Rooster Fighter tome 1 : le salut de l’humanité est un coq
Dans le vaste monde du manga, il existe des ovnis. Des séries qui débarquent et qui semblent improbables tant leur pitch de départ nous emmène vers un délire que l’on n’aurait jamais cru possible. Le WTF est alors devenu un genre à part entière de ce médium et a su aussi montrer qu’il était tout à fait possible de faire une histoire inimaginable tout en captant l’attention du lectorat. Récemment, c’est du côté de chez Mangetsu que l’on a pu voir un titre de ce style faire son apparition. On se souvient encore de notre expression en entendant parler pour la première fois de cette série. Il s’agit bien sûr de Rooster Fighter – Coq de Baston, dont le premier volume est arrivé il y a seulement quelques jours. Rien qu’en lisant son nom, on imagine déjà tellement de choses concernant ce qui nous attend. C’est donc avec une certaine curiosité que l’on s’est penché sur cette nouvelle aventure dont le pari initial semble totalement absurde. Suivre ce coq fier et valeureux dans sa lutte contre des monstres imposants donne immédiatement à sourire, mais n’est-ce pas le but recherché ? Une épopée qui se veut avant tout fun et qui nous expose rapidement l’objectif de cette histoire. J’espère donc que vous êtes parés pour accompagner ce héros qui ne ressemble à aucun autre.
Le chef de la basse-cour
Rooster Fighter, imaginé par Shu Sakuratani, nous emmène au Japon. Ce pays semble paisible au premier abord alors que le commun des mortels vaque à ses occupations. Malheureusement, il arrive souvent que de grands malheurs fassent leur apparition. Prenant la forme des kijû, des monstres gigantesques assoiffés de sang, cette menace ne cesse de faire des ravages dans son sillage. Les morts sont innombrables à chaque assaut et les humains semblent totalement démunis devant un tel carnage. Mais ils ignorent que face à cette peur grandissante se confronte un être d’un nouveau genre. Une créature qui parcourt ces terres à la recherche de celui qui lui a tout enlevé. Sans même crier gare, il fait son entrée pour terrasser son opposant du moment avant de repartir comme si de rien n’était. Les témoignages sont légion concernant l’apparence de ce héros de l’ombre que personne ne semble pouvoir pleinement rencontrer. Certains disent qu’il déborde d’élégance, d’autre que son plumage resplendit dans le feu de l’action et des gens vont même jusqu’à dire qu’il aurait un bec capable de tout transpercer. Bec ? Plumage ? Ces mots provoquent bien plus l’incompréhension et l’hilarité devant ces propos qui semblent n’être que des élucubrations imaginées face à la peur de mourir. Malheureusement pour ces sceptiques, ces gens ne sont pas loin de la vérité. Cette description farfelue affiche beaucoup de vérités concernant ce vagabond rattaché à aucun foyer.
Cet être courageux, qui ne craint nullement de se frotter à ces démons imposants, n’est autre que Keiji, un coq dont le cri est capable de faire chavirer n’importe qui. Ce roi de la basse-cour n’a que faire des humains, mais ne peut rester passif quand il voit toute la souffrance engendrée par ses ennemis de toujours. Il est obligé de répondre à son sens du devoir et vole en un éclair à la rescousse de ces individus craintifs qui ne désirent qu’un sauveur pour les sortir de là. Personne n’aurait pu imaginer que leur salut viendrait d’un tel animal, mais peu importe, car face à l’adversité tous les moyens sont bons pour s’en sortir. Déterminé à éliminer tous les kijû se trouvant sur sa route, ce coq semble avoir un passif très fort avec eux. A chaque nouvelle victoire, la tristesse de ne pas trouver sa cible se renforce. Il veut pouvoir enfoncer ses serres dans la peau du monstre qui lui a arraché la prunelle de ses yeux. Il revoit encore les images de cette sombre soirée où les flammes les entouraient et un cri de détresse qui finit par être étouffé. Peu importe le temps qu’il lui faudra ou l’enfer qu’il devra parcourir, la flamme dans son regard ne faiblira pas. Sa soif de vengeance est bien trop forte et attention à ceux qui oseront se dresser sur sa route. Le roi est là et compte bien imposer son règne quitte à devoir voler dans les plumes de ses ennemis.
En seulement quelques lignes, Rooster Fighter nous promet un récit qui se veut totalement surréaliste autant dans son écriture que dans son aspect visuel. Une surenchère constante qui va justement être le cœur de cette histoire où la logique n’a pas de sens laissant avant tout la place à un pur défouloir. Se pencher sur cette saga c’est avant tout se lancer dans un périple qui se veut grisant par sa folie. Avec Keiji le coq, on fait la connaissance d’un protagoniste capable de tout et qui enchaîne des techniques explosives comme si de rien n’était. Une épopée qui montre que l’absurde est aussi une forme d’art.
Un titre exagérément savoureux
Un coq qui met à terre des ennemis cent fois plus grands que lui. En voilà une idée que l’on n’aurait jamais cru possible un jour voir apparaître dans nos librairies. Pourtant, c’est maintenant chose faite avec Rooster Fighter. Autant le dire tout de suite, on est clairement dans un récit WTF qui ne se prend pas du tout au sérieux. En effet, il ne faut que quelques secondes pour prendre pleinement conscience de là où on a mis les pieds. Voir Keiji, ce coq fier et puissant, se dresser devant nous et errer d’un lieu à l’autre à la recherche de sa proie amène un sentiment tout particulier chez le lecteur. Il y a bien sûr la stupeur de se demander ce que va bien pouvoir raconter cette œuvre dont le protagoniste est un tel animal. Mais rapidement, cette interrogation va laisser place à quelque chose de bien plus intéressant. Il s’agit d’un plaisir immédiat et direct qui va s’exprimer dès l’instant où la figure centrale de ce manga va lancer son assaut. On observe ces pages en se demandant ce que l’on est en train de voir avant de finalement laisser notre esprit suivre cette action digne des plus grands combats que l’on ait vu. En fait, voilà une œuvre qui étonne pour ensuite nous faire comprendre que son objectif n’est pas de nous faire réfléchir, mais simplement que l’on profite du show exagérément absurde que l’on nous présente. Rooster Fighter est une saga qui vit avant tout pour amuser le public et cela se ressent parfaitement tout au long des chapitres.
Sans même nous en rendre compte, on a juste une envie folle de voir ce coq mettre à terre tous ces adversaires qui se dressent devant lui. Une forme de catharsis de voir un animal aussi peu présent dans la culture populaire qu’un coq se transformer en un guerrier que rien ne semble pouvoir arrêter. Tout ce premier tome est une succession de confrontations dignes de David contre Goliath où le premier balance des attaques improbables faisant voler en éclats son opposant. Le récit est fun et cela s’exprime autant par l’action, la mise en scène que la construction narrative du récit. On enchaîne ainsi gags, duels dantesques et inspirations pour le plus grand plaisir du spectateur qui se laisse prendre au jeu de ce scénario décalé. Là encore, on touche à un autre élément qui a son importance dans ce premier volume. Il s’agit des nombreuses références qui sont présentes tout au long de notre exploration et qui font partie intégrante de l’identité du manga. A travers eux, on sent le désir du mangaka de parodier des sagas bien connues de ce médium, mais aussi d’offrir un hommage à sa manière. D’ailleurs, on peut aussi entrevoir très fortement des scènes qui s’inspirent d’autres domaines tel que le cinéma et qui viennent ajouter encore plus de folie à cette épopée. Ce coq de baston est là pour façonner sa propre quête tout en désirant rendre honneur à toutes ces histoires qui ont pu enrichir la culture populaire. Que ce soient SNK, Dragon Ball, les films de samouraï ou de monstres géants ainsi que des codes du western, il y a tellement de petites choses à décortiquer au sein de chaque page. Un titre décomplexé qui est idéal pour se changer les idées.
Ce premier volume de Rooster Fighter est totalement à l’image de ce que l’on pouvait s’attendre de lui après avoir lu le synopsis. Un manga WTF qui joue à fond la carte de l’autodérision et de la parodie pour nous offrir une aventure sortant des sentiers battus. Un spectacle visuel remarquable qui ne cherche qu’à nous amuser et c’est un pari réussi. On a presque un affect qui se dessine pour ce héros à plumes qui vient de naître devant nous et qui n’hésite pas à faire face aux pires situations. Une épopée improbable qui s’approprie avec talent les codes d’autres genres.
Rooster Fighter picore ses adversaires
Il est évident que Rooster Fighter se présente comme un immense délire où le mangaka s’en est donné à coeur joie pour aller le plus loin dans son idée. De ce fait, si l’on peut se poser la question des qualités et défauts d’un tel titre, il faut surtout réfléchir à une chose. Est-ce que j’adhère à cette idée farfelue où un coq se bastonne contre des monstres gigantesques ? Voilà la véritable interrogation qui va faire que l’on apprécie ou non cette licence. En effet, si l’on prend du plaisir à suivre cette épopée surréaliste, alors on va tout bonnement s’éclater à voir ce héros si singulier lutter dans des affrontements dantesques. L’auteur fait un travail remarquable pour justement creuser à fond son postulat de départ pour que l’on soit dans l’exagération la plus totale. Il n’est pas question ici d’avoir un scénario qui nous retourne le cerveau, mais un divertissement spectaculaire idéal pour se changer les idées et sourire devant l’imaginaire de cet individu. C’est vrai que l’on pourrait se demander comment une telle idée pourrait fonctionner étant donné que c’est inimaginable. Mais c’est justement le fait qu’il ne s’arrête jamais d’approfondir ce délire qui rend ce premier tome aussi plaisant à lire. On a envie de savoir jusqu’où peut bien aller la créativité de ce mangaka pour parodier ce genre, mais aussi donner vie à une histoire semblant farfelue et qui arrive pourtant à accrocher notre regard. Un show qui nous en met plein les yeux et nous montre que l’on peut tout à fait capter l’attention du public même avec un scénario aussi déjanté.
Ce que l’on retient avant tout de notre expérience de Rooster Fighter est l’impressionnant dynamisme qui se dégage de chaque case. Un trait puissant qui retranscrit à merveille toute la force de ce coq et la taille démesurée de ses opposants. Un titre qui est avant tout là pour nous dérouter à travers le périple de cet animal pour mieux nous surprendre ensuite par le côté épique qui rythme l’ensemble de ce premier volume. Comme dit précédemment, ce manga peut autant être une expérience littéraire qui vous fascine que vous laissez de marbre. Tout dépend si vous êtes réceptif ou non au fait qu’un coq puisse devenir un héros badass capable de mettre à terre des créatures qui font la taille de gratte-ciel. En fait, quand j’ai lu cette introduction, j’ai retrouvé un peu ce sentiment particulier que j’avais après la lecture de Gon. Une épopée différente de ce que l’on connaît, portée par de sublimes dessins, et qui ne fait fi d’aucune règle pour construire son univers. On ne le dira jamais assez, mais le manga est un formidable terrain de jeu pour tous ces artistes qui peuvent écrire des projets d’une écriture remarquable ainsi que des œuvres surréalistes. C’est la beauté de ce médium qui affiche une diversité incroyable. On conclura cette chronique par nos fameuses questions qui nous trottent en tête suite à cette lecture. Est-ce que le récit de Keiji va réussir à conserver cette force qu’il a dans ce premier volume ? Ce parti-pris va-t-il perdurer ou s’essouffler ? Est-ce qu’il connaîtra la défaite pendant son long et périlleux voyage ? On est, en tout cas, très curieux de voir ce que cela donnera.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant ce premier volume de Rooster Fighter. Pensez-vous que l’idée de ce coq se battant comme un diable contre ces monstres peut durer dans le temps ? Trouvez-vous que le titre parvient habilement à utiliser le côté WTF et épique de ses combats pour donner un résultat divertissant ? Est-ce que vous trouvez que l’auteur a su apporter une identité à son œuvre et qui donne envie d’y revenir par la suite ? Avez-vous été séduit par la force qui se dégage de toutes ces planches ? Qu’attendez-vous pour la suite de la licence ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.