour les amateurs de frissons et ceux désirant une aventure horrifique jouant énormément sur sa narration et sa mise en scène. Maintenant, on ne peut s’empêcher d’avoir de multiples questions en tête pour le futur de la licence. Est-ce que Hyeon-Su va tenir face à tant de monstres ? Reste-t-il d’autres survivants en dehors de cet immeuble ? Qu’est-ce qui se cache derrière ces métamorphoses ? Est-il possible de vaincre ces créatures infernales ? Cet adolescent parviendra-t-il à ressortir plus grand de cette épopée funeste ? Changera-t-il de regard sur la vie et sa propre existence ? On a juste hâte de pouvoir mettre les mains sur le prochain tome.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis et votre ressenti sur ce premier volume de Sweet Home. Trouvez-vous que l’on a ici un récit qui sait habilement utiliser l’aspect anti-héros de son protagoniste pour nous conter une histoire prometteuse ? Est-ce que vous avez été happé par l’angoisse propre à ce lieu et aux monstres qui y résident ? Pensez-vous que les quelques survivants que l’on risque de croiser ont une chance de s’en sortir ? Croyez-vous que notre jeune reclu va finir par briser cette triste image que l’on peut avoir de lui ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
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