Le Molosse : un recueil angoissant
Les collections de certains éditeurs peuvent receler bien des pépites. L’occasion de découvrir des titres autour d’un thème commun qui vont ainsi approfondir et montrer la diversité qu’il peut y avoir autour de celui-ci. Parmi ces catégories, il y en a une qui nous a grandement séduite depuis son lancement. Il s’agit des Chefs-d’œuvre de Lovecraft chez Ki-oon. Présentant les diverses adaptations de ce grand écrivain par Gou Tanabe, on a été bluffé à de nombreuses reprises par la manière dont ce mangaka arrivait à retranscrire toute la folie des œuvres originelles. Ce n’est donc pas pour rien que toute nouvelle sortie dans cette collection arrive à susciter notre intérêt tant on a déjà pu être conquis par ce que l’on a lu précédemment. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on va aborder Le Molosse, dernier ouvrage en date faisant partie de cette sélection, et qui est assez différent des autres titres découlant des nouvelles de ce maître de l’horreur. Se présentant comme un recueil de trois histoires, on va donc s’attarder sur chacune d’entre elles afin de voir ce qu’il en ressort et surtout à quel point un récit peut être intense même quand il ne fait que peu de pages. L’heure est donc venue de replonger dans l’effroi !
Le Temple
La première œuvre que l’on peut découvrir dans ce recueil nous plonge au sein de l’équipage d’un sous-marin allemand. Cherchant à retourner chez eux, d’étranges événements vont avoir lieu et plonger petit à petit tous les membres de cette unité dans un désespoir sans nom. Ce qui est très fort avec cette nouvelle, c’est que l’on a le droit à une horreur qui progresse au fil des pages. Nous ne sommes pas directement en contact même avec l’effroi ou des entités surnaturelles. Au milieu de tous les ouvrages de Lovecraft qui savent jouer habilement sur cet aspect, Le Temple accentue encore plus ce sentiment d’avancer vers une destinée sombre dont il est impossible de se défaire. Ce sentiment d’être isolé est appuyé par le fait que l’on évolue dans un environnement très réduit. Cette carcasse d’acier qui avance sans but dans ces eaux sombres se présente tout bonnement comme un cercueil qui empêche ces soldats de pouvoir s’échapper. D’ailleurs, il est aussi bien pensé d’avoir joué sur ce côté militaire pour renforcer cette dualité entre la panique qui s’installe et ceux qui tentent de tout faire rentrer dans l’ordre. Comme souvent dans les titres de cet auteur, la peur vient du fait que l’on est inéluctablement attiré vers quelque chose qui nous dépasse. Une crainte qui n’est pas de ce monde et qui dépasse toute logique. C’est exactement le cas ici avec justement cette structure militaire qui se veut impitoyable et surtout obéissante face à une menace qui n’est pas palpable. L’ordre est présenté comme inefficace face à cette malédiction qui plane sur ce sous-marin et qui finit par emporter tous ceux qui ont le malheur d’être pris dans ses filets. A l’image d’une sirène qui entraîne les pauvres marins dans les abysses par le chant, ici c’est l’avidité d’un homme qui amène tout un groupe à sombrer.
C’est donc un très grand oui pour cette première histoire qui a su, en seulement quelques pages, poser une ambiance dont il est impossible de s’en défaire. Tout est parfaitement mis en place pour que la sécurité des premières cases s’effrite pour qu’un mal terrible s’infiltre chez cet équipage. De plus, il y a une excellente utilisation de la claustrophobie dans cette première partie qui va renforcer ce sentiment d’étouffement. Un poids qui nous fait comprendre l’envie de certains de quitter cet endroit même si cela signifie d’être emporté par les fonds marins. D’ailleurs, le silence est aussi une composante essentielle de cette histoire. On voit à quel point celle-ci peut renforcer un sentiment d’angoisse et de détresse chez celui qui se retrouve seul. La peur qu’un danger surgisse à tout instant nous assaille en plus d’être oppressé par cette absence totale de réponse. Cela nous amène à découvrir un court récit qui n’a absolument rien à envier aux autres grandes sagas de ce maître de la littérature horrifique.
Le Molosse
La deuxième épopée que l’on va vivre dans ce recueil est celle qui a donné son nom à cet ouvrage. En tant que principale histoire de cette lecture, on était très curieux de voir ce qu’elle pourrait nous apporter. On y suit deux pilleurs de tombes qui décident de partir pour une nouvelle chasse aux trésors, mais qui va rapidement les conduire à vivre un terrible cauchemar. Ce qui est tout d’abord important à noter, c’est que l’on a devant nous des gens qui nous sont tout de suite présentés comme des criminels. Là où on a souvent l’habitude d’avoir pour protagoniste des chercheurs, hommes de science ou bien individus prônant avant tout la logique, cette fois on se tourne dans une toute autre direction. Un parti-pris intéressant qui va permettre de prendre assez de recul par rapport à ce que vont vivre ces personnages dont l’avidité va les conduire devant un être infernal. D’ailleurs, il est important de noter l’excellent travail qui est fait autour de ce fameux chien qui va traquer tous ceux qui osent mettre les mains sur le trésor se trouvant dans cette tombe. A aucun moment on ne pose les yeux sur ce dernier. Tout est une question de suggestion et il suffit de poser les yeux sur les traces de pas de ce monstre ou bien sur les blessures de ses victimes pour sentir la peur nous assaillir. Si le fait de voir directement peut être source de terreur, faire face à une menace dont on ne sait pas réellement à quoi elle ressemble nous met dans une situation encore plus oppressante. L’ignorance est encore une fois une précieuse arme dans les mains de l’auteur pour happer le lecteur tout en le faisant craindre son environnement dès lors que la nuit tombe.
Mais comme on l’a dit précédemment, il n’est pas tant question ici d’une créature pouvant frapper n’importe qui. En réalité, celle-ci représente un gardien et un faucheur pour tous ceux qui osent commettre l’irréparable en volant ce qui ne leur appartient pas. Un courroux dont la nature est inconnue, mais qui poursuit inlassablement ses proies jusqu’à ce qu’elles tombent entre ses griffes ou bien qu’elles ne supportent plus cette traque. On a donc une forme de détachement qui s’opère concernant le destin de ces jeunes gens et toute cette histoire se présente avant tout comme un immense avertissement. Au même titre que le croque-mitaine venant s’occuper des mauvaises âmes, le molosse attend dans l’obscurité celui qui osera de nouveau profaner son trésor. Dès lors, il est impossible d’échapper à ce funeste avenir qu’il offre. Fuir ne fait que retarder l’inévitable et c’est envie de se débattre malgré l’avancée progressive de ce monstre qui rend cette seconde nouvelle aussi prenante.
La Cité sans nom
La dernière histoire de cet ouvrage nous emmène en compagnie d’un voyageur désireux de lever le voile sur la fameuse “Cité sans nom”. Un explorateur qui va être guidé par le fameux Necronomicon et finalement faire face à une civilisation dépassant la compréhension humaine. Ce dernier récit est sans doute celui qui m’a semblé le plus court tant on est avant tout sur du visuel et du ressenti. Cela donne lieu à un contact assez étrange avec cette nouvelle où le lecteur est finalement très rapidement plongé dans l’angoisse de ces vestiges. Ce qui est important à noter dans cette dernière partie du manga, c’est surtout la manière dont la peur va s’exprimer. Même en étant au cœur de cette incroyable cité, l’émerveillement et la curiosité prennent le pas sur tout le reste. Là où les deux précédentes intrigues nous plongeaient directement dans cette oppression constante, celle-ci veut justement opposer notre vigilance à une envie d’explorer qui fait tomber toutes les barrières que l’on peut se mettre. C’est ainsi que, malgré cette petite voix dans la tête qui nous dit de rebrousser chemin, l’on va continuer. Le moment fatidique arrive alors et tout ce que l’on pouvait éprouver jusqu’ici disparaît pour laisser place à une crainte bien réelle. On entre en collision avec une menace qui est bien plus impressionnante qu’on pouvait le croire. Ainsi, La Cité sans nom utilise avec brio cette peur de ce que l’on ne peut comprendre pour rendre ce passage aussi marquant. Une excellente narration et mise en scène qui vont justement sublimer cette transition et nous faire refermer cet ouvrage sur un sentiment fort et éprouvant face à ces êtres qui n’ont rien d’humains.
Finalement, l’exercice des courtes nouvelles est plus que réussi dans Le Molosse. Trois histoires qui ont toutes un élément différent rendant leur expérience haletante. Si bien sûr on retrouve énormément de détails propres à tout ce qui a influencé le style de Lovecraft, il est fantastique de voir à quel point il est parvenu à offrir une diversité incroyable à travers des thèmes similaires. Gou Tanabe a parfaitement su capter ça et retranscrire cette approche de l’horreur à travers son trait fabuleux et la retranscription de ces ambiances macabres. N’hésitez pas à partager dans les commentaires votre propre avis ainsi que votre ressenti concernant Le Molosse. Trouvez-vous que cette collection recèle énormément de petites pépites ? Avez-vous été séduite par ces trois histoires ? Quelle a été votre nouvelle préférée au sein de ce recueil ? On reste à votre disposition pour échanger, discuter et débattre autour de ce sujet.
Encore une belle édition pour cette série d’adaptation des « horreurs » de Lovecraft par Tanabe.
Les histoires sont prenantes, mention spéciale au Molosse, qui insuffle une noirceur malsaine.
Les 2 autres sont plus copurtes, mais nous transporte ailleurs de manière assez rapide, là aussi, tout en dégageant une belle tension.
Mon seul gros reproche, « Le Temple » a été écrit dans les années 20, et le mangaka Go Tanabe a choisi de représenter des sous-marins du 3eme Reich, donc Nazis, alors qu’en 1925 Hitler était encore en prison et loin de son accession au Pouvoir.