Boss Rénoma tome 1 & 2 : la naissance d’une légende
Il y a des noms dans le manga qui résonnent toujours en nous. On a tous des artistes qui nous parlent profondément à travers leurs histoires, mais aussi leur style. C’est pour ça que quand une nouvelle œuvre d’un auteur que l’on apprécie fait son apparition, on a envie de se jeter dessus afin de voir ce qu’il peut nous proposer. Aujourd’hui, on va aborder une telle série provenant de la main de Shinobu Seguchi. Vous l’aurez compris, on va parler de Boss Rénoma, spin-off de Prisonnier Riku, dont les deux tomes sont sortis il y a quelques jours chez Akata. On a donc le droit à l’ensemble de cette histoire annexe qui va s’attarder sur le passé de certains personnages bien connus de la licence phare du mangaka. Mais la question que l’on peut se demander est de savoir si cette courte épopée peut se montrer intéressante autant dans le lore déjà créé que de manière individuelle. Il ne faut alors pas longtemps pour comprendre à quel point ces deux tomes arrivent à nous mettre une claque monumentale autant sur le plan visuel que sur l’histoire proposée. Il est donc venu de retourner au sein de cette prison où la loi du plus fort règne.
Le prisonnier ultime
Boss Rénoma, imaginé par Shinobu Seguchi, nous conduit au cœur de l’île du Paradis. Si ce nom peut faire croire à un lieu où le bonheur est omniprésent, c’est tout le contraire. Il s’agit d’une prison regroupant les nombreux criminels arrêtés qui doivent ensuite travailler entre ces murs le temps de leur peine. Le dernier venu s’avère être un jeune garçon particulièrement enclin à se battre et peu respectueux des règles de cet endroit. Répondant au nom de Rénoma, il était le chef de la seconde plus grande bande de la région. Avec pas moins de six mille personnes sous ses ordres, il était un chef respecté qui se laissa capturer pour que les siens ne soient pas victimes des forces de l’ordre. Un sacrifice qu’il a accepté de prendre sans la moindre hésitation. Après tout, il ne compte pas se laisser faire même entouré des pires malfrats qui soient et de gardiens qui pensent avant tout à leur petite personne. Dès son entrée au Paradis, il met les choses au clair devant tous ses codétenus. Son objectif n’est ni plus ni moins que de prendre le pouvoir au sein de la 27e menuiserie. Si personne ne croit en lui au vu de son statut d’enfant, les autres prisonniers sont surtout terrifiés à l’idée de voir le boss actuel de la zone prendre des mesures contre eux. Ce dernier répond au nom de Zeze et est bien décidé à conserver son rôle de leader. Si Rénoma fait preuve d’une force incroyable, son adversaire est tout autant redoutable que lui.
En plus de ça, il semble vouloir refuser toute confrontation directe avec ce nouveau prétendant au titre. Il est même prêt à faire appel à ses sbires pour s’occuper des basses besognes plutôt que de se salir les mains lui-même. Face à un tel opposant, Rénoma ne peut avoir que du dégoût. Lui qui s’est battu toute sa vie de ses propres mains ne peut tolérer de voir un être se cachant derrière les autres lui être supérieur. Mais comment faire pour l’atteindre ? La solution pourrait bien se trouver vers les autres prisonniers. Alors qu’il n’a pas l’habitude de se fier aux autres, il va devoir surpasser ça pour concevoir un stratagème lui permettant d’atteindre son but. C’est un véritable petit démon qui vient de faire son entrée sur cette île et il pourrait bien chambouler à tout jamais la hiérarchie de ce lieu. Il existe bien des façons de combattre et cela ne passe pas forcément par les poings. Renseignements, chantages et dettes sont autant de moyens d’atteindre un but précis surtout quand on évolue dans un environnement aussi hostile. Voici le récit contant ce conflit qui opposa deux camps au sein de la 27e menuiserie. La force est nécessaire pour se hisser au sommet, mais il faut aussi autre chose pour conserver ce trône. L’heure n’est plus à la parole, mais aux actes et Rénoma est passé maître en la matière. Cette petite teigne est loin de n’être qu’une brute sans cervelle. Le diable et le géant se préparent à un face-à-face dantesque.
Concernant Boss Rénoma, il s’agit bien sûr d’un prequel à Prisonnier Riku permettant de mieux comprendre le passé de ces prisonniers que l’on a pu connaître dans cette dernière série. Ainsi, on retrouve des figures bien connues, mais sous un angle différent et surtout qui va grandement servir à renforcer l’écriture de ces personnages déjà remarquables. Un spin-off en deux volumes qui va tout d’abord briller par la mise en place de cette lutte constante pour la suprématie de ce groupe de criminels.
Un combat éternel
Ce qui fait en premier la force de Boss Rénoma est la manière dont l’auteur nous conte cette lutte pour le pouvoir. On a beau être plongé dans un milieu carcéral, cela n’empêche pas d’avoir notre dose d’action. Au contraire, ce terrain est propice aux règlements de compte et aux luttes intestines pour se hisser au sommet. Là où le titre fonctionne très bien, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de faire appel à la force brute. On se rend rapidement compte que ce n’est pas la solution idéale pour réussir cet objectif. Notre protagoniste a beau être un véritable petit diable, il sait aussi faire preuve de tempérance quand cela est nécessaire. L’écriture de Rénoma se fait de manière progressive et transforme petit à petit ce combattant hors pair afin de montrer le leader qu’il est. Un individu qui aime se jeter dans la mêlée, mais qui peut aussi faire preuve d’une ingéniosité afin d’atteindre sa cible. On voit ainsi l’importance de l’information et des renseignements à l’égard de ses adversaires. Cela amène ce court récit dans une dimension beaucoup plus grande où l’affrontement se passe autant entre et en dehors de ces murs. Ce spin-off parvient à créer une tension incroyable autour de ce but alors que cela n’est au final peu de choses en comparaison de la peine qu’ils vont devoir purger. Tout ceci est pensé dans l’unique but de changer l’atmosphère des lieux et peut-être rendre ce long calvaire un peu moins éprouvant.
Ce qui se présente donc comme une épreuve de force au départ affiche en réalité des enjeux bien plus grands. En plus de ça, voir toutes ces têtes bien connues de l’univers de Prisonnier Riku, mais sous un angle différent est fort plaisant. Cela ne fait qu’enrichir l’écriture de personnages déjà fascinants. De même, on se retrouve totalement subjugué par ce bras de fer qui s’opère entre les différents camps. Chacun tente au mieux de s’imposer et seul un vainqueur peut ressortir du lot. Pourtant, cela n’empêche pas les perdants de marquer les esprits et de nous donner envie d’en voir plus. Même une brève apparition d’un détenu peut avoir suffisamment d’impact pour que l’on soit happé par son action. On pourrait comparer l’île du Paradis à une immense fosse aux lions où le plus puissant finit par diriger les autres. Pourtant, on voit aussi que c’est surtout une des seules choses qui reste à ses prisonniers pour se sentir vivant. Se battre entre eux est une forme d’exutoire pour ne jamais oublier d’où ils viennent et ce qui les attend à l’extérieur. Un moyen de survivre en attendant le jour où ils pourront sortir de cet enfer. Il n’y a qu’à voir Rénoma pour cerner ça et le fait que se battre est pour lui son unique solution pour montrer sa résistance à l’égard de ce système et imposer sa vision des choses. S’il doit faire avec les gardiens qui agissent comme des tyrans et sont, pour la plupart, corruptibles, c’est face aux autres pensionnaires qu’il peut vraiment redevenir celui qu’il était avant.
Si l’histoire de cette prise de pouvoir dans Boss Rénoma est captivante, c’est aussi pour une autre raison très importante. Il ne s’agit ni plus ni moins que du talent de l’auteur pour nous délivrer une histoire qui va au-delà du simple aspect de l’action. Derrière cette lutte s’expriment les rêves brisés de nombreuses personnes, mais aussi une forme de camaraderie et d’attachement propre à ce lieu où l’espoir ne semble plus permis. Le tour de force du mangaka est justement de nous faire voir qui sont ces gens en dehors de cette étiquette de criminels. Des individus qui sont bien plus complexes qu’il n’y paraît.
Tout l’art de l’auteur
Ce qui est aussi important à noter concernant Boss Rénoma est qu’il offre une très bonne présentation du style du mangaka. Shinobu Seguchi est un artiste accompli et remarquable qui arrive autant à proposer un récit puissant à travers les dessins que particulièrement fort dans l’ensemble de son écriture. Ce spin-off ne fait pas exception même s’il est bien plus court que la série d’origine. En fait, on pourrait même qualifier ce manga d’excellente porte ouverte vers ce qui fait le charme des œuvres de l’auteur. On y retrouve sa faculté à donner vie à des combats spectaculaires. Des affrontements où l’on ressent pleinement chaque coup et peu importe que ce soit une petite rixe ou bien une confrontation au sommet. Rien n’est mis de côté et cela sert à glorifier ces individus qui se battent pour exister. Là encore, le mangaka fait preuve d’un talent fou pour concevoir des figures qui nous marquent. Comme on l’a dit un peu plus haut, on évolue dans un milieu carcéral qui n’a absolument rien de réjouissant. On est au contact d’individus ayant commis des crimes et qui doivent maintenant en payer le prix. Pourtant, Seguchi parvient à nous faire voir ce qu’il y au-delà de cette étiquette de condamné. En seulement quelques cases, il arrive à donner un passé pertinent à tous ses acteurs et à les rendre bien plus humains. C’est aussi ce qui fait que l’on s’attache autant à eux.
Ils ont beau passer le plus clair de leur temps à se mettre sur la tronche, ils arrivent pourtant à nous offrir des moments touchants. Des instants où une forme de fraternité existe même si Rénoma n’est pas du genre à montrer son affection. Il établit un respect mutuel entre les différents protagonistes de son œuvre et cela fait que l’on a encore plus envie de les suivre. D’ailleurs, cet artiste est aussi parvenu à créer un spin-off qui peut autant s’apprécier comme il est que se présenter comme un remarquable complément à sa série principale. On peut déceler de nombreuses références, clins d’œil ou éléments qui résonnent différemment pour ceux ayant lu Prisonnier Riku. Mais en dehors de ça, Boss Rénoma est aussi une série qui peut être découverte sans avoir une connaissance approfondie de cet univers. Les enjeux sont rapidement plantés et l’on se laisse facilement emporter par ce quotidien mouvementé au sein de la 27e menuiserie. Une aventure à part qui peut aussi donner l’envie d’en apprendre plus le matériau à l’origine de cette histoire. En plus de ça, cette escapade apporte un passé qui enrichit non pas un personnage, mais bel et bien l’ensemble des pensionnaires de cet endroit. Il arrive à créer une intrigue qui trouve rapidement sa conclusion, mais sans pour autant refermer toutes les portes. Il laisse un rayon de lumière qui attire notre attention vers cet avenir qui amènera Rénoma et ses comparses à faire la connaissance d’un autre individu qui va profondément marquer leur existence.
Avec Boss Rénoma, on touche à une partie de ce qui fait toute la beauté du style de l’auteur. Un récit qui n’est pas uniquement tourné autour de la baston ou de la prise de pouvoir. Il s’agit avant tout de présenter ici le combat incessant de ces détenus pour ne pas succomber au désespoir dans ce lieu qui leur arrache tout. Une aventure qui nous donne un bel aperçu de ce qui fait la force de cet univers et peut donner envie à n’importe qui de découvrir la série à l’origine de tout ça. Une magnifique mise en avant du passé de ces personnages qui ont rapidement fait battre notre cœur.
Boss Rénoma se hisse au sommet
Avec Boss Rénoma, on a pu retrouver tout ce qui fait le charme du style de Shinobu Seguchi. Un récit qui se termine en même temps qu’il débute et qui a suffisamment de choses à nous présenter pour que l’on soit happé par l’existence de ces prisonniers. Il est parvenu à créer un retour dans le passé qui peut être savourer par n’importe qui. Peu importe que vous ayez lu ou non Prisonnier Riku, ce spin-off peut autant se satisfaire à lui-même qu’être un merveilleux complément aux fans de la licence. Quand on se lance dans ce récit annexe, on découvre des individus qui s’inscrivent rapidement dans notre esprit comme des monstres de charisme. En plus de ça, on pourrait croire qu’il serait compliqué de développer des personnages en seulement deux actes et pourtant c’est parfaitement réussi ici. En fait, le mangaka nous montre surtout une première image de ce chef de gang qui va rapidement s’effacer pour montrer que sa personnalité est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Le combat d’un jeune garçon pour ne pas perdre espoir et rester fidèle à ce qu’il a toujours été. Un pur bonheur que de découvrir ce petit morceau de fresque qui peut autant s’incruster dans l’immense tableau qu’est cet univers ou être pris de côté pour être apprécié sur l’instant présent. Ce divertissement se veut de haute volée et nous a autant séduit qu’il a fait ressurgir de nombreux souvenirs.
Ce fut donc un réel plaisir que de replonger dans ce monde aussi sinistre que captivant à travers Boss Rénoma. Une très belle occasion de se pencher sur cet univers et qui n’a pas besoin d’être lu après Prisonnier Riku pour être pleinement apprécié. Au contraire, ce spin-off peut aussi se présenter comme une excellente manière de donner envie aux gens de continuer l’aventure avec la série principale. Même en dehors de ça, ces deux volumes font preuve d’énormément de qualités, autant visuelles que scénaristiques, pour que l’on soit emporté dans le combat de ce garçon. Une saga qui plaira aux fans de Seguchi et à ceux qui ont envie de se plonger dans une épopée où la loi du plus fort règne. Voilà un périple qui cache bien son jeu et qui peut autant être palpitant qu’émouvant par rapport à la destinée de ces quelques détenus qui ne sont pas prêts de retourner chez eux. Bien évidemment, on ne peut évoquer de questions éventuelles ici étant donné que l’on a déjà tout ce qu’il faut entre les mains. Mais cela ne doit pas nous empêcher de laisser notre imagination prendre le relais. De voir ce qui a bien pu se passer entre les deux séries. La fiction est aussi un moyen pour nous d’écrire un pan de cette histoire dans notre tête. Maintenant que cette lecture est finie, on risque fortement de faire une petite relecture de Prisonnier Riku.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant le spin-off Boss Rénoma. Avez-vous retrouvé cette ambiance qui faisait l’une des forces de la série principale ? Est-ce que vous avez eu une forme de nostalgie en voyant tous ces visages bien connus de Prisonnier Riku ? Trouvez-vous que ce court manga peut totalement être apprécié sans être au préalable familier avec cet univers ? Avez-vous ressenti une forme d’attachement pour tous ces personnages qui luttent afin de prendre l’ascendant au sein de cette prison ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet et de cette formidable licence.